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Full text of "Mémorial de Sainte-Hélène, ou, Journal où se trouve consigné, jour par jour, ce qu'a dit et fait ..."

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1 



MÉMORIAL 



DE 



SAINTE-HÉLÈNE. 



) 



I ▼= 



. V 



A PARIS» DE l'imprimerie DE LEBEGUE* 



MÉMORIAL 



DE 



SAINTE-HÉLÈNE, 



OU 



JOURNAL ou SE TROUVE G0KSI6NÉ , JOUR 9AR 

JOUR, CE qu'a dit et PAIT NAPOLEON 
DURANT DIX-HUIT MOIS; 

Par le coMi'E de LAS CASES. 
TOME TROISIÈME. 




PARIS: 

L'AUTEUR, RtJE DU Bac, n° 53} 

Tous LES Libraires de Frange et de l'Etranoer. 



1823. 



I- ' 



( 



r 



TABLE 



DES SOMMAIRES DU TROISIÈME VOLUME. 



p«g«W 

Description de l'appartement de TEmperear. ^- Détail» 
mînotieax de sa toilette. •— Son costume. '— Bmîts ridi- 
oules, absurdités snr sa personne,*— Complot de Georges. 
— • De Céracliî. — ^ Attentat du lanais(|ue de Sohœnbf un. 9 
Pftrtis h prendre après Waterloo. 95 

Traits oaractérisiiqacs sur Napoléon. S7 

P^i tique. — Eut deTEurope* — Ascendant irrésistible des 

idées libérales. . 4^ 

Opinion de l'Empereur sur plusieurs personnages connus. ■ 
— « P0B8O di BorgOé •-* Metternich. — Bassano. — Gburke. 
Cambaeérés. — Lebrun. — Fouché , etc. 4^ 

Papiers d^fiorope. --> Pblilique. 56 

Arrivée du GfOUTernenr. 58 

Progrés de l'Empereur dans son anglais. 5^ 

Preniière TÎsite du Goarerncnr. -** Déclaration esigée de 

nous. 6» 

CkmTersetion caractéristique. — Retour de Tlle d^be prém 
dès Fontainebleau. •— Introduction du GeuTemeur» — - 
Mortification de TAniisaL -* Nos grie& contre lui. — 
Signalement de sirHudson Lowe. 63 

CoDTentioo jes Souverains sur Napoléon , etc. — Paroles 

remarquables. 76 

Déclaration exigée de nous. . 81 

Visite d^adieu de raftcien Gouverneur* -^ Coarersallon 

remarquable. — Sullie d'un vieux soldat anglais. 83 

Afessage de PEmpereur au Prince Régent. — Paroles carac- 
téristiques. — Pôrttfeuiljie p^du 4 Wat^loo. «- Sur les 



TABLE* 

pagciî 



ambassadeurs. — M. de Narbonnc. — Après Mosoow, 
l'Empereur sur le point d'être arrêté en Allemagne. — 
CompiedetoUatte^FEmpercdr. — Budjet d'un ménage 
dans les capitales de TEnrope. — Dispute pour Tameuble- 
menl de la me de la Victoire. — Ameublement des palais 
impériaux. — Moyen de vérification de Napoléon. 90 

Le G^v«xneor vMÎte ma c^antbrti •- Criiir]iie du Mahomet 
de W^Ulvm. -^J^u Mahomet dèl'liistxiîré. -^<îr&ry. iroi 

Ma vktie 4 PfantaiioiL- Hoase. — iaaianation. — Préaiièré 
mécJia»e«té du Go«.i«niciir. — Pfcockinattons de Wapo- 
-léon.— Sa politique en Egypu» »— A^FOii d>a(te illégal. wô^ 

^emiére insulte. — Première barbarie- du 'QovtetûêUt. -*i 
Trabs canotsristiqaiat. "tis 

Abbé de Pradi. — Son ambassade à Varsovie. -^ (ÎQérrd 
de ftwaîe, aon lon^ffoe. ' . - ^^^ 

L'£n>p«Mur sonSneaL — Ft«mi«r jÔ1u:iioCDmpIette'réctil-' 
sion — Ambassadeoctf Persiui et'Tiire« — Aflecdotes/* i3a 

Jlcuxiéme jour de réclusion. -— iJEuntpèrékT reçoit le 6oa-> 
verneur dans sa chambre. — GonversalkMHr earact^isticpic. i4i 

Bataille de Castiglîone. 1 5i 

Ici ttoB Cmui çéogtaf^qiM pour i^inti^IKgvace é^B cAupîtrec, 

à^ campagnes d'Italie insérées dans le Mémorial *, 

Bataille «l'Arcole. ^ . iBi 

Bataille dbJlWQli* ; ! ai2 

Trc^mo joiirid«.r<dii9ÎOB, -^fieaii aiénito£ dé rhisioii^e de 
TEmpereur. ' . ' 513^ 

Quatrième jour Â9 Téolttèran absotoe. — ^ Le Môniteurr ftf oira- 
ble à TEmperenr, etc< ' ^i 

Cinquième jonr de réclusion. 34S 

Sixième jW 4e t^cfaisioii. '245 

■ ■ ■ ■ •■ ■ * ■■■■■Il ■ w ■■ ■ . ■ , 

* Cette carte n'est pas jointe aux «Xtiiuj^laires iu-i» ', mah on peut se la 
proc«iKr«é^arttac«ty & très^bAifrix» 



i 



Snr la Chine et la Russie. — Rapprochemens des deux grandei 

réyoluticrns de France et d^ Angleterre. 94S 

Doctoar Q^Méat»; explicatien». —!• CdbsbIm. -^ Opintan de 
rënûgKf^ion sm le Coasdl, ->* Idéàs det^Emperenr aar 
les biens des émigré»; syndicat projeté. -— Ci reonstances . 
bcurensea ipn Gone^nreiit. ^ 1« earrîév« êe tPËmperenr. -^ 
Opinion des Italiens. — CosrooHfaMnt par le Pa{ie««a»Le» 
mécoBtens^ séduits à Tilsit.— Bourbon» d%pa^e. -* Avfi- 
yée do £anieus pakie de bois. «55 

Iliade ; Homtee. 069 

Pavoles caractéristiques de TEmperenr. 372 

Hoche»-— 2>iT«rs généraux. 374 

Invitation ridicule de sir Hudsen Lowe. • aSi 

r 

Napoléon À Plastiittt. — Ah Conseil d'£tat« -^ Code ctril. •— 
Mot pour lord Saint-Vincent. — SarS'iatefieiiv de P Afri- 
que. — Ministère de la marine. — Decrès, 283 
£lat dangereux de mon fils. — Paroles remarquables. — Dic- 
tionnaire des Girouettes. — Bertholet. 3o5 
Bcception des passagers de la flotte du Bengale . 3o8 
Egalité des peines. — L^Empereur me commande Thistorique 

minutieusement d'é taillé de inon Atlas. > 3i5 

Visite du GouTemewr.-— Conversation chaude arec TEmpe- 

Tcnr. 540 

Mme ia maréchale Lefôvre. 347 

lie Gouverneur de Java. — Le docteur Warden. — Con- 

Tersatîon famlUère de VEmpereur sur sa famille. 352 

L'Empereur endormi . — Morale . 371 

Le Gouverneur arrêtant lui-même un domestique. — Lec- 
ture de la Bible. — Terre Sainte. 874 
Caprices de Tautorîté. La princesse Stéphanie de Bade.. 376 
Maximes de TEmperear. '— ~ Scène de Portalis au Conseil 
d^Euty etc. — Accidens de TEmperenr & Saint-Cloud , 
à Anxonne , à Marly. 379 



8 9ABLK. 

Politique* S87 

Bratus de Voltaire* 3^1 

EtabUsiemens fraDçaîf aur le fleuTe Saint- Laurent. — L^Em* 
pereur eftt po gagner rAmérique. •*• Carnot an moment 
deVabdicatioii. Sg» 

Etat de Piadoatrîe en France. •-« Sur les phjrsionomief • S99 

L^Emperenr doTant le camp anglais. f o5 

I^a Corse et le pays natal. -~ Paroles dé Paoli. — Magna* 
nimité de Madame mère» — Lucien destiné à la Corse. -^ 
Cour du Cônsni. — M«* de Chevrense. — Lettre de Ma^ 

dame mère. 4^4 

Moreau. — Georges. — Pichegra. «^ Opinion da camp de 

Boulogne. -^ De Paris. 418 

Politique.— Angleterre.— Lettres retenue» |)ar le Gouverneur. 

—> Paroles c«racléristiques. 4^ 



riH DE XiA TABLE SU TROISliMS VOLUME. 



/ 



MÉMORIAL 

DE S -HÉLÈNE 



I 



Lundi I. — Mardi 2 Avril 181 6, 

» 

Descrlplioa de l'ap^partement de l'Emperear. ^^ Détails 
mînutîeax de sa toilette* -** Son costame. — Bruits 
ridîcales y absurdités sur sa personne. -— Complot de 
Georges.'-— de Cérachi* *- Attentat du fanatique de 
Schoenbrtin. 

TotîT ce q^i|to^cî^e VEmpereiir et le concerne 
$eail)}e deyoir . ^fre prëcJLçuxj des milliers de 
per^pniï^ 1^ penseront .ainsi ; c'est dans ce sen- 
timent, avec cette opinion^ (jue je vais décrire 
minutieusement ici son appartement, Tameu- 
blemient qui s*y trout« , les de'tails de sa , toi- 
lette , etc. , etc. Et puis avec le temps , peut-être 
un, jour son fils se plaira-t-il à reproduire les 
détaii5,,la:Conteiture de sa prison? Peut-4tre 
^imera-t-ilà s'entourer d'objets éloignes^ d'om- 
bres fugitives, qui lui ; recomposeront une ^s- 
pèce de realite' ? 

L'appartement de l'Empereur est formé de 
3. 4 



•■> 



40 MEMORIAL (Avril 181&) 

deux pièces /i et JB, ainsi qu'on peut le voir 
sur le plan de Longwood inséré au second vo- 
lume *, chaci^ne de 45 pieds dé long sur 42 de 
large , et d'environ 7 de haut^ un assez mauvais 

■ 

tapis en couvre le plancher; des pièces de nan- 
laiiiy tçndues en guise de papier, les tapissent 
toutes deux. 

Dans la chambre à coucher ^ se voit le petit 

lit de campagne a^ où couche l'Empereur j le 

' > 

canapé i,.sur lequel il repose la plus grande 
partie du jour; il est encombré de livres qui 
semblent lui en disputer l'usage ; à côté est un 
petit guéridon c , sur lequel il déjeûpe et dîne 
dans son intérieur , et qui , le soir , porte un 
chandelier à troiâ braiaéhes^ recouvert d'un 
grand chapiteau. 

Entre les deux fenêtres , à Topposite de la 
porte, est une commode d^ contenant son linge ^ 
et sur laquelle est son ^and nécessaire. 

La cheminée e^ supportant une fort petite 
glace, présente plusieurs tableaux : i droite 
est celui du Roi de Ronae sur un mouton , pai^ 
Aimée Thibault; à gauche, en pendant, est un 
ji I ■ - - I ' ... — I .- 

'^ Voyez le second Tolfune^ page 43. 



I 



I 



(Ayriiisie) DE SAINTE-HÉLÈNE. il 

autre portrait du Roi de Rome, assis sur un 
carreau , essayant une pantoufle , par le même 
auteur; plus bas, sur la cheminée, est un petit 
buste en marbre du même enfant. Deux chan- 
deliers , deux flacons et deux tasses de vermeil , 
tires du nécessaire de l'Empereur, achèvent 
r ornement et la syme'trie de la cheminée. 

Enfin au pied du canape% et précisément en 
regard 4e TEmpereur quand il y repose étendu, 
ce qui a lieu la plus grande partie du jour, est 
le portrait de Marie-Louise , tenant son fils en-* 
tre ses bras, par Isabey. Ce mauvais petit réduit 
est ainsi devenu un sanctuaire de famille. 

Il ne faut pas oublier , sur la gauche de la 
cheminée et en dehors des portraits , la grosse 
montre d'argent du grand Frédéric , espèce de 
réveil-matin, prise à Postdam j et en pendant, à 
droite, la propre montre de l'Empereur, celle 
qu'il portait à l'armée d'Italie , recouverte des 
deux côtés d'une boite en or , portant son 
chiffre B. Voilà la première chambre. 

La seconde pièce JB, servant de cabinet, pré- 
sente, le long des murs du côté des fenêtres, 
des planches brutes posées sur de simples tré- 
teaux, supportant un bon nombre de livres 



i 



^. 



42 MÉMORIAL ( athI 18.6) 

epars , et les divers chapitres écrits par cliacua 
de nous, sous la dictée de l'Empereur. 

Entre les deux fenêtres est une armoire g^ en 
forme de bibliothèque, à Topposite un second lit 
de campagne h , semblable au premier , sur le- 
quel l'Empereur repose parfois le jour, et se 
couche même la nuit, après avoir quitte' le pre- 
mier, dans ses fréquentes insomnies, ou avoir 
travaille ou promené quelque temps seul dans 
sa chambre. 

Enfin dans le milieu est la table de travail i , avec 
l'indication de la place qu'occupe ordinairement 
l'Empereur et chacun de nous quand il nous dicte. 

L'Empereur fait sa toilette dans sa chambre 
à coucher; quand il se déshabille, ce qu'il fait 
de ses propres mains. Il jette tout ce dont il se 
dépouille parterre, s'il ne se trouve là un de 
ses valets de chambre pour s'en saisir. Combien 
de fois je me suis précipité pour ramasser son 
cordon de la légion d'honneur, quand je le 
voyais arriver sur le plancher ! 

La barbe est une des dernières parties de sa 
toilette , qui ne vient qu'après qu'on lui à mis 
ses bas, ses souliers, etc. Il se rase toujours 
lui-mopie, otaût d'abord sa chemise, et demeu- 



(Ayru,8x6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 48 

rant en siinple gilet de flanelle, qu*il avait quitté 
sous les chaleurs de la Ligne, et qu'il a été 
- oblige' de reprendre à Longwood , à la suite de 
vives coliques, dont il a etë immédiatement 
soulagé parla reprise de la flajiellé. 

L'Empereur se rase dans l'embrasure de la 
fenêtre à côté de la cheminée j son premier valet 
de chambre lui présente le savon et un rasoir j 
un second tient devant lui la glace de son né- 
cessaire, de manière à ce que l'Empereur pré- 
sente au jour la joue qu'il rase. Ce second valet 
de chambre l'af ertit si le rasoir a laissé quel- 
que chose en arrière. Cette joue rasée , il se fait 
une évolution complète pour faire l'autre , cha- 
cun changeant de côté. 

L'Empereur se lave ensuite la figure , et très* 
souvent la tête , dans un grand lauabo d'argent 
j^ fixé dans l'encoignure de la chambre, et apporté 
de rÉljsée. Vient ensuite l'histoire des dents j 
après quoi l'Empeteur quitte son gilet de fla- 
nelle. Il est fart gras, peu velu, a la peau blan- 
che, et présente un certain embonpoint qui 
nest pas de notre sexe j ce qu'il observe parfois 
gaiment. L'Empereur se frotte alors la poitrine 
et les bras avec une brosse ^ssez rudej la 



Ù MÉMORIAL (Avril i8i6> 

donne ensuite à scm- valet de chambre , pour 
qu'il lui frotte le dos et les épaules, qu'il 
arrondit à cet effet, lui re'pe'tant d'otdinàire 
quand il est de bonne humeur : « Allons^ fort., 
ce comme sur un âne. » 

Il s'inondait ensuite d'eau de Cologne, tant 
qu41 en a eu à sa disposition; mais il en a bien- 
tôt manqué^ et ne s'en trouvant point dans l'île, 
il a dû se réduire à de l'eau de Lavande j ce 
qui a e'té pour lui une privation réelle. 

Quand il était en gaitë ou sans préoccupa-^ 
tion , il lui arrivait d'ordinaire , à la fin du frot- 
tage de ses^ épaules, comme à chaque eVolu- 
tiou pour les deux côtés de sa barbe, de consi- 
dérer en face quelques secondes , le valet de 
chambre eu service, et de lui appliquer ensuite 
un bonne tape Bur les oreilles, en l'accompa- 
gnant de quelques mots de plaisanterie. 

C'est-là, sans doute, ce que les faiseui's de 
libelles et de pamphlets, ont appelé battre 
cruellement tout ce qui était autour de lui? 
Car, à nous aussi, il lui arrivait souvent de nous 
pincer l'oreille ou de nous la prendre à poignée^ 
mais à l'expression qui accompagnait toujours 
ce geste , nous devions penser qu'on était bien 



CAttO i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 45 

lieureux, au temps de sa puissance , d'une 
pareille fayéur, 

C*eîst ce qui m^ rappelle du reste , et m'ex- 
plique tout à fait aujourd'hui $ certaines paroles 
d'un de ses anciens ministres. Ge ministre ( le 
duG Decrès ) , au temps de sa gloire et de sa 
faveur, dësitait vivement une certaine grâce. 
Après avoir parcouru avec moi toutes les chan- 
ces de succès, il lui échappa de dire, dans l'e'- 
pancfiement : « Je l'aurai, après tout, la prê- 
te mière fois que je serai bourré. » Et sur ce 
qu'il remarquait quelque chose sur ma figure 9 
il ajouta avec sourire significatif ; « Mon cher, 
^ c'est qu'après tout, ce n*est pas aussi terrihle 
« que tu le peines; ne l'est pas qui veut, je 
it t'assurie... » 

L'Empereur ne sortait de sa chamhre qu'ha- 
billé et toujours en souliers , ne portant des 
bottes que le matin , s'il allait à cheval. En arri- 
vant a Longwood , il a quitte son petit uniforme 
vert dé la garde j il n'a plus alors porte' qu'un 
habit de ses chjissés, dont on avait ôtë le galon; 
il lui ailait assez mal et commençait à être fort 
use : on s'inquie'tait déjà comment on le rem* 
placerait. Du reste ce n'était pas le seul besoin 



46 MÉMORIAL (Avril 18/6) 

4e cette espèce dont il était entouyé. Nous 
souffrions de le yoij: contraint , par exemple , 
a porter plusieurs jours les mêmes bas ^e soie , 
et nous nous recriions sur ce qu'on pouvait 
compter les jours par le i^ombre de marques 
que les souliers y traçaient j il ne faisait qu eii 
rire. Dans toute autre chose, il a cotitinue' sou 
costume habituel j vesÇe et culotte de Casimir 
blanc et cravaté noire. Enfin, quand il allait 
sortir, celui de nous qui se trouvait là lui 
donnait son petit chapeau ; chapeau ri^marqua«r 
^le, en quelque sorte devenu identique à sa 
personile, et dont on lui en a déjà vole' plun 
sieurs depuis que ûous sommes dans File; car^ 
quiconque nous approche est ayide d'en rem-^ 
porter quelque chose. Combien de fois chacun 
de nous a ëte persécute' par les personnes les 
plus dislingue'es pour en obtenir, ne fuisse qii-un 
bouton de son habit ou toute autre ïniiautie de 
même nature. 

J'assisjtais presque tous les jouts à eétte toi- 
lette, soit que je m'y trouvasse par la fin de 
mon travail ^ soit que \\y fusse appiete pour 
cçtuser. 

Un jour, considérant V Empereur rPtoettye 



{i.riiti8^) DE SAINT&-HÊLfâfE. 4r 

«(m gilet de flanelle, mes Cfàif s expriiiiâient sànâ 
sdoute quelqtie 'chose de iparticulier. « Dé quoi 
K scairili Votre ExceUénce ?' ( Exj>ïessioii de 
« sa bonne humeur ). Qu'est-ce qui' l'occupe en 
m ce moment? -~ Sire, io'est que je viens dé 
i* twuvér , dans, un panjphlet, que Votre Ma- 
«, jéste'^ paui* plus de sùrete', ét^it cuirassée ititiit 
« et jour. Certains salons de Paris disaient 
(I aussi quelque chose de semblable, et en don- 
ic nattent pour preuve l'embonpoint subit de 
« Vôtre Majesté , qui , suivant eux , n'était ' pas' 
« naturel. Or , je |)eusais eii cet instant que je? 
« pourrais témoigner . avec connaissance de 
« cau^; que cet embonpoént rétait très-naturel y 
« et que je pourrais affirmer aussi , qu'à Sainte-' 
<f Hélène, dn moins, Votre Majesté avait laiské 
«toute précaution^ de coté. -~ C'est une' des> 
ff mille et une bêtises qu'ils ont écrites sur mon^ 
<« cQipptç*, Celle-ci estid'autant plus gauche , 
le que; . tous mvok qui me cdnnàissent savent le^ 
ce peu de soin que je preniais de ma conserva- 
te tion. .Accoutumé dès l'âge de dix -huit, ans 
ce aux boulets des batailles, et sachant toute Fi- 
« nutilité de vouloir, s'en préserver, je m'a- 
it bandonnais à ma .de!ititiée.i Depuis, lorsque- 



48 MÉMORIAL (Ana imj 

<c je suis arriye à la tête des afïaîres, j'ai àû me 
ce croire encore aii milieu des batailles , dont 
<c les conspiratioiis étaient les boulets : j'ai con^ 
ce tinué mon même calcul j je me suis abandonné 
« à mon étoile ^ laissant à la police tout le soin des 
ce précautions. J'ai été peut-être le seul sôuve- 
ft rain de l'Europe qui n'avait point dé gardçs- 
« du-corpsj on m'aboiidait sans avoir à tra- 
ce verser une salle des gardes j quand on avait 
•c franchi l'enceinte extérieure des sentinelles ,- 
ce on avait la circulation de tout mon '|)alais; 
« C'é.tait un |prand sujet détonnement pour 
« Marie^Louise y de me voir si peu de défense i 
« elle me disait scmtent que son père était bien 
ce mieuit^^ardé, qu'il avait des armes autour de 
« lui , etc. Pour moi , fêtais aux Tuileries 
et comme ici, je ne sais seulement pas où est 
fc mon épéej la voyez-vous ? 

<c Ce n'est pas, continuai t-^il ; que je n'aye 
tt couru de grands dangers }^J€i compte trente et 
ce quelques conspii*ations À pièces authentiques, 
c< sans pdtvles de celles *qui sont demeurées 
iç inconnues : d'autres en inventent , moi j'ai 
ce soigneusement cadié toutes celles que j'ai pu, 
te La crise a été bien forte pour mes jours , sur- 



(Arra 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 49, 

« tout depuis Marengo jusq[a'à la tentative de 
«c Georges et Taffaire du duc d'Enghien. » 

Napoléon disait que huit jours avant Tarres- 
tation de Georges , un des plus déterminés de 
sa bande lui avait remis en main propre une 
pétition à la parade; d'autres s'introduisirent 
à Saint-Cloud ou à la Malmaison parmi les gens j 
enfin Georges lui-même parait avoir été fort 
près de sa personne et dans un même apparte- 
ment* 

L'Empereur , indépendanànient de son étoile ,' 
attribue son salut à certaines circonstances qui 
lui étaient propres. Ce qui l'avait ^auvé sans 
doute , disait-il , c'était d'avoir vécu de fantaisie, 
de n'avoir jamais eu d'habitudes régulières ni 
de marche suivie. L'excès du travail le retenait 
dans son cabinet et chez lui; il ne dînait jamais 
chez personne , allait rarement au spectacle , et 
ne paraissait guère que quand et où il n'était 
pas attendu , etc. \ etc. 

Les deux attentats qui l'avaient mis le plus 
en péril, me disait-il, tout e?i gagnant le jar- 
din, la toilette finie , étaient ceux dh sculpteur 
Cerachi et An fanatique de Schœnbrurin 



80 MÉMORIAL (Avril is te) 

Cerachi, avec cpielques forcenés, ayaiit ré-* 
jBolu la mort dq. Premier Consul : ils devaient 
l'immoler au sortir de sa loge au spectacle. Le> 
Consul , averti , s'y rendit néanmoins , et passa 
hardiment au trî^vers de ceux qui s -e'taient mon-» 
tre'^ les plus empresse's à venir occuper leurs 
postes j on ne les arrêta qu'au milieu ou vers Is^ 
fin du spectacle, 

Ce'rachi, disait l'Empereur , avait jadis adoré 
le Consul j mais il avait juré sa perte , depuis 
qu'il ne voyait plus en lui , prétendait^il , qu'un 
tyran. Ce sculpteur avait été comblé par le gé- 
néral Bonaparte, il en avait exécuté le buste, et 
sollicitait en ce moment , par tous les moyens 
imaginables, d'obtenir seulement une séance 
pour une correction , disait-il, nécessaire; Con- 
duit par son étoile, le Consul 'ne put disposer 
d'un instant , et pensant que le besoin était la 
véritable cause des pressantes sollicitations de 
Cerachi, il lui fit donner 6 mille francs. Il se 
méprenait étrangement ! Cerachi n'avait eu 
d'autre intention que de le poignarder quand il 
poserait ! 

La conspiration fui dévoilée par un capitaine 
de la ligne., complice lui-même, ce Etrange mo- 



(Ayrii 18x6) DE S AINTE-MÉLÈNE . . 24: 

« dification de la cervelle humamé^ observait 
« Napole'on, et jusqu'où ne vont pas les combi- 
(ir naisons de la folie et de la bêtise ! Cet officier 
« m'avait en horreur comme Consul; mais il 
c< mi' adorait comme gene'raL II voulait bien 
« qu'on m'arrachât de nion poatfi ; mais il eût 
« e'te' bien fâche' qu'on ni'eût ôte' la vie. Il fal- 
« lait, disait-il , se saisir de moi , ne pas me faire 
ce de mal, et m'envoyér à l'arme'e pour y conti- 
ez nuer dç battre l'ennemi et de faire la gloire 
« de la France. Le resté des conjure's lui rit au 
«nez; mais quand il vit distribuer des poi-? 
« gnards et qu'on dëpiassaît ses intentions, alors 
« il vintlui-meme dénoncer le tout au Consul. » 
A ce sujet quelqu'un dit à Napoléon., qu'il 
avait e'të témoin , à Feydeau , d'une circonstance 
qui mit la plus grande partie de la salle en 
ëmoi. L'Empereur arrivait dans la loge de l'Im* 
pératrice Joséphine; à peine assis, un jeune 
homme grimpe vivement sur la banquette qui- 
était au-dessous de la loge , et pose la main sur 
la poitrine de l'Empereur; tons les spec^teurs 
du côté opposé frémirent ; heureusement que,<:e 
n'était qu'une pétition ^ que l'Empereui: prit et 
lut froidement. 



22 MÉMORIAL (Afrîl 16107 

IjeJànaUque de Schœnbnm, disait l^mpe- 
reur, était ie fils d'un ministre protestant d'Er^ 
flirt , qui , vers le temps de la bataille de Wa- 
gram y résolut d'assassiner Napoléon en pleine 
parade. Déjà il était venu à bout de percer l'en- 
ceinte des soldats qui éloignaient de l'Empe- 
reur j déjà il avait été' repoussé deux ou trois 
fois d'auprès de lui, quand le général Rapp 
voulant de nouveau l'éloigner de la main , ren- 
contra quelque chose sous son habit ; c'était un 
couteau d'un pied et demi de long, pointu et 
tranchant des deux côtés. « J'en ai frémi en le 
«considérant, disait l'Empereur, il n'était 
« enveloppé que d'une simple gazette ! » 

Napoléon se fit amener l'assassin dans sou 
cabinet : il appela Corvisart, et lui ordonna de 
tâter le pouls au criminel, tandis qu'il lui 
adressait la parole. L'assassin demeura cons- 
tamment sans émotion, avouant son acte d'une 
voix ferme et citant souvent la Bible. 

« Que me vouïiex-vous , lui dit l'Empereur? 
« — Vous tuer. — Que vous ai-je fait? Qui 
«f vous a établi mon juge ici bas? -— Je voulais 
« terminer la guerre. -^ Et que ne vous adressiez- 
« vous à l'Empereur François? ^rz Lui! Et à 



(ATia isi6) DE SAINTE-HELENE, 23 

« q^oi boni IL est si.iw^l, disait Tassassin! Et 
(< puis, luimott, un autre lui succéderait; au 
<r lieu qu'après tous , lés Français disparaî- 
it traient aussitôt de toute f Allemagne. » 

Vainement l'Empereur chercba à l'émouvoir^ 
« Vous repentez ^ vous , lui dit-il? — Non. — 
« Le feriez-vous encore? — Oui. — Mais si je 
« vous faisais grâce? p Ici pourtant ,. disait Napo- 
léon, la nature reprit un instant ses droits^ 
la figure , la voix de l'homme s'alte'rèrent mo- 
mentanément. « — Alors, dit-il, je croirais 
K que Dieu ue le veut plus, j? Mais bientôt il 
rpprit toute sa férocité. On le garda à l'écart 
pljo^ de vingt*quatre heures sans manger; le 
n^édeciu l'examina encore j on le questionna 
de nouveau y tpjqit fut inutile , il resta toujours 
le même homme, ou pour mieux dire, u^e vérir 
tahlç hète féroce , et ou l'ahs^dcm^a a son sort« 

Mercredi 3. 

Partis à prendre après Waterloo* 

L'Eï»p(çr6ur,/das^ Jla iu$tti9^e,:a travaille 
à l'ombre 4^us Iç japdiu. Le^temps était superbe, 
le jour des plvs pvirs et de&plus beaux. Il lisait 



ïtf ' MÉMORIAL -cÀTtakié) 

Fexpe'ditiôtt d'Alex^andre tdaris^ï^lfin y il aTftit 
plusieurs cartes^etdndt^s: deT^dtdui;!! sô-iplaî^ 
gnait d'wn rédt fait ^ns goût, saits mtentiàn ^ 
qui nQjaipsfltife, ,#i?^it-tily^ioçï.me Id^e juste, des 
granpies . VûjeS; di'lA^Çiî^wdryq j. ilyljiij prenait mne 
4er^faii-e^cei«îo^'oeaUpfetc..,,^ .. , ^ 

Sur les cinq; lieures ^ i'.^i été le joWre dans 

lé jardinj il y promenait qntpurd de tous. D^aussi 

' loin qu il m'a aperçli', il m'a dit : « Arrivez, 

à venez nous dire votre opinion sujr un point 

« que nous deBàttons depuis une heure. 

« En aiTivant de Waterloo , crôjëz-yous que 
« J euése pli renvoyer le Corps Législatif et 
i< saîiïVet KTranà sa^slùl? i-; itùii, àî^iè dît/ 
<t • le CorpsLegîslitif ' né se ' siérait pas disijoust 
ic voloritài^eiïïeilt \ â eût fallu ëïnploy^r la force', 
*c il leftfr pi-otéstë ; et ' il y eût eu' scafrdale: ' Le* 
te' dissèiitimêiit <jui 'feût téclaté dans îJoù séirij 
«•se fKt' ^r^pété dalns- la iiatibif/ Cëpendiaritf 
a l'ennemi serait anjyéy-Yo^m'Majeste' eût suc- 
ic combe', accuse'e par toute l'Europe , accuifee 
a par les étrangers', accusée p3.r nous-mêmes , 
« êttipoittafit peut-être ïa ïnaïédiction .univer- 
€c selle, -et semblant n'avoir; ctë qu'un chejf 
«c d'aventures et de,violettces'. Att lieu de cela 



(ATrii i8i6 ) DE SAINTE-^HÉLÈNE: 25 

« Votre Majesté est sortie pure de la mêlée , et 
« demeurem le héros d'une cause qui vivra 
« éternellement dans le cœur de tous ceux qui 
«r croyentàla cause des peuples: elle s'est assuré, 
«c par sa modération , le plus beau caractère de 
et rhistoire , dont autrement elle eût pu courir 
« le risque de devenir la réprobation : elle a 
« perdu sa puissance, il est vraij mais elle a 
« comblé la mesure de sa gloire ! 

et Eh ! bien, c'est aussi en partie mon avis, a 
« repris l'Empereur j mais est-il bien sûr que le 
« peuple français sera juste avec moi ? ne m'ac- 
cr cusera-t-il pas de l'avoir abandonné? L'his- 
«c toire décidera : je suis loin de la redouter} je 
« l'invoque I 

ft Et moi-même, me suis- je demandé quel- 
ce quefois, ai -je bien fait pour ce peuple mal- , 
« heureui tout ce qu'il avait droit d'attendre ? 
« Il a tant fait pour moi I Saura- t-il jamais, ce 
« peuple, tout ce que m'a coûté la nuit qui pré- 
ce céda ma dernière décision? cette nuit des 
et incertitudes et des angoisses ! 

ce Deux grands partis m'étaient laissés : celui 

et de tenter de sauver la patrie par la violencç, 

c< ou celui de céder moi-même à l'impulsion 
3. 2 



r 



S6 MÉMORIAL ( AtHI 1816 ) 

ic générale. J'ai dû prendre celui que j'ai suîtî j 
€t amis et ennemis y bien intentionnés et méchans, 
« tous étaient contre moi. Je demeurais seul , 
« j'ai dû ce'der } et une fois fait, cela a e'te' fait : 
« je ne suis pas pour les demi-mesures ; et puis 
« la souveraineté ne se quitte pas , ne se reprend 
(c pas de la sorte, comme on lé ferait d'un 
« manteau. 

« L'autre parti demandait une e'trange vi- 
ce gueur. Il se fût trouve' de grands criminels , 
« il eût fallu de grands châtimens. Le sang 
ce pouvait couler j et alors sait-on où nous étions 
c( conduits ? Quelles scènes pouvaient se renon- 
ce vêler? Moi, n'allais-je pas par-là me tremper, 
ce noyer ma mémoire de mes propres mains dans 
Cl ce cloaque de sang, de crimes , d'abominations 
ce de toute espèce > que la haine , les pamphlets , 
ce les libelles, ont accumulés sur moi ? Ce jour-là 
ce je semblais justifier tout ce qu'il leur a plu 
ce d'inventer. Je devenais pour la postérité et 
ce l'histoire^ le Néron, le Tibère de nos temps, 
te Si encore, à ce prix , j'eusse sauvéla patrie !.. 
c< Je m'en sentais l'énergie I... Mais était-il bien 
ce sûr que j'aurais réussi ? Tous nos dangers ne 
ce venaient pas du dehors ; et nos dissentimens 



v 



(ATriii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 27 

« au dedans ne leur ëtaient-ils pas supérieurs ? 
<t Ne voyait-on pas une foule d'insensés s'achav- 
« ner à disputer sur les nuances avant d'avoir 
«c assuré le triomphe dé la couleur ? A qui d'eux 
« eût-on persuadé que je ne travaillais pas pour 
ce moi seul , pour mes avantages personnels ? 
et Qui d'eux eut-on convaincu que j'étais désin- 
t< téressé?Que je ne combattais que pour sauver 
« la patrie? A qui eût-on fait croire tous lesi 
« dangers , tous les malheurs auxquels je cher- 
« chais à la soustraire? Ils étaient visibles pour 
« moi i mais quant au vulgaire , il les ignorera 
« toujours , s'ils n'ont pesé sur lui. 

^ Qu*eût-on répondu à celui qui se fût écrié: 
« Le voilà de nouveau le despote, le tyran! 
tf le lendemain même de ses sermens il les viole 
tt de nouveau ! Et qui sait si, dans tous ces mou- 
ft vemens, cette complication inextricable ^ je 
«n'eusse point péri d'une main, même fran- 
« çaise, dans le conflit des citoyens? Et alors 
« que devenait la nation aux yeux de tout l'u- 
« nivers et dans l'estime 'des générations les 
« plus reculées ! Car sa gloire est à m'avouer ! 
« Je ne saurais avoir fait tant de choses pour 
« son honneur et son lustre , sans elle, en dépit 



28 MÉMORIAL (A^rU 1816) 

« d'elle : elle me rendrait trop grand ! Je le 

« repète, riiistoire décidera !... » 

Après cette sortie il est revenu sur les mesures 
et les détails de la campagne, et s'arrêtait avec 
complaisance sur son glorieux de'but, avec an-» 
goisse , sur le terrible, désastre qui l'avait ter- 
minée. 

ce Toutefois , concluait-il , rien ne me sem- 
« blait encore de'sespe're' , si j'eusse trouvé le 
« concours que je devais attendre. Nos seules 
« ressources étaient dans les Chambres : j'accou- 
« rus à Paris pour les en convaincre ; mais elle» 
« s'insurgèrent aussitôt contre moi , sous je né 
« sais quel prétexte, que je venais les dissoudre^ 
« Quelle absurdité ! Dès cet instant tout ftit 
•r perdu *. 

* Le temps, qai apprend tont, nous a fait connaître 
les petits ressorts qui ont amené an des plus grands dé* 
nouemens* 

Voici ce que je tiens de la propre bonche des actenrs: 
En apprenant Farrivée de Napoléon à i'Elysëe , après 
Waterloo , Fonchë coart aox membres inquiets, dëfians , 
ombrageux de la Chambre : « Aux armes, leur crie-t-il ! 
« Il revient furienx et résolu de dissoudre les Cham* 
« bres et de saisir la dictature. Nous ne devons pas 
tf souffrir ce retour de la tyrannie* » Et de U , il court 



( Avril ,816 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 29 

« Ce n'est pas , ajoutait TEmpereur y qu'il 
tf faille peut-être accuser la masse de ces Cham- 
K bres; mais telle est la marche ineVitable de 
« ces corps nombreux , ils périssent par défaut 
« d'unitéj il leur faut des chefs aussi bien 
« qu'aux armées : on nomme à celles-ci; mais 
« les grands talens, les génies éminemment 
« supérieurs , se saisissent de celles-là et les 



aax meiUears amis de Napoléon : c Saves-vons , leur 
« dît-il , qae la fermentation est extrême contre l'Em-» 
c perear, parmi certains dëpatés, et que noas n'avons 
« d'autre parti pour le sauver que de leur montrer les 
« dents , de leur faire voir toute la force de l'Empereur^ 
c et combien il lui serait facile de les dissoudre» » 

Les amis de Napoléon y aisément dupés , au fort de 
cette crise soudaine, ne manquent pas de suivre» on 
peut-*être même dépassent les suggessions de Foucbé, qui 
recourt ensuite aux premiers» leui; disant « : Vous voyes 
« bien qne ses meilleurs amis en conviennent , le danger 
« est pressant ; dans peu d'heures ; si on n'y pourvoit , 
« il n'y aura plus de Chambre 9 et l'on serait bien cou-^ 
c pable de laisser échapper le seul instant de s'y oppo^ 
c ser. » Alors la permanence des Chambres» l'abdication 
forcée de Napoléon et un grand empire succombe sous 
les plus petites, les plus subalternes intrigues, à la £&veur 
de rapports, de vrais commérages d'anti^shambre* Ahl 
Foaché!.«.« Fouché!»«.* Que l'Empereur le connaissait 
bien , quand* il disait qu'on était toujours sur de trouver 
ion vilaiu pied sali dans les souliers de tout le monde l 



r 



30 MÉMORIAL {ATriitSiô) 

« gouvernent. Or nous manquions de tout cela j 
« aussi , en dépit du bon esprit dont le grand 
« nombre pouvait être animé , tout se trouva , 
« dès l'instant, confusion, vertige, tumulte j la 
« perfidie, la corruption, vinrent s'e'tablir aux 
« portes du Corps I je'gislatif } l'incapacité, le 
ce de'sordre, le travers d'esprit, re'gnèrent dans 
ce son sein, et la France devint la proie de Té- 
<c trangcr. 

c< Un moment j'eus envie de résister, conti- 
c< nuait-il , je fus sur le point de me déclarer en 
a permanence aux Tuileries, au milieu des mi- 
c( nistres et du Conseil d'Etat; d'appeler autour 
ce de moi les six mille hommes de la garde que 
« j'avais à Paris; de les grossir de la partie bien 
« intentionnée de la garde nationale, qui était 
« nombreuse, et de tous les fédérés des fau- 
<c bourgs ; d'ajourner le Corps Législatif à Tours 
<c ou à Blois ; de réorganiser sous Paris les dé- 
tt bris de l'arniée et de travailler seul , ainsi et ' 
ce par forme de dictature, au salut de la patrie, 
ce Mais le Corps Législatif aurait-il obéi ? J'au- 
ce rais bien pu l'y contraindre par la force; mais 
ce alors quel scandale et quelle nouvelle com- 
cc plication ! Le peuple ferait-il cause commune 



CilA. 



(Avril .8«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 84 

•f avec moi? L'armée même m'obe'imt-elle coikSj 
« tamment ? Dans les crises toujours renaissantes , 
« ne se se'parerait-on pas de moi? N'essayerait- 
« on pas de s'arranger à mes dépens ? L'idée 
w que tant d'eiforts et de dangers n'avaient que 
ce moi pour objet, ne seraient-ils pas un prétexte 
•t plausible ? Les facilités que chacun avait 
a trouvées Tannée précédente auprà^des Bour- 
« bons , ne seraient-elles pas au jourcrhui , pour 
« bien des gens, des inductions décisives? 

ce Oui, j*ai balancé long-temps, disait TËm- 
« pereur, pesé le pour et le contre j et, comme 
et je vois vite et loin, que je pense fortement, ' 
« j'ai conclu que je ne pouvais résister à la coa- 
cc lition du dehors , aux royalistes du dedans , à 
» « la foule de sectes que la violation du Corps 
(c Législatif aurait créées, à cette partie de la 
« multitude qu'il faut faire marcher par la 
(c force;enfîn à cette condamnation morale qui 
« vous impute , quand vous êtes' malheureux , 
c< tous les maux qui se présentent. Il ne m' est 
, « donc resté absolument que le parti de Tab- 

« dication^ elle a tout perdu malgré moi : je 

■ * 

« l'ai vu, je l'ai ditj mais je n'ai pas eu d'autre 
« choix, * 



33 MÉMORIAL (Arrii xSie) 

« Les allies avaient toujours suivi contre 
«c nous le même système; ils l'avaient commence 
« à Prague , continué à Francfort , à Châtillon , 
it à Paris et à Fontainebleau. Ils se sont con- 
K duits avec beaucoup d'esprit ! Les Français 
K purent en être la dupe en ^S'IW; mais l'iiis- 
cc toire concevra difficilement qu'ils le fussent 
« en 4 84 ^ elle fle'trira à jamais ceux qui s'y 
« laissèreuT prendre. Je leur avais dit leur his- 
«f toire en partant pour l'année : Ne ressem-- 
« blons pas aux Grecs du Bas-Empire qui 
(c s'amusaient à discuter entre eux ^ quand le 
« bélier frappait les murailles de leur ville. 
ce Je la leur ai dite encore quand ils m'ont forcé 
« d'abdiquer : Les ennemis veulent me sépa- 
« Ter de V armée; quand ils auront réussi , ils 4 
« sépareront F armée de vous; vous ne serez 
« plus alors qU'un vil troupeau , la proie des 
« bêtes féroces. >? 

Nous avons demandé à l'Empereur, si , avec 
le concours du Corps Législatif, il eût cru pou- 
voir sauver la patrie ? Il a répondu sans hésita- 
tion , qu'il s'en serait chargé avec confiance , et 
eût cru pouvoir en répondre, 

« En moins de quinze jours, disait-îl, c'est- 



{ATra.ai6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 33 

«à- dire, ayant que les masses de l'ennemi 
« eussent pu se présenter devant Paris , j'en 
ce eusse complette les fortifications; j'eusse réuni, 
« sous ses murailles , des de'bris de l'armée , plus 
«dé 80 mille hommes de bonnes troupes, et 300 
« pièces attelées. Au bout de quelques jours 
« de feu , la garde nationale , les fe'de're's , les 
ft habitans de Paris, eussent suffi à la deTense 
« des retranchemens; il me serait donc demeuré 
« 80 mille hommes disponibles, sous la main. 

« Et l'on savait, continuait-il, tout le parti 
« que j.' étais capable d'en tirei*. Les souvenirs 
« de 4 84 ^ étaient encore tout frais : Champau- 
• bertf Montmirail , Craone ^ Montereau, 
« vivaient encore dans l'imagination de ceux 
« qui avaient à nous combattre. Les même lieux 
« leur eussent rendu présens lés prodiges de 
« Tannée précédente ; ils m'avaient alors sur- 
« nommé , dît-on , le 400 mille hommes. La 
« rapidité , la force de nos coups leur avait 
« arraché ce mot ; le fait est que nous nous 
« étions montrés admirables : jamais une poi- 
« gnee de brave n'accomplit plus de mer- 
« veilles. Si ses hauts faits n'ont jamais été 
« bien connus dans le public, par les circons-» 



y 



y 
• 



U MÉMORIAL (ATrii 1816} 

« tances de nos desastres;, ils ont e'te' dignement 
« juges de nos ennemis , qui les ont comptés 
« par nos coups* Nous fûmes vraiment alors les 
« Briare's de la fable !... 

« Paris , continuait-il , serait devenu en peu 
« de jours une place imprenable. L'appelle à la 
« nation, la magnitude du dariger, Tinflamma- 
« tion des esprits, la grandeur du spectacle, 
tt eussent dirigé de toutes parts des multitudes 
« sur la capitale. J'aurais agglome're' indubita- 
tt blement plus de HOO mille hommes , et je 
tt n'estime pas que les alliés dépassassent 500 
« mille. L'affaire était alors ramenée à un com- 
« bat singulier qui eût causé autant d'effrot 
« à l'ennemi qu'à nous^j il eûthésité , et la con- 
c< fiance du grand nombre me fût revenue. 

« Cependant je me serais entouré d'une' con- 
« suite ou junte nationale, tirée par moi des 
« rangs du Corps Législatif-, toute formée de 
« ncHns nationaux, dignes de la confiance^ de 
«c tousj j'aurais ainsi fortifié ma dictature mi- 
ce litaire de toute la force de l'opinion civile j 
« j'aurais eu ma tribune, elle eût soufflé le ta- 
« lisman des principes sur toute. l'Europe ; les 
« souverains eussent frémi do voir la conta- 



itl 

5 

S 



> 



(ATrii,8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 35 

« gion gagner Içs peuples; ils eussent tremble, 
« traite', ou succombé!.,.. 

« Mais, Sire, nous sommes-nous ecrie's, pour- 
ce quoi n'avoir pas entrepris ce qui eût infail- 
cc liblement re'ussi , et pourquoi nous trouvons- 
« nous ici ? 

et Eh bien î vous autres aussi , vous y Voilà , 
« reprenait-il j vous blâmez , vous condamnez ! 
« Mais si je vous faisais passer en revue les 
« chances contraires , vous changeriez bientôt 
« de langage. Et puis> vous oubliez que nous 
« avons raisonné dans Thypothèse que le Corps 
« Législatif se fût réuni à moi ; et vous sa- 
ft vez ce qu'il ei; a été. J'ieusse pu le dissou- 
cc dre, i] est vrai; la France, l'Europe me blâ- 
« ment peut-être, et la postérité me blâmera 
K sans doute d'avoir eu la faiblesse de ne pas 
ff m'en défaire après son insurrection ; je me 
« devais , dira-t-on , aux destinées d'un peuple 
« qui avait tout fait pour moi. Mais en le dis- 
« solvant, je pouvais, tout au plus, obtenir de 
ff l'ennemi quelque capitulation , et encore , 
« je le répète m'aurait- il fallu du sang et me 
<c montrer tyran !.. J'en avais néanmoins arrêté 
ft le plan dans la nuit du 20 , et Ip 21 au matin 



36 MEMORIAL (Avril i8ie) 

« allait voir des déterminations d'une e'trange 
« vigueur j quand, avant le jour, tout ce qu'il y 
« avait de bon et de sage vint xn'avertir qu'il 
« n'y fallait pas songer; que tout m'e'chappait 
« et qu'on ne cherchait aveugle'ment qu'à s'ac- 
K commoder. Mais ne recommençons pas ; n'en 
« voilà de'jâ que trop sur un sujet qui fait tou- 
te jours du mal. Je le re'pète de nouveau*, Fhis- 
« toire décidera !•••• £t l'Empereur est rentre 
dans son intérieur en me disant de le suivre. 



Jeudi 4. 

J'ai été trouver l'Empereur sur les cinq 
heures , dans le jardin ; il avait pris un bain trop 
chaud, et il en souffrait. Nous avons été en 
calèche ; le temps était magnifique : depuis 
plusieurs jours il est fort chaud et très -sec. 
Napoléon a travaillé, avant le dîner, avec le 
Grand-Maréchal, dont la femme dînait che^ 
l'Amiral. L'Empereur est rentré de suite, après 
le dîner , dans sa chambre. 



(Avra i8x6> DE SAINTE-HELENE. 37 

Vendredi 5 au Lundi 8. 

Traits caractëristicpes. 

Tous ces diffërens jours, l'Empereur est 
monte à cheval sur les six à sept heures du, 
matin, n'emmenant qxie moi et mon fils. 

Je puis affirmer que je n'ai jamais surpris, 
dans Napole'on, ni pre' juges ni passions, c'est- 
à-dire , jamais un jugement sur les personnes et 
sur les choses, que la raison ne l'ait dicte; et 
je n'ai jamais vu, dans ce qu'on aurait pu 
appeler passions, que de pures sensations, ja- 
mais de^ guides ; aussi je dis avec ve'ritë , que , 
dans l'habitude de dix-huit mois, je ne l'ai ja- 
Dpiafe trouvé n'ayant pas raison. 

Un autre point dont j'ai pu me convaincre , 
et que je consigne ici , parce qu'il me revient en 
ce moment, c'est que, soit nature, soit calcul, 
soit habitude de la dignité, il renfermait, la 
plupart du temps , et gardait en lui-même lés 
impressions de la peine vive qu'on lui causait, 
et encore peut-être davantage les émotions de 
bienveillance qu'il éprouvait. Je l'ai surpris 
souvent à réprimer des mouv.emens de sensibi- 



38 MÉMORIArL (AyriiiSie) 

litë, comme s'il s'en fût trouve' compromis. Tôt 
ou tard j'en fournirai quelques preuves. En 
attendant voici un trait caractéristique qui va 
trop au but que je me propose dans ce journal , 
celui de montrer l'homme à nu ^ de prendre la^ 
nature sur le fait, pour que j'aie dû me trouver 
arrête' par d'autres conside'rations. 

Napoléon, depuis quelques jours, avait quel- 
que chose sur/le cœur; il avait e'te' extrêmement 
choqué d'une circonstance domestique, il s'en 
trouvait vivement blessé. Durant ces trois jours 
que nous nous sommes promenés à l'aventure 
dans le parc, il y est revenu presque chaque 
fois avec beaucoup de chaleur, me faisant tenir 
très-près à soû côté et ayant ordonné à mon fils 
de pousser en avant. Dans un certain -moment 
il lui arriva de dire : « Je sais bien que je suis 
« déchu ; mais le ressentir du milieu des miens î 
« Ah !... » 

Ces paroles, son geste, son accent, m'ont 
percé l'ame j je me serais précipité à ses genoux, 
je les aurais embrassés si j'eusse pu. 

« L'homme est exigeant , a-t-il continué , sus- 
<c Ceptiblej il a souvent tort, je le saisj aussi 
K quand je me défie de moi-même , je me de- 



(ATrii i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 39 

« mande : eût-on agi de la sorte aux Tuileries ? 
« C'est toujours là ma grande épreuve. * 

Il a ensuite beaucoup parle de lui , de nous ,' 
de nos rapports re'ciproques, de notre situation 
dans Tîle, de Tinfluence que notre attitude 
individuelle aurait pu exercer, etc., etc.. Et 
ces re'flexions e'taient nombreuses, vives, fortesj 
elles étaient justes. Dans l'e'motion qu'elles 
me cajisaient je me suis écrie' : « Sire, permet- 
cc tez-moi de m'emparer de cette affaire j jamais 
c< elle n'a paru bien certainement soùs de telles 
«. couleurs j si elle était vue de la sorte , je suis 
« sûr qu^elle navrerait de douleur , et vous ver- 
« riez quels repentirs ! Je ne vous demande qu'à 
« pouvoir dire un mot. « Sur quoi l'Empereur, 
revenant à lui , a dit avec dignité : « Non, 
« Monsieur j bien plus, je vous le défends, L'é- 
ic pauchement est fait , la nature a eu son cours, 
« je ne m'en souviens plus, et vous, vous ne 
« devez jamais l'avoir su, » 

En effet , au retour nous avons tous déjeuné 
dans le jardin, et il s'y est montré plus gai que 
de coutume. Le soir il a 4i»e dans son inté- 
rieur. 



ho MÉMORIAL (AYrii i8i60t 

Mardi 9, Mercredi 10. 

Politique. ^- Etat de l'Europe» -r- Asceadant Irrësistible 

des idées libérales» 

. Il est arrive , le 9 , un bâtiment d'Angleterre 
portant les journaux jusqu'au 2 A janvier. L'Em- 
pereur, dont les promenades à cheval ont con- 
tinue tous les matins , a passe le reste du temps 
dans sa chambre à parcourir ces journaux. 

Les derniers numéros que nous venions de 
recevoir étaient aussi chauds qu'aucun de ceux 
que nous eussions vus. L'agitation en France 
allait croissant j le Roi de Prusse arrêtait chez 
lui les socie'te's secrètes, il conservait la Land- 
werj la Russie faisait de nouvelles recrues; 
l'Autriche se querellait avec la Bavière; en . 
Angleterre la persécution des protestans de 
France et la violence du parti qui se rendait 
maître, remuaient l'esprit public et préparaient 
des armes à l'opposition : jamais l'Europe n'a- 
vait e'te' plus en fermentation. 

Au re'cit du déluge de maux et des eVene- 
mens sanglans qui affligeaient tous les depar- 
temens, l'Empereur s'est élance de soi| canapé, 



(Avril ,«i6) DE SAINTÊ-HÉLÈNE. %i 

et frappant du pied avec chaleur , il s'est dcrle' t 
» Ah ! quel malheur cjiie jtt n'aie pu gagner 
le l'Amérique I Dé Tantrê hémisphère j'euss<l 
K protégé la France contre les féacteûPS ï La 
«c cl*ainte de moh apparition eût teiin en Bride 
« leut violence et léurddriEiSon; iïdlt suft de 
« mon nom pour enchaîner les exteÉ et frapper 
u d'e'pouvante ! . r m -> 

Puis octatinuant sm le mém^ ^ûjet , il a cdritlu 
avec une <:haleur qui tenait de t^inâpiralii^ -î 
flc La contre-i^vohitioft , même efi la liS^^nt 
« aller, doit inévitable]»^ ^ ncr)^)* d*éMc* 
« même dans la r^^voltition. Il saffit à pi^nt 
« de TatmosphWe'deb jeunes idé^po^t^td^lfei* 
* les vieux ^eoddisVes } târrien ne isauittit de'^ 
« sormais détruire ou effàceï-ies igtands 'priri^ 
« cipes de notre révolution jqe» grandes- et 
« belles vérités dm vent demeuwr à jamais , tant 
«• HOU6 les- avons entrelacées de lustré , ^é liio'^ 
«• numens^ de prodiges^ nous- en* avons noyé les 
«premières souillures dans des* flots de gloire; 
^ elles sont désormais immortelles! Sorties de- 
«r la tribune française, cimentées du sang des 
•r batailles , décorées des lauriers de la victoire, 

« saluées des acclamations des peuples, sanc- 
3. 3 



»2 MÉMORIAL (Ami iEiG) 

r tionnees par les traites, leis alliancjBS des sou- 
fr yerains, derenues familières aux oreilles 
Il comme à la bouche des Rois , elles ne sau- 
te raieut plus rétrograder!!! 

«c Elles i^iyent dans la Grande-Bretagne , elles 
«c ^éclairent T Amérique, elles sont nationalisées 
« en France : voilà le trépied d'où jaillira la 
« lumière du monde ! 1 1 

« Elles le régiront; elles seront la foi, la 
m . ïreligion ^ la morale de tous les peuples , et 
«: cette ère mémorable se rattachera , quoi qu'on 
m ait voulu dire , à ma personne; parce qu'après 
«■tout, j*ai fait briller le flambeau, consacré 
« les principe^, et qu'aujourd'hui la persécu^ 
ft tion achève de m'en rendre le Messie. Amis 
fc et ennemis, tousim'en diront le premier soldat, 
« le grand représentant. Aussi, même quand 
fc je ne serai plus , je demeurerai encore pour 
fc les peuples l'étoile • • • • ; 



I • • • V . - .1 



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t ». « 



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I 



r y 



(Atra ,ei6) DE SAINTE-HELENE. HS 

Jeudi II. — Vendredi la. 

Opinion de l'Empereur sar plasienrs personnages 
eonniu. -^ Poïzo di Borgo. — Mettemich. — Bassano» 
«— Clarke. — Cambacérès. —Lebrun. — Foachë, etc. 

L^Emporeur a continue de prpfiter des mati* 
nées supportables pour monter à cheval} il 
déjeunait dans le jardin; la conversation se 
prolongeait ensuite avec un grand abandon et 
beaucoup d'inte'rêt sur sa vie privée, les eVe- 
nemens publics, les personnes qui Tout entoure, 
celles qui ont joué un grand rôle chez l^es autres 
puissances, etc., etc.. 

Il n'était plus question de leçon d'anglais : 
elles ne se prenaient plus qu'à cheval ou dans 
le cours de la journée en promenant j la ré- 
gularité de la langue perdait beaucoup, la 
facilité de l'exprimer gagnait infiniment. 

Aujourd'hui sur les cinq heures nous avons 
fait notre tour de calèche accoutumé} le soir 
les conversations ont recommencé sur des anec- 
dotes ministérielles et plusieurs personnages 
devenus célèbres. 

Napoléon nous a fait l'histoire de M. Pozzo 



U MÉMORIAL (Atrii i8i6j 

diJBorgo^ son compatriote , qui avait été mem- 
bre de la législative. C*est lui , croit-on , qui 
a conseillé à l'empereur Alexandre de mar- 
cher sur Paris, bien que Napoléon se fût 
jeté sur ses derrière3. « Et en cela, disait TEm- 
•t pereur , il a , par ce seul fait , décidé des 
€c. destinées de la France, de celles de la civi- 
cc lisation européenne, de la face et du sort du 
ti monde; il était devenu très-influent sur le 
<c cabinet russe. AuSO Mars, disait TEmpéreur, 



Il a fait aussi l'histoire de M. Capo d^Is* 
tria. 

Il est passé de-là à M. de Metternîch. C'est 
lui, nous a-t-il dit, qui 



L'Empereur est venu ensuite à ses propres 
ministres : Bassano^ qu'il croyait, disait-il, 
lui avoir- été sincèrement attaché j ClcrJce^ 
dont le temjps devait, selon lui, faire pleine jus- 
tice; C. ,que les derniers événemens avaient 

montré être bien peu de cho||^. 11 l'avait fait srfc- 
cessivement ambassadeur à Vienne, ministre 



(Amii8i6) DE SAINTE^HELENE; )^5 

de rinterieur , ministre des relations • extérieu'- 
res, etc. Talleyrand, observait l'Empereur, 
Tavait jugé d'un mot, en disant de lui, avec 
son esprit et sa malice ordinaires, q;ue c'e* 
tait un homme propre à toutes les places 
la veille du jour qu'on l'y nommait. 

Vint ensuite M. Camhacérès^ que Napo-- 
léon disait être l'homme des abus, avec im 
penchant décidé pour l'aneien régime. Lebrun^ 
au contraire, avait, disait-il, une pente ex- 
trême vers le sens opposé : c'était , disait l'Em- 
pereur, l'homme des idéalités. Voilà les Jeux 
contre-poids, observait-il, entre lesquels s'était 
placé le Premier Consul, qu'on appela si plai-» 
samment dans le temps le tiers consolidé. 

M. de T et jFbwcA/ eurent leur tour : 

il s'y arrêta long-temps, et partit de là pour 
faire une vigouretfse sortie sur l'immoralité 
des hauts administrateurs en France, et gé- 
néralement de tous les fonctionnaires ou hommes 
à place} sur leur manque de religion politi-^ 
que, ou de sentiment national, qui les por» 
tait à administrer indifféremment, un jour 
pour l'un, un jour pour l'autre ; « Cette 
^légèreté, cette ihconsé^ucnee , nous venait 



L 






»6 MÉMORlil. (Avril .8.6) jj 

' « de loin ; disait-il, nous demeurions toujoui's 

« Gaulois : aussi ûous ne vaudrions tout notre ^^ 

« pris que lorsque nous substituerions Icsij^, 

« principes à la turbulence , l'orgueil à la, 

« vanité', et surtout l'amour des institutions i 

« l'amour des places. » . 

*^ ilropt 

De tout cela , l'Empereur concluait que Iffiaiii 

souverains, à la suite de nos derniers e'vénJ'iSM 

mens, devaient nécessairement avoir retenu nm' ^ * 

-. .1 . ■ 11.- r"""'* 

arrière - pensée de mépris et de depit coat( -^ , 

un grand peuple qui se jouait ainsi de ^sjg 

souveraineté. «Du reste, continnalt-il , l'a"'*''" 

* cuse est peut-être dans la nature des chos^ij^. " 
« dans la force des circonstances. La ^^'^icefn; 

* oratie ëlève la souveraineté' , Yaristocr^'^ d 
« seule la conserve. La mienne n'avait p4 ^^ 
«encore pris les racines ni l'esprit qui V.otit^ 
» vaient lui être propres j au moment iT^^^etis 
« crise, elle setait trouvée encore de la. -^ . 
H mocratie; elle avait été' se confondre ^'mt avoi 
« la foule, et céder à l'impulsion du monv^ ^î"» 
« au lieu de lui servir d'ancre de salut cobjj^^ . " 
*■ la tempête, et de l'éclaii'cr sur son a|'«>, tons 
«élément.» ^'etden. 

^ ,-"« disais. 

'" partial, 



C Avril ,ei6) DE SAINTE^HÉliWE, ht 

T et M. Fouché qui reyiennent si sou- 
vent t je cberche à me répéter le moins pos*» 
sible *• ' 



* Je dois m'excoser ici de noayeau sur le peu d'ordre 
et le trop d'abandoa que poorraientprësenter mes récits» 
J^aî essayé d'abord de réunir eu nue seule masse pln-^ 
sieurs détails épars de la même nature et sur les mêmes 
objets; ils eussent présenté plus d'ensemble 9 de forcQ 
et de couleur ; mais cette opération même 9 quelque 
fkcile, quelque simple qu'elle fût y s'est encore troUTés 
au-dessus de ma santé et de mes forces. 

La même cause doit faire excuser aussi l'extrême 
négligence du style 9 ainsi que les inoorreetions de toutes 
espèces qu'on pourrait rencontrer. Ce dernier ppint» da 
reste , est celui qui m'a le moins inquiété 9 espérani que 
l'importance des choses ferait passer sur l'arrangement 
des mots* 

Les seuls points sur lesquels j'ai pu me satisfidre à 
mon aise , ont été les retranchemeus; anssi , sont-ils fort 
nombreux et de plus d'une espace. C'est sur ce qui touche 
les personnes surtout que j'ai élagué]^ayec;'profusion ; 
aussi puis - je affirmer qu'il n'est aucun de ceux qui 
croiraient ayoir à se plaindre qui ne me doive au con- 
traire quelques chose. 

;Uae fois en train de retrancher et de supprimer^, 
j'ai été sur le point de sabrer toute observation y],tQute 
réflexion, tous sentimens de ma part à l'égard de Na-^ 
poléon, et de me réduire entièrement aux simples faits; 
ear , me disais^je , si l'on venait à m'accuser d'une exa-. 
gératlon partiale ^ ne suffirait-il pas, aux yeux de bien 



M Mémorial; u^tnim) 

««M, de T..t;7..;. avait attendu, disait TEmpe- 
n reur, deux foisvingt-quatre heures à Vienne , 
<c des pleins pcruvoirs pour traiter de la paix 
c en mon nom. Mais j'aurais eu honte de pros-. 
te tituer ainsi ma politique^ et pourtant il m'en 
« coite peut-être Fexil de Sté.-rHëlène } car je 
« ne disconviens pjis qu'il ne soit d'un rare 



dés genstd'one telle impalatîon, si facile k porter, pour 
frapper moa ouvrage , et nuire à moa but ? D^un autre 
cote, ma circonspection, ma réserve, me suis^je demandé, 
oonviiincront - elfes bien d'ayautage 9 ramèuerout-eiles 
beauboop de mobde à mon opiaiou ? Non» Et dës-lors 
k quoi bon géuer en moi des seotimeos de si bonne foi ? 
Pourquoi contraindre nue expansion d'une si réelle , si 
intime conviction ? Car tout ce que j'ai exprimé je l'ai 
eru; et si j'ai pu me tromper en le croyant^ bien ccrltai-^ 
nement je ne trompe point en le disant, £060, et c'est 
ce qui m'a décide , tant ont écrit avec passion dans uii 
scfns directement opposé > se sont tellement évertués k 
fttire ressortir le mal , que je puis bieQ à mon tonr , si 
fj trovve quelque satisfaction, m'évértper aussi à 
faire ressortir le bien. IjCS gens froids.^ sages , raisonna-» 
blés de tous lés temps etde tons les pays » me suî»-je 
dit , s'ils aiment et recherchent la vérité > sauront bien 
dépouiller ces productions extrêmes de leurs excès 
adverses et se mettre en présence des faits à nu ^ et j'ai 
conservé au manuscrit ce dont mes sentimens ont pu eu^ 
iowbrer ces faits* 



lAniiiM) DE SAINTE-HELENE, »9 

ce talent , et ne puisse en tout temps mettre uu 
•r grand poids dans la balance. » 

tf T , continuai4;-rl, était toujours en état 

« de traliison ; mais c'était de complicité avec 
« la fortune. Sa circonspection était extrême; 
ic se conduisant avec ses amis comme s'ils de- 
« valent être ses ennemis j avec ses ennemis 
K comme s'ils pouvaient devenir ses amis. M. de 
« T. •...•.. avait toujours été contraire, dans 
i< mon esprit, au faubourg St.-Germain. Dans 
« l'affaire du divorce , il avait été pour l'im- 
ft péraÇricç Joséphine ; c'était lui qui avait 
« poussé à la guerre d'Espagne , bien que dans 
« le public , il eut eu l'art de s'y montrer con- 
« traire. >» Aussi était-ce par une espèce de ma- 
lice que Napoléon avait choisi Valencey pour 
y placer Ferdinand. « C'était lui enfin, disait 
« l'Empereur, qui avait été l'instrument prin- 
« cipal et la cause active de la mort du due 
K d'Ënghieu. 

Une actrice célèbre (M«^J* Raucourt ) l'avait 
peint, assurait Napoléon,. d'une manière fort 
vraie : « Si vous le questionnez, disait -elle, 
«f c'est une boîte de fer blanc dont vous ne 
«^ tirez pas un mot; si vous ne lui demandez rien ^ 




50 MÉMORIAL . (Atrii iSiS^ 

« bientôt vous ne saurez comment l'arrêter, ce 
« sera une véritable commère.» 

C'est en effet une indiscrétion qui , dans le 
principe y heurta la confiance de l'Empereur et 
Tebranla dans son esprit. « J'avais confié, disait 
« Neipolëon , une chose fort importante à M. de 

« T.* j peu d'heures après Joséphine me la 

« rendit mot pour mot. J'envoyai chercher atis- 
tc sitôt ce ministre pour lui dire que je venais 
« d'apprendre de l'Impératrice une chose que 
« je n'avais confiée qu'à lui seul : or le cercle du 
« rapport se composait déjà de quatre ou cinq 
« intermédiaires. » 

*c Le visage de M. de T... est tellement 

« impassible , disait l'Empereur , qu'on ne sau- 
« rait jamais y rien lire; aussi Lannes ou Murât 
« disaient-ils plaisamment de lui, que si, en 
« vous parlant, son derrière venait à recevoir un 
« coup de pied, sa figure ne vous en dirait rieu.» 

M.deT.... avait un intérieur fort doux et 

même attachant j ses familiers et ses agens l'ai- 
maient et lui étaient fort dévoués. 

Dans son intimité on l'a entendu parler volon^ 
tiers et gaîment de sa profession ecclésiastique 3 
il réprouvait un jour un air que l'on fredonnait 



(Avril 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 54 

autour de lui; il l'avait en horreur, disait-il; il 
lui rappelait le temps où on le forçait d'appren* 
dre le plein-chant et de chanter au lutrin. 

Une autre fois , un de ses habitues racontait 

pendant le souper; M. de T , préoccupe, 

semblait étranger à la conversation. Durant le 
récit , il échappe au conteur , qui se trouvait en 
verve , de dire de quelqu'un : Celui-là est un 

vilain drôle ic^estunprélremari^. M. de T.- , 

reVeillé par ces paroles , saisit une cuiller , la 
plonge précipitamment dans le plat vis à vis de 
lui, et d'un geste menaçant lui crie : «Un tel, 
« voulez -vous des epinards? » Le narrateur de 

se confondre, et chacun de rire, M. de T , 

comme les autres. 

L'Empereur , lors du Concordat , avait voulu 

faire M. de T cardinal, et le mettre à la 

tête des affaires ecclésiastiques: c'était son lot, 
lui disait-il, il rentrait dans le giron, réhabili- 
tait sa mémoire, fermait la bouche aux décla- 
mateurs. M. de T .•. ne le voulut jàînais : 

son aversion pour Tétat ecclésiastique était in« 
vincible. 

Napoléon avait été sur le point de lui donner 
l'ambassade de Varsovie, confiée depuis à Tabbé 



S2 MÉMORIAL { AttU i8iS) 

de Pradt; mais des affaires d'agiotage , des salle* 

te's, disait-il, sur lesquelles M, de T e'tait 

incorrigible , le forcèrent à y renoncer. C'e'tait 
par le même motif et sur la réclamation de plu- 
sieurs souverains d'Allemagne , qu'il s'e'tait vu 
contraint de lui retirer lé portefeuille des rela- 
tions extérieures. 

Touche , disait l'Empereur, était le T ...., 

des clubs, et T ^., , le Foucbe des salons. 

te L'intrigue, observait-il, était »ussi neces- 
te saire à Fouchë que la nourriture : il intriguait 
« eu tous temps , en tous lieux , de toutes^ ma- 
« nières et avec tous. On ne découvrait jamais 
« rien qu'on ne fût sûr die l'y rencontrer pour 
ce quelqiae choses il n'e'tait occupe' que de cou- 
c rir après : sa manie était de vouloir être de 

« tout ! Toujours dans les souliers de tout 

ce le monde. » C'etîût le Aot souvent repe'te' de 
l'Empereur. 

Lors de la conspiration de Georges, quand 
on arrêta Moreau, Touche n'était plus au 
ministère de la police, et cherchait fort à se 
faire regretter. « Quelle gaucherie , disait-il , ils 
ir ont arrêté Morèau quand il revenait de sa cam- 
« pagne à Paris, ce qui pouvait montrer en lui 



« 



(ATriii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 58 

•t une innocente confiance : c'est quand il se 
«rendait à Gros-*Bois, au contraire, qu'il 
et fallait le saisir ; car il devenait évident alors 
« qu'il fuyait. ». 

On connaît de lui le mot qu'il a dit, ou qu'on 
lui à prête', sur l'affaire du duc d'Enghien : C'est 
plus qu'un crime, c'est une faute. De pareils 
traits peignent plus le caractère d'un homme 
que des'volumes entiers. 

L'Empereur connaissait bien Fouché, et 
n'en a jamais ëtë la dupe. 

On l'a beaucoup blâm^ de s'en être servi 
en 481 5 > où en effet Fouche' l'a indignement 
trahi. Napoléon n'ignorait paâ ses dispositions; 
mais il savait aussi que le danger reposait plus 
sur les e'vënemens que sur la personne. « Sî 
ft j'eusse ëte' victorieux , disait-il , Fouche eût 
« ëte' fidèle : il est vïai qu'il se donnait de 
« grands soins pour être prêt selon toutes les 
« chances. Il me fallait vaincre ! » 

L'Empereur, du reste eut connaissance de 
ses menëès^ et l'on va Voir qu'il le ménageait 
peu. 

Après le retour de l'Empereur en18^5,nn 
des premiers banquiers de Paris se prësenté à 



V • 



h^ MEMORIAL ( ATtii 1816 ) 

l'Elysëe, pour le prévenir que peu de jours 
auparavant quelqu'un arrivant de Vienne , s'é- 
tait présente chez lui avec des lettres de crédit, 
et s'était informé des moyens d'arriver à Fou- 
ché. Soit réflexion y soit pressentimetit y ce ban- 
quier conçut quelques doutes sur cet individu; 
et vint les communiquer personnellement à 
l'Empereur, qui fut frappé que Fouché lui en 
eût fait mystère. 

En peu d'heures Real eut trouvé l'homme en 
question; il le conduisit aussitôt à L'Elysée, où 
il fiit enfermé dans un cabinet. L'Empereur le 
fit amener au jardin. « Me connaissez* vous, dit- 
ce il à cet homme? » Ce début/ les idées 
qu'inspirait la présence de l'Empereur , ébran* 
lèrent fortement l'étranger. « Je sais toutes vos 
I « menées, continua Napoléon avec sévérité, si 
•c vous le confessez à l'instant je puis vous faire 
le grâce, sinon vous ne sortez de ce jardin que 
« pour être fusillé. — Je vais tout dire : Je 
«c suis envoyé ici par M. de Metternich au duc 
«f d'Otrante , pour lui proposer de faire partir 
« un émissaire pour Bâle : il y rencontrera 
« celui que M. de Metternich y a envoyé de 
« Vienne j ils doivent avoir des signes de recon- 



r 



(Avril e8i6) de SAINTE-HËLENE. 55 

« naissance et les voici, dit il en délivrant quel- 
ce cjues^papiers.-^Avez-vous rempli votremission 
« auprès de Fouchë? — Oui. — A-»t-il envoyé' 
« son émissaire? -— ^ Je n'en sais rien. » 

L'homme fut remis sous la clef, et une 
heure après quelqu'un de confiance ( l'audi- 
teiir F,.«». ) était en route pour Baie; il s'a- 
houcha avec l'émissaire autrichien; et eut 
même avec lui jusqu'à quatre conférences. 

Cependant Fouché, inquiet de la dispari- 
tion de son Viennois^ se présente un soir 
chez l'Empereur, affectant une gaité, une 
aisance^ au travers de laquelle se réfugiait 
un extrême embarras. <c Plusieurs glaces se 
« trouvaient dans l'appartement où nous pro- 
ie menions, disait l'Empereur ; je me plaisais 
« à l'étudier à la dérobée; sa figure était hi- 
•r deuse ; il ne savait guère comment entamer ce 
t qui l'intéressait si fort. — Sire , dit-il enfin, il 
•r y a quatre ou cinq jours qu'il m'est arrivé 
t une circonstance dont je crains de n'avoir 

« pas fait part à Votre Majesté Mais j'ai 

« tant d'affaires. a.*. Je suis entouré de tant 
« de rapports , de tant d'intrigues. é/.... Il m'est 
« venu un homme de Vienne , avec des propo- 



56 MÉMORIAL ( Atrii 181 tf ) 

« sitions si ridicules Et cet homme je ne 

« le retrouve plus. 

a M. Fouche', lui dit alors l'Empereur, il 
« pourrait être funeste pour vous que vous 
« me prissiez pour un sot. Je tiens votre homme 
ce et toute son intrigue depuis plusieurs jours. 
« Avez -vous envoyé' a Bâle? — Non, Sire. ^^— 
« Ce sera heureux pour vous j s'il en fe'tait autre- 
ce ipent; et j'en aurai la preuve, vous péririez. » 
. Les evenemens ont montré que ce n'eût e'té 
que justice. Toutefois ici il paraît que Fouchén'y 
avait pas envoyé; aussi l'affaire en demeura là« 

Samedi i3. 

Papiers d'Earope. •— ' Politlqo»* 

L'Empereur a de'jeûné au jardin, et nous y a 
tous fait appeler. Il a résume lés ^piers quel 
nous avions parcourus le matin, et s'est étendu 
sur la haute politique. Voici ce que j*en ai re-» 
tenu de plus saillant. 

^ « Paris au 43 vendémiaire était tout à fait 
^|^ dégoûté de son gouvernement, disait l'Empe-* 
« reur; mais la totalité des armées, la grande 
•c majorité des départemens , la petite boiirgeoi- 

«c sie, les paysans lui demeuraient attachés: 



fATrii i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE: m 

«aussi la révolution triomphar-t-elle Ile cette 

«f grande attaque de la contji:e-re'volution pl^p^ 

« qu'il n'y eût; encore que , quatre au.qinqana» 

ff que les nouveaux principe^ eussent^etç pïpr 

« clamés^ on portait, de? scwçfil le^pln? effrQy^-. 

ff blés et les plus cal^mijteusLe9;,0ii^çWcli^i|:$i^v 

« naeilleur ay^niTii . ., ', • , . . ;, ., 

« Mais quelle di£férenf:e,açujourd'lwii*....>U.«. 

é Un soldat, d^s.la, longueur delà jQ^i^éeurd^s^ 

ir Tennui de s.es case;mes, ^^b^soin .de* par](er. 

•c de pierre.;, il ne.p.eut ^aïler -)Je. Eont|Q|l(]^^. 

« ni d^ Pra^e,^ qu'U ne . çpnijtaît p^sj.àl fau- 

vc dra qu'il parle des victoires ^e^J^fa^engOi 

» d* Austerlitz , d'Iéna ^ de celui, qui les a ga- 

tegnees, de mdiî'infîtf; qiii'i-femplis toutes les 

« bouches et snisniam fèiiiesllés*i!maginations. 

(( Une telle sibiatign esjt^a^s.qxemple ^d(ns 

« Thistoire j ^e quelquç coté q]i.'<>n la cpjQsidè^e'^. 

fc on ne voit que malheurs ! Que rçsulterarjt-il 

« de tout cela? Deux pe^ple^. s^ur un mêiu^ 

«sol, acharnés, irréconciliables, qui se, cha* 

« mailleront sans relâjChe , et s'extermiperqnt 

«peut-être.. . ...^. , ,. ;:^^. :,| ... ,;,.'-^j y 

c( Bientôt la même fureur gagnera toute; 

« l'Europe. L'Europe ne formera bientôt plus 
3. h 



'^ 



58 MEMORIAL (Avril i8i5) 

(t que deux partis ennemis : on ne s'y diyiseta 
<t plus par peuples et par territoires ; mais par 
«couleur et par opinion. Et qui peut dire 
«les crises, là durëe, les détails de tant 
« d'orages ! car l'issue n'en saurait être dou- 
«t teuse , les lumières* et le siècle ne retrogra- 
« derontpas!.*. Quel malheur que ma chute !... 
« J'araîs referme l'outre des vents; les haïôn- 
«r nettes l'ont déchirëe. Je pouvais marcher 
« paisiblement à la regénération universelle : 
«c elle ne s'eiécutera désormais qu'au travers 
« des tempêtes I J'amalgamais , peut-être extir- 
• pera4-on ! » 

r ■ 

Dimanche 14. 

Aififés mil QowemtttT • 

Lé temps était revenu à la pluie ; depuis 
deux jours il était détestable. Des hâtimens 
étaient en vue ; les signaux ont appris qu'ils 
portaient le nouveau gouverneur , sir Hudson 
Lowe. 

L'Empereur à dîner, était silencieux et triste^ 
il n'était pas bien ; il s'est retiré de fort bonne 
heure. 



(Awa iai8) DE SAmTE-HÉLÈNE. B9 

Procès d« l^mpenar «tel ste an^aia^ 

Sur les midi, j'àî reçu quatre lettres d'Eu- 
Mpe, qui m'ont donné tout le konhcur dont je 
pouyais jouir ici. 

J'ai vu l'Empereur à cinq heures dans 1« jar^. 
dinj il profitait d'un intervalle de Èeau temps!} 
la plttie atait été battante toute la journée. J« 
lui ai fait part de mes lettres. Chacun de nous 
en avait reçu : ellfes nous arrivent ouvertes, 
piTtom point de nouvelle» ; mais elles nous 
mcmtraient que nous avions des amis, el c'est 
sur tm roc qu'il est doux d'en êtee assuré. 

Pendant le dîner, il nous fait, en anglais, un 
ïëcit des papiefe français, contenant, disait-i^, 
la destinée de M. Lapeyrousej le lieu où il 
a^ait fait naufrage, ses divers événemens, sa 
mort et son journal etc. , etc., -le tout composait 
des détails curieux , piquans , romanesques, 
qui nous attachaient extrêmement j l'Empe- 
reur en a joui, et s'est mis à rire j car son lécît 
n'était qu'une fable improvisce pour nous 
montrer ses progrès en Anglais , disait-il. 



^ 



60 MÉMORIAL (AtHI leifiT) 

Mardi i6. 

Première visite àa GoatemeaPk — - Déclaration exigée 

de nous. 

Le nouveau Gouverneur est arrivé sur les \ 
heures, malgré le mauvais temps et la pluie 
j^ui coutinuait encore ; il était accompagné de 
r Amiral, chargé de le présenter, et qui lui 
avait dit , sans doute , que c^était l*heure la plus 
convenaî)^. 

^. .L'JEufipereur ne Ta point reçu; il était ma- 
lade ,:et se fut-il bien porté, il ne l'eût pas reçu 
davantage. Le Gouverneur, en arrivant de la 
sorte, manquait aux fornies de la bienséance la 
plus: commune j il nous fut aisé de deviner que 
'fêtait une espièglerie de TAmfral. Le Gouver? 
Heur, qui n'avait peut-être pas l'intention de se 
rendre aucunement désagréable , a paru fort 
déconcerté j nous en riions sous capej pour l'A- 
.mirai : il en était triomphant. 

Le Gouverneur, après avoir hésité long-temps, 
et donné des marques évidentes de mauvaise 
humeur, nous a quittés assez brusquement. 

Nous n'avons pT;i douter que toute l'ordon- 
nance de cette première entrevue, avait été 



(Afriiiai6 DE SAINTE-HÉLENE; 61 

conduite par T Amiral, dans l'intention secrette. 
de nous indisposer , dès les preiniers momens > 
les uns contre les autres. Le Gouverneur s y sera- 
t-il prête' ? n'en aura-t-il eu aucuii soupçon ? 
C'est ce que le temps nous apprendra. 

Sur les cinq heures et demie , l'Empereur m'a 
fait appeler dans le jardin : il était seul i il m'a 
dit qu'il se présentait une nouvelle circons- 
tance personnelle à chacun de nous : on allait 
exiger notre déclaration individuelle d'unir 
notre destinée à la sienne, ou, si nous le pré* 
ferions, on devait nous sortir de Sainte-Hélène, 
et nous rendre à la liberté. 

Nous ne devinions pas le motif de cette me- 
sure. Etait-ce , de la part du ministère anglais , 
pour se ménager des pièces régulières? Mais 
nous n'étions partis de Plymouth , pour Sainte^ 
Hélène , qu'avec cette condition préalable. 
Etait-ce pour isoler l'Empereur ? Mais devait- 
on croire que nous l'abandonnerions ? 

Il me demanda quelle serait ma détermina-» 
tiou à cet égard j je répondis qu'elle ne pou- 
vait être douteuse j que si j'avais pu éprouver 
quelques déchiremens, c'eût été a* moment de 
ma première détermination j qu'à compter de cet 



63 MEMORIAL (Avril ««.g) 

ÎMtant; mon sort s'etaiit trouve invVocable- 
méat fixé : qu'alors j'avais suivi la gloire et 
mou honneur; que depuis, chaque jour d'avan- 
tage, je suivais mes affections et mes sentie 
mens. La voix de , rEmpereui* devint plus 
douce ; ce furent là ses.remercimens; je le con- 
naissais désormais : ils étaient grands ! 

J'ajoutai, que d'ailleurs ma détermination 
aurait peu de mérite ; elle ne changerait , 
disais - je , rien à notre situation j nous de- 
meurions le lendemain de cette signature , 
ce que nous étions la veille. Notre desti- 
née ne dépendait point du calcul des hommes , 
mais de la forée des choses* Il serait peu sage à 
nous de compliquer nos peines par des pré- 
voyances ou des ccHnbînaisons h6rs des facultés 
humaines ; nous devions nous abandonner avec 
tranquillité au cours mystérieux des événe- 
mens; trouver quelques jouissances dans Texcès 
de nos maux , en nous nourrissant de cette sa^ 
tisfaction intérieure , récompense précieuse qu'il 
était hors du pouvoir des hommes de balançey 
ni de détruire. 



(Avril 1816J DE SAUSTE-HËLENE. 16^ 

MeTcredi 17. 

Conversation caractéristique. — Retour de l'île d'Elbe 
préyu dès Fontainebleau* «^- Introduction du Gourer** 
nenr. — * Mortification de l'Amiral. — Nos griefii 
contre loi. «-<• Signalement de sir Hudson Lowe. 

L^Empereur m'a fait venir à 9 heures chex 
lui ; il a lu avec moi un article du Courrier de 
Portsmouth , où Ton peignait fort au long ^on 
séjour à Briars. La peinture était fidèle. 

Il m'a fait rappeler dans le milieu du jour pour 
causer. Une partie de la conversaticm fournit 
des deVeloppemens trop précieux du caractère 
de l'interlocuteur, pour que je n'en transcrive 
pas ici quelques traits 

Il se trouvait parfois entre nous des cou-* 
trariétés , des piquasseries , des bouderies qui 

« 

gênaient l'Empereur et le rendaient malheu- 
reux : il est tombé sur ce isujet > il analysait 
notre situation avec sa logique ordinaire; il 
appréciait les peines et les ennuis de notrç 
exil; il en indiquait les meilleurs soulage- 
mens. Nous devions faire 5 disait-il > des sacrifia 
ces mutuels^ nous passer bien des choses: 
l'homme ne marquait dans la vie qu'en don* 



6» MÉMORIAL (A^ra iSiS) 

misant le caraçtc^e que lui avait donne la na-« 
tare , où en s'en créant un par re'duçation , et 
sachant le modifier suivant les obtacles qu'il 
rencontrait. -, 

« ypl^s deye% tâcher de ne &ire ici qu'une 
« famille^ observait-il j vous, m'avez suivi pour 
fp adoucir mes peines : comment ce senti- 
ic ment ne suffirait-il pas pour tout maîtriser? 
« Si la sympathie ne peut faire ici tous les frais, 
« il faut être conduit du moins par le raison- 
ir nemetit et le calcul^ il faut savoir compter ses 
« peines, ses sacrifices, ses jouissances, pour 
« arriver à un résultat^ de même qu'on addi- 
ic tionne ou qu'on soustrait tout ce qui se caU 
i( aile. Tous les dëtail$ de la vie ne doivent-ili 
m pas être soumis à cette règle? Il faut savoir 
« vaincre sa mauvaise humeur. Il est assez 
« siiiiple que vous ayea^ ici dés différends , des 
ir querelles ; mais il faut une explication, et non 
« i>as une bouderie ; l'une amène des résultats y 
V l'autre ne fait que compliquer les choses : la 
« raison, la logique, un re'sultat surtout, doi- 
« vent être le guide et le but constant de tout 
it [ci bas, » Et alors il se citait lui-mêine, ou 
pour avoir suivi çps principes, ou pour s'ei^ 



(Ayra 1816) DE SAINTE-HËLÈNE; 6B 

être éloigne. Il ajoutait qu'il fallait savoir par- 
donner , et ne pas demeurer dans une hostile et 
acariâtre attitude , qui blesse le voisin et em- 
pêche de jouir soi-même; qu'il fallait recon- 
naître les faiblesses humaines , et se plier à elles 
plutôt que de les combattre. 

« Que serais-je devenu , disait-il , si je n'eusse 
K suivi ces maximes ? On m'a dit souvent que 
« fe'tais trop bolQ, pas assez de'fiant. C'eût e'té 
« bien pis si j'eusse e'te' lé contraire. J'ai e'té 
« trahi deux fois j eh bien, je le serais peut-être 
« encore une troisième ; et c'est par cette grande 
K connaissance du caractère des hommes, cette 
«indulgence raisonnee que je m'e'tais crëëe, 
« que j*ai pu gouverner la France, et que je 
« suis le plus propre peut-être , dans Te'tat où 
« elle se trouve , à la gouverner encore. En 

* 

« quittant Fontainebleau , n'avais- je pas dit à 
tt tous ceux qui me demandaient leur ligne de 
K conduite : Allez au Roi, servez -le... J'avais 
« voulu leur re;ndre légitime ce que beaucou,p 
ff n'eussent pas manqué de faire d'eux-mêmes j 
« je n'avais pas voulu laisser écraser ceux qui 
ff eussent été obstinément fidèles 3 enfin je n'a^ 



66 MÉMORIAL {AtfU iM) 

te vais pas vonla sartout ayoir à blâmer per- 
te sonae au retour, » 

Ici , contre ma constante coutume , il m'es^ 
échappe d'oser questicmner^ en quelque sorte , 
TEmpereur : « Comment, Sire, me suis- je écrié, 
fc dès Fontainebleau, Votre Majesté a sofigé a|i 
«c retour? «*— Oui, sans doute, et par le raisonne*- 
^ m^ïU le plus simple. jSi les Bourbons, me suis* 
« je dit, yeulent commencer une cinquième 
ce dynastie, je n'ai plus rien à faire ici, mon rôle 
f est fini; mais s'ils s'obstinaient, par hasard, à 
(( vouloir recontinuer la troisième, je ne tarderai 
ce pas à reparaître. On pourrait dire que les Bour- 
a bons eurent alors ma mémoire et ma conduite 
ce à leur disposition; s'ils l'eussent voulu, je 
ce demeurais pour le vulgaire, un ambitieux, 
ce un tyran, un brouillon, un fléau. Que de 
te sagacité, de sang froid il eût fallu pour 
c< m'apprécier et me rendre justice !.. Mais leur 
« entourage, une faïusse marche, m'ont rendu 
« désirable, et ce sont eux qui ont réhabilité 
« ma popularité et prononeé mon retour; au* 
ic tremëntmamissionpolitique était consaaxméei 
ce je demeurais pour toujours À l'ij^e d'JËlbe; et 
te nul doute qu'eux et moi nous y euss^ions tous 



(ÀTfU.i8i«î DE SAINTE-HELENE. 67 

« g^gae : car je ne suis pas revenu pour recueil* 
« lir un trône, mais bien pour acquitter une 
« gfande dette. Peu le <^omprendront, n'im- 
« porte, j'entrepris une ëtrange charge, mais 
<c je la devais au peuple français , ses cris arri- 
« vaient jusqu'à moi ; pouvais-je y demeurer 
« insensible? 

« Mon existence, du reste, a l'ile d'Elbe, était 
«c encore assez enviable , assez douce ; j'allais 
«c m'y créer en peu de temps une souv^aineté 
«c d'un genre nouveau : ce qu'il y avait de plus 
« distingue en Europe commençait à venir pas- 
ff ser en revue devant moi. J'aurais offert un 
« spectacle inconnu à l'histoire ; celui d'un mo- 
« narque descendu du trône, qui voyait défiler, 
« avec empressement devant lui, le monde ci vi- 
ce lise. » 

« On m'objectera, il est vrai, que les alliés 
K m'auraient enlevé de mon île , et je conviens 
« • que cette circonstance a même hâté mon re- 
« tour. Mais si on eût bien gouveméen France, 
« si les Français eussent été contens , mon in- 
« fluence avait fini, je n'appartenais plus qu'à 
«f l'histoire , et l'on n'eût point songé , à Vienne , 
« à me déplacer. C'est V^g^ta^tion créée , entrer 

I 



68 MÉMORIAL (AtoU«i6) 

« tenue en France, qui a forcé de songer à mon 

« eloignement. » 

' Ici le Grand-Marechal est entre' chez TEm- 

peréur, annonçant Tarrivee du Gouverneur, 

conduit par T Amiral , et suivi de tout son 

ëtat-tnajor. 

Après quelque temps encore de conversation y 
Bertrand est reste' seul avec Napole'on, et j'ai 
gagné le salon d'attente (voir le plan). Nous y 
étions tous réunis, et en grand nombre, nous 
efforçant d'échanger quelques motsj nous nous 
observions bien plus que nous ne causions. 

Au bout d'une demi-heure , l'Empereur étant 
passé dans son salon, le valet de chambre 
en service, à la porte et de notre côté, a appelé 
le Gouverneur, qui a été introduit. L'Amiral 
suivait de près ; mais le valet de chambre , qui 
ri'avait entendu demander que le Gouverneur, 
a refermé brusquement la porte sans admettre 
l'Amiral, qui, sur ses instances , s'est vu même 
repoussé j il s'est retiré, fort déconcerté, dans 
une embrasure de fenêtre. 

Ce valet de chambre était Noyerraz, hon et 
vrai Suisse , dont toute . l'intelligence , disait 



(Avril i8»6) Ï)E SAINTE-HÉLÈNE. 6© 

souyent l'Empereur^ était dans son attachement 
à sa personne. 

Nous demeurâmes saisis d'une circonstance 
aussi inattendue^ que nous crûmes être la vo- 
lonté de l'Empereur. Mais bien que nous eus- 
sions à nous plaindre de l'Amiral, nous avons 
.été à lui pour le distraire de son embarras; sa 
situation vraiment cruelle nous peinait. Cepen- 
dant l'état-major du Gouverneur â bientôt après 
, été demandé et introduit ; l' embarras de l'Amiral 
s'en est accru. Au bout d'un quart d'heure, 
TEmpereur ayant congédié tout le monde, le 
Gouyerneur est ressorti-j l'Amiral a couru à lui,' 
ils se sont dit quelques mots avec chaleur , nous 
ont salués et sont partis. 

Nous avons rejoint PEmpereur au jafdin, et 
lui avons parlé de la déconfiture de l'Amiral : il 
ignorait tout. Parla plus singulière fatalité, le 
hasard seul avait amené cette circonstance ; mais 
il en a été ravi, disait-il; il en riait aux éclats, 
il s'en frottait les mains : c'était la joie d'un en- 
fant ; celle d'un écolier qui vient d'attrapper 
son régent; 

« Ah! mon bon Noverraz, a-t-ij dit, tu as 
« donc eu une fois de l'esprit* Vous verrez qu'il 



7 MÉMORIAL ( AVrà 1816) 

u m'aura entendu dire qae je né voulais plus 
<c voir l'Amiral , et il se sera cru obligé de lui 
<( fermer la porte au nez : cVst charmant I II 
<( n'y aurait pourtant pas à se jouer avec ce 
« boa Suisse ; si j'avais le malbeur de dire qu'il 
<( faut se dëfÎBiire du Gouverneur, il serait 
c( homme k le tuer k mes yeux. Du reste ^ coif* 
<( tinuait plus gravement l'Empereur , c'est la 
« faute du Gouverneur , <pie ne demandait-il 
« l'Amiral î d'autant plus qu'il m'avait fait dirfe 
« ne pouvoir m'étre présenté que par lui ; que 
<( ne IVt-il fait demander encore quand il m'a 
« présenté ses officiers; c'est donc tout4i-fait sa 
« £aute« Au demeurant, l'Amiral y a gsgné 
<c sans doute , je n'eusse pas manqué de l'apois- 
f( tropfter en présence de tous ses compatriotes. 
c( Je lui aurais dit que , par le sentiment de 
<( l'habit militaire que nous portions tous deux 
(( depuis quarante an^;, je le plaignais d'avoir, 
(( aux yeux du monde , compromis , dégradé son 
(c ministère,, sa nation, son souverain , en man- 
« quant, sans nécessité, et sans discernement^ & 
« un des plus vieux soldats de l'Europe : je lui 
(( eusse reproché de m'avoir débarqué k Sainte- 
<( Hélène comme un galérien de Botany--Bay; 



(Avili i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. T'f 

« je lui eusse dît que j^our un véritable homme 
<t d'honneur, je devais être plus vénérable sur 
<c un roc , que sur mon trône , au milieu de mes 
(c armées. » 

La force , la nature de ces paroles mirent fin 
a toute gaîté, et terminèrent la conversation. 

fbMais puisque nous sommes sur le compte 
e l'Amiral et qu'il va nous quitter, résumons 
ici, et avec autant d'impartialité que peut ad- 
mettre notre situation et notre mauvaise hu- 
meur, les torts que nous avons k lui reprocher; 
le toAt pour n'y plus revenir. 

ITous ne pouvions lui passer la familiarité 
affectée dont il usait avec nous y bien que nous 
y rëpotidissions peu ; nous lui pardonnions en* 
coré moins d'avoir osé essayer de l'étendre 
jusqu'à l'Empereur; nous ne pouvions lui par- 
donner non plus l'air gonfié et satisfait de lui- 
même , avec lequel il l'appelait général. Certes 
l'EmpereuT avait immortalisé ce titre ; mais le 
terme , le ton et l'intention , étaient autant d'ou- 
trages. 

En arrivant dans l'île , il avait jeté l'Empereur 
dans une chambre de quelques pieds en carré , 
et l'y avîiît retenu deux mois , bien qu'il existât 



A 



f 



73 MEMORIAL (ArtiiiSie) 

f * 

(i^autres logcmcns dans Tile; notamment celui 
que Imi-même s^ëtait adjugé. Il lui avait indi- 
rectement interdit la promenade a cheval dans 
Tenclos de Briars ; on avait abreuvé d'embarras 
et d'humiliations les officiers de l'Empereur, 
lorsqu'ils venaient le visiter journellement dans 
sa petite cellule. g||| 

Plus tard a Longv^rood , il avait placé des sen* 
tinelles sous les fenêtres mêmes de l'Empereur, 
et, par un tour d'esprit, qui ne pouvait être 
que la plus amère des ironies, il prétendait que 
ce n'était que dans l'intérêt du Général^ et 
pour sa propre sûreté. Il ne perm,ettait d'ar^çrer 
à nous qu'avec un billet de sa p^yt, jet epi nous 
mettant ainsi au secret, il disait que c!était u;ie 
attention particulière pour que Ton n'importu- 
nât pas l'Empereur , et qu!il n'était Ik que son 
Grand'MaréchaL II donnait un bal, et en- 
voyait une invitation par écrit ^n Général Mo- 
napartê, comnjLe a chac^u de ceux de sa suite; 
Il répondait avec un persifflage indécent aux 
notes du Grand-Maréchal, qui employait le 
mot d'Empereur, qu'il ne savait pas qu'il y 
eût aucun Empereur dans l'île de Sainte-Hé- 
lène , qu'il n'en connaissait aucun. en Europe ou 




\ 



( A^xa 1B16 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 73 

ailleurs qui fut hors de ses états. Il refusait a 
rEmpereur d'écrire au Prince Régent , a moins 
qu'il ne reçut la lettre ouverte , ou qu'on ne lui 
en donnât lecture. Il avait gêné les égards, les 
expressions, les sentimens d'autrui pour Na- 
poléon ^ mis aux arrêts des subordonnés,, nous 
«urait'-on, pour s'être servi de la qualification 
empereur , ou autres expressions semblables, 
usitées souvent néanmoins par ceux du 53<"% et 
sans doute , disait Napoléon , par un sentiment 
irrésistible de ces braves. , 

L'Amiral avait limité, par son seul, caprice, la 
direction de nos promenades. Il avait même , à 
cet égard, manqué de parole a l'Empereur; il 
l'avait assuré , dans un moment de rapproche-* 
ment , qu'il pouvait désormais aller dans toute 
l'ile , sans que la surveillance de l'oUcier an- 
glais préposé a sa garde put mé^e être aper- 
çue. Mais deux ou trois jours après, au moment 
où Napoléon mettait le pied a l'étrier pour aller 
déjeûner k l'ombre , loin de notre demeure ha- 
bituelle, il eut l'insigne désagrément d'être 
contraint de rentrer : l'officier ayant déclaré 
qu'il devait désormais faire partie de son 

groupe, et ne point le quitter d'un pas. Depuis 
3. 5 




f» MÉMORIAL (A*rii.8i«) 

cet instant PEinpcreur ne voulut jamais revoir 
l'Amiral, Celui-ci d'ailleurs n'avait jamais (A^ 
servie les formes de bienséance les plus ordi- 
naires , affectant toujours de choisir pour ses 
visites des heures inaccoutumées; dirigeant 
dans la même voie les étrangers de distinctiom 
qui arrivaient dans Tile , pour éviter , par Jà 
sans doute , qu'ils ne parvinssent jusqu^k l'Em- 
pereur, qui ne manquait pas de les refuser. On 
a vu que l'Amiral en avait agi de la sorte lors 
de la première visite du Gouverneur; sa joie , 
dans cette dernière circonstance , sur le OEiau- 
vais succès du Gouverneur,, n'avait que trop 
visiblement trahi ses intentions. 

Toutefois s'il fallait , a travers notre mauvaise 
humeur et la délicatesse de sa mission , résumer 
une opiÉion impartiale , nous n'hésiterions pas 
k convenir , k la suite de tant de griefs , que 
ces griefs reposaient bien plus dans les formes 
que dans le fond , et nous dirions , avec l'£m«- 
pereur , qui avait naturellement un faible pour 
lui , que l'amiral Cockburn est bien loin d'être 
un méchant homme , qu'il est même susceptible 
d'élaiïk généreux et délicats ; mais qu'il est 
capricieux^ irascible, vain, dominateur, fort 



IM^ ,ft>e ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 76 

baULtué k r«ntorité , Peiêeirçwt «an$ ^jt^gaiîM ; 
mettftat souvent la fàtte k h plaee ât !a di« 
dpût^. £t pour^xpritter en4€ttlcittots lanattrte 
de njfts rapports , inm^ dirions que , comme geô- 
lier ^ il aéteiioux, humain, généreux; nous 
lui derons de la reconuaissanee ; tuais que^ 
Mflame notre hôte , il a <eté ^éttéfalement im-^ 
p$»U 9 souvent pire encore ^ et nous airons Heu 
d'en être mëcontOM et de nous plaindre. 

Sur les 2 ou 3 genres TSnapereur a fait sa 
promenade accoutumée; il a beaucoup causé 
arec nous dans le jardin 9 et un calèche /sur les 
circonstances du matin ; et la conveïsartion mxv 
cet oh}pt a repris encore après le diùer. Quel* 
qu'un a pbseanré , toutefois àssex plaisamment , 
que ies à^n% premiers jours du Grouverneur 
avaient été des jours de batailles^ et4evaieB( lui 
faire cxoire que uotts "étimm iala*aitableB y nous 
qui wmmes oaturellement si doux et si patietiSr 
A cfis dernières expressions , TEmpereut n'a 
pu .s'empêcher de sourire et de pwoer Toin&iUo 
ifi r<observatfWr. 

On est passé de Ik au signalement de sir Hùd- 
son-Lovre^ on l'a trouva un homme d'environ 
1^5 ans , d'une taille commune ; minée y maigre y 



76 MÉMORIAL ^ ( A^ii i8i6 ) 

stt j rouge de visage et.de chevelure , marqueté 
de taches» de rousseun ; des yeux obliques, fixant 
à la dérobée et rarement en face., recouverts d^ 
sourcils d'un blond ardent, épais et fort proémi- 
nens, <( Il est hideux ! a dit TEmpereur , c*est 
« une face patibulaire. Mais ne nous hâtons^ 
(( pas de prononcer, le moral après tout 'peut 
(( raccommoder ce que cette figure a de sinistre;, 
(( cela ne serait pas impossible. » 

Jeudi 18. 

1 

Convention des Souverains sur Napoléon^ etc* — Paroles 

remarquables. 

Le temps avait été horrible depuis plusieurs 
jours : aujourd'hui il est devenu très^beau ; 
TEmpereur est sorti de bonne heure pour pro- 
mener danià le jardin; sur les W^ heures il est 
monté. en calèche , il a fait une promenade plus 
longue que de coutume. Avant dîner, 1- Empereur 
m^ai fait appeler pour lui traduire la convention 
des Souverains relative à sa captivité. La voici: 

Convention entre la Grande-Bretagne , Vjiur 
triche , la Prusse et la Russie , signée a 
Parfsle20aoûti8r5. 



« Napoléon Bonaparte étant au pouvoir des 



( Ami »8iG ) DE SAINTE-HÉLÈNE. * 77 

souverains alliés, leurs Majestés le Roi du royau^ 
me-uni de la Graude-^Bretagne et d'Irlande , 
rjEmperçur d'Aiitriche.. , l'Empereur de Russie 
et le Roi de Prusse ont agréé , en vertu des sti- 
pulations du traité du 25; Mars 4845, sur les 
mesures les plus propres à rendre impossible 
toute entreprise de sa part contre le repos de 
l'Europe. 

. (c Article I". Napoléon Bonaparte est con- 
sidéré par.lespuissance^qui ont signé le traité 
du 20 Mars d^riçiiçer, comme leur prisonnier. 

Art. 2™®. Sa garde est s|>écialement confiée 
an Gouvernement Britannique. 

Le choix de la place et des mesure^qui peu- 
vent le- mieux assurer l'objet de la présente sti- 
pulation sont réservés a Sa Majesté 3ritanniq[ue« 

« Art. 3™«. Les cours impériales d'Autriche 
et de Russie et la cour royale de Prusse , nom- 
meront des commissaires , pour se rendre et ha 
hiter dans la place que le gouvernement de 
S. M. Britannique aura assignée pour la résidence 
de Napoléon Bonaparte, .et qui,. sans être res- 
ponsables de. sa. garde , s'assureront de sa pré- 
sence. 

ë 

<( Art. W™«. s. M» très*Chrétienne est invi- 



n MÉMORIAL ( Attii .âiô ) 

tét, au nom des quatre coûts cinfcssus mentron- 
nies j rf'ehvdyief pnr'eilteitiretrf un commissaire 
françâËis^ au liett rfe' la' détention de Napoïéon 
Bbnupai^tfi-. 

Atrt. 5**. Sa Majfei^të Ite rot rfu royaunre uni 
dte' la Grande-Bretagne et de TMaride , s'bMîgc 
\ rem^^lir les engag^méns cpk lui sont assigna 
par la présente convention. , 

« Art. 6**^. La Jtféseillfe convention sera ra- 
tifiée et k i^àtiftcsrtïo'ir sera écïfttugée dans qurn^te 
jours^ dtrpiite tôt s*iï est J)ossi:Mfe. 

<c En foi décjttot les plénipotentiaires respec- 

tifis ont signé la présenté c^onvention, et y ottt 

apposa lé scièati de lenrs aftùies. 

Fatît à f ârîs ce 20 Août de Tannée de notre 
»e*g*ètfr, *g+5. 



I TlÉlÉÉlI I 



La fefctur'e foi te, PEmpereùr m*a démandé 
ce ^e f en pensais. 

<( Site , âî-jé riBpondu:, dans fa position où nous 
t( nous trthrrdns , |*àime mieux d^éndrcr des 
(c intérêts d^in éëùf que de ïiâ déctsion compli- 
ce (|uée dfe qpiâtre. L'Angleterre évidemment a 
cr dicté ce traité ; voyez avec quel soin elle sti- 
k {hïle (JttMlc ^eîtilc répondra , disposera du 



( AthI i$i6 ) DE S AINTÊ^HÉLENE. 7S 

« prisonnier ; je ne la vois occupée q^uli nantir 
i< sfô mains du léi^ier d'Arehimède / elle ne 
<( sailrail donc ayeit Tidée de. lé briser, n 

L^ËHqpereur^ saÂs expliquer sa pensée sur cet 
ok^t j esi; passé aux difFérenles chances qui pou- 
raient amener sa sortie de Sainte-Hélèn« , et a 
dit ces paroles remarquables : v Si Ton est sage 
f( en Europe y si Tordre s'établit partout ^ alors 
<( nous ne vaudrons plus ni Tardent ni les soins 
(( que nous coûtons ici ; on se débarrassera de 
(( nous ; mais* cela peut se prolonger encore 
(( quelques années ; trois , quatre ou cinq anj : 
<f autrement, et a part les événemensr fortuits, 
(( qu'il n'est pas doiiilé Ik rintefligénce humaine 
« de prévoir , je ne V^oîs guère, éton ami, que 
(c âteux grandes chance^ bien incertaines ptnrr 
(f sortir d'ici : le besoin que pourraient avoir 
(( de nioi f es rois contré fes peu pïés' débordés ; 
(( ou éélui que pourraï^ùt avoii* ïé's jjkeuples 
<i iDUleVéî^ âui prises aVée^ f es :f oîs ;' car, dans 
(( cette inirtlèn«e lutte dti jJi'ésent aivéCî le pasâé, 
« ie suis l'àAïtVe et lé médfiâteur naturel , j'a- 
« Vais aspira k eA être le juge suprême ; toute 
(( mon administration au dedans^ , toute ma di- 
« pïoiiiatié au d'chdrs' , roûliieiif vers ce grand 



■ 

i 

J 



6Û MÉMORIAL ( Aviii .816 ) 

(( but . L^sue eût été plus facik et plus prampte; 
« mais le destin en a ordonné autrement. -Enfin 
« une dernière chance , et ce pourrait être la 
<( plus probable , ce serait le besoin qu^on au- 
<c rait de moi contre les Russes; car, dans T^tat 
« actuel des choses , avant dix ans, toute TEu- 
(( rope peut être cosaque , ou toute en répu- 
<s blique ; voila pourtacnt les hommes d'état qui 

u m'ont renversé , 

« •* * 

«.....,.. t > 

« , . . , »,..,.., . r 

<f ........... Y ••• r •••• f ••••'••••*• • 

Et puis, revenant sur la décision des Souve- 
rain^ ^ son égard, a son style , au^el qu'elle té- 
moigne (c il est diflicile dç Ips expliquer, î^-t-il 
« dit. 

(( ^ra/ipoi^/ Il est religieux, et je suis son fils! » 

(( Alexandre! Nous nous somn^es aimés ! » 
<^ lie roi 4e Prusse/ Je lui ai fait beaucoup 
(( fie mal sans doigte ; ms^is je pouvais en faire 
(( davantage ; et puis n'y a-t-il dpnc pas de la 
(( gloiipe, une véritable jouissance k s'agrandir 
(c par le cœur ! » 
, (f Pqur VjingUterre , c'çst a l'aniniQsité 4e 






( ÀTta «aiG ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 84 

a ses ministres que je suis redevable du tout, 
(c Mais encore serait-ce au Prince Régent à s^en 
<f apercevoir , à interférer , sous peine d'être 
(c noté de fainéant ou de protéger une vulgaire 
« méchanceté. 

« Ce qu'il y a de sûr, c'est que tous ces Sou- 
« verains se compromettent , se dégradent , se 
<( perdent en moi 

Vendredi 19. 

Déclaration exigée de nous. 

L'Empereur avait le projet de déjeûner 
dans le jardin, le Grand^Maréclial et M"^ Ber- 
trand étaient venus en suite de cette intention. 
L^Empereur avait passé une mauvaise nuit , 
n'avait point dormi : il a déjeûné dans son inté- 
rieur. 

Le Gouverneur nous a notifié officiellement 
que nous devions lui donner chacun notre 
dëcli^ation, exprimant que nous demeurions 
volontairement k Longwood , et nous soumet- 
tidns d'avance à toutes les restrictions que 
nécessiterait la captivité de Napoléon ; voici la 
mienne: • » : 

Déclaration. — a Je , soussigné , réitère la 



SS MEMOKIAL ( Jmû >tis ) 

u déclaration; tpjkt f ai déj^ Imte en. rade de Ply- 
<# tkê^f^ : fottkmr m'attacher \ la deslm<6 de 
<r PËtnp«»6ur Napoléon , Tai^coaapagner , le sui- 
<^ ttid y et dimiAuef , autant ^'il est eni mon 
(c pouvoir , rinjuste traitement ^'il ëpwmve 
t^ par la ^îolalidii la plus iaouie du droit des 
^ geâ^ ^ laqudte m'est d'auliiiii: fhi» sensi^ble 
« personnellement, que c'est moif qivi lai a^î tvans* 
(( mis Toffre et l'assurance du capitaine Mait- 
« land du fielleroplion , comme quoi il ^Tait 
<c les ordres dté recevoir fTÈmpéreUr et sa suite, 
« sous la protediM àt pÉtsfillofk brîtafMî^ue , 
(( si cela hti é<afk agréable , et dé lé eôttdtfhre 
ff cttAttgletewé. 

it hà lettre de TEmp^ereut îf apd'léô* ( (Jue 
«^ eorfutaît toute TAtfgle^eiM), ail Frine^ Ré- 
(c gent , laquelle j'ai communiquée d'avanéé âA 
«p eaptWiiHe^ MailfïâAdf , isdns qtv'il Waît fait la 
<t Ijâwindre obsetvàtiiin , déitfoAti'e au tKifon?^ , 
ce brénr «rieut qtte ne pôu^ifaieÉt le^ fstirië Ibtr^s 
<r itf e^ paroles , cîottt Ae PÊrtiptn-e'ùJr vint H- 
«e breïttent lu devshit d^' ce«té oflfr'é d'hd^t- 
r tdîf é , et ddmbirtl , pât tûûÉéc[tieAt , drt Ta 
<( rendu la dupe de sa confiance et de sa[ botiiie 
« foî. 



i Ana iM ) DE SAIHT&HÉLÈIfE. 83 

i( Aujourdliui ^ malgré Fexpériekice q[ae j'ai 
i< de riiorriBle séjoiir de Tîle de Sainte-Hélèiie ^ 
« si contraire à la santé de PEmpereur et H eella 
i( de tout EuFopéeïl , et quoique depuis sis 
a mois que nous sommes dams File y }\ie éprouvé 
<c toute espèce de privations^lesquelleà je mul^ 
¥ tipli'e journellement moi -même poui^ tn'ex- 
i( poser le moins possible du manque d'égk^d 
u que réclament mon rang et mes habitudes ; 
« toutefois j constant dans les mÀnes sentimeffs , 
<( et résolu désormais k ce que la cfrainte d^au^ 
<r crni n^l, Tespoir d'aucun bien pussent me se- 
« parer de PEmperetrt Napoléon, jeréitère mon 
« désir de vouloir demewer atiprès de lui, en 
(( m^ soumettant aux ré^rictionsqui lui servent 
«r arbitrairement imposées. » 

Samedi 20. 

Visile d^adieu âe Fancien Gouverneur. — Conversation 
retuar^able. — Saillie dVn vieux soldat anglais. 

Le colonel Wilks , îepassant en Europe , est 
arrivé^ avec s» fiUe, pour prendre congé de 
VEmpereixr': elle a été présentée par madame 
Bertrand. J*ai déjà dit que le colonel Wiiks 



8* MEMORIAL (A^^riiiiwij 

était l'ancien gouverneur de la colonie, pour la 
Compagnie des Indes; c'est lui que T Amiral avait^ 
remplacé en cette qualité , au nom du roi, lors- 
que notre translation k Sainte - Hélène avait 
fait passer cette île des mains de la Compagnie 
dans celles du Gouvernement. ' 

L'Empereur était ce matin d'une gaité remar- 
quable ; il a causé quelque temps avec ces dames, 
puis il s'e$t retiré, avec M. Wilks , dans une 
embrasure de fenêtre, me faisant suivre pour^ 
servir d'interprète. 

Le colonel Wilks , comme je l'ai déjà peut- 
être dit, a été long-temps agent diplomatique 
de la Compagnie , dans la péninsule indienne ; 
il a écrit une histoire de ces régions , a beaitcoup 
de connaissances, surtout en chimie : c'étaît'dQne 
un militaire , un littérateur , un dij^lomate , un 
chimiste. L'Empereur l'a questionné sur tous ces 
objets, et les a traités lui-ménjie avec beaucoup 
d'abondance et d'éclat; la conversation ,a été 
longue , vive et variée , elle a duré plus de deux' 
heures. Voici les principaux trait* que j*en ai 
retenus. Je me répéterai peut-être , car l'Empe- 
reur et le colonel Wilks avaient déjà eu, il y 
k quelques mois, une longue conversation pré-. 



( Av«i.t8ifr) DE SAINTE-HÉLENE. 85 

cifiément sur les mêmes ol]^ets ; mais n'importe, 
ces objets sont d'un tel intérêt , que j'aime 
mieux encore répéter quelque chose que de 
rien perdre, 

' L'Empereur lui a d'abord parlé de Tarméè 
anglaise , de son organisation , et surtout de 
son mode d'avancement, il l'a opposé au nôtre, 
et a répété ce que j'ai dit ailleurs sur son ex-* 
cellente composition , les avantages de - notre 
conscription , l'esprit valeureux des Fran- 
çais , etc. 

Passant a la politique, il a dit : « Vous avez 
H perdu l'Amérique par l'afiranchissement ; 
(( .vous . perdrez l'Inde par l'invasion. La pre- 
(( mière perte était toute naturelle : quand les 
(( ^nfans déviennent grands, ils font bande k 
(< part; mais pour les Indous , ils - ne grandis- 
(( sent pas y ils demeurent toujours enfans ; aussi 
(( la .catastrophe ne viendra que du dehors : 
« ^ous ne savez pas tous les dangers dont vous 
« avez été menacés par mes armes ou par mes 
w négociations, etc., etc. 

« Mon système continental! Vous en 

« avez ri peut-être ?—• Sire , a dit le colonel, 
M nous en avons fait le semblant ; mais tous les 



v'J 



«« MÉASOIUL ( And aa 

« gens sensés ont s«aû le cMf^ '*— £b bien 1 « 
<r continué TEmpereur , mai > je me sais tf ouyé 
K seul de mon avis sur le contÂn/ent.; il m^t lUltt 
f( pour Tinstant employer partout 1a yiolence/» 
(( Enfin l'on commence i me comprendre ^ déjà 
<c TarJbre porte «oo fimîi : j'ai commencé > le 
(c temps fera le i^ste. * « . 

^c Si je n'eusse succomlié, j'aurais changé la 
M £ace du commerce, ausiû bien cpxe la route de 
(( rindustrie; faTais naturalisé , au malien de 
« nous y le sucre , Tindigo ; j'aurais natniialisé 
4( le cpton , ^ bien d'autres dioses encore : 
(c on m'eût tu déplacer Iqs .colonies , «i fon 
« js» fit obi^tîné k ne pas nous en donner une 
« portj<on. 

« L'impulsiofi cbez nous était immense ^ la 
« prospérité , les progrès, croissaient outre me^ 
u sure ; et pourtant vos mrinistres rép^daîent 
Ai par toute l'Eitrope que nous étions misérables 
.(( et quie nous retombions dans la barbarie. 
« Aussi le vulgaire des alliés a^-t^l été étrange* 
i< ment surpris a la vue de notre intérieur ^ aussi 
(( bien que vous autres , qui en êtes demeurés 
« déconcertés , etc. , etc. 

(i Le progrès des lumières en France était 



( àmiUM ) DE SÀIICfË-HELÈNE. 8t 

#r gigaj[itesi[ue,iesidië«spartautserecti^ai«aitet 
fc s'ëten^atcnt , "p^ce qme nous nous efforcions 
«r d^ renda*^ la seience populaire. P» exemple^ 
cr on m'a dit jqu/t tous ëticx tcèsrforts snria €hi- 
if BÎie; etlneif^e fittU loin de prononcer de 
«c jfHtl côlë de Peau «e trouve b plus habile 
(( ou les plus lûMles chimistes... -i-^En Fcance, 
« a dit aussitèt le colaniel. »**-*« Peu importe , 
« a continué l'EdnpereuT ; mais j^ maioliens 4pie 
K flans la masse française, il y a dix, et peut*étre 
f( cent fois jdus de connaissances chimiques 
u (^u^en Ang]ieten« ; parce qœ les diresses 
« l)ranches mdustrkUes i'apfdiqueat aujour- 
a d'hui à leur travail ; et c'était Ik «n des carac- 
K tères de mon école : si Ton m^en eàt laissé 1« 
a temps, bientôt il n*y aurait plus eu de métier 
<c en France, tous eussent été des arts, ^tc, etc. n 

Ën&i il a terminé par ces mots remarquaUes : 
te L'Angleterre et la France ont tenu daiis leurs 
9i mains le sort de la terre , celui surtout Je la 
a civilisation européenne. Que de mal b^mis 
<( nous sommes fait ! Que de bien nous pouvions 
« nous faire 1 

<c Sous Técole de Pitt , nous avons désolé le 
k monde , et pour c[iiel résultat? Tous avez im- 



90 MEMORIAL (Afiii tSii) 

barquement de Tilt d*Elbe ; le dief obeerrail 
aux seldate qu^ils étaient bien vêtus ^ bien noiir- 
ris y que leur solde était k )ouf ; k ({uoi le gre- 
nadier auquel il stressait répondait à ebaque 
obserration : « Oui assurément. •— Ëh bien! con- 
« dut le obef 9 d'un aii confiant et prostripteur, 
f( TOUS n'étieai pas de la sorte avec Bonaparte ? U 
H y avait de l'arriéré , on voua devait ?— -ce Ek 
« qu'est-ce que cela fait y repartit vivement le 
u grenadier ^ s'il nous plaisait de lut fiûre 
K crédit ? n 

Dimanche 21. 

MeMage de l'Empêrear au Prince Rëgent.-^ Parole» 
caractérUti<(aes* —-Porte-feuille perda à WaterlcM>. -*- 
Sur les ambassadeurs. -^ ]M[. de I^arboime. «^^ Après 
MoscoWy TEmpereur sur le point d'être arrêté en Ai- 
magne. —Compte de toilette deTEmpereur*— -Budjet 
d'un ménage dans les Capitales de l'Europe. -^ L'a- 
meublement de la maison- de la rue de la Victoire. •*-* 
Â.meublemens des palais . impériaux. -— Moyens de 
vérification de Napoléon. 

UEmpereur m'a fait demaader au jardin, sur 
les quatre heures, pour servir d'ii^terprète. Un 
capitaine Hamilton ^ commandant la frégate la 
Havane , partait le lendemain pour l'Europe. 






{ Ami ,•«$ )DE SAIWTE-HÉLtNE, W 

Il ëtoit xentu prendre congé de rEmpereur «tec 
loits ses officiers. 

Le capitaine Hamilton parlait français* 
Quand je sais arrivé , PEmpereur s^exprimait 
avec dialeur. 

a On veut savoir ce que je désire y disait-il ? 
« je demande ma liberté ou un bourreau. Rap- 
4r portez ces paroles k votté Prince-Régent. Je 
^ ne demande plus des nouvelles de mon fils , 
u puisqu^on a eu la barbarie de laisser mes 
a premières demandes sans réponse. » ' 

« Je n'étais point votre prisonnier: les sau- 
« vages eussent eu plus d'égards pour ma pc|- 
« sition. Vos ministres ont indignement violé 
Il en mpi le droit sacré de Thospitalité, ils ont 
« entaclié votre nation pour jamais ! » 

Le capitaine Hamilton s'étant hasardé de ré* 
pondre que TEmpereur n*était. pas prisonnier 
de TAngleterre seule, mais de tous les alliés^ 
TEmpereur a repris avec chaleur : 

<c Je ne me suis point livré k la Russie y elle 
u m^eût bien reçu sans doute; je ne me suis 
<c point livré k TAutriche , j'en aurais été éga* 
(c lement bien traité; mais je me suis livré, 
K librement et de mon .choix , a rAngleterre , 



$8 MEMORIAL ( Avril 1816 ) 

<( parce que je croyais k ses lois^ à sa morale 
« publique ; je me suis cruellement trompé ! 
« Toutefois il est un ciel vepgeur , et tôt ou 
(t tard vous porterez les peines d'un attentat 

<( que les hommes vous reprochent déjà! 

ft Redites tout cela au Prince Régent , Mon- 
«sieur. » Et accompagnant ces dernières pa- 
roles d'un geste de là main, il le congédia. 

Nous avons continué de promener quelque 
temps encore. Le Grand-Maréchal , qui avait 
accompagné quelqufes pas M. Hamilton , étant 
revenu, nous avons cru devoir le laisser seul 
avec TEmpcTeûr ; mais k peine rentré dans ma 
chambte , il m'a fait appeler. Il était sëiil dans 
la sienne, et m*a demandé si je ne m'étais pas 
assez rctirédans la journée. Je lui aï dit que le 
respect seul et la discrétion m'avaient été d'au- 
près de lui. A quoi il m'a répondu que c'était k 
t;ort^ qu'il n'y' avait ici rien de mystérieux ni 
de secret, ce Et puis, a-t-il ajouté^ une cer- 
« tainé liberté , un certain abandon , ont bien 
« aussi leur cliarme. » Ces paroles, dccoulées 
négligemment de la bouche de Napoléon , peu- 
vent servir k le peindre plus que beaucoup de 
pages. , 



( AtrJi i8i6 ) DE SAlNTE-HElENE. 98 

Nous avons alors parcouru une publication 
anglaise , renfermant les pièces officielles trou- 
vées dans le pôrte-feuillc qui lui a été enlevé 
à Waterloo. L'Empereur, étonné lui-même de 
tous les ordres qu'il donnait presque k la fois , 
des détails sans nombre qu'il dirigeait sur tous 
les points de l'Empire , a dit : « Cette pùbli- 
(( cation après tout ne saurait me faire du mal ; 
(( elle fera dire a bien des gens que ce qu'elle 
(c. contient n'est pas d'un homme qui dormait: 
« on. me comparera aux légitimes; je n'y per- 
ce drai pas. » 

Après le dîner, l'Empereur a causé long- 
temps de sujets rompus. En parlant de ses am- 
bassadeurs , il a trouvé que M. de Narbonne 
était le seul qui eut bien mérité ce titre et 
rempli vraiment cette fonction. « Et cela, disait- 
(( il, par l'avantage personnel , non seulement 
(( de son esprit , mais bien plus encore par celui 
' « de ses moeurs d'autrefois , de ses manières , 
« de son nom; car^ tant qu'on n'a qu'a près- 
(( crire , le premier venu suffit , tout est bon ; 
« péutrêtre même l'aide-de-camp est-il prê- 
te férable. Mais dès qu'on en est réduit k né- 
<( gocicr, c'est autre chose; alors a la vieille 



n MEMORIAL ( àTTii ia.ft ) 

<r aristocratie des cours de TEurope on ne doit 
<( plus présenter que des élëmens de cette même 
a aristocratie ; car elle aussi est une espèée de 
u Maçonnerie : un Otto , un Andrëossi entre* 
cr ront-^ils dans les salons de Vienne? aussit6t 
<( leÉ ëpanchemens de Topinion se tairont y les 
(( habitudes de mœurs cesseront; ce sont de^ 
<r intrus; y des profanes; les mystères doivent 
(( être interrompus. C'est le contraire pour un 
<( Narbonne, parce qu'il y a affinité, sympa- 
ii thie y identité ; et telle femme de la vieille 
<c roche livrera peut-^tre sa personne k un 
w plébéien , qu'elle ne lui découvrira pas les 
(( secrets de l'aristocratie. » 

L'Empereur aimait beaucoup M. de Nar- 
bonne ; il s'y était fort attaché et le regretta vi-^ 
vement. U ne l'avait fait son aide«<le-H;amp que 
parce que Marie-Louise , disait<il, par une intri- 
gue de son entourage, ISavait refusé poui^ cheva- 
lier d'honneur ;poste qui était tout-k'-fait son lot, 
disait Napoléon, u Jusqu'à son ambassade , ré- 
ce pétait-il, nous avions été dupe de l'Autriche. 
(( En moins de quinze jours M. de Narbonne 
<f eut tout pénétré, et M* de Metternich se 
« trouva fort gêné de cette nomination^ » 



( Afrii .si€ ] DE SAINTE-HÉLÈNE. bi 

«r Toutefois, observait TEmpereur, ce que 
« peut faire la fatalité ! les succès mêmes de 
«r M. de .Narl)!onne m*ont perdu peut-être ; ses 
H talens m^ont été du moins bien plus nuisibles 
•r qu^utiles : TAutriche , se croyant devinée , 
« )eta le masque et précipita ses mesures. Avec 
« moins de pénétration de notre part , elle eût 
« mis plus de réserve , plus de lenteur ; elle eût 
if prolongé quelque temps encore ses indécis 
€c fiions naturelles ; et durant ce temps , d*autres 
« chances pouvaient s^élever. » 

Quelqu'un ayant parlé des ambassades de 
Dresde et de Berlin , et penchant k blâmer nos 
agens diplomatiques dans ces cours , lors de la 
crise du retour de Moscovr ; TEmpereur a ré- 
pondu que le vice y à cet instant, n*avait point 
été dans les personnes , mais bien dans les 
choses ; que chacun avait pu prévoir d'un coup- 
d'ceil ce qui pouvait atriver j que lui n'en avait 
pas été la dupe une minute. Que s'il n'avait pas 
ramené l'armée lui-même k Wilna et en Alle- 
magne y ce n'avait été que par la crainte de ue 
pouvoir regagner la France de sa personne. II 
avait voulu remédier , disait-il , k ce péril im^- 
minent par de ^audace et de la rapidité, en tra- 



96 MEMORfAL^ (Avnirs.S) 

vcrÉiaat toute U Oerxnanie , seul et vite. Toute- 
fois, il sMtâit vu à l^instant d'être retenu en 
Silesie,:; « Mais heureusetneiijt , disait-il , les Prus- 
se siens passèrent, k se con^ulteir , lé moment 
(( qu'ils, eussent dû employer à agir. Ils firent 
(( comme tles Saxons pour Çliarles XH , qui di- 
<( sait gaîment a sa sortie de Dresde, dans une 
a occasion semblable : Vous ven-ez quUls dëli- 
« béreront demain sMls auraient bien fait de 
H jn'arréter aujonrd'hui, etc., etc.)) 

L'Empereur, avant dîner, m'a fait appeler 
dans son cabinet pour faire quelques tliêifies 
anglais.; il venait, me disait-il, de faire son 
compte de toilette ; elle lui coûtait quatre na- 
poléons par mois. Nous avons beaucoujî ri de 
l'immeasité du budjet;- Il m'a parlé de faire ve- 
nir ses vêtcmîcns, ses souliers, ses bottes, de ses 
ouvriers ordinaires, qui avaient ses racsui-es. 
J'y trouvais de graves inconvénient',* 'mais* ce 
qui devait iious mettre d'accord ,'• lui\disais-je \ 
c'est que bien certainement on ne le permettt-ait 
pas. * • - ^ .•>,'.- 

((. Il est dur pourtant, observait- il y de ràc 
« trouver sans argent, et je veux régulariser 
« quelque chose a cet égatd. Aussi , dès ^Ue le 



( Arrii i8.e ) DE SAIKTE^HÉLÈNE. 97 

ce biU,.»qui doit fixer 'notre situation ki, nous * 
« sera notifié , je m'arrangerai pour avoir un 
<f (crédij annuel 4e 7 a 8 mille napoléons sur Eu- 
<c gèn;e. Il ne saurait ;s'y refuser, il tient de moi 
<c plus de quarante millions peut-être ; et puis 
« qe serait faire injure a ses septimens person- 
« nelsj que d'en douter. D'ailleurs /nous ayons 
« de grands comptes a régler cnsemMe; je suis 
« sûr que si j'^avais chargé une Commission de 
(c mes Coascillers-d'Etat, d'un rapport a ce su- 
<^ jet ). elle m'eut présentjé une reprise sur lui de 
(( dix a douze miUions.au moins. » 

A ,dîner, l'Empereur nous a questionnés sur 
ce. qui était nécessaire, disait-il, pour un gar- 
çon, dans une capitale dç l'Eui'opè , ou pour un 
ménage raisonnable , où ; enfin pour un ménage 
de luxe. 

Il aime ces questions et ces calculs, et les 
traite avec une grande sagacité , et des détails 
toujours curieux. 

- Chacun de nqus a présenté ses Ludjets, et 
l'on 4'esit accordé, pour Paris, a quinze mille, 
qiiarapte mille et cent mille- francs. L'Etnpe- 
reur s'est arrêté sur l'extrême* différence qu'il 
y avait entre le prix des choses, et des mômes 



\ 



choses suivant les personnes et les circons-^ 
tances. 

ce En quittant Tarmée d*Italie, a-t-^il dit, pout 
(( Tenir k Ps^is, madame Bonaparte avait écrit 
K qu'on meublât , avec tout ce quHl y avait de 
a mieux y une petite maison que nous ài^oit^ 
H rue de la Victoire. Cette maison ne' valait 
a pas plus de quarante mille francs. Quelle fui 
H' ma surprise, mon indignation et ma mauvaise 
a humeur , quand on me présenta le compte dej^ 
c( meubles du salon , qui ne me semblaient rieA 
« de très-extraordinaire, et qui montaient pout^- 
« tant k là somme énorme. de cent vingt k cent 
M trente miUe francs. J*eus beau me défendrtP, 
« crier, il fallut payer. L*entrepténeur montrait 
<c la lettre qui demandait tout ce qu*il y avait dé 
f( mieux : or tout ce qui était Ik était de nou- 
i< veaux modèles , faits exprès ; il n'y avait pas 
<f de |ug0«4e^patx qui ne m*eùt condamné. » ' 
De Ik TEmpereur est passé aux prix fous de- 
mandés pour les ameuUemens des palais imjpé- 
riaux, aux grabdes économies quHl y avait in^ 

troduites. Il nous a donné le prix du trènë' , 
celui des ornemens impériaux^ etc., etc. . Qum 
de plus cnricTix> que de tenir de sa bouche ces 



t ATrU >«,6 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 

détails, ce$ comptes , le mode dé ses économies ! 
Combien je regrette de ne les avoir pas consignée 
dans le temps ! niais veut-on connaître an de ses 
moyensdeverification.il revenait aux Tuileries; 
91*00 avait magnifiquâinent meublés en soti al>- 
sence. On n*eut rien de pins pressé que de lui 
faire voir et admirer le tout : il s'en montre très- 
satisfait , et s'arrétant k une embrasure de fe- 
néUre, devant une fort riche tenture, il demandé 
des ciseaux, coupé un superbe gland d*or en peii- 
dant, le met froidement dans sa poche et con- 
tinue-son inspection , au grand étoanement de 
ceux qui le suivaient , incertains et cherchant 
à deviner son motif. 

A quelques jours de la, k son lever , le gland 
ressort de sa pocfae^ et le remettant k icelbi qui 
était cliargé des ameublemens : « Tenc% , mon 
« cher , lui dit-il , Dieu me garde, de penser 
a que vous me volez ; mais on vous vole : vous 
(( avez payé ceci un tiers àunlessus de sa vdeur : 
(r on vous a traité en intendant de grand Sei- 
^ gneur, vous eussiez pu faire un meilleur mar- 
« ché si vous n'aviez pas été connu. )) 

Cest que Napolé^m, dans une de ses prome- 
nades matinales , et déguisé , ce qui lui arrivait 



♦00 . MEMORIAL ( Avril 1816 ) 

fréquemment , était entré dans plusieurs maga- 
sins de la rue Saint-Denis , avait fait évaluer ce 
qu'il avait emporté, proposé des entreprises 
analogues, et amené le résultat a sa plus simple 
expresision., disait-il. Chacun connaissait son 
/aire a cet égard , et c'était la , disait-il encore, 
ses grands moyens d'économie domestique , qui, 
malgré une extrême magnificence d'ailleurs , 
était portée au dernier degré d-exactitude et de 
régularité. En dépit de ses immenses occupa- 
tions , il revisait lui-même tous ses propres 
comptes ; mais il avait sa manière , on les lui 
présentait toujours par spécialité. Il s'arrêtait 
sur le premier article venu, le sucre, par exem- 
ple , et trouvant des milliers de livres , il pre- 
nait une plume et demandait au comptable : 
(( Combien de personnes dans ma maison, Mon- 
(( sieur ? ( et il fallait pouvoir lui répondre sur 
le champ )—««(f Sire , ta»t.-— A combien de livres 
ce desucr^ par jour les portez-vous l'une dans 

If 

<( i'autre*? -rr- Sire, k tant: » U faisait aussitôt 
. son. calcul^ et se montrait satisfait, du s'écriait en 
lui rejetant son papier : « Monsieur , je double 
« votre pro|)re;. estimation , et voiis dépassez 
(( en<:pre énorméïîi«*it : votive compte est donc 



(Av«)i8i6) DE SMtrafi^JHELÈNE. 404 

(( faux ? ^.eçommencQz ;taut cela^ et motitrea^moi 
« plus d'exactitude}. » Et il suffisait de- ce seul 
-calcul , de cette seule algarade pour tenir cha- 
cun dans la plus strictte^ régularité; Aussi disait* 
il parfois de son administration. 'privée , comme 
de son administration publique :<(, J'ai introduit 
(( ua tel ordre, j'emploie de telles contrcrépréu- 
« ves^, que je ne puisse tre volé de beaucoup. Si 
« j^ le SUIS encore, je le laisse sur la conscience 
« du coupable j il n'en sera pas étoulFé , cela ne 
(( saurait être lourd. » 

Lundi 22 au Jeudi 26, , 

Le Gôuvèroeur visite ma cliambre. «-^ CHiiqnîe du Ma- 
homet de Voltaire. — D^ Mahonaetr^^irbistcyireîf -*- 
Grétry. 

Depuis plusieurs jours le temps a été ttès- 

Dji^i^vais. L'Empereur à discontinué ses prome- 

na4es du matin : son Iravail est devenu plus 

régulier ; il a dicté chaque jour sur Tépoque des 

événemensde 481^. 

Sir Hudson-Lowe est venu visiter l'établisse* 

ment : il est entré chez moi et y a demeuré toi 
quart. d'heure. 11 m'a dit elre fâdté de la ma- 
nière dont nous nous trouvions; nos demeures 



«8 WEMORIAL (A.rii.8.«) 

étaient piolet des bivouacs ^ conTeiiait-il , <pie 
des chambres. Et il avait raison : le papier gou- 
dronne , dont on s'était servi pour la couver-^ 
ture , cédait déjk a la chaleur du climat ; quand 
il &isait du soleil y )Mtouffais ; quand il pleu-^ 
vait, j*états inondé. 

Il allait donner Tordre d*y remédier autant 
tçk% possible , disait4] ^ et a ajouté poliment ; 
qu*il avait apporté avec lui quinze cents à deux 
mille volumes français ; que , dès qu*ils seraient 
en ordre , il se ferait un plaisir de les mettre 
k notre disposition, etc., etc. 

Racine et Voltaire ont fait les frais de ces 
$oirée3 : Phèdre , Athalie ^ qui nous étaient lues 
par PEmpéreur , ont fait nos délices. Il ajoutait 
des observations et des commentaires qui leur 
dominaient un nouveau prix. 

Mahomet a été l'objet de sa plus vive criti- 
que , dans le car^ctè^e et dans les moyens, 
y olti^ire, disait l'Empereur, avait ici manqué 
k l'histoire et au cœur humain. Il prosti- 
tuait le grand caractère de Mahomet par 
les intrigues les plus basses. Il disait agir un 
grand homme , qui avait changé la face du 
m^nde, comme le plus vil scélérat, digne au 



( A.di .1.6 ) DE SAINTE-HÉLÈNE f 0» 

pltt$ du gibet., n ue travestissait p^s moins in* 
convenablement le girand ouractète d'Opar, 
dont il ne faisait qu*un coape«jarrets de mélo* 
^ame^^et un vrai maijue.TiV<>-*^ 

Voltaire pëchait ici sa]:tottt par la base ^ 
ea attribuant li Tintrigue ce qù n'appartient 
tpa'k Topinion. << Les Iiommes qui ont change 
« Tunivers , observait l'Empereur , n'y sont ja- 
« mais parvenus en gagnant des che&; mais 
« toujours en remuant des masses. Le premier 
« moyen est du ressort de l'intrigue, et n'amène 
« que des ré^ltàts secondaires ; le second est 
« la marche du génie/ et change la fàte du 
« monde !» 

De là , l'Empereur y passant k la vérité his- 
torique 9 doutait de tout ce qu'on attribuait k 
Mahomet. c( Il en aura été sans doute de lui 
<( comme de tous les cheSs de sectes , disait-^ 
« il. Le Coran y ayant été fait trente ans api^ès 
« lui^aura consacré bien des mensonges. Alors 
<( l'empire du ^Prophète, sa doctrine, sa mission, 
« étant déjk fondés , accomplis , on a pu , on a 
i[ dû parler en conséquence. Néanmoins il reste 
tf encore k expliquer comment l'événement pro* 
tt digieux, dont nous sommes certains, la con- 



Uh .MEMÔMiL" • i- ^i ( A^vîi h,z ) 

a .q\»ête du BiQB.de/a>'^u*s'opJ^er eri'si^udfé' 
^(utemps^ cinquante bu-sftixahtè ans ont siifB.' 
«Par qui a-t-elle été opérée? par d«s peupla-î-' 
(( des du désert , peu nombreuses , ignorantes?, 
(( nous dit-on, xnal aguerries, sans discipline, 
^ sans, système. . Et pourtant elles agissaient 
« .conU*ç le monde citilisc, riche de. tant de 
a moyens! Ici le fanatisme ne saurait 'suffire-; 
(( car il lui a fallu le^ temps dfe se ciéer lui- 
«( ipême, et. lacarriècc d^ Mahomet n'a été 
«que de tiieize: àns.L. » •: 

.L'Emper^r- pensait 5 qu'indépendamment 
des cireonstajicfisfortuites-qui amènent, parfois , 
les prodiges, il fallait encore qu'il y eût ici, 
en* anière. , quelque chose qUe nous ignorons. 
Que l'Europe avait sans doute succombe sous lek 
résultats de quelque caus^' première qui nous 
de;n[içurait cachée j que peut-être ces peuples, 
^Urgis tout -a* coup du fond de^ déserts , avaient 
çu che;^ eux .de longues guerres civiles ,^ parmi 
lesquelles s'étaifcnt forpios de grands caractè- 
W9.^j de, grands, taleng ,vdes impulsions ?rrésis- 
tij)les:,; ou quelqu^autrc cause de cette natu- 

^ En;f*)m9îo.y JXapolcon, sur les affaires de l'O- 



(Awrii »ai6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 105 

rient , s^éipigftait l>^ucoup des çroyaac^ €«m^ 
mufies^ tiir^^s de bos lirres JiAi&iuejis. il anrait ^ 
k cet ëgai*4> 4^^ ÛM^ t^lMl^rlk-ltît ii lui , ^eft pis 

d'K^ypt^ ^ui AV^t ^W^4 cf fémUfiX dans «on 

(c II .^st ^toniwM: , p«Mar rn^^air à ¥altaire , 
« çlisait-âl, .pQ9i}>icijoi ^^ 4 i^wpjppili^ ia l^cJiire. 

« dip 1|L ^ç¥^ ne tcojnpej^ |d)|s ]['Mi9;l]$$(e «f le 
« vrai goût, alors il ]^j:^ iMmé^^tfiM&^ mll^ 
« p«iu: cent. On ^e jci:oir.|L jpi'^y^ Pftîitf^ qon- 
« tiaçis^it **il , .4}u'avL fao^çR}; # J|l :B^^utÎKm , 
« y^dtaixis ^Ikt^tr^tM^ (Qwf^liljle et ilaietM. On 
(( s'iétajyt ^D4^(N*m^ ^or le^ l^eiiiti^s die iceuxHci,^ 
« cVss^t «|i {^lu^naiifr Ccm^ijfv^efitdû leocé^i^l. n 
Et TEmpereur disait vrai. Il est sâr fpie c^^eat 
en nous rameii^nt à la c^vilisf(i|bion , qu*il nous 
a ramene's au l)on goût. G^est lui qui fit repa- 

X9^tffi ^ffi t^m» Mos .^bA&r^d'jSSttvce aalMnaiHC 
df aiAartiqu«84t iyrî^ues, jusqti^aux jpièces ip:éme 
proscrites par la politique : ainsi on irf^jîjt Jli- 
chard Cœur-de-Lion , qu'un tendre intérêt avait 
comme consacré aux Bourbons. 

(< Le paurre Grétry tn'en sollicitait depuis 
3 ,7 



406. MÉMORIAL , ( AvrU i8i6 ) 

(( long-temps, disait TEmpereur; je hasardais . 
« la une épreuve redoutable; on .me prédisait 
* de grands scandales. La représentation eut lieu 
¥ néanmoins sans» nul ii^conyénient. Alors j'or- 
cr donnai de la répéter huit jours , quinze. Jours 
ir de suite, jusqu'à indigestion. Le charme 
« rompu, Richard a continué d'être joué sans 
« qu'on y songeât davantage ; jus(î[u'au moment 
<r où leg Bourbons k leur tour l'ont proscrit, 
<f parce qu'un tendre intérêt le consacrait dé- 
•f sprmais k ma personne. » 

Étrange vicissitude, qui s'est renouvelée en- 
core , nous a-t-on dit , pour le drame du Prince 
Edouard ou du Prétendant en Ecosse. L'Em- 
pereur l'avait interdit k cause des Bourbons , 
et les Bourbons viennent de l'interdire a cause 
de rEmpereur. 

Vendredi 26. 

Ma visite àPlantation-House. — Insinuation. •— ' Première 
méchanceté du Gaaverneur. — Proclamations de. Tïa- 
poléon. -^ Sa politique en Egypte. — Aveu d'acte 
illégal. 

i 

J'ai été k Plantatioû-House faire ma visite. 
I^ady Lowe m'a paru belle,, aimable, un tant 



r 



(Avril 1816) DE SAINTE-HELENE, 10T 

soit peu actrice. Sir Hudsou Lo-we Ta épousée 
peu de temps avant son départ d'Europe , et 
précisément, nous a-t-on dit, pour Taidcr à 
faire les honneurs de Iji Colonie. J'ai compris 
que cette dame était veuve d'un des ofl&ciers de 
Taucien régiment de sir Hudson Lowe , et sœur 
d'un colonel tué a Waterloo. 
Le Gouverneur m'a témoigné une politesse 
k et une bienveillance toutes particulières qui 
m'ont frappé. Nous étions de connaissance de- 
puis longtemps , sans que je m'en doutasse, m'a- 
t-il dit. Depuis long-temps V Atlas de M. Le- 
«ag^e, continuait-t-il , avait charmé ses instans, 
sans qu'il pût imaginer certainement alors la 
circonstance qui lui ferait connaître son auteur. 
Il s'était procuré cet ouvrage en Sicile , où il 
lavait fait venir de Naples en contrebande. Il 
ne. tarissait pas sur les louanges données a 
l'Atlas ; il avait souvent lu la bataille d'Iéna 
avec le général Blucher, au quartier-général 
cluquel il était commissaire de sa nation , dans 
la campagne de h%K^\ il avait toujours admiré 
les «pressions libérales , l'esptit de modération 
€t d'impartialité avec lesquels l'Angleterre, 
Inen qu'ennemie , y était comst^mment traitée : 



A os MEMORIAL (ArryiSifi) 

mais certains passages équivoques Pavaient 
grandemtînt frappé dans le temps, observait-il; 
c'étaient des passages d'opposition au de cen- 
sure envers celui qui nous gouvernait. Il les ex- 
pliquait par ma qualité et mes doctrines d'an^ 
cien émigré; et aujourd'hui cela lui semblait 
une singulière contradiction de me retrou* 
ver ici, auprès de cette personne, etc. , etc., etc. 

Or nous venions d'apprendre que sir H. Lowe 
avait toujours été , en Italie, un chef de haute 
police , un agent actif d'espionnage et d'embau- 
chage. J^ n'ai pu me défendre, je l'avoue, de 
soupçonner, dans ce|]te conversation, certaine 
insinuation. S'il en eût été ainsi, et l'Empereur 
ti*en a pas douté , la chose était assez bien em- 
barquée de sa part; et si je me fusse moins 
respecté., je pouvais lui faire beau jeu , et le 
laisser aller fort loin ; mais je me suis contenté 
de répondre qu'il s'était tout'^-a-fait mépris sur 
rapplication des passages équivoques , et qu'ils 
ne pouvaient s'adresser à Napoléon, puisqu'il 
me voyaîit îrapi^ès de lui. 

J'ai trouvé chez moi au retour deux ou- 
vrages français «que sir H. Lowe m'a\%it envoyés 
dès le matin, avec un billet dans lequel il ex- 



r 



(Ana.SiS) DE SAINTE-HÉLÈNE. 409 

primait son espoir qu'ils seraient agréables à 
l'Empereur. Le croirait-on î le premier de ces 
ouvrages était VAmbassade de Varsovie, pat 
Tabbé de Praidt !... Pr^mièr^ méehanceté de sir 
H Lowe! car c'était uue nouveauté, il est 
vrai,' mais un v^^pitable libelle, uniquement 
dirigé coutrç Napoléon. 

Quant au second , au premier instant je Tai 
cru un trésor ; j'ai pensé qu'il aHait tout-a-fait 
nous tenir lieu des moniteurs , et nous fournir 
tous les matériaux qui nous manquaient. C'était 
le Recueil des proclamationsctde toutes les pièces 
officielles de Napoléon, comme G^/îrfro/, comme 
Premier Consul^ comme Brnpereur: mais il était 
dulibelliste Gold^mitb ; fort incomplet, les plus 
beaux bulletins àont supprimés , les discours ait 
Corps^ Législatif sont tronqués , etc. , etc. Toute- 
fois, dans cet état d'imperfection, ce recueil 
demeure ençoye le plus beau monument qu'au- 
cun homme ait jamais laissé sur la tei're. 
L'Empereur, après le diuer , s'est amusé a lire dans 
Goldsmith quelques-unes de ses proclamations a 
l'armée d'Italie. Elles réagissaient sur lui-même , 
il s'y complaisait , il quêtait ému. u Et ils ont osé 
«dire que je ne sav ais p%3 écrire ! s'cst-il écrié.. !i> 



440 ' MEMORIAL ( Àvta i8i6 ) 

Il est ensuite passé à celles d'Egypte , et a 
beaucoup plaisanté sur celle dans laquelle il se 
donnait comme inspiré et envoyé de Dieu. 
H C'était du charlatanisme , convenait-il ; mais 
« du plus haut. D'ailleurs, tout cela n'était 
« que pour être traduit en beaux vers arabes, 
« par un de leurs scheiks les plus habiles. Mes 
<(f Français, disait-il, ne faisaient qu'en rire, et 
c< leurs dispositions k cet égard' étaient telles, 
« en Italie et en Egypte, que pour pouvoir les 
(( ramener k entendre citer la religion , j'étais 
« obligé d'en parler fort légèrement moi-même, 
i( de placer les juifs à côté des chrétiens, les rab- 
k bins k côté des évêques. » 

Du reste il était faux, comme on le disait 
dans Goldsmith, qu'il se Snt jamais habillé en 
musulman ; s'il était jamais entré dans une mos- 
quée, cela avait toujours été, disait-il, comme 
vainqueur, jamais comme fidèle. Je renvoie k 
cet égard aux campagnes d'Egypte. Il donnait 
trop -k la gravité, avait trop de respect de lui- 
même pour avoir jamais laissé échapper aucun 
signe équivoque k ce sujet. 

n Et après tout, observait-il gaîment, ce 
ce n'est pas quHl eût été impossible que les 



( Avril isiô) DE SAINTE-HÉLÈNE. , 4W^ 

<e circonstances m'eussent amené a ^nilirasser 
« PIslamismej et^ comme disait cette bonne reine 
« ,de France: VousrrCen dire)ttp.nt / . . . Mais ce ^ 
(f n*eût été qu'à bonne enseigne j il m'eût fallu 
((.pour cela au moins jusqu'à TEuphrate. Le 
(( changement de religion, inexcusable pour des 

(( intérêts privés , peut se comprendre, peut- 

. - ■ ' . ' 

(( être par Timmensité de ges résultais politi- 
« ques. Henri IV avs^ît bien dit. : Paris vaut 
« 1^/2^ m^5^0. Croit-on que Tempire d'Orient, 
(( et peut - être la sujétion, de toute l'Asie , 
« n'eussent pas valu un turban et des panta- 
« Ions; car c'est au vrai uniquement k quoi 
« cela se fut réduit. Les grands sclieiks s'étaient 
<( étudiés a nous faire beau jeu, ils.aVaij^nt 
<{ aplani les grandes difficultés j ils permettaient 
« le vin, ^t nous faisaient grâce de toute for-^ 
« malité corporelle j nous ne perdions donc que 
<( nos culottes et un chapeau. Je dis ngus, car 
« l'armée, disposée comme elle l'était , s'y fût 
(( prêtée indubitablement, et n'y eût vu que 
« du rire et des pljtisa^nteries. -Cependant voyez 
« les conséquences! je prenais l'Europe, a re- 
« vers, la vieille civilisatiou européenne de- 
« meurait cernée , et qui eût songé alors \ in- 



>. 



V 



Ait. ItféitO&I AL ( And iM ) 

u quieier le cours des destinées de notre France , 
« ni cetui de la régénération du siècle !..r 

« Qui eût osé l'entreprendre ! Qui eût pu y 
(( parvenir ! etfc. » 

L'Empéréùr, continuant de parcourir Gofd* 
sihitfi , est toml>^ par. hassttd sur l'acte des con- 
suls (foi cassait le général Latour Fôissac y pour 
là reddition de Mantoue. « C'était un acte illé* 
<( gai , tyrannique , sans doute , a-t-il observé ; 
(i mais ici c^était un rtial nécessaire , c'était la 
c^ faute des t ois. Il était cent fois, mille fois 
« cou^aUe, et pourtant il est douteux que nous 
(( toussions fait condamner. Son acquittement 
u eût produit te ptué mauvais efiet. Nous le 
i< Érappâmes dotac avec iWme de l'honneur et 
(c de Topmion; mais, je le répété, c'était un 
(c acte tyrannique , un de ces coups de lK)Utoirs 
<( lndispensaï>lemÊni nécessaires parfois, au mi** 
(( liéû des grandes nations , et dans les grandes 
(( cii^consiances. » 

Samedi a7* 

Première iasaîte. — Première barbarie du Gouverneiir. 

-^ TVàtt& tatUctéf isti^éâ. 

Le Gouverneur est venu sur les deux heures» 



(A*«fl.8,6) DE SAIÎÏTË-HEtÈNE. 118 

1} a fatit demandef k TEifipereiir son agrément 
pour qtTén Ut conpacaâtK tèus ats doaestiqpoiies 
devant l«ii. Prmàirê ÎMuUë du Gûuvemmr. 

Il voulait probablement Wrii|èr ^ïh ataiept 
fait leiir dédatatioû avec pleine et lil»re vo-* 
IdMé. Ms àû Bf oûthôlon , cbatg^ dit service de 
k «Ekaîâon , a tépoûdô ^ au noiÉ de TEmperenr ,* 
iir Hlids<m Low», q<ie Sa Mi^sté ne pouvait 
iiËa^iièt qu^on tvX la prétention de mettre le 
dëigt ititrf lui et ^<m valet dé ebambre; que si 
M éetûaadait sa pêrurîftfiion , il la refusait ; que 
si les mstraotidns portaient i^etté mesure , on 
afiit hk £Knrc0 , «n pouvait la remplir^ qué ce 
sentit Ub oUtiage de plus^ ajouté à c&xt que le 
atairtère anglais accumulait sur aa tête. 

Je leiï Ai }oifits kcet itistant ^ il m^a été aisé de 
irAt que léë deut interlocuteurs étaient peu sa- 
til4iailtsrun de TàutiPe» Après quelques momens 
de silence et de mécontentement apparent , le 
Gouverneur , s^adreâsant k moi , m^à dit qu'il 
semblait qu^autour de l'Empereur on ne cber- 
éhlt qu'à créer des désagrémens et des em- 
barras. Il m^a ittîé au courant. Je lui ar obiservé 
qu'il était aàsèt ^itople que TEmpcreur, ayant 
Ut3i« maiâ<m ^ qull n'avait pas demandée , il n'y 



A\}^ ' MEMORIAL ( Avril, iSiô ) 

voulut pas de sou gré aucune interférence étrai>n 
gère. Que si lui, Gouverneur, avait qpielques 
doutes k éclaircir*,* relativement aux domes-^ 
tiquQS , il avait deux sy stêines ♦ k suivre : des 
voies indirectes , inaperçues , qui ne blèssçnt 
point; ou bien la force et Tautorité ; qu'il possé- 
ds^it celles-ci, et que rien ne pouvait le gêner k 
cet égard: mais que la route qu'il prenait était 
fojt éloignée de nos mœurs. Que l'Empereur 
du reste youlait se montrer l'homme U plus 
facile et le plus tranquille du monde, dans sa 
sil;uation nouvelle,- cju'il se rétw^ait en lui-^ 
même , ne voulant , ne demandant rien , sentant , 
dévorant tout; que la fortune avait pu lui. ar- 
racher la puissance ,^ mais que rien ne pouvait 
le dépouiller dû respect de lui-même ; que la 
connaissance, la délicatesse de sa dignité étaient 
les seules chqses qui lui r^ta^eut , dont il pût 
se dire le maître « 

Toutefois les domestiques vinrent, M. de 
Hontholon et moi nous nous mimes a l'écart , 
pour ne pas sanctionner une telle mesure par 
notre présence. Le Gouverneur leur parla et 
vint nous joindre ensuite, nous disant : ce Jç 
« suis content k présent , je puis mander a mou 



(ArrUiSie) DE SAINtE-HELENE. 44 5 

K Gouverneiaen^; que tous ont signé de plein 
« gré *et de leur bonne volonté. » 

Il lui restait pourtant dé riiumeùr sans 
doute ; car il se mit , assez hors de ^ propos y à 
nous vanter la beauté du site y nous disant 
(|u^après tout^ nous n^étions pas si mal. Et 
comme nous observions que dans ce climat bril- 
lant nous restions sans ombrage , sans un seul 
arbre. On en plantera ^ nous dit-il. Quel mot 

atroce ! Première barbarie du Gouverneur l 

et il nous a quittés. 

' Vers les cinq heures l'Empereur est monté 
en voiture pour faire un tour de promenade. 
En sortant de chez' lui il nous a dit: u Mes^ 
^ sieurs y un homme de moins , et fêtait le 
^ m'ailr^ du monde l Cet homme le devinez- 
« vous? » Nous écoutions.'..... « Eh! bien, c'est 
« l'abbé de Pradt, a-t-il dit, l'aumônier du 
c( Dieu Mars. )) Nous nous sonïmes mis a rîre: 

(c Je n'en impose pas , a-t-il continué , c'est 
<( ainsi qu^il commence dans son ambassade 
<c de Varsovie , vous pouvez le lire. C'est un 
« bien méchant ouvrage contre moi ;, un vrai 
« libelle , dani^ lequel il m'accable de torts , 
« d'injures, de calomnies. Mais soit que j'aie 



Jl 46 MÉMOÏlIAt C Ana iM \ 

« été bien dtspMé, S0it q[aHl i/jr i^t, eomme on 
(c dit , que la Yéritë qui loi»me , îl n'a fait que 
« me Itixt rire , il m^a viament aanisé. » 

Deux de noua avaient parfois des difft^reads. 
Oa ne le trouve ici qae parée qiie Yj rencontre 
des traits caractéristiques de l'aine et du cœur 
de celui k qui noua nous étions consacrés, El 
pois d^aifienrs les papiers du temps et le retour 

de Tutt d^eux en Europe f à cause de cette cir^ 

« 

conatanct ^ Tontassea fait eonnailre. 

Me rendant au salon pour y attendre le diuer ^ 
fj ai trouva TËmpefeur qui s'exprimait avec la 
dernière chaleur sur ce ^u)et , qui le eantrariait 
k Texcis. Gela a é%é fort long, très-vif^ fort 
touchant» <c ..*»*..•, ^ .. « i. . ,...'. . 

« Vous m'aves suivi pour m'4tre ^gréaWes , 
H dites-vous? So)re^ frères/ autrement vous 
u ne m^étes qu'impottuns !*..... Vous voulez 
<c me rendre heureux? Soyû^fràn^l autrement 
e vous ne m'étee qu'un supplice \ 

« Vous parlas 4e vous l>i|ttre ^ et cejla sous npies 
u yeux ! nesuis^je donc plus tout pour V9S soins^ 
a et Toeil de l'étranger n'estril pas arrêté sur 
(( nous! . . « . Je veux qu'ici ehax:un soit animé 
« de mon esprit . . . . * }e veux que chacun soit 



.^ 



( An«i i6is ) DE SAlNTfi-HfiLENE. iA 7 

c( bettreuK ratqur de ;moi; <|ue cbnm isitrtout 
« y partage le pen de jeuîsiaiioes 4[ui jia«s sant 
(( laissées. Il Q^«st pas {«scpiVii pelât Emmaiiiicl 
a «que voilà, «pie ye ne prétende «a evoir-n fàvt 
i< . complète ...<••».« ^ »••.,. » 

I^e dîner seul a tenuiie la isteDCiiriale ^ 
rEsapereur j di éU ^îlencienx. An dessert 
il s'est fait apporter YoVtxiisej et a eutasié 
la lecture de q«i€S<|aes--uties de ses pièces-^ 
qu'il a interrompae bie^tet a)p?ès« Noms hou 
en dëgeûtons diaque jour davaiitage. 

L'EmpereuT s'est retire de trcs-bcw»c îieore, 
et bientôt aprës Jn'a fait appd«r daais sa 
chambre à coucher, t» je «uis demeure assea 
taW » i 

Dimanche 28. 

AUië de Pradt -^ Son ambassade à Yarsoorie.^ Guerre 

de^Rossie* — * Son origine» 

L'Empereur est r&^petm sur M* Tabbé de 
JPradt et son ouvrage; il le -réduisait à la 
premièi^ et à la demîàre page. « Dans la 
tt première, 'disait-il, il se dooane pour le seul 
•ce homme qui ait arrête' Napoléon dans sa 
« course ; dans la dernière , il laisse voir que 



448 MÉMORIAL (Ami.iSiS) 

ce FEmpereur, à sou passage ; au .retour de 
te ]\{qscow, le chassa de sou ambassade; ce 
«qui est vrai, et c'est ce que son amour- 
•t propre cherche à. défigurer ou à venger : 
« voilà tout r ouvrage. 

«Mais l'abbe, continuait-il, n'avait rempli 
tt à Varsovie aucuii des buts qu'on se propo- 
« sait ; il avait , au contraire , fait beaucoup 
« de mal. Les bruits contre lui étaient ac- 
« courus . en foule . de toutes parts au-devant 
«de moi. Les auditeurs de son ambassade, 
« ces jeunes gens même, avaient ëtë choques 
« de sa tenue , et furent jusqu'à l'accuser d'in- 
« telligence avec l'ennemi , ce que je fus loin 
« de croire. Mais il eut en effet avec moi lAe 
« longue conversation qu'il dénature comme 
« de raison j et cest, pendant même qu'il 
« del)itait complaisamment un long verbiage 
« d'esprit, que je jugeais être autant d'inep- 
•c ties et d'impertinences, que je griffonnai 
«c sur le coin de la cheminée , sous les ^ pro- 
« près yeux de M. de . Pradt , et tout en l'ë- 
« coûtant, l'ordre de le retirer de son ambas- 
t( sade et de l'envoyer au plus tôt en France ^. 



* Vojci lettre du Gyp. 



1 



( Avril i8.6) DE SAINTE-HELENE. 449- 

« Circonstonce qui fit beaucoup rire alors, 
<c et qu€|||'abbë semble tenir extrémemeEt à 
<t dissimuler. » 

Du reste ^ je ne puis me refuser de trans- 
crire ici ce qu'il dit, dans cet ouvrage, de la 
Cour de l'Empereur Napoléon à Dresde, parce 
que ces paroles font image, et donnent une 
juste idée de la natpre des choses et des per- 
sonnes en .ce .moment-là, ; 

« O vous , y. est-il dit., qui voulez vous 
«faire. une juste idée de la prepotence qu'a 
« exercée en Europe l'Empereur Napoléon ! qui 
« désirez mesurer les degrés de frayeur au 
« fond de laquelle étaient . tombés presque 
« tous les souverains ! transportez - vous en 
«esprit à Dresde, et venez-y contempler ce 
«prince superbe, au plus haut période . de sja 
« gloire , si voisin de sa dégradation ! » 

« L'Empereur occupait les grands appar- 
« temens du château j il y avait mené une 
« partie nombreuse de sa maison, il y tenait 
« table , et à l'exception du premier diman- 
«che, où le roi de Saxe donna un gala, ee 
« fut toujours chez Napoléon que les Souve- 



^■^ 



4 20 MEMOm AL ( Ami i8«e ) 

« raifis et une partie de leurs fiuaiilles se tévr 
« mreiit« d'après les mvitations ihd|fssëes par 
« le Grand-Marechal de son palais. Qael<pies 
« partic]alkers y étaient ladmis. J'ai joui de 
ce œt honnettr y h jchit de ma «lominatisii i 
« l'amljassade de Yam^rie. # 

fc Les lerers de l'Eraperevr se tenaient, coma/t 
« aux Tuiiems , à Q iieures. C^^st ti qa^S 
«( fallait voir en quel nombM , ai^et ^dtle 
« «oumifision craintive une foule de princes , 
« joon£ondas «ree les eourttsaas , Murent à 
ic peine apeiiçits pi^ eux , jatCendaient le ao- 
« ment de oempafraître devant le nevvei ar- 
« làtre de fenrs destinées. » 

Ce «lorceau et quel<jues autres , d'une 
aussi grande vérité et â*ane aussi belle dic- 
tion , eont etoufifes sous une foule de détails 
pléi^tts de déguisement et de malice. Ce sont 
des lËaits dénaturés y dit l'Empereur, des con- 
versations mutilées ; et , s'arrêfant sur les dé« 
tails de l'Impératrice d'Autriche , comblée d'a- 
dulations , et sur ceux de rEmpereur Alexan- 
dre, dont l'auteur vante les vertus aimables, 
les tjualités brillantes au détriment et en op- 



(A^a iW6) DE SAUfTE-HÉliïîE. 12» 

•po«^tk>ii ^de; hîi -, NœpoleOB i'û$^ ëotehi : « Certes 
« ce o'iest pas là hn «ftèqne français ^ is' est un 
binage .dei'Oiîent, addratenr. du soleil qui 
% s'çlè^e. « Ëftitci'je rai» iséppitmer encôré^^ et 
f9X i un sentmient de : ptgtie^ d^sorÉasIis ; piu^ 
sieurs autres articles et beaa^tip^ de détails. 
...;Tollte£Qis à sesefiKcirt» pmt prouver que 
mus. Saarons: été: ks .in^Stéis aginsssetirs "dans 
l^ qJwtellfiide.Eusste, •}€ Vaisopposèi ce qui 

iIL'Smpwèdr ^ parkut de tetf e' gu«ri1&, disait? : 
« Il n!ietf poiat tié petits: dtràièmens pour -l^s 
« aatioiifi et. les smvverains : oé sout eux qui 
«gouveruent: leurs destinées. Dépuis quelque 
« tenqis/ il s'ëtait élevé de' la mésintelligence 
« àitre la France et la Russie. ' 

« La France reprochait à -la Russie la vio- 
« laticoi du systèime continental. 

« La Russie exi|peait une indemnité . pour le 
«.duc d'Oldembourg,. et* élevait d'autres pré- 
« tentiçHpo. 

« Des rassêmblem^is tusses s'approchaient 

« du duché de Varsovie ; une année française 

tt se formait au nord de TÀlleniagne. Cependant 

« on était ëttcore loin d'être décidé à la guerre , 
3. 8 



■ 

1 



4 2£ MEMORIAL ( Af t a i8««) 

te lorsque tout à coup nx&e nouT^Ile armée imsB^ 
« SQ met ea marche vers le dudié, et mie sete 
« insolente est prësentëe à I^uris , oomme uitima- 
« tnm f par Tambassadenr russe , ^i , ao 
« dé&ttt 4e soa aeceptetiou, menace de ^Me? 
« Paris sous 8 jcmrs» ; 

<c Je crus alors la guerre déclaiiée. Depuis 
« lang*temps je n'iëtais plus accoutumé à un 
« pareil ton. Je n'étais pas dans Thakitudç de 
« me laisser prévenir} je pouvais marcher, à la 
d Hussie» k la tète du rerte de rEun^j Ten- 
« treprise était populaire^ la cause était euro^ 
« pëeune.; c'était le dermer effort qui restait 
« à faire à la France. Ses destinées ^ celles d« 
<c nouveau système européen « étaient au bout 
ff de la lutte. La Russie était la dernière res« 
f( source de l'Angleterre } la paix du globe 
a était en Russie , et le imccès ne devait point 
ce être douteux. Je partis ; toutefois arrivé à la 
4c frontière» moi , auquel. la Russie avait déclaré 
<c la guerre en retirant son ambassadeur , je crus 
« devoir envoyer le mien ( Lanriston ) , àTEm- 
cc pereur Alexandre , à Wilna ; il fut refusé et 
ce la guerre commença I 

u Cependant, qui le croirait? Alexandre et 



ï 



(Aftu i8t«) DE SMNTE-ïDEliaVE. 4S? 

«moi noufi étions Ions 1^3 4â«i(t continmi^ 
« FËmpEireur , dam l'attitude dci d^nx braYa-* 
« cheSy qui 9 saoa atoir eiiiFie de i|e battra ^ ch^r^ 
«tchent à s'effrayer mutuellement/ Volontiers 
« je n'eusse pus &it la ^eiçre ; j'^taia ^ntom%\ 
fc encomlffë de circonstance^ in<^partunes, et 
c tout ce que j'ai appris depuis^ m'assure ({u'A- 
t lexandré en avait bien moins envie encore» 

K M. de Romana^of y qui avait conservé des 
« relations à Paris, et qui plus tard, au moment 
t des échecs éprouves par les Russes, fut fbrt 
« maltraité par Alexandre, pour la résolution 
« qu'il lui avait &it prendre, Tavait ateuréque 
« le inomoit était venu où Napoléon, ëmbar-^ 
« rassé y ferait des sacrifices pour éviter la 
« guerre ; que l'occasion était favorable , qu'il 
« fallait la saisir j qu'il ne s'agissait que de s« 
« montrer et de parler fermer qu'on aurait les 
« indemnités du duc d'OldemboUrg ; qu'on ac<v 
« querrait Dantzik , et que la Russie se créerait 
« une immense considération en Europe. 

^ Telle était la clef du mouvem^it des trou- 
« pes russes 9 et de la not# insoléntei du prince 
«Kourakin, qui, sans doute, n'était pas dans 
« le secret, et qui avait eu» ie tort, par son peu 






Hk MÉMORIAL (Atiîi 1816) 

t( d'ôsprit , d'exocuter ses iMStructicms trop à la 
ce lettre. La mèine présomption, le même sys* 
k tème amena encore le refus de recevoir Lau- 
«c riston à Wilna ; et voici , disait Napoléon , 
A les vices et: le iiialhetar de ma diplomatie 
R nouvelle : elle demeurait isolée ^ sans affinité, 
f( sans' contact au milieu des objets qu'il s'agis- 
ce sait de manier« Si j'avais eu un' ministre des 
« relations extérieures de la vieille arisfocra- 
« tie , un homme supérieur , il eût pu , il eût dû 
#c danà la coni^rsation deviner cette nuance, et 
<c nous n'eussions pas eu la guerre. Talleyrand 
f( en eût été capable jpeut-etre; mais ce fut au^des- 
<c sus de la nouvelle école. Pour moi, je ne 
«c pouvais pourtant deviner tout seul ; la dignité 
«c m'interdisait les éclaircissemens personnels^ 
fc je ne pouvais juger que sur les pièces , et j'a- 
ft vais beau les . tourner , les retourner, arrivé à 
fc un certain point , elles demeuraient muettes , 
« et ne pouvaient répondre à toutes mes 
« attaques. ■ 

cr A peine eus* je ouvert la campagne, que 
tt le masque tomba ; les vrais sentimens de 
«c l'ennemi durent se : montrer. . Au bout 
*" de trois ou quatre jours ^ frappé de nos 



' 



J 



(CAffitiii6} DE SiJD!^i&Hi!tEN£. 

ic prcisaier^ succès ^ Alexandre ijae; .dépi^i^ 

« qui^lqp'iuà. pour me dire «JWiM jFj ^^*^^*^ 
«i^^VafCuer la territoire envahi, reY^nir lauJUilië- 
M Bien, il allafit traiter. Mais à n^qn j^ur je p:|:i§ 
tf cela pour uii,e ruse;; j'et$iifli ; enfié[ di^ succès.^ 
« j'ayais pris Vana^ russe euflagraut4e][iitjt<>uj^ 
« était culbuté et çu désordre f j'avais cofupé ^7 
« grsiiiou; {6 devaia espérer de le^pl^ipe; je çpi^ 
« dcmçqu-OB, ne voulait. que gjlgpeif dif . teu^pj^ 
« pour se sauvera ^ se ^lUe^. Iful dou.tequç i^i 
c j'avais été^ cwv^inçu de. la :boI^3lp foi d!A- 
« lexdndte , je n'eus^ ^ccédç' 4. s^ doo^o^^, 
n Je serais ; revenu aU; I^^émfjn, il ;n!eû* j a# 
tt passé la Dwinai Wyin^ ,?ût ^tff neu;tralifé.î. 
nous n^us y $)9riQnf rfsn^us , dliacuu avec 
« deiix ou traiA li^t^iljkms de;.]^ti^ £N^ ^^ 
t B0UB eussioK^ traité en psKSpniifi^^ Quç de 
a combinaifMpus j'eiisse. introduite^ U;.,. ;]^ n eujt 
Q «u . qu'à dfLoisir !...••«. Nous nqus ^serion^ 
«sépaxés hopis punis.. •«•• , ^ 

ft Et malgré les -évéuemens qui onf;, suivi» et 
« le laissent triomphant , est-it biç^ prouvé 
^ ^<^: ce pa^rti eût; éjté moû^s ayaajitagieux pour 
« lui que qq qui e^t arrivé jlepi^is? II. est venu 
•^à Paiâsv il.esjt vrai; maisi avec toute Tïiiir 



4S6 MEM^liAli (AniiitiG) 

«r rope. Il a accpiis la Pologne ; mais quelles 
« seront les suites de r^ranlement donne à 
« tout le système ettropëen ^ de l'agitation 
te donnée à -tons les peuplés, de Taccroisse^ 
«r metit de Fînfluence européenne sur le xêste 
tic de la Rttssîè, par raglomération des acqui** 
if sitioôik nouvelles, par les eôurses lointaines 
iir dès Soldats iliisieft, par TinAtiehce dés htmones 
ift-ët des lunfiêl^es' hétér6gèhes (^i vienneift 
lé sV r^gîer de tontes parts! étc;, etfci 

« Les souTerains russes se contenteront-ils de 
(^'toiisôlider oe qu'ils ont acquit? Mkis si Tâm^ 
^ ][>ition les saisit \ au ëbnti'aire , à (pielle en- 
ic trèpri^e, à quelle «nt'ftravaganôe né peuYént- 
tc Us jpas ëe livret! et pourtant ik ont p0rd^ 
te MoscoW, ses richesses , ses ressources ^ éeUes 
^ d\m grand noc^re d -antres tilles I Gé sont 
^ atctant de plaies cpii saignenont pltts- d# cin^ 
W ii|uante ans. l^t pourtant quç n^aurîdas-tious 
«c pas pu fixer i Wilna pour le bîen-étre de 
tr tous, celui des peuples au^si bien qi^e celui 
te desl rcâs! ! !.... 

Dans un autre mtittnent l'Empereur disait : 
« J'ai pu partager Tempire^ttipc avec la Uns&ie ; 
«il en a ixà plus d'une fois question enfn 



(4i>iiiAi6) DE SAINTE-HâL£NE. 45*^ 

m irtms^ Gtosiàiitiiiople Va toctjdnips tssam^^ Cette 
«c capitale ëtait le ^nd fimba^i^ , la vi^ié 
« peirre d'àiflii^p^p^iàefit. La Rœsiè là VouA^t; 
« )# ne- dÊ»mis pas l'accorder : c'est iine ittef 
4 trop "péécmaa/e^ b\W ^nin^^ à elle seule ad 
fc fUiGipire : icekù cpii la possê^deira peut gùa- 
«Teraerlemopid^.^ 

ISXwûaàe l^Eittp^^iirv su rekunaiit , ea' est 
Mt^À il dsiré < « Qu'a^doae gagtië Alexan- 
« dn qufil il'eAt:olltifitiii^àWii&a à bien meil^ 
ce lever cémfté2tm H eat-^h^p^ à^quelcpt'ua 
de dire tilt '%€)^f d^voif- vaii|«Ë cft d^tbè 4e^ 
« menië iri^nis^aBt^ ^ Ce i^otiirrâi 4tre 
ftla^ piQiifiëe du vvttlgaire, È'^m \étiné VWoïpe^ 
-«reiirj ce^4ate ssôiràit £ftfe délits d'ûti èroi. tJii 
«r5i, s'ilf^M^ènie'pàt iiii4iièaie, QtiâeiS'^3^^ 
«wUiÈ» s'il eu est isKiapaU^', HJô doit^îtir, 
ft da» une att^tî pmit ^treptise , . aVùû: 
«f pbtir bttt fe Viét^ire i màit bien 6es té^- 
« tats. Et pbis ke ^'^ttétet^tHùp. même ipi^ 
«^ cette âOfifflidër^lioii valgââte^ |e maintiens 
« ^è^^'le^lMt eiicdi»e serait manque; ciBti'Msi 
«là'^aliDlë des suffirages deit demeura^ ati 
<<VaÀn£tt. ^i p0ttna&t taièttre to péifàllèie 
^ ^ei suèciè^ d'Àlliemi^ë itifec ceux dék alliés 



« jçn Fraina^ Lg^.gma.ëckirësvrélediis^ ¥iàs-^ 
«toire ne le f^Qot ']H»at. : . 
, ,a Les aUi^ ^nt veigktts traînant tonter l'Eii- 
f Wp^îîQoijtîçe, pi^çlque riien du tottfc Us. pxe^ 
«^^^entaient ^0;jDim^ h0lmnes («.Jiiipe» ils 
xi.d^^ifut uaç :rd$erv^ ^ale. Sils étaient; battus 
«ils ne couraient aucun. ]ris(i]tto; ils 9e ve^ 
f pVaient, A{oi , lau^ contraire, eh AUemague y 
f< à 500 tiei^ aMrJlQiii,:j')ëtai|i ipbine à force 
fc 4^h f |e d^béufrâis. mUmté de puisaMoice» 
Il (et de .p§Q|i|€|s . rôteaus' sedletamt paz la 
je <;rs4n^ ) A>c)ii9iqpii^ instaiiK», 2|ii ^piiemieri iéalifio 
«Us ji9i^|^i^entr$9 d&lan^. Je: triomphais -au 
c n^i^U '4^» .p^iilt 1^)0f»k3S r^iiaissansf il me 
f fsdlla^r fSn^ ecisa^ aiâant d'adrcsae; que/ de 
a£asreet4 Qu'U Jfiue* fidlut uu iét99|i^ 
«t dans : itqutffi oe» ! ^AtrQpi ifiesii ^ ilû ^tta^ge 
«r tf>up-d'(]eil| HAe etraii|«e erm^oejdaasijoaes 
j^ C09ibiii|2iîga)>p , d^^pppQttT^'^ if&xi tjons. cçuat 
:4 peut-âtre qpai Wetivirônnaient I ; • . i , : 

Q^eb. act^ les alUës Oppoie^imtrib: à de 
<^;tels.actqs7 $^ }^ a'^eusçe vaiiicpH àtAiif*|er- 
cç lito , j>lteis; $,tPU touft, h: Prusfe :,^ur . les 
«jMcas. Si, je ft'pMSse. U^oiD^ié: ^lémt.XAn- 
a.tri'cUe, et; VEsp/E^e se ,dMQlâi!ai,^t;;Si«r .-«aes 



(Atni tm) DE SÀlNTE-tlÔî-ÈNE. M^ 

<c derriëjres. Si- je) n'enssa bàtlû à Wagram ,' 
«qui ne fut' pas :finer ncftxnre aussi . d^isi-'^ 
tsivé, jTaTais. à craÙMbre :qoé k Rnnie |ie 
« m'abaiidondiAv qaela^ussbnese'sonieTàt^ 
P et li^ Anglais, iétaioatî : déjà 'devant ^Antêbv 

« Tootcftii^ q^Ueb Mtrdhé* niei^ conditions 
ft- après- la '.YÎéttnBe? -r.i ■:• '? •//•••> . ■ '. > 

« A Aùstttrlitkv ):'At> laiiasë la liberté k 
t Alexandre. ^ -^qne je 1 pouvais fûre mon prî* 

f Après ïëna ^ fax laissa le tr^në^à la maison 
« de Prusse qite j'en avais abattue. 

^ Après Wagram, fai ni^gttg^de morceler la 
f monarchie autrichienne. ^'^ ■ î > 

9 Attcibuqra-t^A' tant c^a t i ' de lfi( simple 
« magnâmmité ? Les gens fwt» efi^ffrof^nds^*^^ 
« raient la droit de m'en Uftihen Aussi > sans 
trapousser ce sentiment, qui ntf lii'ert pas 



'> 



* Depois mon irétoar en*Earope , oh m'a assnrë quM 
éiiUàitdetii èilleté » au atkj^n , aé l'Etiîjj^éÉr Alè^iaii- 
4f9 9 ^|i|rft«i»t aofûimsaïuenjt ! 91'oQk le. l^isB&t; p#eir* 
Si cela était rrai « qaell^ Ticissitu^e de forfime ! Le vain? 
quéur magnanime aaralt pëft dans lès fers'} àa loin de 
FEiiropei priv^: de sa fcniîUe; ^ pfëcisémeut àu iiotn 
du raiocii qn'il 4? ^t ^.gâ»Br)sn8eufeR^.éco!iité ! j ! 



430 MÉMORIM. ( Avm i^ie) 

« étranger , aspinûs^ je k de plivs hautes peasées 
«c encore. Je ycolaîs préparer Ifei ftudon de» 
«grands intérêts européens ^ ûnsi qi^e j'avais 
ic opéré ceUes des partis ap lailieu de nous« 
« J'amàitiomiais 4'vl^fenr un jour la gralide 
«cause des p6upcle& tl dea irqis^ il flte fiillait 
«c donc me créer des titres auptès de ceux-ci^ 
^ nie Tctadre populaire au unlieu d^eux. II- est 
ic ^rai qaie ce ne pouvait être saps perdre anptès 
« des autres , je le sentais bien ; mais f.étais tout 
« pitiasaiit ',et peu timide) je m'in^iétais peu 
m des murmures.passagers dses.peuples ; bien sûr 
«'<]uè le résultât devait ine les ramener tt^il* 
«liblement. ... 

tt Gepëndsnl , tontÎ0iiait l'Empereur , je fis 
4e /une' grande faute après Wagram, celle de. ne 
«r pas abattre l'Autriche dàvdntageé' £lle de>- 
-m ineurâit trop fi>rte pour notre sàreté : c'^est 
JL el le (pli n ous a perdus.. Le lendemain dg 1^ 
« batoUle, j'aurais du. &ire connaître,^ pau? ime 
f( proclamation , <{ue je uq traiterais av^eo I'iAa- 
-* Irïthê, (ffoJt SOÛS là sépàtatiiMipïèLlâble des 
« trojis couronnes d^ÀutricKe^ aè Hongrie et de 
^ Bohème» Etile oroi]*a-t-dn? Un. prince de la 
« maisoii d*Àuli*iclitè in'à ftiit ïïii^inuer plusieurs 



(Arriii«t6) DE SÀÏM'E-ItÉLENE- nU 

« fois de lui en faire passer une , on m^e de 
« le mettre sur lé trône dé sa maison y allégant 

* que ce ne /lerait q^i'ii^ors fpxe cette puissance 
«-mftj^^fait ode bonne loi lalvec moi. Il offrait 
« de me donner en espèce d'otage, •.* .*•• .... 

« , en outre de toutes les garanties 

t'iina^înables. 3^ " •' ' 

L'Ëmpdrëtir disait s'en êtte'même occupa. Il 
avait balance (juêlqTie temps avant son' mariage 
avec lAaTÎe-Lôuîse ; maïs dèpttis , continùaît^îF, 
il en eût è'te' incapable. Il se senlait des sentie 
mens trop bourgeois sur Tarticle dés allià^ce^^ 
disait-il ' : if L'Autriche ëtait dèvèniié ma fà^- 
« mille j et pourtant ce mariage m'fei perdu,. 
« observait-il. Si je ne m'étais pas cm tranquille 

* et même app^uyë sur ce point j j'aurais retarde' 

* de trois ans^ la rè'suri'eCtïon dé la Pologne, 
« j'aurais attendu que l'Espagne ftit soumise et 
« pacifiée. J'ai poi?^ le pied i^r un abhiie récôtt- 
« vert de fleurs ? etc., ^tci.. » . ; j 



i^ 



i .1» . 






■» « * • i' ■» ' «*•.,►. 






«32 MÉMORIAL (AnUi&i€) 

Lundi 20^ 

s . . . j . • '1 ^ 

L'Empereur sonffralût — - Prè^àier jour de cônaptette 
réclasion. •*« Amteâfôdeart iPevbaDi ei STonew --^^ 



I * •• • . • 






Sur les cinq heures le Grai|47Mare€hal m'^ 
&it nue petite visite ds^n^ma: çhai^br^e; il n'a- 
vait pu voir rEmpereur qui était reste enfumé 
tpu1;elajp^r^ée, étant souf]fraQi^t u'ayantYoulu 
voir .personne. Sur la (in du }our j'ai- 'été. me 
promener quelques instaus dans. le» allées. (pxe. 
p^rçoi^rt d'ordinaire vers ce tpmps l'EinpeKur. ; 
j'étais triste de m'y tjrouver seul. Nous aypuç. 
dinésa^ns lui.. : /- 

Sur les neuf heures , a» mômem où je c;alçu- 
lais quç la joiffnée se serpt^éçôulée sans^ue je 
Iç vJb^^ilm'afaitdemafi^ea*; j|e lui ai témoigné 
de riiwiuictude. Il m'a dit qu'il étaiij bien, 
qu'il ne souffrait ps^s^ qy'il Ifti avait pri^ 
fantaisie de demeurer seul; qti'il avait lu toute 

s 

la journée; qu'elle lut avait paru courte et d'un 
calme parfait. 

Cependant il avait l'air triste, ennuyé. Dans 
son désœuvremejQit il a pris mon Atlas, qui s'esf 



/^ 



Uniii8t6) DE Si^TË-HELËNE. 433 

• ' • • • • • . , 

ouvert à la misiippe^mônde ; il s*est arrêté sur 
la Perse. » Je rayais bien judicieusement ajus"* 
* tëe, a-t-il dit. Quel heureux pdint d'appui 
« pour mon levier, soit que je voulusse in- 
fe quitter la Russie , ou déborder sur les Indes, 
« J'avais commencé des rapports avec ce pays > 
ir el j'espérais les amener jusqu'à l'intimité, 
fc aussi bien qu'avec U Turquie. Il était à 
« croire que- ces animaux eusscînt assez conï* 
<r pris leurs intérêts pour cela ; mais ils m'ont 
« échappé Fun et l'autre au montent décisif. 
'« L'or des Anglais a été plus fort que m«s 
« combinaisons ! Quelques ministres infidèles 
« auront , pour qtielqnéfil guinées , livre l*exis-- 
« tence de léfir pays ; résultat ordinaire sous 
« des monarques de sérail ou des rois fai- 
« néans. » 

De là l'Empereur , laissant la haute poli- 
tique, est passé à des anecdotes de sérail^ 
puis aux Persans de Montesquieu , et à ses 
Lettreift) qu'il dis^t pleines d'esprit , d'obsei«- 
^tions fines y et surtout la satire sanglante 
du temps. Il s'est ensuite arrêté sur les am- 
bassadeurs tiitc et persan qui ont demeuré 
à Paris sous soft règne. Il me demandait quelle 



4S]| MBMOKIAL (àtfP taisx 

impreMion ils ataienit produits dms là capi- 
tale; s'ils j fmsAient des yisites; s'ils rece^ 
Tftient da n&Qnd^^ etc. » «te^ 

Je répondais qu'un moment ils ayaient occur? 
pe la capitale , et fort long-temps fait Iç spec-* 
tacle de la cour: le Persan surtout. A son arriTée, 
il recerait volontiers , et comme il distribuait 
facilement des essences et allait même jusipi'aux 
schalls, il y eut fureur parmi les femmes; mais 
le grand nombre le força bientôt de borner sa 
libéralité , et dès-lors, et le moment de la vogu^ 
. passée y il ne fut plus ({uestion de lui. J'ajoutais 
à l'Empereur qu'à la Cour et quand Sa Majesté 
n'y était pas, nous nous étions permis parfois, 
très-inconsidérânent sans doute^ quelques espi^ 
gleries à leur égard. Un jour entre autres à nu 
doncert de l'Impératrice Joséphine, jî^ker^JCan^ 
avec sa longue barbe peinte, s'enuuyant sans 
doute de cette musique , s'endormit debout 
adossé à la muraille, ses pieds un tant smt peu 
en avant, appuyés à un fauteuil queiretenait le 
coin de la cheminée; on trouva gai de le lui sou* 
tirer doucement, de sorte qu'il manqua gbssev 
tout de son long , et ne se retint qu'en faisant 
un bruit effroyable* C'était celui des deux qiu 



^ 



lAifi) DE SAINTE-HÉLÈNE. 4S& 

«itendait le mieux la plaisantene; cependant 
Qi$tte fois il se Cacha yiolemment; et comme nous 
M nous comprenions que des jeux et dn gestc^ 
k^ène était des plus plaisantes. Le soir Tlmpë* 
ratrice, qui se fit expliquer la cause du bruits 
qu'elle ^vait ^itendu, en rit beaucoup, et gronda 
^en dayantage. «c C'était très mal assurément, 
« observait l'Empereur j mais aussi que diable 
« Yenait-il £ûre là? — Sire, il vemût faire sa 
« cour. Ainsi que son camarade le Turc : ils espë* 
K raient queVotre Majesté le saurait, bien qu'elle 
« fiât peutrètre alors à 500 lieues. » J'ajoutais 
que nous leur avions vu fMre des actes de eour^ 
tisannerie bien plus forts encore , quoiqu'il ne 
s'en fût peutrètre pas aperçu davantage. « Nous 
« les avions vu, lui disais- je , après les grandes 
« audiences diplomatiques du dimanche , suivre 
« Votre Majesté à la messe , et partager les tra- 
« vées de la cbapelle avec des Cardinaux de la 
il sainte église remaine. -«- Quelle monstruosité 
K pour eux I s'écriait l'Empereur. Quel ren<* 
« versement de tous leurs principes et de toutes 
« leurs coutumes ! Que de choses extraordinai- 
re res j'ai fait fairel et pourtant ri^i de tout cela 
« ^'était commandé , pas même aperçu ! ^ 



Ad(5 MÉMORIAL . (a^UiM) 

La conversation continuant . sitr :• les Aeva. 
Orientaux, je racontais qu'on m'avait dit que 
rarehi^chancelier Cambacérès leur avait un 
jour donne un gtand dSnë à tous deux em 
semble. 

Quoique des mêmes contrées et de la mêisie 
religion , ils montraient pourtant deux nuances 
fprt différentes : le Turc, disciple d'Oinar, 
était le janséniste ; le Persan, sectateur d'Aly , 
^tait le jésuite* On disait plaisamiKûeat qa^ 
ce repas ils s'observaient l'un et l'autre, à l'é- 
gard '^du vin» comme deux evêqu6s auraietit pu 
le faire pour le gras du vendredi* 

Le Turc, attrabilaire et ignorant, fut dé- 
clare n'étré qu'une grosse bête» Le Perisan, 
littérateur et fort causant, p^ssa pour: avoir 
beaucoup d'esprit. On observa qu'il prenait 
totis ses mets à pleines mains, n'employant 
que ses doigts pour manger, et il s'en serait 
peu fallu qu'il n'eût servi ses voisins de la 
éSorte, Un de nos usagés lé frappa , c'était 
de nous voir manger dii pain atec tous nos 
jncts. Il ne concevait pas qiïe nous nous crus- 
sions obligés, disait41>, de manger constamment 
de la même chos^ aviec toutes choses. 



(Atrii tmy DE SAINTE-HELENE, *37 

Je dois avoir déjà dit que rien n'amuse 
et ne distrait plus coinplétepient l'Em]péreur, 
comme le * récit des mo^ats et des histoires 
de nos salons. 

L'émigration , le faubourg Saint^-Geirmain , 
étaient d^ sujets sur lesquels il revenait avec 
moi le plus Volontiers , dès que nous étions en- 
semble, et il expliquait cela , me disantuhe fois : 
« J'étais au fait des miens; mais j'ai toujours 
« ignoré ceux-là. « C'était d'ailleurs en lui, ob- 
servait-il I 1q pefiicbant naturel de savoir ce qui 
se passait chez le voisin , le commérage des peti- 
tes villes. « Ce n'est pas, ajoutait-il, qu'on ne 
« m'en parlât beaucoup au temps de ma puis- 
ât sance; mais si Ton m'en disait du bien, je me 
« tenais aussitôt en garde ; je craignais les insi-«' 
« Buations; «t si l'on m'en parlait mal, je me 
« défiais de la délation et j'avais à me défendre 
« du mépris. Ici, mon cher, aucun de ces in- 
« convéniens : vous et moi nous sommes déjà de 
« l'autre monde ; nous causons aux Champs 
(( Élysées. Vous êtes sans intérêts, et moi sana 
« défiancé. » 

J'étais donc heureux quafid l'occasion se pré- 
sentait , et je la saisissais de raconter avec em- 
3. 9 



438 MÉMORIAL (k^ttû im} 

pressemenl. Du reste, rEjXLpereur me devinait 
à cet égard et m'e^ tenait ecntipte; cftr à lafin 
d'une de mes histoires , me pinçant l'oreille^ 
il me dit d'an son de yoix qui me ravisait ; 
r J^ai trouve dans votre atlas iqii'im Roi du 
ce Nord ayant été mure dans un cadiot., tai sol-^ 
» dat avait demandé et obtenu de s'y enfermer 
cr avec lui pour le désennuyer y soit en le &iK 
a sont parler, soit;en lui racontant : mou cher ^^ 
» vous^ voilà ce soldat. » Je lui racmitai àaoo 
en ce momeM la mystificsttion qm'oà avait pla* 
cée sur le compte de M. de Marbois; -eU» étsûir. 
neuve pour l'Empereur. 

Un jovLT Asker-kan , disait-on , qtai était ma^^ 
lade, et ennuyé de sa médecine persanne^ or« 
d<mna qu'on fût chercher M. Sourdoi^ , tm 
des fameux médecins de Parkj on se tramqpa 
et l'on fot ches& M* de Marbois , eK-ministra 
du trésor > et alors président de la Cour de» 
comptes, «t Son Excellence l'ambassadeur di» 
ft Ferse, lui dit ^ on^ est fort malade et désire 
« avoir une entrevue avec vous. » M. de Màr^ 
bois ne voit pas d'abord quels rapport-s il pQut 
avoir avec l'ambassadeur de Perse. Toutcifois 
c^était l'envoyé d'un grand prince'; et il n'est 



(ATrii i8i6) DE SAINTE-HELENE. 430 

rien dont la vanité ne s'accomaiode» Il s'j rend 
arec pompe^ et il faut conyenir qne son co$tume , 
son maintien^ sa fignre , n^ëlftieiit guère pro|H:es 
à détromper Asàer-kan^ qui, dès qu'il l'aperçoit 
hi tire la langue, lui tend le bras el lui prë-» 
sente Iq pouls. Ces gestes étonnent M. de 3lar« 
Loisf mais ce pouvait être un usage de VOrieiitw 
E accepte la main et la lui serre; quand quatre 
eskafiers entrent ayec solennité , et vont placer» 
sous le neiL de monsieur re:s-nuni8tre , un vase 
des moîn^ équivoques pour 9sl meilleure infor^ 
mation sur l'e'tat du malade* A cette vue signi^^ 
ficative y le grave M. de Marbois se fiche tout 
louge , et veut savoir ce qu'on a prétendu. 
Tout s'explique , c'est M. Bourdois qu'on a 
voulu avoif;^ la seule consonnance des noms a lait 
toDite l'erreur; mais voilà pourtant M« de Mar-" 
bois la risée de la capitale, et de long^temps il 
&e pourra se présenter nulle part sans réveilla 
«Ofisitôt en tous lieux une bruyante gaîte. 

« Les salons de Psaris sont terribles avec leurs 
« quolibets, observait alors l'Empereur; et cela 
« parce cpi'il f«at convenir que la plupart sont 
< pleins de sel et d'es{»'it« Avec eux on est 
<(' toujours battu en brèche^ et il est bien rare 



4ttO MEMORIAL (ArriiiSiG) 

ce qu'on u'y succombe pas. <— Il est sûr, disais- 
ic je , que nous ne respections rien, que nous nous 
K attaquions même aux dieux . Rien ne nous était 
je sacré, et V. M. suppose bien qu'elle, l'Impéra- 
« trice, n'étaient pas épargpiéeSi — Ah! je le 
4c crois bien , répondait TEmpereur ; mais n'im- 
« porte, racontez toujours. — Eh bien, Sire, 
« on.disait qu'un jour V, M. , fort mécontente à 
ce la lecture d'une dépêche de Vienne, avait dit 
« à l'Impératrice , dans sa colère et sa mau- 
« vaise humeur : Votre père est une ganache. 
«. Marie-Louise , qui ignorait beaucoup dé ter- 
ce mes français , s'adressant au premier courtisan 
ic qui lui tomba sous la main .: l'Empereur me 
c< dit que mon père est une ganache; que veut 
« dire cela? A cette interpellation inattendue, 
« le courtisan , dans son embarras , balbutia que 
(c cela voulak dire un homme sage ^ de poids , 
K de bon conseil. A quelques jours de là, et 
«c la mémoire encore toute fraîche de sa. non- 
ce velle acquisition , l'Impératrice présidant le 
ce Conseil d'État, et voyant la discussion 
<c plus animée qu'elle ne voulait, interpella, 
« pour y mettre fin , M. Càmbacérès , qui , à ses 
« cotés, bâillait tant soit peu aux corneilles. 



(Atrii 1616) DE SAINTE-HÉLÈNE. AU 

« — C'est à vous à nous mettre d'accord dans* 
« cette occasion importante , lui dit-elle , tous 
« serez notre oracle; car je vous tiens pour 
« la première, la meilleure ganache de TEm- 
« pire, » À ces paroles de mon récit , TEmpereur 
riail à s'en tenir les cotes. <c Ah quel domiitage / 

te disait-il, que cela ne soit véritable ! Voyiez-. 
« vous bien Tensemble du tableau : l'enipe;- 
« sure comproniise de Cambacërès^ l'hilarité dje. 
« tout, le Conseil, ^t l'émbàrras de la pauvrie 
R Marie-Louise épouvantée de tout son succès* v 
La conversation avait ^urélong-tfmp$ ainsi, 
et peut-être y .avait-il déjà plus de 2 beurqs 
que j'étais avec l'Empereur j je m'étais évÉtçtué 
à babiller tant et plus pour le distraire, et j'a- 
vais réussi. L'Empereur s'était raninié; il avait 
ri :quand il me renvoya il était beaucoup mieux, 
et moi je partais heureux. 

Mardi 3o. î ,., , 

Deuxièine jour de réciusion* -— L'Empereur reçoit le 
Gouverneur dans sa chambre*-** Conversation carac-« 
téristiqae. ^ • 

Je devais ^11^1^ diner avec mon fils à Briars;chez 
notre hôte , à notre ancienne demeure* Sur Des â 



4 «2 MÉMORIAL (A^ii iB^g) 

keureâ et demie )'ai ete prendre les ordres de 
riL&iperéur ; il était Gomme hier , et n avait pas 
le projet de sortir davantage. 

Un mfttajit avant d'arriver à Hut's gâte , chez 
M"*® Sartratidi f ai reucoditré Je Gouverneur qui 
allait à Longwood. Il m'a demande commenta 
portait i'Emperèikr. Je lui ai dit en être inquiet^ 
qu'il sfavait reçu aucun de nous bieir; qu'il 
mWaît dit ce 'matin être bien; mais qu'à son 
visage j'eusse préféré qu'il m'eût dit être 
iHiCômatoié. 

Vers les huit heures et hernie nous nous soin- 
mes itiiseu routé pour revenir à Longwood j il 
fefeaît très-obscûr. Le temps s'est mis à une 
pluie battante , aussi vive, aussi mordante que 
la grêle^ Nous avons fait la course la plus désa- 
gréable , la plus pénible, la plus dangereuse^ à 
chaque instant à la veille de nous précipiter 
dans les abîmes, paToe que nous galopions au 
hasard sanç rien "voir., Kpus spn^mes arrivés 
traittpwcés. 

L'Empereur ^vait donné Tordre dé m'intro- 
duire clicz lui à mon retour. Il était Jbien ; mai^ 
il n'était pas sorti plus que la veilbi) ot n'avsult 



(A«ii 18^6) DE SAINTE-HÉLÈNE. ^U 

f^ reçu dWantage. Il m'attendait, a-t-il dit, 
et ayait beaucoup de choses à me r^.coutçr. 

Ayant appris que le Gouverneur était yenu^ 
il rayait adiais dans sa chambre, bien qu'il ne 
fut pas habillé, et se trouvât obligé xle garda- 
9oa canapé. Il avait parcouru, vis-à-vis de lui, 
dsms Iç calme le plus parfait , disait-il , tous les 
points qui pouvaient $e présenter naturellement 
À l'esprit, n a parlé de protester contre le traite 
dp 2 août^ où les monarques alliés le déclarent 
proscrit et prisonnier. Il demandait .quel était 
le droit de ces souvertiins de disposer de lui 
aaus m participation , lui qui ^it leur égal , et 
trait 4tS parfois leur maître. 

S'il avait voulu se retirer en Russie , disait-<- 
il, AJkxwdre, qui s'était dit son ami, qui n'a^ 
ffttt eu avec lui que des querelles politiques ^ 
s'il ne l'eût pas maintenu Hoi , l'eût du moins 
traité comme tel. Le Gouverneur n'en discon* 
venait pas. . 

S'il eût voulu, continuait^l, «e réfugier en 
AiXLtxkhd, rSempereur François, sous peine de 
ilétris8iijréet4'imiaoralhe, ne pouvait lui iater^ 
dire, naur-fiteulenxent son «mpire, maisi même 
^ miiisaa, sa fonùlle, dont lai Napoléon était 



A Hk MÉMORIAL ( Avril 1816) 

meml>rè. Le Gouverheur en coâ venait encore. 

« Enfin , si comptant mes intérêts personnels 
.«'pour quelque chose, lui avait-il dit, je me 
rc fusse obstiné à les défendre en France les 
le armes à la main, nul doute que les alliés ne 
« m'eui^ent accordé par traité une foule d'avan* 
« tages,; peut-être même du territoire. » Le 
Gouverneur, qui était demeura long- temps sur 
lès lieux, est convenu positivement qu'il eût 
obtenu sans peine quelque grand établissenàent 
souverain. 

^ Je ne l'ai pas voulu, avait poursuivi TEm^ 
« pereur, je me (suis décidé à quitter les affatiires, 
ff indigné de voir |es meneurs de la France la 
ce trahir , on se méprendre grossièrement sur ses 
A plus chers intérêts ; indigné de voir que Jk 
^ masse des rëprésentans pouvait; plutôt que 
ô de périr, transiger avec cette indépendstnce 
9t sacrée, qui , non moins que l'honneur , est 
« aussi une de escarpée et sans bords. Dans 
« cet état de choses, à quoi me suis- je décidé? 
« quel parti ai-je;pris? J'ai été chercher- un 
« asilie dans un pays auquel on croyait des lois , 
« chex un peuple dont pendant viugt ans j'avais 
« été le plus grand ennemi. Vous autres, qu'a-. 



( Arrii i8i6 ) DE SAINTE-HELENE. 1 )^5 

«. vez-vous fait?.... Vos actes ne vous hbnoire- 
« roQt pas dans: l'histoire ! Et - toUlefois il est 
«une Providence yengeresse j ;tôt. ou tard vous 
« en porterez la peine ! Un long temps nç s'ë^ 
«coulera pas que votre prospérité', vos, lois 
« n'exjpient cet attentat!.... Vos ministres , par 
«: leurs instructions , ont assez prouve qu'ils 
« voulaient se défaire de moi ! Pourquoi les 
ft Rois qui m'ont proscrit n'ont-ils pas ose or- 
tt dphner ouvertement ma mort ! L^un eût été 
«aussi légal que l'autre! Une fin prompte eût 
« montré plus 4*énergie de leur part que la 
« mort lente â laquelle ob me condamne. Les 
« Galabrëi^ ont été bien plus buîÈnains^ plus 
« généreux que les souverains ^^N##iaistres I 
a Je ne me donnerai pas isiàxiiti |^«^^sô que 
«ce serait une liucheUÊÊ^ 
«^geux de snrmdnt^#nïfarttme! iChacua ici 
, «bas eiBt tenu Â' reniât, son destin; mais si l'on 
^ compte me tenir ici:, votas me la devez comme 
« un bien&it j car ma demeure ici estunèimort 
« de dbisrque jourt L'île est trop petite pour 
« moi, qui cliaque: jour faisais dixVquinze, vingt 
«lieues â cheval. Le climat u'estpas le nôtarej 
^ ce n'est ni notre soleil ni nos saisons ! Tout ici 



^ 



I»6 MÉMORIAL (ATrii.sie) 

<c respire un 6iumi mortel ! la position est désa- 
« grëable, insalubre, il ny a point <feau; et 
« coin de l'île est disert» il a repoussé ses habi- 
te tans 1 » 

Le Gouverneur ayant alors observé que ses 
instructions ordonnaient ces limites resserrées, 
qu'elles commandaient même qu'un offîcier le 
suivrait en tout temps. 

« Si elles eussent été observées ainsi, je ne 
€c serais jamais sorti de ma phambre j et si les 
« vôtres ne ppuvent point accorder plus d'é- 
« tendue^ vous ne pouvex désoriiiais rieu pour 
« nous. Du rest^ je nedemande ni ne veux rien. 

fc Tranficaettez me& MUtimens à votre Gouverr 
« nement. "» 

Il est échappé au Gouverneur de dire : Yoîlà 
ce qpie c'est que de donner des instructions de 
si loija, et sur une p^sonne que Ton ne cour- 
sait pas. Il s'est Teje&é sur ce qu'à l'arrivée de 
la maison Qu dû palais dei)oisqui est en route, 
rat pourrait prendre peut-être de meiUeiircis 
mesures.; que le vaisseau qui arrivait portait un 
grand nombre de meubles , des comestibles 
qu'011 supposait liiiétive agrâibles^ que le Oou* 



(Afrij %m^ DE SÂINTE-HEIuËNE. 4*7 

veniem^t faisait tous ses efforts pour adoucir 
^ situation. 

L'Ëmperew a répondu que tous ces efforts 
se réduisaient à bien peu de choses : qu'il avait 
prie, qu'on Tabônnât .au Moming Chronicle et 
9a Statesman pour lire la question sous les 
expressions les moins désagréables; on n'en 
avait rien Êiit : il avait demandé des livi^s, sa 
seule consolation ; neuf mois étaient écoulés , 
il ne 1^ avait point reçus : il avait demandé des 
liourvelles de son fils , de sa femme , on était 
demeuré sans répondre. 

« Quant aux comestibles , aux meubles , 
<f au logement, avait-il continué, vous et moi 
^ sommes soldats, Monsieur; nous apprécions 

* ces choses ce qu'elles vallent. Vous avez été 
« dans ina ville natale , dans ma maison peût- 
« être ; sans être la dernière de l*île , sans que 

* j'aie à en rougir , vous avez vu toutefois le 

* peu qu'elle était. Eh bien! pour avoir pos- 
« sédé un trône et distribué des couronnes, 
« je n'ai point oublié ma condition première : 
« mon canapé , mon lit -de campagne , que 
« voilà, me suffisent. » 

Le Gouverneur a observé que ce palais de 



4»» MÉMORIAL (Avril ,8ié) 

bois et tout ce qui l'accompagne était du moins 
une attention. 

a 4 

(c Poijtr vous satisfaire peut^-êtfe au!!C yeux 
«de TEurppe, a repris FEiripereur} mais à 
(c moi , il sont tout à fait indiffërens et ëtràn- 
« ger$, Cen'e^t point une maison, ce ne sont 
a point des meubles qu'il fallait m*envoyer; 
« mais bien plutôt un bourreau et un linceul! 
4€ Les uns me semblent une . ironie , les autres 
<t me seraient une faveur. Je le repète, les ins- 
« tractions de vos ministres y conduisent, et 
«< moi je le reclame. L'Amiral , qui n'est point 
« un méchant homme , me semble à présent 
«c les avoir adoucies. Je ne me plains point de 
ce ses actes ; ses formes seules m'ont choque'. » 
Ici le Gouverneur a demande si , dans son igno- 
rance, il n'avait pas lui-même comniis quelques 
fautes, ce Non, Monsieur, nous ne nous plai- 
ce gnons de rieu d;epuis votre arrivée. Toutefois 
ce un acte nous a blesses : c'est votre inspection 
ce de nos dome^ticpies , en ce qu'elle e'tait inju- 
ce rieuse à M. de Montholon , dont c'était suspec- 
, ce ter la bonne foij [petite , pénible , offensante 
ce envers moi , et peut-être aussi envers un gé- 
cc néral anglais lui-même, qui venait mettre 



(ATtUiÇiÇ) DE SAINTE-kJH.ENE. Ah% 

« le doigt entré moi et mon valet de chambre. » 
Le .Gouverneur était assis dans un fauteuil 
en travers de l'Empereur , demeuré étendu sur 
son canapé. Il faisait sombre , le soir était venu , 
on ne se distinguait plus bien. « Aussi y obser* 
« vait . l'Empereur , est-ce inutilement que j'ai 
« cherché à étudier le jeu de sa figure et à con- 
« naître l'impression que jejpouvais causer en 
« ce moment. 

Dans le coujrs de la conversation , l'Empe- 
reur, qui avait lu le matin la campagne de 
iSihy par Alphpnse de Beauchamp, dans la 
qu'elle tous les bulletins anglais sont signés 
Lotê^e, a demandé au Gouverneur si c'était lui. 
Cehii-ci s'est hâté de répondre et avec un em- 
barras marqué^ qu'ils étaient de lui, et que cela 
avait été sa manière de voir. 

En se retirant, sir Hudson Lowe , qui dans le 
cours de la conversation , avait plusieurs fois 
offert à l'Empereur son médecin, qu'il disait 
très-habile , lui a réitéré 'de la porte la prière 
de trouver bon qn'il le lui envoyât : mais l'Em- 
pereur le devinait et l'a constamment refusé. 

Après ce récit, l'Empereur a gardé le silence 
quelques minutes , puis il a repris , comme 



450 MËMORIAL ( AttU iSiS) 

par suite de reflexions : « Quelle ignoble et sinii- 
«r tre fignre que celle de ce Gouyerneur ! Dans 
a ma vie je ne rencontrai jamais rien de pa* 
fc reil Ir*. C'est à ne pas boire sa tasse de café, 
« si on avait laissé un tel homme un instant senl 
n auprès!-... Mon cher, on pourrait m'ayoir 
M envoyé pis qu'un geôlier III » 



N. B. Nous allons placer ici trois autres 
chapitres des campagnes d^'Italie, 

Le premier montre une campagne de 26 
jours, pleine des pîus grands événemens, et 
couronnée par la Bataille de Castiglîone^ dont 
il porté le titre. 

Le second et le troisième , sous les titres 
â^Arcole et de BwoU^ sont une suite de nou- 
veaux prodiges. 



BATAILLE DE CASTIGLIONE. 



Depnîs l'inyaslon de Wtirmserf le 29 (oillet 1796, 
jusqu'au reblocns de Mantone, le 24 aoûtsaWant, 
espace' de 26 jours. ( J^cyez la Carte, ) 



I. Le maréchal Wurmser quitte le com* 
mandement de î armée d^ Allemagne y et prend 
h commandement de V armée autrichienne 
m Italie. — L'armée d'Italie avait ouvert I^ 
campagne au mois d'avril. On était en juin, 
et les années du Nord, du Rhin, et Sambre-r 
et-Meuse 9 étaient encore inactives. Ces grandes 
et belles armées, de plus de 2Q0 mille hommes, 
faisant les principales forces de la républi^ 
que , tenaient tranquillement garnison en Hol- 
lande, sur Meuse et Rhin, et dans l'Alsace. 

Lorsqu'on apprit l'arrivée des Français sur 
TAdige et le blocus de Mantone^ la cour 
d'Autriche renonça à l'offensive qu'elle avait 
projetée en Alsace et sur le Bas-Rhin , et 
ordonna su maréchal WuxmsejT 9 qui avait été 
destiné à cette opération 9 de reuenir en toute 
hâte diriger les affaires d'Italie 9 et d'jr amener 
30 mille hommes de ses meilleures troupes ; 



4 52 MÉMORIAL 

qui, jointes aux renforts envoyés de toute 
la monarchie, devaient lui composer une ar- 
mée Ae près de 400 mille hommes. 
' L'armée 'française d'Italie avait rempli sa 
tâche en détruisant l'armée qui lui était 
opposée. Si les armées du Nord en eussent 
fait autant, la grande lutte eût été terminée. 

Cependant le bruit des préparatifs de Ja 
ïnaison d'Autriche retentissait dans toute l'Ita- 
lie. Toutes les nouvelles confidentielles des 
ag«ns diplomatiques, toutes les lettres des 
ennemis de la France étaient pleines de dé- 
tails sur l'immensité des moyens qu'on allait 
déployer , sur la certitude que V empereur 
à* Allemagne , avant la fin d'août, serait maître 
de Milan, et aurait chassé les Français de 
l'Italie. 

II. Situation de Vatmée d^Italie. -^ Dès 
la fin de juin le général français suivait 
attentivement tous ces préparatifs , et en con- 
cevait de vives alarmes. Il faisait sentir au 
Directoire qu*il était impossible que 30 mille 
Français pussent soutenir seuls l'effort de 
toute la puissance autrichienne. Il demandait 
qu'on lui envoyât des renforts des armées 



DE SAINTE-HÉLÈNE. ^ 53 

du Rhin ; ou bien que ces mêmes années éh- 
trassent en campagne sans délaL II rappe* 
lait la promesse positire qu'on lui ayait 
donnée à son départ de Paris, qu'elles com- 
menceraient à opérer le 45 avril; il se plai- 
gnait que 2 mois se fussent écoules sans 
qu'elles eussent bougé. 

Wurmser quitta lé Rhin, avec ses renforts, 
vers le commencement de juin; et vers la fin 
du même mois, les armées du Rhin^ et Sam^ 
bre-et- Meuse ouvrirent enfin la campagne. 
Mais alors leur diversion n'était plus utile à 
l'armée d'Italie : Wurmser y était déjà arrivé. 

Le général français réunit toutes ses forces 
sur r Adige , et sur la Chiesa ; il ne laissa per- 
sonne dans les Légations , ni en Toscane, si 
ce n'est un bataillon de dépôt dans la cita- 
delle de Ferrare et 2 à Livourne. Il affai- 
blit, autant que possible, les garnisons de Coni , 
Tortone et Alexandrie; il rassembla sous sa 
main tous les moyens disponibles dé l'armée. 
Le siège de Mantoue commençait à donner 
des malades; et quelque soin que Ton eût 

porté à mettre le moins de monde possible 
3. >I0 



^m MÉMORIAL 

defànt dette place malsaine, nos pertes iicf 
laissaient pas d être considérables. 

Le général en chef me, put reunir en li- 
gne que 30 mille hommes présens sous les 
armes. C'est avec cette armée qu'il allait 
avoir à lutter contre la principale armée de 
la maison d'Autriche. 

La correspondance des divers pays de l'I- 
talie étant très-active avec le Tyrol , où se 
réunissaient toutes ces forces ennemies, on 
pouvait s'apercevoir chaque jour de Tin- 
fluence funeste de .ces grands préparatifs sur 
les esprits- . Les partisans des Français trem- 
Llaient j ceux de l'Autriche, au contraire , 

9 

étaient fiers et menaçans. Mais tous s'éton- 
naierit qu une puissance comme là France , 
laissât une armée, qui avait si bien mérité 
d'elle , saiis secours et sans appui. Ces ob-^ 
sèrvations pénétraieilt jusqu'aux soldats mêmes , 
par leur habituelle communication avec les 
hâbitans du pays. 

A la fin de juillet, le général Soret avait 
son quartier-général à Salo : il était chargé 
de couvrir -le débouché de la Chiésa, où passe 
une grande route qui communique de Trente 



\ 



I 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 465 

â Brescia. Massëna était à Bossolengo , faisant 
occuper la Corona et Montebaldo par la bri-- 
gade Joubert, et campait, avec le reste de 
sa division, survie plateau de Rivoli. La bri- 
gade de Dallemagne était postée à Vérone j 
la division d'Augereau occupait Porto-Lé^- 
nago et le bas Adige. Le général Guillaume 
commandait à Peschiera> où 6 galères, sous 
les ordres du capitaine de vaisseau Lalle- 
mând, assuraient le lac de Guarda. Enfin 
Serrurier pressait lé siège de Mantoue. Kil-, 
maine commandait la cavalerie de l'armée. 

in. Flan de campagne de TVurmser. — . 
Wurmser pouvait passer la Brenta , débou* 
cher, par Vicence etPadoue, sur l' Adige. Par- 
là il évitait les niontagnes; mais il se trouvait 
séparé de Mantoue par T Adige, et obligé de la 
passer de vive force devant l'armée française • 
ou bien il pouvait de'boucher entre T Adige et 
le lac de Guarda 5 s'emparer de Montebaldo , 
du plateau de Rivoli, faire vqnir son artillerie 
et ses bagages par la chaussée qui suit la rive 
gauche de l'Adige. Son armée se trouvait alors 
avoir franchi les montagnes et T Adige, et n'a- 
voir plus d'obstacle pour arriver jusqu'à Man- 



I 

V 

>I 56 MÉMORIAL 

tôue. Mais son artillerie et sa cavalerie ne pou- 
vaient se joindre à son infanterie qu'après la 
prise du plateau de Rivoli. Il pouvait donc se 
trouver attaque, et obligé de livrer une bataille 
déciBwe avant d'être joint par son artillerie et 
sa cavalerie. 

Cependant, il n6 tint pas compte de cet in- 
convénient , et adopta ce dernier parti. Wurm- 
ser y instruit de la prise du camp retranché 
de Mantouc ,et des dangers de la place , préci- 
pita son mouvement de 8 à 40 jours. Il divi- 
sait son armée en trois corps : Le premier 
et le plus considérable formant son centre , dé- 
boucha par Montebaldo et s'empara de tout le 
pays entre l'Adîge et le lac de Guarda > il était 
composé de JJ- divisions formant WO mille hom- 
mes. Le second formant sa gauche , composé 
d'uiie division d'infanterie de 4 ou 4 2 mille 
hommes avec toute Tartillerie, la cavalerie et, 
les bagages ^ suivit laj chaussée qui de Rove- 
redo conduit à Vérone , le long de la rive 
gauche de TÀdige , et devait se réunir à l'ar-. 
mée en passant l'Adige , soit au plateau de. 
Rivoli, soit sur les ponts à Vérone. Le troi- 
sième , formant sa droite , fort de 3 divisions y 



\ 



DE ' SAINTE-HÉLÈNE. A 57 

formant 30 à 35 mille hommes, se dirigea sur 
la rive gauche du lac de Guarda , suivit le 
deT)Ouché de la Chiesa > en côtoyant le lac 
d'Idro ; par cette marche , ce corps avait tourne' 
le Mincio, coupait une desgrandesroutes.de 
Tarmee française à Milan , et tournait tout 
le siège de Mantoue. Ce plan e'tait , de la part 
de Tennemi, le résultat d'une extrême confiance 
dans ses forces et dans ses succès. Il comptait 
tellement sur notre défaite , qu'il s'occupait 
déjà de nous couper toute retraite. Ainsi Wurm- 
ser, tsn perspective , cernait d'avance l'ar- 
mée française : la croyant enchaînée à la néces»- 
sité de défendre le siège de Mantoue , il pensait 
que cerner ce point fixe, c'était cerner l'armée 
française, qu'il en regardait comme inséparable. 
IV. VFurmser débouche par Montebaldo,^ 
par la chaussée de Rot^eredo à Vérone, et 
parcelle delà Chiesa ^ 29 Juillet* — A la&i 
de juillet , le quartier-général de l'armée fran- 
çaise fut transporté à Brescia. Le 28, à 1 heures 
du soix , le général français partit de Brescia 
pour visiter ses avants-postes. Arrivé le 29 à 
la pointe du jour à Peschiera , y il apprit que la 
Corona et Montebaldo étaient attaqués par 



498 MÉMORIAL 

des forces considérables. Il arriva à 8 heures. 

du matin à Vérone. A 2 heures après midi les 
ttoupes légères de Tennemi se montrèrent sûr 

le sommet des montagnes ({ui séparent Vérone 
du Tyrol, et s'engagèrent avec nos troupes. 
Le général en chef rétrograda toute la soirée^ 
et porta le quartier-général à Castelnovo entre 
TAdige et le Mincio. Il était là plus à portée 
de recevoir les rapports de toute la ligne. 

' Dans le courant de la nuit , il apprit que 
Jt)uher.t, attaqué k la Corona par toute une ar- 
mée, avait résisté tout le joi^rj mais qu'il venait 
de se r.eplier sur le plateau de Rivoli, que Mas- 
séna occupait en grande force ; que des lignes 
nombreuses de feu couvraient toutes les monta- 
gnes entre le. lac de Guarda et FAdige ; que, 
sur les hauteurs de Vérone, les feux indi- 
quaient qu'à la fin du jour les troupes enne- 
mies s'y étaient augmentées; que du côté de 
Montebello , Viçence , Bassano , Lignano , il n'y 
avait ni mouvemens, ni ennepiis; mais que du 
côté de Brescia, 3 divisions ennemies avaient 
débouché par la vallée de la Chiesa. Une cou- 
vrait les hauteurs de Sainte Osetto , semblaqt 
se diriger si^r Bresci^ ; l'autre avait pris posi- 



r 



DE SAINTE^HÉLÈNÉ; 459 

tion à Gavardo , et paraissait se porter sur 
Ponte-Marco et Lonato^ la troisième avait 
pris sur Salo, qù Ton se battait drfjà. » 

Un peu plus tard, il fut instruit que la di- 
vision ennemie de Saint - Osetto avait de'jà 
envoyé' son avant-garde à Brescia , où elle n'a- 
vait trouve' aucune résistance, puisqu'on n'y 
avait laissé que 300 convalescens pour la garde 
des hôpitaux. Ainsi la communication de l'ar* 
nfe'e avec Milan, par Brescia , se trouvant inter- 
cepte'e , on ne pouvait plus correspondre avec 
cette ville que par Cre'mone. 

Des. coureurs ennemis se faisaient de'jà voir 
sur toutes les routes, qui de Brescia vont sur 
Milan, Cre'mone et Mantoue, annonçant par- 
tout qu'une arme'e de 80 mille hommes avait 
débouche' par Brescia, en même temps qu'une 
autre, de 100 mille, de'bouchait par Vérone. 

Il apprit aussi que la division ennemie diri- 
gée sur Salo, en était venue aux mains avec 
Soret; et que celui-ci, ayant eu connaissance 
des deux autres divisions qui se portaient sur 
Brescia et sur Lonato, avait craint de se trou- 
ver couperet de Brescia et de l'armée, et avait 
jugé à propos de se replier sur les hauteiirs; 



460 MÉMORIAL , 

de Dezenzano, à fin de conserver ses commuui- 
cations; qu'il avait, laissé] le général Guieux à 
àalo j avec 4&00 hommes dans un antic^e 
château , espèce de forteresse à Tabri d'un coup 
de main;. que la division çnnemie • de Gavardo 
avait envoyé quelques coureurs sur Ponte- 
Saint-Marco ; mjàis qu'ils y aidaient été conte- 
nus par une compagnie de chasseurs qui s'y 
trouvait. 

V. Grande et prompte résolution que prend 
le général français'. Combat de S ah. Combat 
de LonatOj Si juillet. -^ Des ce moment le 
plan d'attaque de Wurmser se trouvait dévoilé. 
Seule contre toutes ces forces, l'armée française 
né pouvait rien : on n'^'tait pas un contre trois. 
Mais , seule contre chacun des corps ennemis, il 
y avait égalité. 

I-iC général français prit son parti sur-le- 
champ. L'ennemi avait pris l'initiative^ qu'il 
espérait conserver j le général français, résolut 
de déconcerter ses projets, en prenant lui-même 
cette initiative. Wurmser supposait l'armée 
française fixée à la position de Mantoue. Napo- 
jléoii décida aussitôt de la rendre mobile, en le-* 
vaut le siège de cette place» sacrifiant son équi» 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 464 

pag€ de siège, et se portant rapidement, avec 
toutes les forces îeunies de l'armée, sur un des 
corps de Farmëe ennemie, pour revenir succes- 
sivement contre les autres corps. La droite de 
l'armée autrichienne , qui avait débouché par 
la diaussée de la Chiesa et Brescia, étant la 
plus engagée , il marcha d'abord sur elle. 

Serrurier brûla Sâs affûts et ^es plates-for- 
mes^ jeta ses poudres à l'eau, enterra ses pro- 
jectiles, encloua ses pièces, et leva le siège de 
Mantoue dans la nuit du 34 juillet au pre- 
mier août. 

Augereau se porta de Legnago sur le Mincio 
à Borghetto. Masséna défendit, toute la journée 
du 30 , les hauteurs entre T Adige et le lac de 
Guarda. Dallemagne se dirigea sur Lonato. 

Le général en chef se rendit sur les hau- 
teurs en arrière de Dezenzano. Il fit remarcher 
Soret sur Salo, pour dégager le général Guieux , 
qui se trouvait compromis dans la mauvaise 
position où il l'avait laissé. Cependant ce géné- 
ral s'était battu Jf8 heures contre toute une 
division ennemie^ cinq fois on lui avait livré 
l'assaut , et cinq fois il avait couvert les avenues 
de cadavres. Soret arriva au moment même où 



n 



A et MÉMORIAL 

l'ennemi tentait un dernier effort : il tomba sur 
3es flancs, le défit entièrement , lui prit des dra- 
peaux ; et dégagea. Guieux. 

Dan$ le même moment la division autri<r 
chienne de Gavardo s'e'tait portée sur Lonato, 
pour prendre position sur les hauteurs^ et 
tâcher d'ope'rer sa jonction avec Wurmser sur 
le Mincio. I^e gene'ral en chef mena lui-même 
la brigade de Dallemagne contre cette division. 
Celte brigade fit des prodiges de valeur j la 
32^ en faisait partie. L'ennemi fut battu , mis 
<Bn de'route et éprouva une grande perte. 

Ces deux divisions ennemies , battues par 
Soret et Dallemagne, se rallièrent à Gavardo. 
Soret craignit de se compromettre^ et revint 
prendre une position interme'diaire entre Sale 
et Dezenzano, 

Pendant ce temps Wurmser avait fait passer 
sur les ponts de Vérone son artillerie et sa 
cavalerie. Maître de tout le pays entre l'Adige 
et le lac de Guarda, il plaçait une de ses divi- 
sions sur les hauteurs de Peschiera, pour mas- 
quer cette place et garder ses communications. 
11 en dirigeait deux autres, avec une partie .de 
Sfi cavalerie, sur Borghetto, pour s'emparer dw 



DE SAINTE-HÉLÈNE. ^63 

pont sur le Miucio , et de'boucher sur la Cliiesa , 
afin de se mettre en communication avec sa 
droite. Enfin avec ses deux dernières divisions; 
d'infanterie, et le reste de sa cavalerie , il mar-r 

chait sur Mantoue , pour faire lever le siège de 

cette place. 

Depuis 2tt heures les troupes françaises 
avaient tout évacué de datant Manioue: JVurmi 
ser y trouva les tranche'es et les batteries encore 
entières , les pièces renverse'es et encloue^es , et 
partout des de'bris d'affûts , de plates-formes et 

de munitions de toute espèce. La pre'cipitation 
qui sepablait avoir pre'side' à ces mesures, dût le 
réjouir agréablement; tout ce qu'il voyait au- 
tour de lui semblait bien plus le re'sultat de 
l'épouvante cjue les suites d'un plan calcule'. 
Ma3sëua, après avoir contenu l'ennemi toute 

lajourne'e du 30, passa, dans la nuit, leMincio 
aPeschiera, et continua sur Brescia. La division 
autrichienjie ^ui se présenta devant Pescliiera 
trouva la rive droite du Mincio garnie de tirail- 
leurs, fournis par la garnison et par une ar- 
P^re-garde laissée par Massena , laquelle avait 
ordre de disputer le passage du Mincio^ et 



46W MÉMORIAL 

lorsqu'il serait forcé de se concentrer sur La- 
nato. 

En se dirigeant sur Brescîa , Augereau avait 
passé le Mincio à Borghetto. Il avait coupé le 
pont et laissé aussi une arrière-garde pour bor- 
der la rivière, avec ordre de se concentrer à 
Castiglione lorsqu'elle serait forcée. 

Toute la nuit du 34 juillet au 4®' août, le 
général en c/t^marcha avec les dwisions Au- 
gereau et Masséna sur Brescia , où on arriva à 
40 heures du matin. La division ennemie de 
Brescia, instruite que toute l'armée française 
débouchait sur elle par toutes les routes, n'eut 
garde d'attendre, et se retira en toute hâte. Les 
Autrichiens en entrant dans Brescia y avaient 
trouvé tous nos malades et nos convalescens j 
mais ils y restèrent si peu et furent contraints 
d'en sortir si précipitamment, qu'ils n'eurent 
pas le temps de reconnaître leurs prisonniers, 
ni d'en disposer. 

Le général Lespinoîs et V adjudant - géné- 
ral Herbin , chacun avec quelques bataillons , 
furent mis à la poursuite des ennemis sur Saint- 
Osetto et les débouchés de la Chiesa. 

Les deux divisions Augereau et Masséna 



DE SAINTE-HÉLÈNE, 4 65 

retournèrent^ par une contre-marclxe rapide , 
du côte' du Mincio , d'où elles étaient parties , 
pour soutenir leur arrière-garde. 

VI. Bataille de Lonato, 3 août. — Le 2 août » 
Augereau, formant la droite, occupait Monte- 
chiaro; Massena , formant le centre , était campe 
à Ponte-Marco, se liant avec Soret, qui, formant 
la gauche , occupait une hauteur entre Salo et 
Dezenzano , disant face en arrière pour contenir 
toute la droite de l'ennemi* 

Cependant ^es arrières-gardes qu'Augereau 
et Massëna avaient laissées sur le Mincio s'é- 
taient retirées devant les divisions ennemies, qui 
avaient passe celte rivière. Celle d'Augereau , 
qui avait ordre de se réunir à Castiglione, 
({uitta ce poste avant le temps, et revint en 
désordre joindre son corps. 

Napoléon, mécontent du général Valette, qui 
la commandait, le destitua devant les troupes, 
pour n'avoir pas montré plus de fermeté dans 
cette occasion. Quant au général Pigeon, chargé 
de Tarrière-garde de Masséna, il vint en bon 
ordre sur Loiiato, qui lui avait été indiqué, et 
s y établit. 

L'ennemi ^ profitant de la faute du général 



^66 ÎVIÉMORÎAI. 

Valette, s'eiiipara de Gastiglione, le 2 même^' 
et s'y retrancha.^ 

Le 3 , eut lieii la bataille de Lonato : elle fût 
donnée par les deux divisions de Wurmser, 
venues de Borghetto , et par une des brigades de 
là division demeurée sur Pescliiera, ce qui, avec 
la cavalerie, pouvait composer 30 mille tommes* 
Les Français en avaient 20 à 23 mille , aussi le 
succès ne fut pas douteux. Wurmser, avec les 
deux divisions d'infanterie et la cavalerie qu'il 
av^it conduite à Mantpue, ne purent s'y trouver. 
, A l'aube du jour l'ennemi se porta sur Lïh- 
nato, qu'il attaqua vivement ; c'est par là qu'il 
prétendait faire sa jonction avec sa droite , sur 
laquelle du reste il commençait à Concevoir des 
inquiétudesi L'avant-garde de Masséna fut cul- 
butée j l'ennemi prit Lonato. he général eït 
chef, qui était à Pohte-^Marco , marcha lui-même 
pour reprendre Lonato. Le général autrichien , 
s'étant trop étendu, toujours dans l'intention 
de gagner sur la droite , afin d'ouvrir ses com- 
munications avec Salo , fut enfoncé , Lonato 
repris aii pas de charge, et la ligne ennemie 
coupée. Une partie se replia sur le Mincio, 
l'autre se jeta sur Salo j mais elle rencontra le 



DE SAINTE-HI^LÈNE. 4 6f 

général Soret en front, et avait le général Saint- 
Hilaire en queue. 

Tournée de tout côté, elle fut obligée de 
mettre bas les armes. Si nous fûmes attaqués au 
centre , ce fut nous qui attaquâmes à la droite. 
Au jour , Augereau abordai l'ennemi , qui cou- 
vrait Gastiglione, et l'enfonça , après un combat 
opiniâtre, où la valeur des troupes suppléa au 
nombre, L'ennenii éprouva beaucoup de mal, 
perdit Castigliône, et se retira sur Mantoue, 
d'où lui arrivèrent les premiers renforts j mais 
seulement quand la journée était déjà finies' 
Nous perdîmes beaucoup de braves dans cette 
affaire opiniâtre j Farmée regretta particulière- 
ment le général Beyrand et le colonel Pourail- 
1er, officiers très-distingués, 

VII. Reddition des 5 divisions de droite 
de V ennemi , et dune partie de son centre^ 
•^Les trois divisions de droite de l'armée 
ennemie eurçnt nouvelle dans la nuit de la 
Iwitàille de Lonato^ elles en entendaient le 
canon -: leur découragement devint extrême* 
Leur jonction avec le corps principal de Far- 
niée devenait impossible. Elles avaient vu 
bailleurs sujt elles plusieurs dit^isions fran- 



>1 68 MÉMORIAL 

çaises , et les croyaient toujours manœuvrant 
contre elles. Uarmée française leur sem-^ 
blait innombrable, ils la voyaient partout. 

Wurmser avait, de MantQue, dirigé une 
partie de ses troupes vers Marcaria , pour pour- 
suivre Serrurier. Il lui fallut perdre du temps 
pour faire revenir ces troupes sur CasU* 
glione. Le % il ne se trouvait pas en mesure. 
Il employa toute la journée à rassembler ses 
corps, à réorganiser ce qui avait combattu à 
Lonato, et à réapprovisionner son artillerie. 

Quand le général français ^ sur les t ou 
3 heures après-midi, vint observer sa ligne 
de bataille , il la trouva formidable j elle 
présentait encore îiO .mille combattans. Il or^ 
donna qu'on se retranchât à Castiglione,~ et 
partit lui-même pour Lonato, afin de veiller 
en personne au mouvement de ses troupes, 
qu'il devenait de la plus haute importance 
de rassembler, dans la nuit, autour de Cas- 
tiglione. Toute la journée, Soret et Herbin 
d'un côté, DaiUemague et St.-Hilaire de Tau- 
tre, avaient marché à la suite des trois di- 
visions ennemies de la droite, et de celles 
coupées du centre à la journée de Lonato^ 



DE SAINTE-HÉLÊNÉ. 409 

les araieat jkwlrsamés sah» r relâché , \fat- 
not des prisoimtero à ehafoe pa»* Des ba* 
taillons entiers ayaient pos^ les armes à Saiat-^ 
Osetto, d'autres à Gavardoy, d'autres enfin 
enaient incertains xbns l«s valle'es voiânes. 

» ou 8 miUe àé ceut-ci «<mt instruits par 
d«s pajsaais qu'il n'y ayait.^Q 4200 Finan- 
çais daos Lonato; ils j. maff«^eiât dans J'esr 
poir de s'ouvrir un chemin vers lej Mincio^ 
«était » heure» ipre!J.roidâj Nfïpolifon j èn^ 
trait de son côte', Tenant de Caétiglione, On 
lui annonce un pàrleinient^re, il apprend eu; 
«ïênie temps q[à'on prend les armes, que des Co- 
lonnes ennetiiies débottchent pa? Pdnte-Sainî- 
îfarco qu'elles veulent entrer dans Lonatoi^j 
font sommer cette ville de se rendre. 

Cependant noos étiofis thi^BùT»- maîtres de 
Silovet de Gav^rdbf dèSrlors il devenait eVi- 
<I«at que ce ne pouvait être que des coloairies 
P»dtiés\ ^I «Bew^aient A se- frayer un pas-l 
«ge. Napole'on fit mcmter à cheval son notfir 
1»«Q* e'tat>'nugbr i il se fit amener l'officié»: 
parlementaire * et lui fait débander les yeux 
»<» milieu dô tout lé moiiv^naent d^un grand 

luaitier-général. « Allez dire a votre général, 
3. 44 




470 MÉMORIAL 

« lui dit-il , queP je lui donné 8 minutes pour 
ce poser les armes. Il se trouye an milieu 
« de V armée française ; passe ce temps il n^aor 
« rait rien à espérer. » • 

Harassés depuis 3 jours , errabs , incertains } 
ne sachant plus que devenir, persuadés qu'ils 
avaient été trompés par. les paysans, ces ft 
ou 6 mille hommes posèrent les armes. Ce 
seul trait peut donner une idée du d&ordie 
et de la confusion de ces divisions autrichiennes » 
qui , battues à Salo ^ àLonato à Gavardo , poor^ 
suivies dans toutes lés-directions, étaient désor- 
mais à peu- près fondues. Tout le reste du II et 
la nuit entière se passèrent a rallier la tota* 
lité des colonnes et à les conceiitrer sur 
Castiglione. 
VIII. BatcdOç de Castiglione , 5 août. ^ 

* 

Le 5 avant le jour , V armée française toute 
réunie^ forte de 25 mille hommes y compris 
la division Serruriei:, occupa les hauteurs de 
CastigUonCy excellente position. Le général 
Serrurier avec la division du siège de Mautoue, 
avait reçu Pordre de|iharcher toute la nuit, et de 
tomber au jour sur les derrières dé la gauche 
de Wurmser : son attaque/devait.être le signal 



I 



DE SABNTE-HÉLENE. «74 

de h bataille. Q/i atte^nd^itun .grand .succès 
moral de cette attaque inopine'eî; eti, pour la 
rendre plus sensibloj, l!arn^e /rariçaisfijiignit 
de reculer. r î-. ; 

Aussitôt qu'on entendit les preiniers couple 
du corps de Serrurier j qui ^ étà^% xnajt^de ^ ^^rait 
cte' remplace par le général Fiorella ,. du mar^ 
tha viy;ement à.rennenxi , ^t Vqxji toDoJbaj au? de« 
geb^ déjà elxranl^s dans, leur confiance , iflf 
n* ayant plies leur premièie ardeur^ Ua inàiMt- 
Ion , au milieu de la plaine y fonaait im fort 
appui pour la gattcfaiejeiinemie4iUadjudant^gë4> 
méral Verdier fut chargé- de Fattaquerj l-aidé- 
de-camp du gériénd en chef' llarïnant s'y 
dirigea! avec 20' pièces d'artiltelrie i le po^teCtit 
enlevé'. Massena attaqua la droite, Augcireau'fe 
centre, Fiorella prit la gauche à iSéversV pir*- 
tout on fut victorieux / réhncttiî fut iûAs daiiS 
Une déroule completlë. L'éicessivè fatigue dei 
troupes françaises put seule sauver les detris 
de Wunnser : ils fuyyent en désordre au-delà 
du Mincio, ou Wûrmser espérait se maintenir î* 
il y eût trouvé Tava^îtage de rester en- comnui-^ 
nicatioB avec Ms^toue. Mais la division Aucc- 



I 



472 MÉMORIAL 

gMTMU se .dirigea sur Borghetto , celle de Mas- 
nioA sot P^Bchiera, 

I^e gérerai Ouillanme, commandant de cette 
dernière placé , cpi y avait été laissé arec kOO 
hommes ^euleinent , en avait muré les portes 
pour s'y mieux défendre. Il eût fallu US heures 
pour les désencombrer* Les soldats durent 
«auter par -- dessus les remparts pour aller à 
rennemi. Les troupes autrichiennes qui hlo-> 
•;<|uaient Pèschiera étaient fraîches. EUçs soutin- 
l'eut long** temps le combat contre la 48* de 
ligne. Elles furent enfin enfoncées , perdireBt 
48 pièces de c9BÔh> et beaucoup de prisonniers. 
/ h^ igé9éral éini^ef Qfis^rcha avec la divisiou 
^rrurier sur Vérone. Il y arriva le 7 dans la 
miit; .Wurvaser en avait fait fermer les portes, 
irpulant jgagner la nuit pour faire fikr ses ba- 
gages]^ mais on les enfonça à coups de canon et 
l'on pénétra dans la ville. Les Autrichiens v 
perdirent beaucoup de nionde. La division Au- 
gereau éprouvant des difficultés à opérer son 
passage à Borghetto, revint passer à Peschîera. 
Perdant l'espérance de conserver la ligne du 
JMfincio , Wurmser essaya de conserver les posi- 
tions importantes dii Hontebâldo et de la Roca 



DE SAINTE-HÉLÈNE. n» 

d'Anfo. Le général Saint - Hil^ire mareha 
sur la Roca d'Anfo, attaqua rennemi 4aiii^ 
la vallée de Lodron, et lui fît beaucoup de pri^ 
^nniers. On s'empara de Riva, et:Wunnser 
fut obligé de brûler sa flotille« M^sëna mardad 
sur le MontebaldO) et reprit la Coroua, Auge-' 
leau remonta la rive gauche de T Adige , en 
suivant les crêtes des montagnes, et arriva jus- 
qu'à la hauteur d'Ala. L'ennemi éprouva des 
pertes considérables dans les tentatives dontll 
accompagna sa retraite. Ses troupes n'araient 
plus de moral. 

Après la perte de deux batailles comme 
celles de Lonato et de Castiglidhe , Wunnser 
aurait dû comprendre qu'il ne pouvait plus^ 
disputer ce qu'il convenait aux Français d'oc- 
cuper pour s'assurer de la ligne de FAdige. Il 
se retira à Roveredo et à Trente. L'armée fran- 
çaise avait aussi elle-même besoin de repos. Lés 
forces de Wurmser , après ses défaites , étaient 
encore égales aux nôtres ; mais avec cette diffé- 
rence que désormais un bataillon de, l'armée 
(iltalie en mettait quatre des ennemis en fuite ^ 
et que partout on ramassait du canon ^ des pri- 
sonniers et des objets militaires. 



n 



> 



47* MÉMORIAL 

' WurmBer avait ravitaille la garnison de 
Mantoue , il est vrai \ mais il ne ramenait pas 
en ce moment de toute sa Lelle armée, y compris 
te cavalerie , plus de 1^ à H5 mille hommes. 
Du reste, rien ne saurait être comparable an 
découragement et à la démoralisation de cette 
belle iarmëe, ap rès ses revers , si ce n'est Tex- 
tréme confiance dont elle ëtait animée au corn* 
mencement de la campagne. 

Le plan de Wurmser, <jui pouvait réussir 

dans d'autres circonstances , ou contre un autre 
bomnie <^e son adversaire , devait pourtant 
avoir IHssue fUneste qu*il a eu ; et, bien qu*au 
premier coup d'oeil la défaite de cette grande 
et belle armée, en si peu dé jou^s , semble ne 
devoir être attribuée (ju*à l'habileté du général 
français, qui improvisa sans cesse ses manoau-* 
yres, contre un plan général arrêté à l'avance, 
il faut convenir que ce plan reposait sur de& 
bases fausses. C'était une faute que de faire agir 
i^éparément des corps qui n'avaient entre eux 
aucune communicatioiji, vis à vis d^une orméo 
centraliste , et dont les communications étaient 
faciles. La droite ne pouvait communiquer avec; 



DE SAINTE-HELENE. 4T5 

Je ceiitre que par Royëredo et Lodrcm. Ce fut une 
seconde faute encore que de «subdiviser le corps 
de la droite^ et de donner des buts differens à 
ces différentes divisions. Celle qui fut à Brescia 
ne trouva personne contre elle , et celle qui at- 
teignit Lonato eut à faire aux troupes qui la 
veille étaient à Vérone devant la gauche autii- 
chienne y laquelle , dans ce moment, n'avait plus 
rien devant elle» L'armée autrichienne comptait 
de très-bonnes troupes; mais elle en avait aussi 
de médiocres : tout ce qui était venu du Rhip , 
avec Wurmser, était excellent et animé de Tes- 
poir devla victoire; mais tous les cadres de Tan- 
tienne armée de Beaulieu , battue dans tant de 
circonstances:, traînaient avec eux le décourage- 
ment. Une des dispositions de Wurmser, que les 
circonstances raidirent des plus funesties , c'est 
qpe la plus grande partie de sa droite se trouva 
composée de Hongrois , troupes lourdes , qui 
une fois déroutées, ne surent plus comment se 
tirer de ces montagnes, et qui , à cause de leur 
langage, ne purent se faire entendre, 

IX. Second siège de Mantoue. Le^ pren^iier^ 
jours de la levée du blocus de Mantoue furent 
^Wployés par la garnison à défaire les ouvrages 



in MÉMORIAL 

àeê aisiégeans y à faire entrer hs pièces et les 
inunitiona qu^ik troublèrent. Mais les^promptot 
revers de Wunnser ramenèrent bientôt les Fran-^ 
çaià devant la place. La perte de Tëquipage 
d'artillerie ne laissait plus d'espérances de ppn^ 
voir en faire le siège. Cet équipage, formé à 
grande peine , de pièces recueillies d^ns le^ 
diff^'rentes places d^ l'Italie ^ était presqu'en** 
tièrament perdu. D'ailleurs, la saison devenait 
trop mauvaise , Touverture et le service de la 
tranchée eussent été trop dangereux pour les 
troupes» au moment ou^ la malignité du climat 
allait exercer ses ravages. Ze général françaU 
n'ayant donc pas sous la main un équipage dc^ 
siège qui pût lui doimer l'assurance de prendre 
Mantoue avant six semaines , ne voulut pas son- 
ger à en former un second , qui n'eut été prêt 
qu'au moment même où de nouveaux évém^* 
tnens pouvaient Texposer à le perdre de noch 
veau I en le forçant de lever le siège une seconde) 
fois. Il se coQQtenta donc d'un simpler blocus. Le 
général Saliuguet en fut chargé; il attaqua Go* 
vernolo j et le g^éral Dallemagne , Borgo-^Forte : 
ils s'en emparèrent ainsi que de tout le Seraglio^ 
rejetèrent l'ennemi dans la place et en resserré- 



' DE SAINTE-HÉLÈNE. 477 

reat etroitem^it le blocus. On s'occupa de 
multiplier les xedoutes et les fortifications au- 
tour de la ville 9 afin d'y employer le moins de 
monde possible; car tous les jours lesassiegeans 
diminuaient par le ravage de la fièvre , et l'on 
prévoyait avec e£froi que ce ravage ne ferait 
qu'accroître avec l'automne. Il était vrai que la 
ganiison était soumise aux mêmes maux et à la 
même diminution. 

X; Conduite des difftirens peuples d^ltalit 
durant aett^crise. — Cependant la position de 
lltalie, dans le peu de jours qui venaient de s'é- 
couler, avait été une véritable révélation. Tou- 
tes les passions s'étaient montrées au grand jour; 
chacun se démasqua. Le parti ennemi se montra 
à Crémone» à Casai-major j et quelques^ étin- 
ceUes se laissèrent voir à Pavîe. En général la 
Lombardie montra un bon esprit j à Milan sur- 
tout presque tout le peuple témoi^a une grande 
constance et beaucoup de fortitude: ils gagnè- 
rent notre confiance, et méritèrent les armes 
^'ils ne cessaient de demander avec instance. 
Aussi le général français leur écrivait-il dans sa 
satisfaction : « Lorsque Tannée battait en re- 
^ traite, que les partisans de l'Autriche et les 



^ 



17Ô MÉMORIAL 

« enqemis de la liberté la* croyaient perdue 
« sans ressource /lorsqu'il était impossible à 
« yous-*mêmes' de soupçonner que cette retraite 
« n'était qu'une ruse, vous avez montré de Fat* 
«c tachement pour la France , de l'amour poar 
jK la liberté; vous avez déployé un zèle et un 
m caractère qui vous ont mérité l'estime de i'âi^ 
« mée, et vous mériteront la protection de la 
« République française. » 
' m Chaque jour votre peuple se rend davan- 
« tage digne de la liberté. Il acquiert diaqae 
M jour de l'énergie. Il paraîtra sans doute un 
« jour avec gloire suri la sc^e du monde. Re* 
<c cevez le témoignage de ma satisfaction çt du 
« vœu sincère que fait le peuple français pour 
« vous voir libre et heureux. » Le^ peuples de 
Bologne, Ferrare, Reggio, Modène, montrèrent 
un véritable intérêt pour notre cause. Parme 
demeura fidèle à son armistice j mais la régence 
de Modène se .montra ouvertement notre enne-* 
mie. Â Rome, les Français firent insultés dans 
les rues^ on y proclama leui: e;s:pulsion de l'Ita- 
lie. On suspendit l'accomplissement des condi- ] 
tions de l'annistiçe non . encore remplies. Le 
i;enéral en chef .eût pu punir une pareille cou^ 



DE SAINTE-HÉLÈNE, 479 

fltiite; mais dWtres pensées }e portaient ailleurs 
et l'obligeaient d'ajourner le châtiment, si les 
négociations n'amenaient le repentir. Le car- 
dinal Mattey, archevêque de Ferrare , témoigna 
sa joie à la nouvelle de la levée du sie'ge de Man- 
toue. Il appela les peuples à l'insurrection contre 
les Français. Il prit possession de la citadelle de 
Ferrare, ety arbora les couleurs du Pape.Le Pape 
y envoya aussitôt un légat et par-là viola Farmis- 
tice. Après la bataille de Castiglione, le général 
français fit arrêter Mattey , et le fit conduire à 
Brescia. Le cardinal, interdit, ne répondit que 
par ce seul mot : Peccavi ! ce qui delsarma NapO" 
Uon^ qui se contenta de le mettre trois mois 
dans un séminaire à Brescia. Depuis, ce car- 
dinal a été plénipotentiaire du Pape à Tolen- 
tbo. Le. cardinal Mattey était d'une famille 
princière à Rome i c'était un homme borné, de 
peu de talent; mais qui passait pour être d'une 
dévotion sincère. Il était minutieusement atta- 
ché aux pratiques du culte. Après la mort du 
Pape Pie VI , la cotir de Vienne s'agita beau, 
coup , au conclave de Venise , . pour le faire 
nommer Pape j mais elle ne réussit point. 



480 MÉMORIAL 

OùaramonU, é^êquà à^încola, Remporta, H 
prit le nom de Pie VII. 



N. S, de l'éditeur écrit sous dictée» — Le 
rapport ne donne que 20 mille hommes amenés 
du Rhin par Wurmser. Le chapitre dit 30 , et 
celui*- ci a raison» L'inégalité des forces a 
toujours été telle entre les deux armées, que 
le généml français , dans ses rapports « croyait 
être obligé souvent de diminuer les forces de 
Tennemii pour ne pas décourager sa propre 
armée. C'est ce qui explique la différence des 
nombres qu'on rencontre parfois entre TOu vrage 
et les pièces officielles. 



■I i T 1 



BATAILLE D*ARCOLE. 



mm 



De l'offeosiye dlÀlvenzi, le 29 novembre 1796, jusqu'à 
Feutière expulsion de son armée ^ le 21 novembre 
suivant, espace de 19 jours. ( Ployez la Carte» ) 

■ 

I. Le maréchal Ahenzi prend le comman^ 
dément de la nouvelle armée autrichienne ; 
ia /brce.^^hes armées françaises du Rhin et de 
Sambre-etrMeuse avaient e'te' battues fen Alle- 
magne j elles avaient repasse' le Rhin. Ces succès 
consolaient la Cour de Vienne de ses pertes en 
Italie. Ils lui donnaient la facilite d'humilier 
l'orgueil des Français dans cette partie. Elle 
donna des ordres pour former une armée , de'- 
gager Mantoue , délivrer Wurmser , et reparer 
ks affronts qu'elle avait reçus de ce côté. Elle 
assembla quatre divisions d^infanterie et une 
de cai^alerie dans le Frîoul , et deux dans le 
Ayrol , faisant ensemble 60 mille hommes. Ces 
troupes se composaient de forts de'tachemens 
des armées victorieuses d'Allemagne, des cadres 
recrutés de Tarmée de Wurmser, et d'une levée 
extraordinaire de -15 mille Croates. Le com- 
lïiandement général fut donné au maréchal Al- 
viuzi, et Ton confia le corps particulier du 



482 MÉMORIAL : 

Tyrol, d'enviroa 4 ft nulle Ixommes, au général 
Pavidowicli. Le Sénat de Venise secondait en 
secret les Autrichiens. Il lui demeurait dé- 
montré ({ue les succès de la cau$.e française 
seraient la ruine de ^n aristocjatie. Il voyait 
chaque jour l'esprit de. ses peuples de t^e 
ferme se déterriorer et appeler à grands cris 
une révolution, La cour de Rome avait levé le 
masque; se trouvant compromise depuis lei 
affaires de Wurmser , elle n'espérait plus son 
salut que dans les succès de l'Autriche. Elle 
n'exécutait aucune des conditions de l'armisticQ 
de Bologne ; elle s'apercevait avec effroi que le 
général français temporisait, et que, par une 
feinte modération et des négociations prolon- 
gées , il ajournait l'instant du châtiment. Elle 
était, exaltée d'ailleurs par les succès d'Alle- 
magne , et instruite à point du petit nomhre de 
Français , et du grand nombre de leiirs malades; 
elle mettait.en mouvement ses moyens physiques 
en levant des troupes , et ses moyenis moraux 
en persuadant les esprits, à l'aide des couvens 
et des prêtres, de la faiblesse des Français, et 
de la force irrésistible des Autrichiens* 
IX. Bon état de t armée française jf fofi*. 



\\ 



DE SAÏKTE^HÉLÉNE, 483 

ràon des peuples d^ Italie appelle ses succès. 
~Le gëi^ral français 9 -était flatte long-temps 
de recevoir de ikouyeaus renforts. II. avait fou^ 
temént représente au Directoire/ ou que 1^ 
armées du Nord defvaient repasser le Rhin, Qt| 
^'il fallait qu'on lui eiivoyât 50 mille hommes, 
(k lui fit des promesses qu'on ne réalisa pasf 
et tous les secours qu'QU lui dç^iia sfe veTlui-' 
sirent à quatre regimens, détacha de la Vendée: 
l'esprit de cette province s'était amélioré. Ces 
régûnens 9 composant environ 8 mille honmies ^ 

arrivèrent successivement dans un intervalle d^. 

• t. 

deux mois. Ils furent d'un grand secours ; com- 
pensèrent les pertjes éprouvées les mois précé^- 
dens , et maintinrent l'armée actiy e à son nom-^ 
Ire habituel de 30 mille comhattans. Les let- 

' s 

très du Tyrol, du Frioul, de Venise., de Rome^ 
ne cessaient. ^i^^r/^r des grands préparatifs qui 
se faisaient contre les Français j mais cette fois 
l'esprit plus prononcé des peuples , et d'autres 
circonstances , donnaient une toute autre phy- 
sionomie à ritalie et aux affaires. Ce n'était 
plus comme avant Lonato et Castiglione. Les 
prodiges accomplis par les Français , les nom- 
breuses défaites éprouvées par les Autrichiens, 



l 



^8» MÉMORIAL 

araietit tourné l'opinion. Alors lèB trois quarts 
de l'Italie pensaient qull était impossible que 
les Français pussent conserver leur conqnéte. 
Aujourd'hui les trois quarts de cette même 
Italie ne croyaient pas qu'il fut au pouvoir des 
Autrichiens de jamais la leur arracher. On fit 
sonner bien haut l'arrivée des quatre régimens 
venant de France. Leur mouvement se fit par 
bataillons, ce qui composa douze colonnes. On 
prit toutes les- mesures pour que le pays et 
une partie de Tannée crussent qu'on s'était ren<- 
force de douze régimens. 

On croyait que les vivres manquaient dans 
Mantoue, et que cette place tomberait infailli- 
blement avant que Tarmée autrichienne pût 
recommencer la lutte , de sorte que nos troupes 
entendaient parler des préparatifs de V Autri- 
che avec confiance : elles semblaient sûres de 
la victoire. LVrmée était bien nourrie, bien 
payée, bien vêtue; son artillerie était nom- 
breuse et bien . attelée j sa cavalerie faible en 
nombre, à la vérité , mais ne manquant de rien, 
et en aussi bon état que possible. 

La population de tous les pays occupés par 
nos armées faisait à présent cause commune 



r 



DE SAINTE-HÉLJÈNE. 485 

avec nous. lEAle appelait nos succès de tous ses 
yœux. La disposition des pays au-delà du Pô 
était telle, qu'ils pouvaient même suffire à con- 
tenir les levées que le cardinal secrétaire- 
d'état de Rome appelait l'armée du Pape, Cette 
misérable Cour, sans esprit, sans courage^ sans 
talens, sans bonne foi y n'était pas autrement 
redoutable. 

IIL Combat de la Brenta.-^ Vaubois éi^acue 
le Tyrol en désordre. — Au commencement 
de novembre, le quartier-général de l'armée 
antricbienne était à Canégliano, et de nom- 
breux postes garnissaient la rïyé gauche de la 
Piave. Dans le Tyrol , des corps opposés à cha- 
cun des nôtres se formaient sur la ligne du 
TAvisioj partout l'ennemi se montrait en force. 
Le projet d'Alvinzi n'était pas douteux; il ne 
voulait pas, comme Wurmser, attaquer par le 
Tyrol j il craignait de s'engager dans les mon-» 
tagnes« Il attribuait à l'intelligence du soldat 
français, à sa plus grande dextérité, les succès 
de Lonato et de Castîglione. Il résolut donc 

7 

de faire sa .principale attaque par la plaine , et 
d'arriver sur T Adige par le Vérpnais , le Vi- 
centainet le Padouan. Le 2 novembre, ce ge'tie'-. 

3. n 



m MEMORIAL 

rai }ela deux ponts sur la Piave, et se porta sur 
Bassano ayè€ k9 à 50 mille honulies. Massena > 
en obseryation, contint toutes ses eoloniies^ 
l'obligea de déployer toutes ses forces, gagna 
quelques jours, et se replia sur Vicence, où il 
fut joint par le gênerai français, qui amenait avec 
lui la division Augereau , une brigade de Man« 
toue , et se trouvait dès-lors avoir sous sa main 
20 à 22 mille hommes. Le projet de Napoléon 
était de battre Alvinzi, et de se porter ensuite 
sur Trente , par un mouvement invei-se à celui 
qu'il avait fait il y avait peu de temps, et de 
prendre à dos l'armée qui ope'rait dans le TyroL 
Alvinzi , qui avait passe' la Brenta , fut attaque' 
le 5, et culbute'. Toutes ses divisions furept je- 
tées au-delà de cette rwiére. 

Mais Vaubois , qui e'tait aux mains avec l'en- 
nemi, depuis !e 2 novembre, n'avait pu se main- 
tenir ni à Trente, ni danâ aucune position in- 
terme'diaire. Sa division ne disputant plus le 
terrain, revenait en désordre sur Vérone. Tout 
paraissait faire craindre que la position de la 
Corona et du Monlebaldo ne pourrait arrêter 
Vennemu On craignit pour le siège de Man- 
toue. Le général en c\\eifut doAc obligé de 



N 



/ 



DE SAINTE-HÉLÈNE. >18T 

rétrograder sur Vérone , et d y arrirer assez à 
temps ponr ralliel* Yaûbois, et àéaurêr les ]|po^ 
sitions du Montébaldo et de Rivoli. Il passa la 
tevue de là divisioh Vaubois sur le plateau de 
Rivoli. « Soldats, leur dit-il d'un ton se'vère, 
fr je ne suis pas content de vous. Voiis n'avez 
« marque ni discipliné, ni constance. Vous 
« ave2^ ce'de" au pretnier e'cbec. Aucune position 
K n'a pu vous rallier. Il en e'tait dans votre 
<( retraite qui étaient inexpugnables. Soldats 
« du 85* et du 39®, vous n'êtes pas des soldats 
» français. Que l'on me donne ces drapeaux, 
« et que l'on écrive dessus : Ils ne sont plus 
« de l'armée d'Italie ! » Un morne silence ré- 
glait dans tous les rangs ; la consternation était 
peinte sur toutes les figures. Des sanglots se 
font entendre; de grosses larmles coulent de tous 
les yeux, et l'on voit ces vieux soldats, dans 
leur émotion, déranger lerirs armes pour es- 
suyer leurs pleurs. Le général en chef fut 
obligé de leur adresser quelques paroles de 
consolation. Général^ lui criaient-ils, mets- 
nous à Vapant'garde^ et tu verras si nous 
sommes de l'armée d'Italie!! Effectivement, ces 
régimens qui avaient été le plus grondés ^ furent 



1 



1 88 MEMORIAL 

mis à r avant-garde , et s'y couvrirent de gloireJ 
. IV. Bataille de CaldierOy 1 2 novembre. Les 
ope'rations d'Alvinzi se trouvèrent couronnées 
des plus heureux succès : de'jà il e'tait maître 
de tout le Tyrol et de tout le pays entre 
la Brenta et FAdigej mais le plus difficile 
lui restait encore à faire. C e'tait de passer 
TAdige de vive force devant Tarme'e française. 
Le chemin de Vérone à Vicence longe TAdige 
pendant trois lieues , et ne quitte la direction 
du Jleupe qu*à Villa-Nova^ où il tourne .per- 
pendiculairement à gauche pour se diriger sur 
Vicence ; à Villa-Nova, la petite rivière de 
TAlpon coupe la grande route, et se jette, 
après avoir traversé Arcole, dans TAdige, en- 
tre Roncô et Alhare- Sur la gauche ^de ViUa- 
Nova se trouvent des hauteurs offrant de très- 
belles positions , connues sous le nom de . Cal- 
diero. En occupant ces positions, on garde une 
partie de TAdige, on couvre Ve'rone , et. Ton 
se trouve en mesure de tomber sur les derrières 
de rennemi , si celui-ci se dirigeait sur le Bas- 
Adjge. 

Le Général français eut à peine assuré hi 
défense de Montebaldo^ . et .raffermi les troupes 



DE SAINTE-HËLÈNE. 489 

de Vaubois , qu'il voulut occuper Caldiero 
comme donnant plus de chances à la deTensive y 
et plus d'énergie à son attitude. Il de'boucha le 
11 de Vérone, la brigade de Verdier en tête, 
culbuta Tavant-garde ennemie , et parvint bien- 
tôt aux • pieds de Caldiero : Mais Alvinzi lui- 
même avait occupé cette position, qui est 
honné également contre Vérone. Le 4 2 , à la 
pointe du jour, on vit toute son armée couron- 
ner ces hauteurs ; qu'il avait couvertes de for- 
midables batteries. Le terrain reconnu, Mas- 
séna dut attaquer ïa hauteur , et forcer la droite 
de Tehnemi ; cette hauteur enlevée , et Tennemi • 
la gardait mal, la bataille se trouvait décidée; 
Le général Launay marcha avec sa demi-'brigade * 
et s empara de la liauteur; mais il ne put s'y 
maintenir, et fut fait prisonnier* Cependant la 
pluie tombait par tôrrens , le chemin devint 
hientôt impraticable pour notre artillerie , pen- 
dant que nous étions écrasés par celle de l'en- 
nemi. Nous avions trop de désavantage à gravir 
contre un ennemi en position. L'attaque fut 
contremandée , et Ton se contenta de soutenir 
la bataille tout le reste du jour. Connnfe la plufe 
dura toute la journée , et celle dû lendenôuîin 



> 



490 MÉMORIAL 

le général fiançais prit le parti da retourner 
au camp de Vérane. 

L^$ pertes dans cette affaire avaient été égar 
le$, cependant Tennemi s'attribua avec raison 
k; tictoire , ses avants-postes s'approclièrent de 
Saint-Michel, et la situation des français devint 
yrj^ini.ent critiqufi. 

y. MurmurM et seniimens dù^ers gui agih 
Uni y armée frcafiçaist. — Vaubois , battu tn 
Tyrol, avait fait des pertes considérable} jl 
nVyait plus que Ç^OQO hommes. Les deux au- 
tres divisicms, après s'être vaillamment battîtes 
sur la Brenta, s'étaient vues en retraite sur 
Vérone /ayant manqué leur opération sur Cal- 
diero. Le sentiment des forces de l'ennemi était 
dans toutes les têtes. Les soldats de Yauboîs/ 
pour justifier leur retraite dans le Tyrol , di- 
saient s y être battus un contre trois. Les s^- 
dats mêmes demeurés sous les yeux 4e N^ipo- 
léç^7 tiTouvaient les ennemis trop nombreux. 
1^65 de^x divisions^ après leurs pertes , ne comp- 
taient p^s plus de I S^ OQO hommes sous les armes. 

L'ennemi avait perdu ausisîi ^ans doute ^ v^v^ 
il aiv^Lit eu l'avantage ; Il ayait acquis le se&- 
ti^ow 4^ sa ^çipérioritéi il avait p» compter j^ 



DÉ SAINTE-HÉLÈNE. iQ4 

son aise le petit nombre des Français ; aussi ne 
doutait-il déjà plus de la deliyrance de Man- 
toue , ni de k conquête de ritâlie. Il avait fait 
ramasser une grande quantité d'échelles , et en 
faisait faire beaucoup d'autres/ voulant énle^ 
ver Vérone d'assaut. A Mantoue la garnison 
s'était réveillée, elle faisait de fréquentes sor- 
ties, qui harcelaient sans Cesse les assiégeâtes ; 
et les troupes se trouvaient trop faibles , pour 
contenir une si forte garnison. Tous les jours 
ou était instruit que quelque nouveau secours 
arrivait à Tenn^ai : nous ne pouvions en espé- 
rer aucun ! ^^àBn les agens de l'Autriche, ceux 
de Venise et du Pape, faisaient sonner tres- 
sant les avantages obtenus par Alvinzi , et sa 
supériorité sur nous. Nous n'étions plus en po-^ 
âtjjSn de prendre l'offensive nulle part : d'un 
côté la positicm de Caldiero^ que nous n'avions 
pu enlever ^ de l'autre , les gorgés du Tyrol qui 
venaient d'être le théâtre de la défaite de Vau- 
^is. Mais eussions nous occupé des positions 
f^i eussent permis d'entreprendre sur lui ^ il 
avait trop de Nsupëriorité par le nombre. Tout 
nsitevdisait pour Tinstant toute offensive^ il fal* 
^itdonc laisser Tinitiativeà Temiemi^ et attcn* 



492 MÉMORIAL 

dre froidemenf ce qu'il voudrait entreprendre/ 
Lia saisGOi e'tait extrêmement mauvaise , la pluie 
tombait par torrens , et tout les mouvemens se 
faisaient dans la boue* L'affaire de Caldiero, 
celle du Ty roi , avaieiit sensiblement baisse le 
moral de l'armée. On avait bien encore le sen- 
timent de la super ioiri té sur l'ennemi à nombre 
égal I mais on ne croyait pas pouvoir lui résis- 
ter, dans r infériorité où l'on se trouvait. Un 
grand nombre de braves avaient été blessés deux 
et trois fois à différentes batailles , depuis Yen* 
trée en Italie. La mauvaise humeur s'en mêlait. 
« Nous pe pouvons pas seuls, disaient-ik ^ 
ce remplir la tâche de tous , l'armée d' Alvinzi 
« qui ise trouve ici , est celle devant laquelle 
« les armées du Rhin et de Sambre-et-Meuse 
a se sont retirées ; et elles sont oisives dans ce 
<t moment , pourquoi est-ce 4 nous à remplir 
tt leur tâche? On ne nous envoyé aucun secours ; 
ce si nous sommes battus , nous regagnerons les 
« Alpes, en fuyards et sans honneur. Si au 
« contraire nous sommes vainqueurs, à quçi 
fc aboutira cette nouvelle victoire; on nous op- 
a posera une autre armée semblable à celle 
a d' Alvinzi, comme Alvinzi lui*méme a succédé 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 493 

ft àWurmser; et, dans cette lutte constamment 
(c inégale, il faudra bien que nous finissions 
« par être ecrase's. 

Napoléon faisait répondre : « Nous n'avons 
te plus qu'un effort à faire , et Tltalie est à nous. 
« Alvinzi est sans doute plus nombreux que 
« nous; mais la moitié de ses troupes soiit 
« de véritables recrues; et lui battu, Man- 
« toue succombe ; nous demeurons maîtres 
« àê ritalie, nous voyons finir nos travaux, car 
X non-seulement l'Italie , mais encore la paix 
« générale sont dans Mantoue. Vous voulez 
« aller sur les Alpes , vous n'en êtes plus ca- 
« pables. De la vie dure et fatigante de ses 
« stériles rochers, vous avez bien pu venir 
« conquérir les délices de la Lombardie; mais 
« des bivouacs rians et fleuris de l'Italie , 
« vous ne vous élèveriez plus aux rigueurs 
er de ces âpres sommets , vous ne supporteriez 
« plus long-temps, sans murmurer, les neiges 
« ni les glaces des Alpes. Des secours nous 
« sont atrivés ; nous en attendons encore ; beau- 
« coup sont en route. Que ceux qui ne veu- 
« lent plus se battre , qui sont assez riches , 
« ne nous parlent pas de l'avenir. Battez. Al- 



i9h MEMORIAL 

ft yinzi; et je vous reponds du reste!!! » Ces 
paroles , répétées par tout ce qu^il y «Tait de 
cœurs généreux, relevaient les âmes, et faisaient 
passer successlyement à des sentimens opposés. 
Ainsi , tantôt Tannée, dans son décourageQi<ffit » 
eût voulu se retirer ; tantôt y remplie d'enthou* 
siasme , elle parlait de courir aux armes* 

Lorsque Ton apprit à Brescia , Bergame , Mi^ 
lan , Crémone, Lodi, Pavie, Bologne, que Tarmék 
avait essuyé un échec , les blessés , les malades 
sortirent des li^itaux * encore mal guéris , et 
tinrent se ranger dans les rangs, la blessure 
encore sanglante* Ce spectacle était touchae&t ^ 
et remplit l'armée des plus vives émotions. 

YI. Hf arche de nuit de V armée sur Ronco f 
elle y passe ÎAdà^e sur un pont de bateaux^ 
•—Enfin \e A% novembre ^ a la nuit tombante, 
le camp de Vérone prit les armes. Les co- 
lonnes se mettent en laarclie dans le plus 
grand silence : on traverse la ville, et I'ob 
vient se former sur la riv4B droite. L'beure à 
laquelle on part, la direeti^on, qui est celle 
d€ la. retraite , le silence qu'on garde , contre 
l'habitude constfmte d'apprendre, p^r l'ordre 
dui joiir, qu'on va se battre j la situation de^ 



DE SAINTE-HELENE. 495 

affaires, tout enfin ne laisse aucun doute qu'on 
se retire. Ce premier pas de retraite, qui 
entraine nécessairement la levée du sie'ge de 
Mantoue, présage la perte de toute Tltalic. 
Ceux des habitans qui plaçaient dans nos 
victoires Tespoir de leurs nouvelles destinées, 
suivent inquiets , et le cœur serre' , les mou- 
vemens de cette armée qui emportent toutes 
leurs espérances. 

Cependant l'armée, au lieu de suivre la 
route de Peschiera, prend tout-à-coup à gauclit;, 
et longe l'Adige : on arrive avant le jour à 
Ronco. Andréossy achevait d'y jeter un pontj 
et l'armée , aux premiers rayons du soleil , se 
voit avec étonnement, par un simple à gau- 
che , sur l'autre rive. Alors les officiers et 
les soldats, qui du temps qu'ils poursuivaient 
Wurmser avaient traversé ces lieux, com- 
mencèrent à deviner l'intention du général. Ils 
voyent que ne pouvant enlever Caldiero il le 
tourne. Qu'avec \% mille hommes ne pouvant 
rien, jen plaine ^ contre 1^5 mille, il les attire 
sur de simples thausams , dans de vastes ma- 
rais, où le nombre ne sera plus rien, mais 
où le courage des têtes de colonne sera tout. 



496 MÉMORIAL 

Alors l'espoir de la victoire ranime tous les- 
cœurs , et chacun promet de se surpasser , 
pour seconder un plan- si beau et si hardi. 

Rilmaine e'tait reste daps Vérone, avec 
4500 homnies de toutes armes; les portes 
étroitement fermées, les communications sé- 
vèrement interdites, L'enpemi ignorait par- 
faitement notre mouvement. 

Le pont de Ronco fut jeté sur la droite 
de l'Alpon, à peu près à un quart de lieue 
de son embouchure. S'il l'eût été sur la rive 
gauche, du coté d'Albaredo, on se fut trouvé 
en plaine, tandis qu'on voulait se placer dans 
des marais, où le nombre demeurait sans effet. 
D'un autre côté on craignait qu'Ai vinzi , ins- 
truit y ne marchât subitement à Vérone ,^ et 
ne s'en emparât; ce qui eût oblige le corps 
de Rivoli de se retirer à Peschiera , et eût 
compromis celui de Ronco. Il fallut donc se 
placer sur la rive droite de TAlpon, de ma- 
nière à pouvoir tomber sur les derrières de 
l'ennemi qui attaquerait Vérone , et par-là 
soutenir cette place par la rive gsmche, ce 
que l'on n'eût pu faire si l'on eût i jeté le* pont 
sur la rive fauche de l'Alpon, parce que 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 497 

Fennemi aurait pu border la rivé droite de 
cette rivière, et, sous cette protection, enle- 
ver Ve'rone* Cette double raispn avait donc 
de'terminé le placement du pont. Or, troii^ 
chaussées partaient de Rontoj où ce pont avait 
été' jetej et toutes étaient environne'es de ma- 
rais. . La première se dirige sur Yerone en 
remontant TAdige ; la 2® conduit à Villa- 
Nova, et passe devant Arcole, qui a un pont 
à une lieue et d«mie de l'Adige, sur la pe- 
tite rivière de TAlpon, La 3« descend l'A- 
dige, et va sûr Albaredo. 

VIL Bataille d" Arcole, 4" journée, i5 
novembre n — Trois' colonnes se dirigèrent 
sur ces trois chausse'es. L'une , à gâtiche , re- 
monta VALdige jusqu'à l'extrëmitë dès marais ; 
ie M l'on communiquait sans obstacle avec 
Ve'rone : ce point était des plus importans; 
par là plus de craintes de voir rennemi at- 
taquer Vérone, puisqu'on se fût trouve' sur 
ses derrières, La colonne de droite prit vers 
Albaredo , et occupa jusqu'à l'Alpon. Celle 
du centre se porta sur Arcole, où nos tirail- 
leurs parvinrent jusqu'au pont sans être aper- 
çus. Il était 5 heures du matin, et l'ennemi 



498 MÉMORIAL 

ignorait tout. Les pîemiers coups de fusiîs 
se tirèrent sur le pont d' Arcole , où deux 
bataillons de Croates, ayec deux pièces de 
canon, bivouaquaient^ comme corps d'obser- 
yation, pour garder les derrières de Tannée, 
ou étaient tous les parcs, et surveiller les 
partis que la garnison de Legnago aurait pu 
jeter dans la campagne. Cette place n'était-- 
qu'à trois lieues : Tennemi avait eu la né- 
gligence de ne pas pousser des postes jus-* 
qu'à l'Adige; il regardait cet espace comme 
des marais impraticables. L'intervalle d'Ar5 
cole à l'Adige n'ëtaiit point gardé; on s'était 
contenté d'ordonner des patrouilles de hou- 
zards, qui ttois fois par jour, parcouraient 
les digues, et éclairaient l'Adige. La route 
de Ronco à Arcole rencontre l' Alpon à 2 milles, 
et de là remonte pendant un mille la rive 
droite de ce petit ruisseau, jusqu'au pont^ 
qui tourne perpendiculairemeut à droite, et 
entre dans le village d' Arcole. Des Croates 
étaient bivouaques , la droite appuyée au vil- 
lage, et la gauche vers l'embouchure. Par ce 
bivouac ils avaient devant leur frant la digue ^ 
dont ils n'étaient séparés que par le ruisseau ; 



r 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 499 

tiraat devant eux, ils prireiit en flanc la 
colonne dont la tête ëtait snr Àrcole. Il fallut 
se replier en tonte hâte, jusqu'au point de 
la chaussée y qui ne prêtait plus son flanc 
à la rive gauche. On instruisit Altinzi que 
quelques coups de fusils avaient ëtë tirëj^ au 
pont d' Arcole j il y fit peu d'attention. Ce* 
pendant à la pointe du jour on put observer 
de Caldero et des clochers voisius le mou« 
Tement des Français. D'ailleurs les reconnais* 
sances des houzards , qui tous les matins lon- 
geaient l'Adige pour s'assurer des eVenemeu 
de la nuit 9 furent reçua à coup de fusils 
de toutes les digues , et poursuivis par la ca« 
Valérie française. Alvinzi acquit donc de tout 
côte' la certitude que les Français avaient 
passe l'Adige, et se trouvaient en force sur 
toutes les digues. Il lui parut insensé d'ima- 
giner qu'on pût jeter ainsi toute une armëe 
dans des marais impraticables. Il pensa plutôt 
que c'était un détachement posté de ce côte 
pour l'inquiéter, lorsqu'on l'attaquerait en 
fotce du xîôté de Vérone. Cependant ses 
reconnaissances du côte de Vérone lui ayant 
rapporté que tout y était tranquille, Alvinzi 



1 



2O0 MÉMORIAL 

crut important de rejeter ces troupes françaises 
au-delà de T Adige , pour tranquilliser ses der- 
rières/ Il dirigea une division sur la digue 
d' Arcole , et une autre vers la digue qui longe 
r Adige , avec ordre de tomber tête baissée sur 
ce qu'elles rencontraient , et de lout jeter dans 
la rii*ière} vers les 9 beures du matin ces deux 
divisions attaquèrent en effet vivement. Massëna, 
qui était charge' de la digue de gauche ayant 
laisse' engager l'ennemi, courut sur lui au pas 
de charge, l'enfonça, lui causa beaucoup de 
perte, et lui fit un grand nombre de prisonniers. 
On en fit autant sur la digue d'Arcole : on at- 
tendit que l'ennemi eût de'passe' le coude du 
pont. On l'attaqua au pas de charge j on le mit 
en de'route , et on lui fit beaucoup de prison- 
niers. Il devenait de la plus haute importance 
^ de s'emparer d'Arcole, puisque de là on débou- 
chait sur les derrières de l'ennemi, et qu'on 
pouvait s'y établir avant que l'ennemi put être 
formé. Mais ce pont d'Arcole , par sa situation, 
résistait à toutes nos attaques. Napoléon essaya 
un dernier effort de sa personne : il saisit un 
drapeau, s'élança vers le pont, et Vy plaça, La 
colonne qu'il conduisait l'avait à moitié franchi, 



\ 



DE SAINTH^HÉLÊNE. i04 

lorô({ue Iç feu de flanc fit manquer l'attaque. 
Les grenadiers de la tète abandonnes par la 
qaeue hésitent , ils sont entraines dans la fuite ^ 
niais ils ne veulent passe dessaisir de leurgène* 
rai ; ils le prennent par les bras , les chevelil', 
les habits , et l'entri^inent dans leur fuite ^ an 
milieu des morts , des toiourans et de la fumée. 
Legénéralenchef^ii^réci^ixé dans unmaraisj 
il f enfoncé ju^u'à la moitié du corps; il esi 
eu milieu des ennemis i mais les Français s'à«- 
perçoivent- que leur général n'est point a^^^oc 
eux. Un èri se fait entendre: « Soldats en ayant 
K pour sauver le général. » Les braves revien- 
nent aussitôt au pas de course /Sur l'ennemi, le 
repoussent jusqu'au*d'ii?/^^z//70/z/^ et Napoléon 
est sauvé. Cette journée fut celle du dévoueiaefiit 
militaire. Le général Ijannes était accouru dé 
Milan; il avait été blessé kOQiremolo;'i\'ét^it 
encore èouffrant dans ce iiioment : il se plaça 
entre l'^nemi et Napoléon, le couVrit de son 
corps et reçut trois blessures ; ne voulant jamais 
le quitter. Mhiron , aide-de-catnp du général en 
chef, fat tué couvrant de son corps son géhéràl... 
Mort héroïque et touchante !. Belliard, Vi-' 

gnôles, furent blessés en ramenant les troupes 
3. 43 



202 MÉMORIAL 

enauanL Le brave général Robert y fut tae, 
Onjît jeter un pont à Tembonchure de TAl- 
pon 9 afin de prendre Arcole à reyer»; mais p«h 
dantce temps, Alvinzi, instruit du yëritabk ; 
état des choses , et concevant les plus vives alar^ I 
mes sur le danger de sa position^ avait aban^ | 
donne Caldi^ro, défait ses batteries, et fait re^ 
passer T Alpon à tous ses parcs , ses bagages et 
6es réserves. Les Français du haut du clocher de 
Ronco virent avec douleur cette proie leur 
échapper; et c'est alors ^ et dans les mouvemens 
précipités de Tennemi , qu'on put juger toute 
rétendue et les conséquences du plan du gênerai 
français. Chacun vit qiiels auraient pu être les 
résultats d'une combinaison si profonde et si J 
hardie : Tarmée ennemie échappait à sa destruc- 
tion. Ce ne fut que vers lés Jt heures que Te 
général Guy eux put marcher sur Afcole par la 
rive gauche de VAlpon. Le village fat enlevé' 
sans coup fe'rir; mais alors il n'y avait plus rien 
d'utile; il était 6 heures trop tard; l'enneHÛ 
s'était mis en position naturelle. Arcole n'étoit 
plus ^u'un poste intermédiaire entre le front des 
deux armées; Le matin ce village était sur les 
derrières de l'ennemi. 



! 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 203 

^ Tou te£ais dis grands rësultats avalait çouromië 
cette journée : Caldiëroéjtait, évacue, et Yérone 
Mt courait plus de dangers. Deux diyisic^is 
■d'ALviiizi avaient été défaites avec des pertes 
ocmsidéraUes. De nombreuses colonies de pri- 
sonniers, et grand nombre de trophées fjfli 
^k^èrent . ai4. trûi^ers du camp ^ remplirent 
^'enthousiasme les spldàts . et , les^ officiers ». et 
t^acun reprit la confiance et le s^time^t de fci 



I victoire. 



VIII. Seconde journée^ ^6 nopcmbréu 
•*-• Cependant ï)ayidowich avec son corps du 
Tjrol avait attaqué, dès la veille, les hautéucs 
cfe Rivoli. Il en avait chassé Vaubois , ert l'avait 
contraint de se retirer sur Gaâtel-Novo. Déjà les 
toureurs ennemis paraissaient aux portes de 
Vtpone.Kilmaine; débarrassé d'Alvinzi et de 
toutes craintes sutia rive gauche v par l'évacua 
tloû de Gàldiér6, avait 4i^%é4out&^im^ttM* 
thh^Qxhi tvm dipoite j raaxs il' était à craindre 
«pie si l'ennemi marchait vig<nireufeemei|tcSTîir 
Calstël^Noyo, il nd forçât Vaubois , n'arrivât à 
M4ûtoUe,>n0 silrpï^l- Tamée assûégeante, ine)ëe 
joignit à la garnison, né <ionpât la >T6tiadte: an 

« 

quarUer-gdnflirdtt lèX à rai'méé qui était à ilqnco 



^n MÉMORIAL 

Il fallait denc êtte, & la pointe àujcfax,mm» 
sure <!« soutenir Vaubois , protéger Manioàé et 
ses coi«miinicatioiis,:et battre Davidowicli, «'il 
s'hait avance danà la jommée.U ëtait ie'ceasaiw, 
pour la réussite de ce préjet , de calculer- le» 
Heures. Il se résolut donc , dans l'iricertitàdedfi 
ce qui se serait passé dans la joùrnéB , de suppo- 
rter que tout ayait été mal du côté de Vaubois. 
Xl fit évacuer Arcole, qui avait coûté tant de 
sang } replia toute son armée sur la rive droite 
46" l'Adige , ne laisBaut sur la nve g^ijche 
qu'une brigade ctqttdqnfes pièces die cano^. Il 
ordonna, dans cette position, qu'on fit la soupe 
Jén. attendant ce «Jùi se serait passé d« côté de 
Vaubois pendant «Jette journée. Si l'ennemi | 
avait marché sut€à8tel-Novo, il fixait lever le 
pont de l'Adige; disparaître de devanj Alvimi, 
se trouver à 4 iiewes d.^ièr^ Vaubois à Cattet 
ifya/o,^ culbuter V ennemi mr IZâfO&.On avait 
làisGé à Arcble dès bivonacs allunÉ^ , ainsi vqûç 
rdes Jpiquets de ^rand'jgaïde , polir qu • Alvinzi ne 
s'aperçût de rien. A quatre heutes. après iiiinuit 
i'oa battit pour prendre lefr arme»,, afiîi d'être 
prêt à marcher. Mais dans lemênae iiKwnent on 
apprit que Vauboia était ausor.e..tn position à 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 205^ 

moitttç chemin ^e Eiyoli à Ca$tel-Novo, et qu'il 
ganmti^sait de tenir toute la journée. Davido- 
wich était le -niâme général qpi avait commandé 
mie des diviisions que Wurms^r avait fait débou* 
citer par la Chiesa : il sç' souvenait d^ rœultats j 
il n'avait garde d^ se compromettre,. Cependant 
vers 3 heures du matin . Alvinzi , instruit de 
la marche rétrograde des Français ^ fit occuper ; 
Arcole * sur-le-champ , et dirigea au jour deux 
colonnes sur les digues de T Adige et d' Arçole 
pour marcher jsur nous. La fusillade s'engagea 
a 20O toises de notre pont j les troupes le repasr| 
sbent au pas de charge^ tombèrent ^ur l'ennemi^ 
le rompirent^ le poursuivirent vivement jus- 
I <p'aux débouchés des marais qu'ils remplirent 
de leurs morts. Des drapeaux, du canon et des 
prisonniers furent les trophées de cette joarnée,^ 

(âdeux nouvelles divisions d'Alvim&i furent 

• • . . . > 

deiaites. 

Sur le soir \e général JrançctiS'ij^^ les mêmes 
motifs et les mêmçs combinaisons, fit le même 
mouvement que la veille. Il cojpcentra toutes 
ses troupes sur la rive droite de ^ Adige , ne 
laissant qu'une avant-garde sujr la rive gauche/ 

IX. 8«.« journée j 17. nwepipre. ,~ Çepen- 



Y\ 



•I 



n 



206 MÉMORIAL 

dant ÀIvînzi) induit en erreur par un espion' 
qui assurait que le général français avait repassé 
l'Adige, marché sur Mantoue, et ti^ayait laissé 
qu'une arrière-garde à Ronco, del)oucba à ia 
pointe du jour, avec Tintention d'enlever k 
pontdëRonco, Un moment avant le jour, on 
apprit que rien n'avait bougé du coté de Vau-' 
}>bîs, que Davidowich n'avait point fait de 
mouvemens. On revint sur Tautre bord de TA- 
dige. La tète de nos cojionnes se rencontrèrent 
à moitié des digues avec deux autres divisions 
d'Alvinzi* Il se livra un combat opiniâtre, nos 
troupes furent altematiuement en auant et 
en arrière^ Pçndémt un moment^ les balles 
arrivaient sur le pont. La 75* avait été rompue, 
le général en chef plaça la S2* en embuscade, 
ventre i terre dans un petit beis de saules , le 
long de la digue d'Arcole. Cette demi-brigade 
se releva, fit une décharge, marcha à la baïon- 
nette , et culbuta dans les marais une colonne 
(ennemie, épaisse de toute sa longueur; c'é- 
tait 3 mille Croates ^ et ib y peVirent tous. 
Masséna, sur la gauche, éprouvait des vicis- 
situdes ; mais il marcha à la tête de sa dwision, 
son chapeau au bout de son épée , eh signe de 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 20r 

drajieau, et fit un horrible carnage dé la divi- 
sion çui lui était opposée. 

Après midi le généràlfrançais jugea (ju'en-^ 
fin le moment d'en finir était venu. Car si Yau^ 
bois apcàt été battu le jour encore par Davi- 
dowich , il serait obligé de se porter , ht nuit 
prochaine , à son secours et à celui de Man^ 
toue. Dès-lors Alvinzi se porterait sur Vérone, 
il recueillerait Thonneur et les résultats de la 
?ictoire ; tant d'avantages remportés dans Vtois 
journées seraient perdus. H fit èolnpter soigneu- 
sement le nombre des prisoimiers, récapitula 
les pertes de l'ennemi; il conclut qu'il s'était 
affaibli dans ces trois fours de plus de 20 mille 
Sommes; qu'ainsi désormais ses forces en ba- 
taille ne seraient pas beaucoup plus à* un tiers 
aurdessus des nôtres. Il donna ordre de sortir 
des rnarais et d^ aller attaquer t ennemi en 
plaine. 

Les circonstances de ces trois journées avaient 
tellement changé le moral des deux années» 
que la victoire nous était assurée. L'armée passa 
le pont jeté à l'embouchure de l'Alpon. Elliot, 
ûide-de^iomp du général en chef, chargé d'en 
Construire un second , y fut tué. A deux heures 



/ 



UtoS MEMORIAL 

aprifS midi l'armée française «tait en bataille,; 
sa gauche à Arcole et sa droite dabs la direct* 
tion de Porto-Lignano; elle avait en face leii'^ 
n^mi, dont la droite s'appuyait à TAlpon, et 
la. gauche à dos macais. L* ennemi était à che- 
pqI ^wk la route d^. Moutëbello. L'adjudant 
Lgrcet était parti de Lignano avec 6 à 7 cents 
homi^esi, W- pièces de ca^pn et I! cenjts 'chevaux^* 
pour tourner les marais : auxquels renuemiàp*- 
puyait.sa gauche ^ Vers 3 heures , au moment 
où ce détachement de la garnison de Lignant* 
se portait pur l'ennemi , que la ca^cHinade était 
vive sut toute la ligne , et que les. tirailkum 
ét^i»ei\t a^xinains,/^ général. fmnçQi^oxàovm. 
au €Îie^4'csçadron; Hercule. de se porter, avec' 
S^ guides,, et ^o\i 5.trompettes, au travers dea 
rosea.ii^x et dejchargex s.ur, rextjrémité de la 
gai^c|^e 4^. l'enixemi ? au mém^ moipent q|ie la 
garnison de Lignano commencerait à la canon- 
ner par derrière j ce qu'il exécuta avec : intelli- 
gence ». et contribua beaucoi|p au succès de la 
JQUrnée. X^^ennemi fut ci^lbuté partout; sa. 
ligne fut rompue, il laissa beaucoup de prison-^ 
niers. Alvinzi avait échelonné 7 à Ç mille hom-^ 
mes sur ses derrières,, pour assurer sa retraite ^ 



DE SÀINTE-HÉLÉNE. SC9 

• • * 

et pour escorter ses parcs j et par-là Isa ligne de . 
l^ataille ne se trouva pas plus forte que la nôtre. 
U fut mené battant tout le reste de la soirée* 
Toute la nuit il continua sa retraite sur Vi- 
c^nçie. Notre cavalèrife le poursuivit au-delà de 
Montébello* 

Arrive' à Villa-Nova, Napoléon s^arrêta pout 
avoir les rapports de la poursuite da rennetaii, 
et de la contenance que faisait son arrière-^ 
garde* Il entra dans le couvent d^ Saint-Boni- 
facyej Féglise avait servi d'ambulance. Il y trouva 
A ou 5 cents blessés, la plus grande partie 
morts } il en sortait une odetir de codante ^ il 
recula d'horreur! Il s'entendit appeler par son 
nom : deux malheureux soldats friançais bles^eV 
étaient depuis trois jours au milieu des T?iorts ', 
Sans avoir mangé; ils n'avaient point été pansés, 
ils désespéraient d'eux-mêmes; tnais ils furent 
rappelés à la vie par la vue de lei^ir général : 
tous les ^secours l«ut furent prodigués. 

Le général français visita les hauteurs dé 
Caldeiro* et se remit en marche vers Vérone. A 
im<*chemin, il rencontra un officier d'état-ttaj'ot 
autrichien que Davidowich envoyait à Alyiriïri. 
Ce jeune homme sç croyait aii milieu dessiens^» 



210 MÉMORIAL 

D'aprè3 ses dépêches , il j avait trois jours que 
les deux armées ne s'étaient communiquées; 
Davidowich ignorait tout. 

X. Varmée française rentre triomphante 
dans Vérone par la rii^e droite. — Napoléon 
entra triomphant dans Vérone , par la porte de 
Venise , trois jours après en être sorti mystérieu- 
i^ement par la porte de Milan, On se peindrait 
difficilement rétonnement et l'enthousiasme des 
hahitai^; nos ennemis mêmes les plus déclarés ne 
purent rester froids, et j oignirent leurs honmiages 
à ceux de nos amis. Le général français passe sur 
la rwe droite de tAdigç^ et CQurt sur Davido* 
wich qui était encore à Rivoli. Il est chassé 
de poste en poste et poursuivi l'épée dans les 
reins jusqu'à Koveredo. De ses 60 à 70 mille 
hommes, on calcule qu' Alvinzi en perdit de 30 
à 35 mille dans ces affaires, et que ce fut l'élite, 
de ses troupes. 

Cependant de si grands résultats ne' s'étaient 
pas obtenus sans pertes, et l'armée avait plus 
que jamais besoin de repos. Le général français 
ne jugea pas devoir reprendre le Tyrol, et s'éten- 
dre jusqu'à Trente. Il se contenta de faire 
occuper Monte'bello, la Corona, les gorges de la 



r 



DE SAINTE-HEÏJÉNÊ: ' ZU 

Chiusa et de l'Adige. AlVinzi se rallia à Bas- 
sano et Dayidowîch à Trente. Cependant on de- 
vait croire ^'on obtiendrait bientôt Mantoue , 
ayant que le général autrichien ne pût recevoir 
une nourelle armée. Les fréquentes sorties de 
Wurmser, pour obtenir q[uelc[ues rivres, le 
grand nombre de déserteurs qui étaient maigres, 
et depuis un lûois à la demi-ration, le dénû- 
ment de ses Hôpitaux et le grand nombre de ses 
malades , tout dut donner l'espoir d^nne prompte 
reddition; 



' ^ 



BATAILLE DE RÏVOLL 



• . . - ■ 

Depuis rpffensiire' de ProYera,.lei jaoTÎer 1797, ji»-* 
qa'à la reddition de Mantoae, le i^ fëmer saivants 
espace à\m mois^X^oyez la carte*) 



L État de IJtcdie.'^ Venhetaiis^it de hùu-- 
velleS' IcYee^^ d'E&cljayCpSp: il arrivait tous let^ 
jours ^6 nqfiyeap.x bataiilLous ddnà Us }agunes, 
lea partis . ëtj^iiçnt en .pr6sei^<^.6 tl^AP tp\Ltel^ les 
villes du pays Vénitien. Les citadelles f de Vé- 
rone et de Brescia étaient dans les mains des 
troupes françaises. Des troubles survenus à 
Bergame firent sentir la nécessité d'occuper la 
citadelle; le général Baraguey-d'Hilliers en prit 
possession. Les négociations avec Rome conti- 
nuaient , mais elles ne marchaient pas : l'expé- 
rience avait prouvé qu'on ne pouvait rien 
obtenir de cette Cour que par les menaces 
et la présence de la force. Le général en 
chef annonça à Milan son départ pour Rome * 
il fit partir le général Lahosse auec 4 mille 
Italiens pour Bologne, y dirigea une colonne 
de 3 mille français , et fit prévenir le Grand-Duc 
de Toscane que ses troupes traverseraient ses 



DE V &éJQSTErHÉLÊNË. U$ 

£tatS| pour se reiidre i Perùgia ; il paatit effeo 
tivement lui-même. ,. ût se rendu à Bologne^ 
.M9ii£redim vint l'y trouver ^ pour: ménager les 
intërêta dé son mattré, et s'en retoiilii6i.conYaixioii 
que le géilëral français marçliàit sur Kome« 
Pour cette fois, cette Caxii: ne: fat point dupe 
de toutes ces apparences ;.ellfe resta immcibxlei 
£31e était au &Jit des pkns adojptes à Yiesineji 
et en.esjpfi'jcait le siiccèâs. Cependaht, Idrsqu «lie 
apprit que le général françaiséfait à Bologne v 
le s^fataire d'état fut étottnié, mais le ministre 
d'Autriclie soutint son qpurige r ^^ lâi iai^^uadlt 
comprendre que rien n'était plus ibseii^reux pont 
feijirs vues,; que: : d'attirer , l« ^[^^ral français 
4ans le fond de l!l,talie f et quj^ fallût-il quitter 
Rwe, ,se serait encore nu' boiUieur, puisque 
l^ 4^aite dfiç^ 3Fr»iif«is;> wrJ^Adigie, en serait 
^^'au^tanit pliisijassurç'p/ : .. r.; ,! j: :, 

IL SUua£pn4ô.Vmrfé^ ^tmrkbiâime. — 

C99fi4^ablcS55; Lé| Pft4Pttaiu, Jq T^i^imn^^t twt 
Iq iÇi^^ss^i^j^^/pi^li: fi9WP?r5te>dfe, jWW)|||5S,aufeirî 
chiennes. Il s^était écoulé deux miois depuis 
U ,ba|tailk j;l'Aî»(^e{ . l^Utiilfthe> iM.aVeiti hftil^ 



S4Q MEMORIAL 

tebaldo ^ enlre le lac de Guarda et 1* Adige ; sa 
gauche par la rive gauche de TAdige. Quelques 
mois aprè^ , Alviuzi avait attaqué sur deux co- 
loiines.; Tuiie opérant dans le Tyrol , l'autre sur 
la Piave, la Brenta et TAdige. Mais la batailê 
de Ijonato, celles de Castiglione ^ d^rcck^ 
aidaient fait éûhouer ces deux plans de cam- 
pagne. La Cour de Vienne adopta cette fm 
un nouifeau plan y qui se liait avec les opéra- 
tions de Rome. Il fut arrêté que Tannée autri- 
chienne ferait deux grandes attaques t la pre- 
mière par leMontebaldo, ccMtnme avait f ait Wurm* 
ser; la seconde sur rA4ige,' par. les plaines du 
Padouan. Que les deux corps qui exécuteraient 
ces attaques n'auraient rien de coniniun entïe 
eut; qu'ils marcheraient indépendamment l'un 
de l'autre j de sorte: que si- l'un réussissait, le 
premier but serait rempli y ëtiMaiitoue deUo- 
quée. Le corps priçM^ipal de.T4it déhibucher par 
le Tyrol; et s'il battait. l'àrmét^ française, il 
arriverait sous les n)U]:$ de Mà!attjpue> j fej*ait.$a 
JQtictiotoai^Qîlç d^iLiâq^;c^r^^q;u:Ji ^gii^Sait 4ur 
l'Adige. SI feu cônjtr^ii» la; principale •attaqûl 
échouait , et que le second côrpc^ aréu^sît, le 
siège de Mariitotte serait égalemejit'kvé, ^ la 



DE SAINTE-HELENE. »^T 

place réapprovisiounëe. Alors ce coxps d'armëé 
se jieterait dans le Sëraglio, et établirait ses coni'- 
municatioiis avec Rome, Le maréchal Wuilhsef 
prendrait le commandement de l'armée qui 
était dans la R(»nagne. La grande quantité de 
généraux, d'officiers et de cavalerie démontée 
qui se trouverait dans Mantoue , servirait à 
discipliner l'armée du Pape , et ferait une di- 
yersion qui obligerait le général français à 
avoir aussi deux corps d'armée , l'un sur la rive 
gauche, Tautre ^ur la rive droite.du Pô. 

Un agent secret enifoyé de Vienne, fort 
intelligent , fut arrêté par une sentinelle ; 
comme il franchissait le dernier poste de Tar- 
mée française dervant Mantoue. Ojq lui fit rendre 
sa dépèche qu'il avait avalée , renfermée dans 
une petite boule de cire à cacheter. Cette dépê- 
che étaït une petite lettre écrite en caractères 
très-fins , signée de l'Empereur François. Il an- 
nonçait à Wurmser qu'il allait être incessam- 
ment dégagé. Dans tous les cas, il lui ordon- 
nait de ne pas se rendre prisonnier j d'évacuer 
la place; de passer le Pé; ce qu'il pouvait faire 
puisqu'il était maître du Séraglio ; dé àè rendre 
dans les états du Pape^ où îLprendrait le com-^ 

3. Ay^ ■ 



2>I8 MÉMORIAL 

mandement de son année. L'Emperenr d'Au- 
. triche , supposait , comme on le voit , que 
Wurmser était maître du Se'raglioj il était 
mal infoimë. 

V. Combat de Saint-MioheL — En exécu- 
tion du plan adopté par la Cour de Vienne, 
Provera eut le commandement du corps d'armée 
qui devait agir sur F Adige , pour passer cette 
rivière et se porter sur Mantoue. Les bataillons 
volontaires de Vienne faisaient partie du corps 
d'armée, qui était composé de 3 divisions for- 
mant 25 mille hommes. Aux premiers jours de 
ja^nvier, Provera porta son quartier-général à 
Padoue. Le 42 il se dirigea, avec 2 divisions, 
sur Montagna, où était Tavant-garde d'Auge- 
reau , commandée par le brave général Duphot. 
Au même moment la troisième division autri- 
chienne , qui avait pris position sur les hau- 
teurs de Caldiéro, marcha sur Saint-Michel 
pour y attaquer Tàvant-garde de Massera, dout 
le quartier-général était à Véronnej c'était une 
fa^usse attaque* Le général Duphot , attaqué à 
la pointe du jour par Tavant- garde de Provera, 
composée des volontaires de Vienne , la contint 
facilement et la repoussa* Mais sur midi , toute 



DE SAINTE-HÉLÈNE. Siô 

Parm^e autrichkmie s'étant déployée , Duphot 
fit retraite, et re|>assâ l'Adige à Legnago. La 
division qui formait la droite de Prorera^ et 
qui attaqua Saint-Michel , était la plus faible* 
Le général Masséna marcha de Vérone ati se- 
cours de son avant-garde. La division autri- 
chienne fut rompue, dispersée et poursuivie 
Tëpée dans les reins jusqu'au-delà de TAlpon. 

Ce fut dans ce moment que le général fran« 
çais arrira en poste de Bologne, Il avait été 
instruit, pas ses agens de Venise, du mouve- 
ment de Tannée autrichienne sur Padoue* Il 
a^vait fait camper les troupes itadiennes sur la 
frontière de la Transpadane, pour s'opposer 
«u Pape j dirigé les 2 mille Français de Bologne 
sur Fefrare , où ils avaient passé le Pô à Ponte- 
di-Lagoscuro, et rejoint Taimée sur TAdige, 
De sa personne, il passa le Pô à Borgofwte, se 
fendit au quartier-gériéral de Roverbella, et 
arriva à Vérone au plus fort du feu du com- 
bat àe Saiût-Michel. Il ordonna sur-le-champ 
â Masséna de replojev, dans la nmit , toutes ses 
troupes sur Vérone* 

L'ennemi paraissait être en opération, et il 
fallait tenir toutes les troupes disponibles , pour 



220 MÉMORIAL 

pouvoir se porter où serait la véritable attaque.' 
Dans la nuit on reçut des nouvelles du vquar- 
tier-gene'ral de Legnago, qui disaient que toute 
Tarme'e autrichienne e'tait en mouvement sur le 
Bas-Adigej que le grand état-major de l'ennemi 
y e'tait 9 ainsi que deux épuipages de pont. Le 
rapport du ge'ne'ral Duphot ojBficier de confiance, 
ne laissait aucun doute sur les nombreuses 
forces de'ploje'es devant lui : il les portait à 
20 mille hommes, et supposait que c'était la 
première ligne de l'ennemi. On fut confirmé 
dans l'opinion que l'ennemi opérait sur le Bas- 
Adige, par la nouvelle de ce qui s'était passé 
à la Corona. Joubert manda que pendant toute 
la journée du 4 2 il avait été attaqué par l'en- 
nemi , qu'il l'avait contenu , et que la division 
autrichienne avait été repoussée dans toutes ses 
tentatives. 

VI. Le général Ahînzi occupe la Corona et 
Jette un pont sur VAdige. — Le général fran- 
çais ordonna à la division Masséna de repasser 
rAdige, et d« se réunir sur la rive droite. Il 
attendit ainsi toute la journée du 43, ce qui se 
serait passé ce même jour à Legnago, sur l'A- 
dige et la Corona, Les troupes furent prévenues 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 221 

d^être prêtes à faire une marche dé nuit et 
d être sous les armes à -1 heures du soir. La 
division qui était à Dezenzano, se porta le 41 
à Castel-Novo, et attendit là de nouveaux' 
ordres. ' ' 

Il pleuvait à grands flots. Les troupes étaient' 
sous les armesj mais le général en chef ignorait* 
encore de quel côté il les dirigerait. A dix heu- 
res du soir les rapports du Montel)aldo et du 
Bas-Adige arrivèrent. Jouhert mandait que le 
^3 à 9 heures du matin , Tennemi avait déployé 
de grandes forces j qu'il s'était battu toute la 
journée j que sa position étaift très-resserrée , il 
avait eu le bonheur de se maintenir j ' iliais qu*à 
deux heures après midi, s'étant aperçu qui! 
était débordé par la gauche, par la marche 
d une division autrichienne qui longeait le lîac 
de Guarda et menaçait de se placer entre Pes- ' 
chiera et lui; et par sa droite par une autre 
division ennemie qui avait longé la rive gauche 
de TAdige, jeté un pont à une lieue au - dessus 
de Rivoli , passé ce fleuve , et filait par la rive 
droite, longeant le pied du Montébaldo, pour 
enlever le plateau de Rivoli , il avait jugé indis- ' 
pensable d'envoyer une brigade pour s'assuf er 



^ 222 MEMORIAL 

le plateau de Rivoli , la clef de toute la posi- 
tion I et <{ue sur les quatre heures il avait juge 
l^irmê]^ nécessaire d'abandonner la Corona, 
a^ d'arriver de jour sur le plateau de Rivoli , 
qu'il serait obligé d'évacuer le lendemain avant 
9 heures. Sur le Bas-Adige, Tenneçii avait 
bordé la rive gauche. Nous étions sur la rive 
droite. Jje projet de l'ennemi se trouva dès-lors 
dfui^qué. Il fut évident qu'il opérait avec deux 
grandes armées sur le Sfontébaldo et sur le Bas« 
Adige<, La division Augereau parut suffisante 
pour dispuV^r et défendre le passage de la 
rivière. Sur le Mo^téhaldo il n'y avait pas un 
moment h perdre y puisque l'ennemi allait faire 
sa jonction avec son artillerie et sa cavalerie, en 
s'emparant dij plateau de Rivoli j et que si on 
pouvait l'attaquer Rivant qu'il ne se fût emparé 
de ce point important , il serait obligé de corn- 
l)attre S2^ns spn artillerie et sans cavalerie. Il ne 
fut plus douteux que la principale attaque de 
l'ennemi ne fut ps^r le IVIonteTialdo. Toutes les 
troupes fu]rent donc dirigée^ sur le plateau de 
ll^ivoli. Le général ep chef s'y rendit lui-même 
à deux heures du ^^atin, 

YH, Sl(tt0iMe 4& B^woU^ — Le temps s'était 



DE SAINTE-HÉLÈNE; 223 

i^.lairci, il faisait un clair cte lune superbe. 
Napoléon monta sur différentes hauteurs et 
observa les diverses lignes des feux ennemis. 
Elles remplissaient le pays entre TAdige et le 
lac de Guarda : l'atmosphère en e'tait embrase'. 
On distingua fort bien cinq corps qui paraissaient 
formes par cinq divisions qui auaient déjà corn-- 
mehcélôur mouvement la veille. Les feux des 
bivouacs nmnonçaiént ^0 ou 50 mille hbmmes. 
Les Français devaient Être à 6 heures du matin à 
Rivoli, avec 22 mille hommes : c'était encore 
une trèS'gtande disproportion} mais nous 
aidions shur t ennemi îài^antage d'at^oir 60 
pièces de canon et plusieurs milliers de che-- 
POUX. Il fut évident, par la position des cinq 
bivouacs ennemis, qu'ils ifôulàient nous attaquer 
vers 9 ou iO heures du matin. La colonne de 
droite , qui était fort éloignée , avait pour but 
de venir cerner le pldteàU de Rivoli par der- 
rière î eUe ne poupaît être arrwée apant 40 
heures; la 4" division du centré devait avoir 
la destifiation d'attaquer notre position de gau-- 
che. La seconde, qui était sur la crête supérieure 
du Montébaldo, près Saiat-Marco, avait pour 
but de s'emparer (fe la chapelle de Saifet-Marco, 



22W MEMORIAL 

de descendre par le plateau de Rivoli , 6t d'dU-* 
yrir le eheiûin à la colonne de gauche, qui avait 
longé le pied du Montel)aldo, et se trouvait 
tivouacjuée au boinl du plateau , le long de T A- 
dige , au fond de là vallée. Le 5*"«. bivouac 
paraissait une division de réserve : U étaU en 
arrière. 

Sur ces données, Napoléon étajblit son plan. 
Il ordonna à Joubert, qui avait évacué la 
cliapelle St.-Marco, et qui n'occupait plus le 
plateau de Rivoli que par une arrière-garde, 
de reprendre de suite Toffensive , de se réem- 
parer de la chapelle, et à l'aube du jour,, 
de pousser la deuxième division du centre 
de l'ennemi , qui était sur la crête supérieure , 
aussi loin que possible. 400 Croates^ instruits 
par un prisonnier, de l'évacuation de Saint- 
Marco, venaient d'en prendre possession, lors- 
que Joubert remonta s^r CQtte chapelle à k. 
heures du matin , et reprit sa position en avant* 

La fusillade s'engagea avec un régiment de 
Croates, Au jour, Joubert attaqua la divi- 
sion qui était devant lui, et la poussa de 
hauteurs «n hauteurs sur la crête supérieure 
du Montetaldo , qui domine la vallée de l'A* 



DE SAlNTE-HELÈNE. 225 

digé. La première division autrichieniie du 
centre pressa alors sa marche, et un peu 
avant neuf heures elle arrwa sur les hauteurs 
de gauche du plateau de Rivoli. Elle n'avait 
point d'artillerie. La W et la 85*, qui gar- 
nissaient ce plateau , avaient chacune une bat- 
terie. La 4 V , qui occupait la droite , repoussa^ 
les attaques de Tennemi; la 85^ fut débordée 
et rompue. Mais le gene'ral français courut 
à la division Massena, qui, ayant mai'ché 
toute la nuit , prenait un peu de repos , la 
mena à Permemi-y et, en moins à^ une demi- 
heure , la 4" division autrichienne du centre 
fut battue et mise en déroute; il e'tait 40 
heures et demie, La division autrichienne de 
la gauche , composée de 3 mille hommes d'in- 
fanterie, de 5 à 6 mille hommes de cavalerie, 
de toute Fambulance et le gros bagage de 
rarmëei, qui était au fond de la vallée, en- 
tendant la fusillade près du plateau, et s'é- 
tant aperçue que Joubert , qui était à une 
heue en avant , n'avait plus personne 4 la cha- 
pelle St.-Marco, fit monter quelques batail- 
lons de troupes légères pour l'occuper, et 
prendre Joubert à dos. Lorsque ses bataillons 



/ 



226 MÉMORIAL 

furent à demi-hauteur, l'ennemi se hasarda à 
faire déboucher ^2 pièces de canon ^ 2 à 3 
bataillons d'infanterie et mille chevaux. Cette 
opération était difficile; c'était une véritable 
escalade. Joubert s^en étant aperçu envo|a 
au pas de course 3 bataillons qui arrivèrent 
à la chapelle avant renn^ni, et le précipi- 
tèrent au fond de la vallée. Une batterie de 
•45 pièces ; placée au plateau de Kivoli, mi- 
trailla la partie de la colonne de gauche, 
qui commençait à déboucher. Le colaael 
Leclerc chargea par peloton avec 900 cbe* 
vaux. Le chef d'escadron Lasalle était à la 
tète du 4«^ peloton, et, par son intrépidité, 
décida du succès. L'ennemi fut culbuté dans 
le ravin ; on prit tout ce qui avait débouché; 
infanterie, eavalerie, artillerie. 

A 14 heures la colonne de droite de l'ar- 
mée autrichienne arriva à la position qui lui 
était indiquée. Elle j trouva notre division 
de réserve de De^ens^no* Elle plaça une 
brigade pour la tenir en échec. L'autre bri- 
gade , forte de h mille hommes , se plaça sur 
la hauteur, à chetal sur le chemin de Vé- 
rone au plateau de Rivoli. Elle n'avait point 



r" 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 227 

d'ailillerie j elle . croyait avoir tourna l'armée 
française , mais il e'tait trop tard. A peine 
arrivée ^sur la hauteur , elle put voir la de'- 
route des 3 divisions autrichiennes ifz/ centre 
€t de la gauche. On dirigea contre elle 12 
à 15 pièces de la réserve. Après une vwè 
c^jxonvu^àçi ^ elle fut attfnquée , cernée et entiè- 
rement prise. La 2"® brigade, qui e'tait plus en 
arrière, en position contre la^re'serve de Dezen- 
zano, se mit en retraite. Elle fut viveiiaent 
poursuivie , une grande partie fut tuée bu prise. 
Il e'tait une heure après midi ; l'ennemi était 
partout en retraite et vivement poursuivi. 

Joubert avança avec tant de rapidité', qu'un 
iXK)ment nous crûmes toute l'arme'e d'Alvinzi 
prise « Joubert arrivait à l'escalier, sçule re- 
traite de l'ennemi j mais Alvinzi sentant le dan- 
ger où il e'tait, marcha avec ses troupes de 
réserve , contint Joubert et même lui fit perdre 
un peu de terrain. La bataille e'tait gagnée 
Nous avions du canon, des drapeaux et un 
grand nombre de prisonniers. Deux de nos déta-* 
chemens qui venaient rejoindre l'armée donnè^ 
rent dans la dwisian gui nous wait coupé le 
chemm de Vérone. Lie bruit se répandit aussi- 



22$ MEMORIAL 

tôt sur les derrières que Tarmee française elait 

cernée et perdue. . ' 

Dans cette journée, le général en cheJivX 
plusieurs fois entouré par l'ennemi. Il eut plu- 
sieurs chevaux tues ou blesse's; Chabot occupait 
Ve'rone avec une poignée de mondes mais là 
division de Caldiéro avait été si bien battue le 
4 2 à Saint-Michel, qu'elle n'avait pu rien entre- 
prendre. Elle se contenta de garder sa posi- 
tion. ' 

VIII. Passage de VAdige par Proi^era^ — 
Il marche sur Mantoue. — Le -1 W^, Provera jeta 
un pont à Anghiari ; et le ^ 5 , à la pointe dut 
jour, il passa l'Adige et se mit en marche Sur 
Mantoue. Augereau se porta sur le pont de 
l'ennemi , fit prisonnier 4 5 cents tommes que 
Provera avait laissés pour sa garde , et s'empara 
du poiit pendant la journéie du 4*5 j mais Provera 
avait gagné une marche sur lui. Mantoue était 
compromise. 

Il est difficile d'empêcher un eimémi qui a 
plusieujrs équipages de pont, de passer une 
rivière, lorsque l'armée qui défend le passage 
a pour but de couvrir un. siège. Le général doit 
avoir pris ses niesures pour arriver à une posi- 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 229 

tîon intermédiaire , entre la rivière (ju'il défend, 
et la place qu'il couvre, avant l'ennemi. Le^ 
gênerai français avait donne' des ordres en con- 
séquence. Aussitôt que l'ennemi aurait passe', 
il fallait se diriger sur la Molinella, y arriver 
avant lui, et, après avoir couvert la place, mar- 
cher à sa rencontre. L'oubli de ce principe et 
de ces instructions, compromit Mantoue. 

Napole'on ayant appris, trois heures après 
midi , que Provera jetait un pont à Angliiari , 
prévit sur - le -champ ce qui allait arriver. Il 
laissa à Masse'na , à Murât et à Joubert ^ le soin 
de suivre le lendemain Alvinzi, et partit à 
l'heure même avec ^ re'gimens pour se rendre 
devant Mantoue. Il arriva à Roverbello, comme 
Provera arrivait devant Saint-Georges. Hohen- 
zollern , qui commandait l'avant-garde de Pro- 
tera, parut le ^6 à l'aube du jour. Il arrivait à 
la tête d'un re'giment couvert de manteaux 
blancs à la porte de Saint-Georges. Il savait que 
ce faubourg n'e'tait point fortifie', qu'il n'e'tait 
couvert que par un simple retranchement de 
campagne j il espe'rait le surprendre. Miolis, qui 
y commandait , ne se gardait que du cote' de la 
yille. Il savait qu'il e'tait couvert par une divi- 



232 MÉMORIAL 

rai retourna à Vérone. La division Masséna se 
rendit à Bassano. Une division d'Alvinzi com- 
mençait à se rallier sur la Brentaj on la de'fit 
et on la jeta au-delà de la Piave. Le général 
Augereau marcha à Castel-Franco et delà à 
Tre'vise, Il eut aussi à soutenir quelques le'gères 
affaires d'avant-garde. Toutes les troupes autri- 
chiennes repassèrent la Piave. Les neiges rem- 
plissaient toutes les gorges du Tjrol j ce fut le 
plus grand obstacle que Joubert eut à surmon- 
ter^ Tinfanterie française triompha de tout. 
Joubert entra dans Trente. Le ge'ne'ral Victor 
fut envoyé' sur le Lavisio et par les gorges de la 
^Brenta, se remit en communication avec Mas- 
séna , dont le quartier-général était à Bassano. 
On ramassa beaucoup de prisonniers dans 
diverses petits combats j on trouva partout des 
malades autrichiens et beaucoup de magasins. 
L'armée se trouva dans la même position qu'a- 
près les batailles de Roveredo, de Bassano, et 
avant celle d'Arcole ; et Bessières fut envoyé 
porter les nouveaux trophées à Paris. Les com- 
bats de Saint-Michel, de Rivoli, d'Anguiari et 
de la Favorite, firent perdre à Alvinzi plus des 
deux tiers de son armée. De ses 80 mille hom- 



DE SAINTE-HELENE. 233 

mes, il n'en raffiena que 25 miUç en Autriche. 

X. Reddition de Mantoue. — Désormais nous 

• • • . 

n'avions plus d'inquiétude sur Mantoue. JDe-- 
puis long-tenips la garnison avait été mise à la 
demi-ration y tous les chevaux étaient manges. 
Qn fit connaître à Wunnser les re'sultats de la 
ktail^e de Riyoli j il n'avait plus rien à espérer. 
Ou le somma de se rendre; il répondit .fière- 
notent fju'jil avait des yivi;es pour un an. Cepen- 
dant, à quelques jours de là, ]Uenau, son p^er 
mier ^de-de-çamp , se rendit au quartier-géné- 
n^l de Serrurier. J\ protesta que la garnisons 
%?a\t encore pour trois mois de vivres.; mais 
(pie le maréchal , .ne croyant pas que l'Autriche 
pût dégager la place à temps, sa 'conduite serait 
r^lée par :J^3 eQAditions qu'on lui ferait. Ser-^ 
rurifir rép(>n4J^t <îu!il allait prendre l^s ordres 
dtt.gpnéral en chef À ce çujet. 

^gpQléou se rendit à Jloverhiçllo; Serrurier 
fit appeler J^^lç^au. Le général >fx:âtnçais resta 

• 

iûconnfi, enveloppé dans. s^ capotte.. La con- 
versation ,s'eng4g.ea entre jSerrurier et Klena|i j 
^^aji employait tous les moyens d'usage , et 
diversait longuement sur les grands moyens qui 
^'^t^îei»t k .Wurniser.et la grande q;uantité de 

3. n 



2^)^ MÉMORIAL 

TÏTf es qu'il waît dans ses magasins de reserve: 
Le général français s'approcba de la table , et 
écrivit près d'une demi-heure ses décisions en 
marge des propositions de Wurmser, pendant 
que la discussion durait toujours avec Serrurier. 
i^uand il eutjtni : « Si Wurmser, dit-il à 
« Klenau, avait seulement pour 48 à 20 jours 
« de vivres, et qa*il parlât de se rendre, il ne 
ft mériterait aucune capitulation honorable. 
«c Voici les conditions que je lui accorde , ajouta- 
« t-il, en rendant le papier à Serrurier} tous y 
«c lires surtout qu'il sera libre de sa personne, 
ft parce que j'honore son grand âge et ses mé- 
« rites, et que je ne veux pas qu'il devienne la 
(c victime des intrigans qui voudraient le per- 
« dre à Vienne. S* il ouvre ses portes demain^ 
« U aura les conditions que je viens décrire ; 
fc s^U tarde \ h jours y un moiSj deux^ il aura 
« encore les mêmes conditions. H peut donc 
« désormais attendre jusqu^au dernier mor" 
ic ceau de pain. Je pats à Vinstant pour 
« passer le Pô , je marche sur Rome. Vous 
« connaissez mes intentions 4 allez les dire à 
« votre général. » 
Klenau, qui n'avait rien conçu aux prepiières 



DE SAINTE-HÉLEaSE. 285 

paroles I ne tarda pas 4 juger à qui U aucàt 
àfiùre. Il prit connaissance des décisions» dont 
L'a lecture le pénétra de reconnaissance et d'a(ï* 
miration pour un procède aussi généreux et 
aussi peu attendu. Il ne fut plus question de 
dissimuler I et convint qu'il n'avait plus de 
vivres que pour trois jours. Wurmser fit solli« 
citer le général ftmtçais, puisqu'il devait tra- 
verser le Pô y de venir le passer à Mantoue y ee 
qui lui ëv'iterait beaucoup de détours et de di& 
ficultës. Mais déjà tous les arrangemens de 
voyage étaient disposes. Wurmser lui écrivit 
pour lui exprimer toute sa reconnaissance} et 
peu de jours après il lui expédia un aide-de« 
camp à Bologne > pour l'instruire d'une trame 
d'empoisonnement qui devait avoir lieu dans la 
Romagne , et lui donna les renseignement né-* 
cessaires pour s'en garantir; Cet avis fut utile; 
Le' général Serrurier présida donc aux détails 
de la reddition de Mantoue^ et vit défiler 
devant lui le vieux maréchal et tout l'état* 
major de son armée. Déjà Napoléon était dans 
la Romagiie, L'indifférence avec laquelle il se 
dérobait au spectacle si flatteur d'un maréchal 
de grande réputation, généralissime à^^ fbrces 



28* MÉMORIAL 

autricliiennès , à la tète de tout son t^tat-major, 
lui téttiTéttant sbh ^pëé , fut un sujet d'étonné- 
iH^nt qui retentit dans toute ï Europe. 

N. S. de Te'diteur écrit sous dictée, — 4« 
Alvinzi, quoiqu'on trouve dans, les divers rap- 
ports, avait 80 mill^ Uommes Provera compris. 
Les forces du Tyrol étaient de plus 50 mille 
hommes. Provera en avait 26 >dont 7 mille com- 
battaient à Saint-Michel, et 48 mille formant 
deux divisions, marchèrent sur Mantoue. De 
ces 48 mille hommes, 3 mille restèrent sur ses 
derrières, 40 mille arrivèrent à Saint-Georges ; 
et 5 mille restèrent en arrière sur la Molinella , 
pour parer le mouvement d'Augereau qui sui- 
.vait : tout cela fut pris. S'il ne se trouva que 
7 mille prisonniers dans la colonne de Prover a^, 
c'est qu'il avait livré deux combats l'un â An- 
guiari , un autre à Saint-Georges, et donné la 
bataille de la favorite, qui lui avait conté da 
monde ; et que beaucoup de soldats autrichiœs 
entrés dans les hôpitaux ne sont pas compris 
dans îe nombre des prisonniers» Les rapports j 
ne marquent que 23 mille prisonniers ; le vrai 
est que les Français en firent plus de 30 mille; 
c'est que, en général, Tarmée gardait mal ses 



i 



DE SAINTE-HÉLÈNE. 2S7 

I 

/ 

prisonniers; elle en laissait échapper un grand 
nombre. Le cabinet d^ Vienne avait organise 
des administrations en Suisse et sur les routes, 
pour favoriser leur désertion. On peut calculer 
qu'un quart - des prisonniers se sauvait avant 
d'être arrive' au quartier -général central. Uij 
autre quart avant d'arriver en France, où il n'en 
arrivait guàre qu'une moitié. Beaucoup aussi 
s'encombraient dans les bôpitau;:^. 

2^ Si dans le rapport ol&ciel, Bessières ne 
présenta au Directoire que 74 drapeaux > c'est 
que les méprises communes dans les mouvemens 
dan grand état-^major, en retinrent 4 3 ^n 
arrière . On les trouvera dans le nombire dp 
ceux que présenta Augereau après la prise . d,e 
Mantoue. 

3® Des 60 (Irapeaux qu* Augereau présenta 
au Directoire , A 3 étaient un reste des trophées 
de Rivoli et de la Favorite qu'aurait du pré- 
senter Bessières. Les Jil autres furent trouvés 

m 

dans Mantoue ; et font connaître les nombreux 
cadres de l'armée de Wurmser , qui s'étaient 
renfermés dans cette place. Le choix d'Auge- 
reau pour porter ces drapeaux , fut la récom- 
pense des services qu'il avait rendus à larmée, 



2d« MEMORIAL 

Mrtoat à la journée de Castiglione. Cepeni 
dant n eAt été plus naturel encore de les en- 
voyer par Masséna , qui avait des titres bien 
supérieurs. Mais le gênerai en chef comptait 
beaucoup plus sur celui-ci pour sa campagne 
d'Allemagne 9 et ne voulût point s'en séparer. 
Il en est qui ont cru que Naipolëon s'aperce- 
tant qu'on affectait d'élever outre mesure le 
général Augereau, fut bien aise, en l'envoyant 
à Paris, de mettre ohacun à même d'apprécier 
justement le caractère et lés talens de cet offi- 
cier, qui ne pouvait que perdre à l'épreuve. 
D'autres ont pensé au contraire , que le géne'ral 
en cbef avait eu pour but de fixer les regards 
de Paris, sur un de ses lieutenans : Augereau 
était Parisien» 



«■i 



(ifai 1816) DE &ÂINT&HÉLÈNE. . %$% 

Mercredi i mai. 

iVoisième jour de réclusion. -« Beau résomé de l'his- 
toire de l'Empereur. 

L'Empereur n'est pas plus sorti de sa chambre 
que la yeille. Je me suis trouve malade de la 
course de Briars; j'ai eu un peu de fièvre .et une 
forte courbature. Sur l«s sept heures du soir 
l'Empereur m'a fait venir dans sa clpiambre : il 
lisait RoUin, que, selon sa coutume, il disait 
beaucoup trop bonhomme. Il ne semblait pas 
avoir souffert, et me disait même q[u'il était 
tsès-bien ^ mais je n'en ëtais que plus inquiet de 
sa réclusion et de son calme. Il a voulu dîner 
plus tard que de coutume, «t m'a retenu; il a 
demande un verre de vin de Constance quelque 
temps avant son dîner.; c'est ce qu'il fait d'ordi- 
naire quand il se sent le besoin d*être réveille'. 

Après le dîner il a parcouru quelques-unes 
des adresses, des proclamations ou actes du 
recueil de Goldsnaith^ d'ailleurs si incomplet : 
quelques-unes Tout remué; alors posant le livre 
et se mettant à marcher, il a dit : « Après tout, 
« ils auront beau retrancher , supprimer, muti- 
^ 1er , il leur sera bien difficile de me faire dis- 






2>*0 MEMORIAL (Mairtig) 

(c paraître tout à fait. Un historien français sera 
ce pourtant bien obligé d'aborder l'empire, et 
« s'il â du cœur, il faudra bien qu'il me res- 
« titue quelque chose, qu'il me fasse ma part, 
« et sa tâche sera aisëe ; car les faits parlent , ils 
W brillent comme lé soleil. 

« J*ai refermé le gouffre anarchique et de'- 
« brouillé le chaos. J^ai dessouillé la révolu- 
« tion, ennobli les peuples et raffermi les 
« Rois. J'ai excité toutes les émulations, ré- 
«f compensé tous les mérites , et reculé les 
« limites de la gloire ! Tout cela est bien quel- 
« que chose ! Et puis sur quoi pourrait-on m'at- 
« taqùer , qu'un historien ne puisse me Aéferir 
« dre? Séràit-ce mes intentions? Mais il est en 
« fond îpour m'abisoudre. Mon despotisme? 
i< Mais il démontrera que la dictature était de 
«c toute nécessité. Dira-t-on que j'ai gêné la 
"tt liberté? Mais il prouvera que la licence, l'a- 
« nkrchie , les grands désordres, étaient encore 
« au seuil de la porte. M'accusera -t- on d'avoir 
«c trop aimé la guerre ? Mais il montrera rpie 
•c j'ai toujours été attaqué. D'avoir voulu la 
« monarchie universelle? Mais il fera voir 
•c qu'elle ne fut que l'oeuvre fortuite des cir-» 



im mè) DE SÂÎl^ïTE-HÉlJÈNE. ^M 

« constances; que ce furent nos ennemis éux- 
« mêmes qui m'y conduisirent pas à pas. Enfin ? 
« sera-ce mon ambition ?. At î sans doute il 
« m'en trouvera , et beaucoup ; mais de la plus 
« grande et de la plus haute qui fut peut-être 
<t jamais ! celle d'établir , de consacrer enfin 
« l'einpire de la raison, et le plein exercice, 
* l'entière jouissance de toutes les facultés 
«t humaines I Et ici l'historien peut-être se trou- 
ât vera réduit à devoir regretter qu'une telle 
« ambition n'ait pas été accomplie, satisfaite ! .;. 
Et après quelques secondes de silence et de 
réflexion : « Mon cher, a dit l'Empereur, en bien 
if peu de mots voilà pourtant toute mon his- 
«t toire. » • 

Jeudi 2 

« 
• ' i_ ' * • 

Quatrième jour de récloslon absolue. — Le Moniteiur 

favorable à l'Empereur, étc* 

L'Empereur a encore gardé la chambre 
comme les jours précédens. Il m'a fait appeler 
le soir après mon diner, sur les neuf heures. Il 
avait passé la journée sans voir personne j j'ai 
demeuré avec lui jusqu'à onze heures; il était 



/ 



m MÉMOKIAI. ( m i8t6) 

gai et semblait bien portant. Je l'assurai que les 
journées nous étaient bien longues quand on ne 
le voyait pas ; qu'il ëtait difficile qu'il ne sentit 
pas bientôt les effets funestes de sa stricte réclu- 
sion , et du manque de respirer l'air du. dehors;; 
Pour moi j'eA ëtals fort inquiet et tres-affiigé* 
£n effet une demi-heure au moins ayant que de 
me renToyér,il s'est mis dans son lit; les jambes 
lui refusaient, disait-il, le service; il se sentait 
fetiguë d'avoir tant marche' avec moi , bien qu'U 
n'eut fait que quelques tours dans sa chambre. 
Il avait beaucoup parle de la légion d'hon- 
netir, du recueil de Goldsmith et du Moniteur, 
n disait à l'occasion de celui-ci qu'assurément 
c'était une chose bien remarquable et dont bien 
peu d'autres pourraient se vanter , que d'avoir 
traverse' la révolution si jeune et avec tant de 
fracas , sans avoir i redouter le Moniteur. « Il 
« n'est point une phrase, disait-il, que j'aje à 
« en faire effacer. Au contraire, il demeurera 
ce infailliblement ma justification toutes les fois 
« que je pourrai en avoir besoiti. m 



( lu 1816} DE SAINTE-HELENE; 2»3 

Vendredi 3. 

Cinquième jour de réclosion* 

L'Empereur n'est pas sorti d'avantage, c'était 
son cinquième jour de rëcfusion, il continuait 
à ne voir personne. Nous ignorions au dehors 
ce qui se passait dans son inteneur. lime faisait 
appeler pour ainsi dire à la dérobée* J'y suis 
entré sur lets six heures du soir. 

Je lui ai renouvelé notre inquiétude et notre 
peine de le voir ainsi renfermé. Il m'a dit qu'il 
le supportait fort bien. Mais les journées étaient 
longues, les nuits encore d'avantage. Il n'avait 
rien fait de tout le jourj il s'était trouvé de 
mauvaise humeur, disait-il ; encore en ce mo- 
ment il était silencieux, sombre^ apesanti. Il 
s'est mis au bain j je l'y ai suivi et ne l'ai quitté 
que pour le laisser essuyer. Il a fini la soirée 
par des objets ou des récits bien importons.. ••.. 

Samedi 4. 

Sixième jour de récloaion* 

L'Empereur n'est pas sorti encore- Il avait 
dit pourtant qu'il monterait à cheval sur les 



ih% MÉMORIAL (MaiiôiG) 

quatre heures; mais la pluie est venue déranger 
son intention. Il a reçu le Grand-Marechal. 

Sur les huit heures il m'a fait appeler pour 
dîner ayec lui. Il a dit que le Gouverneur était 
venu chez le Graftd-Maréchal, qu'il y était 
demeuré plus d'une heure. Il y avait tenu, une 
conversation souvent pénible ^ même parfois 
offensante. Il avait parcouru divers objets avec 
beaucoup d'humeur et très-peu d'égards j d'une 
manière très-vague et sans résultats : nous repro- 
chant surtout, à ce qu'il paraissait, de nous 
plaindre beaucoup et sans raison, disait-il; il 
soutenait que nous étions très-bien^ et devrions 
être éontens; que nous semblions nous abuser 
étrangement sur nos personnes et nos situa- 
tions, etc. 5 etc. Que du reste, du moins cela a 
été compris ainsi, il voulait être i^ssuré cliaque 
jour, par tànoignage évident de l'existence et 
de la présence de l'Empereur. 

Il est certain que ce point était la véritable 
cause de son humeur et de son agitation. Plu- 
sieurs jours venaient de s'écouler sans qu'il eût 
pu recevoir de rapport de son officier ou* de ses 
îîspions; l'Empereur n'étant point soi*ti, et per- 
sorme n'étant sensé avoir été admis chez lui. 



(Mai ,816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 5tU 

Mais cammeut s'y prendrait-il ? C'est ce qui 
nous a fort oocupés à noire tour. L'Empereur 
ne se soumettrait jamais , fût-ce au péril de sa 
vie, à une visite régulière, 4]ui pourrait att 
fait se renouveler capricieusement à tout^ 
Jbeure du jour et de la nuit. Le Gouverneur 
emploira-t-il la force et la violence pour dis- 
puter à l'Empereur un dernier asile de qu6l<|uep 
pieds en carre , "Ct quelques heures de repos ? 
Ses instructions doivent avoir prévu le cas-^ 
aucun (Outrage > aucun manquement , aucune 
Jxarbarie ne m'y surpendraient. 

Quant aux expressions du Gouverneur sur ce 
.que nous nous abusions sur nos personnes et 
notre situation , nous savons fort bien qu'au lieu 
d'être aux Tuileries , nous sommes à Sainter 
Hélène; qu'au lien d'être maîtres , nous som- 
naes captifs : en quoi dèç lors pourrions-nous 
4onc nous abuser ? 

Dimanche 5. 

Sar la Ckine et la Russie. '— Rapproche mens des 4eax 
graudes réyplotions de France et d'Angleterre. 

Sur les dix lieures du matin, l'Empereur 
allait monter à cheval , c'était sa prenaière soi;- 



ne MÉMORIAL (Md iSfd) 

tie. Le résident de la compa^ie des Indesyà^la 
Chine se trouvait là ; sollicitant dépuis long'- 
temps l'honneur de lui être présente. Il l'a 
fait appeler, Ta questionne pendant cpielques 
minutes arec beaucoup de bienveillance. Nous 
avons fait route ensuite pour aller voir M"* Ber^ 
trand. L'Empereur y est resté plus d'une heure; 
il e'tait faible et change; sa conversation traî- 
nante. Nous avons regagné Longwood. L'Empe- 
reur a voulu déjeûner à l'air. 

Il a fait appeler notre hôte de Briars, le 
bon monsieur Balcombe, et le résident à la 
Chine cjui se trouvait encore là. Tout le temps 
du déjeuner s'est passé en questions sur la Chine, 
sur sa population, ses lois, ses usages, son 
commerce, etc., etc. 

Le résident racontait qu'il y a peu d'années, 
il était arrivé une circonstance entre les Russes 
et les Chinois, qui eût pu avoir des suites, si les 
affaires de l'Europe n'eussent entièrement ab- 
sorbé la Russie. 

Le voyageur russe Krusenstem, dans son 
voyage autour du monde ^ relâcha à Canton 
avec ses deux bâtimens. On le reçut provi- 
soirement , et on lui permit, tout en attendant 



(Ma;i8i6) DE SAINTE-HÉLENE; iVT 

les ordres de la Cour , de vendre des fourrures 
dont étaient charges ses vaisseaux , et de les 
remplacer par du thé. Ces ordres se firent at- 
tendre plus d'un mois; M. de Krusenstem était 
déjà parti depuis 2 jours, quand ils archivèrent. 
Ils portaient que les deux vaisseaux eussent à 
sortir à l'instant J que tout commerce avec les 
Russes, dans cette partie , demeurait interdit; 
qu'on avait assex accordé à leur Empereur par 
tei-re dans le Nord de l'empire j qu'il était 
inoui qu'il eût tenté de l'accroître encore 
dans le Midi par mer ; qu'on montrerait un vif 
mécontentement à ceux qui leur auraient ap- 
pris cette route. L'ordre portait encore que si 
les bâtimens étaient partis ayant l'arrivée du 
rescrit de Pékin, la factorerie anglaise serait 
chargée de le faire parvenir, par la voix de 
TEurope , à l'Empereur des Russes. 

Napoléon s'était trouvé très -fatigué de sa 
courte sortie; il y avait sept jours qu'il n'avait 
pas quitté la chambre ; c'était la première fois 
qu'il reparaissait au milieu de nous. Nous 
avons trouvé ses traits visiblement altérés. 

Sur les cinq heures, il m'a fait appeler, le 
Grand-Maréchal était auprès de lui. Je Tai 



2ns MEMORIAL (îUi uio) 

trouve deshabille } il avait essaye' vaineraent de 
reposer; il se croyait un peu de fièyrej c'était 
de la courbature. Il avait fait allumer du feu 
et n'avait pas voulu de lumière dans sa.cliam- 
bre. Nous avons cause ainsi dans l'obscurité, à 
conversation perdue jusqu'à huit heures ;, que 
l'Empereur nous a renvoye's pour dîner. 

Il avait ëte' question dans le jour, du rappro- 
chement des deux grandes révolutions d' An- 
terre et de France. « Elles ont beaucoup dç 
« similitude et de différence , observait TEm- 
.ce pereur : elles sont inépuisables pour la me- 
« ditation. » Et il a dit alors des choses fort 
remarquables et fort curieuses. Je vaijs ve'unir ici, 
ce qui a été dit en cet instant, ou bien encore 
dans d'autres momens. 

• ■ 

« Dans les deux pays la tempête se forme sous 
les deux règnes indolens et faibles de Jacques I 
et de Louis XV ; elle éclate sous les deux in- 
fortunés Charles I et Louis XVI. 

« Tous deux tombent victimes; tous deux 
périssent sur l'échafaud, et leurs deux familles 
sont proscrites et bannies. 

u Les deux monarchies deviennent deux ré- 
publiques ^ et^ durant . cette . peViode , les deux 



(Mit iai6 ) DE SAÏNTE-HÉLÈNE. SW 

nations se plongent dans tous les eicés qùî 
peuvent de'gi-ader Tesprif et le cœur. Elles se 
de'shonorent par des scènes de fureur, de sang 
et de folie. Elles brisent tous les liens , et 
renversent tous les principes. 

« Alors dans les deux pays deux hommes arrê- 
tent le torrent d'une main vigoureuse , et régnent 
avec lustre. Après eux les deux familles héré- 
ditaires sont rappelées; mais toutes deux pren** 
nent ime mauvaise direction* Elles font des 
fautes; une nouvelle tempête ëclate ino^înë- 
ment dans les deux pays , et rejette en dehors * 
du territoire. les deux dynastie^ rétablies, sans 
qu'elles aient pu venir à bout de faire opposer 
la moindre résistance aux deux adversaires qui 
les renversent; 

« Dans ce parallèle singulier, Napoléon se 
trouve avoir ëte' en France tout à la fois le 
Cwmwellet le Guillaume III de T Angleterre. 
Mais comme tout rapprochement avec Cromwell 
a quelque chose d'odieux , je me hâte d'ajouter 
que si ces deux hommes célèbres coïncident 

e 

dans une seule circonstance , il est difficile de 

différer davantage sur toutes les autres. 

« Cronlwell paraît sur la scène dans un âge 
3. 46 



250 MEMORIAL (M»i iM) 

mûr. Il n'arrive au premier rang qu'à force 
de duplicité I d'adresse et d'hypocrisie* 

« Napoléon s'élance à peine au sortir de ren- 
once» et ses premiers pas brillent d'une gloire 

pure. 

• C'est en opposition et en haine de tous les 
partis , en imprimant une souillure éternelle à 
la révolution anglaise , que Cromwell arrive au 
pouvoir suprême. 

m C'est au contraire en effaçant les taches delà 
révolution française , et par le concours de tonâ 
les partis qui s'efforcent tour à tour de l'avoir 
pour chef, que Napoléon monte sur le trône. 
' « Toute la gloire militaire de Cromwell fut 
acquise sur le sang anglais ; tous ses triomphes 
durent être autant de deuils nationaux. Ceux 
de Napoléon ne frappèrent jamais que l'étran- 
ger, et remplirent d'ivresse la nation française. 

« Enfin la mort de Cromwell fut la joie de 
toute l'Angleterre j elle devint une délivrance 
publique. On ne saurait en dire précisément 
autant de Napoléon. 

« En Angleterre la révolution fut le soulève- 
ment de toute la, nation «outre le Roi. Il avait 



(Mil lÈ^) DE SAINTE-HÉLÈNE. 251 

viol^ les lois^ usurpe le pouvoir absolu ; elle 
voulut rentrer dans ses droits. 

•r En France, la révolution fut le soulorement 
â'tine partie de la nation contre une autre partie j 
celui du tiers«-ëtat contre la noblesse; la réac* 
tion des Gaulois contre les Francs. Le Roi fut 
moins attaque comme souverain que eomùke 
chef de la féodalité' : on ne lui reprocha point d'à-* 
voir violé les lois ^ maison pre'tendit s'affranchit 
et se reconstituer à neuf* 

« En Angleterre, si Charles I avait cédé du 
bonne foi , s'il avait eu le caractère modéré^ 
incertain da Louis XVI, il eût survécu. 

ft En France, au contraire , si Louis XVI avait 
résisté franchement , s* il avait eu lé courage., 
l'activité, l'ardeur de Charles I, il eût triomphé. 

tf Durant tout le conflit, Charles I, isolé dans 
66n ile, n'eut autour de lui que des partisans. 
des amis^ jamais aucune branche constitution- 
nelle. 

* Louis XVI avait une armée régulière ; le 
secours de l'étranger, deux parties eonstitu«^ 
tionnelles da la nation : la noblesse et le c^largé. 
Il $e présentait en outre à Louis XVX HU ^cond 
parti déeisif que n'eut pas Cbarles I ; celui dm 




y 



- 652 MÉMORIAL (liai 1820) 

renoncer à être le chef de la féodaUiéy pour 
le devenii* de la nation. Malheureusement il ne 
sut prendre ni Fun ni Tautre, 

« Charles I périt donc pour avoir résisté , et 

Loui» Xyi pour n'avoir pas résisté. L'un était 

' intimement jconvaincu des droits de sa préroga- 

- tive : il est ^douteux, assure-t-on, que l'autre 
eJÊL &{t bien persuadé , non plus que de sa néces- 
sité. 

' :. tt En Angleterre, la mort de Charles I fut 

l'ouvrage de l'ambition astucieuse, atroce, d'un 

seul homme.' 
".'j/ic En, France, ce fut l'ouvrage de la multitude 

aveuglée, celui d'^ine ^assemblée populaire et 

désordonnée, 

, « En Angleterre, les représentans du peuple, 

-par une tqinte ^e pudeur,, s'abstinrent d'être 
"-jugesiet piarties;dans le meurtre qu'ils cotnofian- 

daient; ils nonunèrent un tribunal pour juger 
•* le Roi. 7 ... 

/« :En i'rance, ils. ont osé être tout à la^ fois 
' accusateurs y juges et bourreaux. 

. 'ft.G'est qu'en Angleterre l'affaiire. était con- 
•• duite par une inain invisible; elle avait plus de 

réflexion et de calme. En France elle le fut par 



(M*i i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 253 

la multitude , dont la fougue est sans bornes. 

tt En Angleteite la mort du Roi donna nais*^ . 
sance ft la republique. En France, au contraire^ 
ce fut la naissance de la république qui causa 
la mort du Roi. 

« En Angleterre l'explosion j>olitique s'ope'ra , 
par les efforts du fanatisme religieux le plu» 
ardent. En France, elle. se. fit aux acclçtmations . 
d'une cynique impiété; chacun selon son siècle J^ 
et ses mœurs. 

. ft En Angleterre , c'e'taient les excès de la scmi- ' 
bre ëcole de Calvin. En France, c'étaient ceur 
des doctrines trop relâchées de Técole moderne. 

« En Angleterre la révolution se trouva mêlée 
avec une guerre civile. En Francte elle le fut 
avec des guerres étrangères ; et c'est à ces 
efforts, A cette contradiction des étranger^; que 
les Français attribuent, avec raison, là faute de 
leurs excès. Les Anglais n'ont aucune excuse 
de ce genre. 

a C'est l'armée, en Angleterre , qui fut cou- 
pable de toutes les fureurs , de toutes les extra- 
vagances ; elle fut le fléau des citoyens. 

« En France, au contraire, c'est à l'armée qu'o» 
dut tout. Ce furent ses triomphes au dehors qui 



S5)à lilÉMORIAJL ( Hâî iski ) 

affaiblirent ou firent oublier les horreurs du 
dedans. C'est elle qui donna à la patrie Findé- 
pendance, la gloire, les trophées. 

CI En Angleterre, la restauration fut Tourrage 
des Anglais mêmes ; elle fut reçue avec la plu» 
vire exaltation : la nation échappait à l'escla-^ 
vagQ et crut retrouver U liberté'.-.* En France^ 
ce ne fut pas prëcisémetit de même, . 

« Enfin, en Angleterre un gendre renverse son 
Jbeau-père du trône : il est appuyé de toute 
FEurope , et l'ouvrage demeure iinpérissable et 



révéré* 



<i En France, au contraire, Télu d'un peuple 
qu^il a déjà gouverné quinze an$ avec l'assen- 
timent du dedans et du dehors, ressaisit une 
couronne quUl prétend lui appartenir. L'Eu- 
rope entière se lève- en masse ; elle le met hors 
la loi. 'li cent mille hommes marchent con- 
tre sa seule personne; il succombé j on le jette 
dans les fers et Ton prétend flétrir sa xne^ 
moire !!! 



(»W 18.6) DE SÀINTE-HF^LÉJŒ. 255 

Lundis. 

Docteur 0*Méara; explication. — * Consali^l» — Opiaioà 
de l'éiuigratioQ sar le ConsaL — Idées de llSmperear 
sur les biens des ëmigrés. Syndicat projeté* — > Cir- 
constances heureuses qui concourent à la carrière 
de l'Empereur. -*• Opinion dés Italiens. *^ Cou- 
ronnement par le Pape* -^ Les mécontens.sëdaîts lors 
de Tilsitt. — Bourbons dtEspagae. '— Arrivée du fa- 
meux palais.de bois* » 

L'Empereur m'a fait appeler sur les neuf heu- 
res. Il était tracasse des dispositions du nouveau 
Gouverneur, surtout de Tidee qu'on osât vio- 
ler le dernier sanctuaire de son intérieur, et 
préférait la mort à ce dernier cTutrage* Il était 
i^'solu à en courir les risq[Ues. Une catastrophe 
lui semblait inëvitaUe; il supposait cp^elle 
étftit ordonne'e , que Ton ne cherchait q;ue lés 
prétextes ; il était décidé à ne pas les éviter.. 

« Je m'attends à tout, me disait - il dans un 
* c^tain moment d'abandon ; ils me tueront ici , 
« c'est certain...... » 

Il a fait venir le docteur O* Méara, pour 
eoonaitre son opinion personnelle^ 'et m'a chargé 
de lui traduire qu'il ne se plaignait ntillement 
^ lu jusqu'à présent, bien au Contraire « ^a*il 



^ MEMORIAL (Mai 181&) 

k segardait comme un liomiéte homme, et la 
preure çn ëtait qu'il allait s'en rapporter à ses 
réponses. Il s^agissait de s'entendre : se considé- 
rait-il comme son médecin, à lui personnelle- 
ment, ou comme le me'decin d'une prison^ et 
imposé par sou gouyernement ? Etait-il son cod- 
fes&eui; ou son surveillant? Faisait-il des rap- 
ports sur lui, ou oa ferait-il au besoin ? Dans 1 nn 
des deux cas, TEmpereur continuait de recevoir 
volontiers ses services, était reconnaissant de 
ceux t[u*il avait déjà reçus j dans Tautre, il le 
remerciait , et le priait de leis discontinuer. 
.. Le docteur a répondu bien positivemâit et 
avec affection. Il a dit que son ministère étant 
4oul de profession, efr^entièrement étranger à la 
politique ^ il se considérait comme le médecin 
3é^sa personne^ et demeurait étranger à toute 
autre considération f qu'il ne faisait aucun rap- 
|K)irt , qu'on ne lui en. avait pas encore demandé; 
iju'ii n'imaginait de cas qui put le porter à en 
fiaiire» que celui de malade .grave où il aurait 
hesoixi d'appeler les secours d'autres gens de 
Tart, etc.% etc. ^ t : ^ 

Sur les t?L*ois heures^ l'Ëntpereur est sorti dans 
k prdin, se pr^arant à monter à; cbevaLH 



(Mai i8.«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 257 

• 

venait de dicter longuement à Gourgaud, et avait 
à peu près complettë son époque de 4 81 5r. Il 
était contient de son travail. 

J'ai ose lui recommander ensuite celle du 
consulat; cette époque si brillante, où une 
nation en dissolution se trouva magiquement 
recomposa , en peu d'instans , dans ses lois , sa 
religion, sa morale^ dans les vrais. principes , les 
plie juges honnêtes et brillaiv»^ le tout aux ap* 
plaudissemens et à l'admiration universelle de 
l'Europe e'tonnee. 

J'étais, en Angleterre à cette époque; la 
masse de l'émigration, lui disais- je, avait été 
vivement frappée de tous ces actes : le rappel 
des prêtres, celui des émigrés, avait été reçu 
comme un bienfait ; la grande foule s'était 
empr^ ssée d'en profiter. 

L'Empereur me demandait alors si ce mot 
d'amnistie ne nous, avait pas choqués. « Non, 
» disais - je , noiis savions toutes les difficultés 
•c que le Premier Consul avait éprouvées à 
•t notre égard ; nouj5 savions que tout le bon 
« de cette mesure n'était dû qu'à lui , que lui 
« seuVétait pour nous, que tout ce qu'il y avait 
« àe mauvais venait ^ de ce^x qu'il avait été 



S58 IVIEMORIAL {m mm) 

« oblige de combattre en notre faveur. Plus 
« tard, aJGUtai-je, et rentres en France, nous 
« trouvions, il est vrai, que le Consul eût pu 
« nous traiter mieux à l'égard de nos biens, et 
A sans beaucoup de peine, par sa seule attitude 
« Isilencieuse et passive j c'en eût e'te' assez pour 
« amener partout des arrangemens à Tamiable 
« entre les dépouille's et les acheteurs. 

<c Sans doute je l'eusse pu , disait l'Empercttr» 
« mais j)Ouvais-je me fier assez à vous autres 
^ pour cela? Répondez. 

« Sire , disais-je , à présent que je suiiS plus 
» habitué aux affaires, que je vois plus en 
^ « grand, je comprends facilement que la poli- 
« tique le voulait ainsi. Les dernières circons- 
« tances ont montré combien c'était sage; il ne 
«r fallait point désintéresser ainsi la nation. 
« L'affaire des biens nationaux est un des prc- 
*t miers arcs -boutant de l'esprit et du parti 
«e national* 

•f Vous y êtes, observait l'Empereur, toute- 
« fois j'eusse pu accorder toutes choses* J'en si 
•« eu un moment la pensée, et j'ai fait utile faute 
« de ne pas l'accomplir. C'était de composer 
« une masse, un syndicat de tous les biens 



r 



(Mai !«,«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 259 

it tans des émigrés , et de le leur distribueY à leur 
« retour, dans une échelle proportionnelle. Au 
« lieu de cela, quand je nfie suis mis à rendre 
«c individuellement , je n'ai pas tarde' à m'apei^ 
« cevoir que je rendais trop de riches, et ne faisais 
ft que des insolens. Tel à qui , grâce à ses mille 
« sollicitations et à ses mille courbettes , on 
« rendait cinquante mille ecus, cent mille ecus 
« de rente, tie nous tirait plus le chapeau le 
« lendemain} et loin d'avoir la moindi'e recon- 
« naissance , ce n'était plus qu'un impertinent 
« qui prétendait même avoir payé soùs main la 
« faveur qu'il avait obtenue. Tout le faubourg 
« Saint-Germain allait prendre cette direction; 
« Il se trouva que j'allais recréer sa fortune, et 

* qu'il n'en fût pas moins demeuré ennemi et 
« anti-national. Alors j'arrêtai ^ en opposition à 
« l'acte d'amnistie, la restitution des bois non 
« vendus, toutes les fois qu^ils dépasseraient 

* une certaine valeur. C'était une injustice ,. 
» d'après la lettre de la loi, sans doute; mais 1% 
« politique le voulait Impérieusement : la faute 

* en avait été à la rédaction et à Timpré- 

* voyance. Cette réaction de ma part détruisit 
» tout le bon effçt du rappel des émî^rén^ et 



I 



260 , MEMORIAL (Mai iSiS) 

«^ m'aliéna lôutes les grandes familles^ J'eusse 
ce pourvu à cet inconveniçnt ou j'en eusse neu- 
« traliséles effets par mon syndicat, Poutnne 
r grande famille mécontente , j'eusse attache 
ce cent nobles de la province, et satisfait au fond 
ce à la stricte justice; qui voulait que l'emi- 
« gration entière, qui avait couru une même 
ce chance, embarque sa fortune en commun sur 
t* le même vaisseau , éprouvé le même naufrage, 
ce encouru une même peine, obtint un même 
H re'sultat^ C'est une faute de maj part, ajour 
fc tait l'Empereur, d'autant plus grande (pç 
ce j'en ai eu l'idée ; inais j'étais seul , entoure 
« d'opposition et d'épines j tous étaient contre 
« vous autres ; vous vous le peindriez difficile- 
ce ment; et cependant les grandes affaires me 
M talonnaient, le temps courait, j'étais obligé 
«c de voir ailleurs, 

ce Encore aussi tard tjue mon retour de l'ile 
«r d'Elbe, a. continué l'Empereur, j'ai été sur 
ce le point d'exécuteï* quelque chose de la 
»cc sorte. Si l'on m'en eût donné le temps, j'al- 
A< lais m'occuper des pauvres émigrés de .pro- 
c( vince que la Cour av^it délaissés. Et ce 
M qu'il jr a d'assez singniUçrjjX'est que. l'idée en 



fMaîi8i6) DE SAINTE-HELÉNE: 261 

« avait ^'té réveillée en moi précisément par un 
« ancien ^ ex-ministre de Louis XVI , . que les 
(i princes avaient laissé fort mal récompensé, et 
n qui me présentait les moyens de réparer , avec 
« beaucoup d'avantages^ bien des choses de ce 
«genre. » 

Je répondais à l'Empereur : « Les gens raison - 
« nables, parmi l'émigration ^ savaient bien que 
« le peu d'idées généreuses et libérales à leur 
tt égard, ne venaient que de vousj ils ne se dis- 
« simulaient pas que tout votre entourage les 
tt eût détruits. Ils savaient que toute idée de no- 
« blesse leur était o4ieuse ; ils vous tenaient 
« grand compte de ne pas penser ainsi. Leur 
<f amour - propre, le croirez - vous , trouvait 
« même parfois quelques consolations à se dire 
f que vous étiez de leur classe, etc., etc. » 

Alors l'Empereur m'a demandé ce que nous 
disions donc dans l'émigration, de sa naissance 
et de sa personne, etc. , etc. Je répondais qu'il 
' nous avait apparu pour la première fois à la 
tête de l'armée d'Italie : aucun de nous ne sa- 
vait ce qui précédait j il nous était tout à fait 
inconnu . Nous ne pouvions jamais prononcer 






^ 



262 MÉMORIAL (iWiSiS) 

soti nom de JBuonapartc. Gela Ta beaucoup 
fait rire, etc., etc. 

La conTersation alors l'a conduit à dire (pi'il 
s'était souvent arrête, et avait réfléchi mainte 
fois sur le concours singulier des circonstan^ 
ces secondaires qui avaient amené sa prodi-* 
gieuse carrière. 

a ^o. Si mon père , disait-il , qui est tnort 
ce avant M ans , eût vécu , il eût été nommé dé* 
« puté de la noblesse de Corse à TAssemble'e 
«constituante. Il tenait fort à la noblesse et à 
« l'aristocratie ; d'un autre côté , il était très- 
« chaud dans les idées généreuses et libérales : 
« il eût donc été ou tout à fait du côté droit, 
« ou au moins dans la minorité de la noblesse^ 
«t Dans tous les cas , qnclqu*eussent été mes 
« opinions personnelles, j'aurais suivi sa trace, 
« et voilà ma carrière entièrement dérangée et 
« perdue. 

« 2**. Si je m'étais trouvé plus âgé au moment 
« de la révolution, j'eusse été peut-être moi- 
« même nommé député. Ardent et chaud , 
« j'eusse marqué infailliblement quelqu'opinion 
« que j'eusse suivie^ mais dans tous les cas, je 



r 



(Mai 18.6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 26» 

« me serais fermé la route militaire , et alors 
« encore voilà ma carrière perdue, 

.« 3^, Si même ma famille eût été plus con* 
« nue j si nous eussions été plus riches , plus en 
K évidence, ma qualité de noble, même en sui- 
te vant la route de la révolution , m'eût frappé 
«de nullité ou de proscription*. Jamais je 
« n'eusse obtenu la confiance; jamais je n'eusse 
< commandé une armée j ou si je l'eusse com- 
« mandée , je n'eusse jamais osé tout ce que 
« j'ai fait. Supposant même tous mes succès, 
« je n'aurais pu suivre le penchant de mes idées 
« libérales à l'égard des prêtres et des nobles; 
« et je ne fusse jamais parvenu à la tête du 
«t gouvernement. 

« Jf®. Il n'est pas jusqu'au grand nombre de 
« mes frères et de mes sœurs , qui ne m'ait été 
« grandement utile , en multipliant mes rap- 
« ports et mes moyens d'influence, 

« 5**. La circonstance de mon mariage avec 
« madame de Beauharnais m'a mis en point de 
« contact avec tout un parti , qui m'était néces- 
« saire pour concourir à mon système de fusion, 
« un des principes les plus grands de mon 
* administration > et qui la caractérisera spécia- 



i 



26)f MÉMORIAL (Mai 1816) 

« lement.- Sans ma femme, je n'aurais jamais pa 
tt avoir avec ce parti aucun rapport naturel. 

« 6^. Il n'y a pas jusqu'à mon origine e'tran- 

cc gère , contre laquelle on a essayé de crier en 

« France, qui ne m'ait été' bien précieuse. Elle 

« m'a fait regarder comme un compatriote par 

« tous les Italiens j elle a grandement facilité 

« mes succès, en Italie. Ces succès, une foisobte- 

« nus , ont fait rechercher partout , et partout 

<t les circonstances de notre famille, tombée 

« depuis long-temps dans l'obscurité. Elle s'est 

«c trouvée, au su de tous les Italiens , avoir 

« joué long-temps un grand rôle au milieu 

« d'eux. Elle est devenue, à leurs yeux et à 

« leurs sentimens , une famille italienne ; si 

« bien que quand il a été question du mariage 

« de ma sœur Pauline avec le prince Borghèse , 

K il n y a eu qu'une voix à Rome et en Toscane, 

« dans cette famille et tous ses alliés : dest lien , 

<c ont-ils tous dit, (^ est entre nous ^c^estune de 

« nosfamUles. Plus tard , lorsqu'il a été question 

« du couronnement par le Pape à Paris; cet acte , 

w de la plus haute importance,' ainsi que l'ont 

« prouvé les événemens, esguya de grandes 

« difficultés : le parti autrichien, dans le 



(Mal 1816) DE SAINTE-HELENE. 266 

< conclave , y ëtait violemmenrt oppose ; le 
«parti italien Tempor^ta^ en ajoutant aux 
«considérations politiques;, cette petite conr 
« sideràtion de Tamour-propre national : jiprès 
«. tout c^est une famille italienne que nous 
t imposons aux barbares pour les goiiuer^^ 
« ner , nous serons vengés des Gaulois. » 
Delà l'Empereur est passe natur^lement 
au Pape, qui n'e'tait pas sans quelque pen- 
chant pour lui, disait-il. Le Pape ne lui inor- 
putait pas d'avoir ordonné sa translation en 
France. II s'était indigné det lire dans cer« 
tains ouvrages que l'Empereur s'était porté 
à des eiLcès sur sa personne. ^11 avait reçu à 
Font^nebleau tous les traitemens qu'il avait 
désirés : aussi , revenu à Rome , il était bien 
loin de lui conserver du fiel. Quand il avait 
appris le retour de Tile d'Elbe en France, 
U avait dit à Lucien , d'un air qui marquait 
sa confiance et sa partialité, e sbarcato^ e 
orriçato. Il est débarqué, il est arrivé. Il 
lui avait ajouté plus tard : Vous allez à Pa- 
« ris, c'est bien ; faites ma paix avec lui; 
« Je suis à Rome : il n'aura jamais aucun 

« désagrément de moi, » , ;, 

3. M 



566 MÉMORIAL (Mai iBi«) 

« Aussi, est-il bien sûr, disait VEmpereur, 
« que Rome sera un asile naturel et très- 
•t favorable pour ma famille : on y croira 
« qu'elle est chez elle. Enfin , terminait-il ei 
«r riant, il n'est pas même jusqu'au nom de 
f^ Napoléon, peu connu, poétique, redou- 
te dtant , qui ne soit venu ajouter quelques pe- 
^ tites choses à la grande circonstance. » 

Je re'pe'tais alors à l'Empereur que la masse 
de rémigration e'tait loin d'être injuste à son 
ëgard. L'opposition sensée de la vieille aris- 
tocratie avait de la haine eontre lui, il est 
Vrai ^ mais uniquement parce qu'elle le ren- 
contrait un obstacle. Elle était loin de ne pas 
apprécier justement ses actions et ses t^ens; 
elle les- admirait malgré elle. Les mystiques 
mêmes- ne trouvaient en lui qu'un défaut : 
<c jâhl que n^ esPdl légUime l leur est -il ar- 
rivé de dife plus d'une foiâ> Austerlitsi^ nous 
ébranla} mais* ne nous vainquit pasj Tilttt 
subjugua tout. « Votre Majesté, disai<i-je^ a 
« dû juger elle-même, et jouir à son retour 
« de Ftiniversalité des hommages, des accl»- 
« mations et des veeux. » 

« C'est donc à dire, reprenait l'Empereur 



(«Kî'ièi») DE SAINTE-HËLËNE. 86T 

à en tiftttt, (|tife si, à tettê ëpoqu6, j'eusse 
*ptiy on f eusse yfovXn ttà'eti tenir au reposa 
ii ëi àti {^kisii"; i»î j'etisfee addpte te rôle ées 
ff Êiifiean&^ ki tcàlt eût refprifS son*anéieii coar9> 

* vdtis m'eussiez adore ? Mais , ftioil citer , â 
«l'en eusse eîù le gotfit et la tolont^, ce <|ih 
ir n'était pàà d«*s? ftfd îiàttife^ âssureVent , les 
« éii^cojïsiaticéi^ êîiedté hé m'en etïss^t pdi9 
^ laissa lé mûîtfe. ^ ' 

f)elà l'Ënipétetir eâf |rasÉe dut diffiëtltte^ 
Sàîls norhbré qiri l'ont entoura et ifeaîto^îsrf 
saa!» êesse; et, ttffivé à. la gùer^^e d'Esf«gaei 
il a dit : (< Cette fhàlhenrèùsé gu^frrè lÈl'ft 
«f percfej elfe à divisé ttes forèéS , multiplié 
«riiies efforts, attaque' itfà KMDràlilé, et poiir^ 
<^tâ*t ofï rie pouvait laisseir la péninsule aux 
« fi<à*lriiiâfioti^ dés Aïigtàië , aux înttigùes , à 
«Péspoit^ ad prétexte deîs BôuAGiis,- Du te^té\ 

* éetii d'Espagne nii^ritai^iil bien peii qu'on 
« léÈ ciaigûît. NatioftàleÉHene, ils àg^s- étaîeWt 

* et notis lt?i!ir étions fôùt à fait étrangers ;- 
«au château de Marraéhf à Bcyonfoe, fkk 
^VrfGhaalés IV et là RéiSaë hé pa^ sàvèir 
*fe dfifïéréncé &ë Madame d^s MdnttiiiMreiicy 
« k AWidaAié d^ B . . . , . ^ : t^ è^fitiw n6m 






268 MEMORIAL (MiiiBie) 

<c même leur était plus familier à cause de^ 
« gazettes et des actes publics, L'Impératrice 
« Joséphine , qui avait le tact le plus exquis 
te sur tout cela 9 n'en reyenait point. Au de- 
fc meurant, cette famille était à mes pieds 
« pour que j'adoptasse une fille quelconque, 
« et que j'en fisse une princesse des Asturies. 
flc Ils me demandèrent nommément M*^* de Tas- 
« cher^ depuis duchesse d'Aremherg; des rai- 
« sons personnelles à moi s'y opposèrent. Un 
« instant , je m'étais fixé sur M*"* de la Roche^ 
^Joucaûlt^ depuis princesse Aldobrandini ; 
« mais il me fallait quelqu'un qui me fût 
«c vraiment attaché, une fenune qui fut vrai- 
«ment Française^ qui eût de la tête, des 
« talens , et je ne trouvais pas tout . cela. » 

Aujourd'hui l'Empereur à diné avec nous; 
il j avait long-temps que nous en étions privés. 
Après le dîner il nous a lu Claudine, nouvelle 
de Florian, et des morceaux de Paul et Virginie, 
qu'il aime beaucoup par des ressouvenirs de ses 
premiers ans, disait -il. 

Le transport TAdamante est arrivé j ce vais- 
seau avait manqué l'ile , il faisait partie d'un 
convoi , dont les autres étaient arrivés depuis 



(Mai i8i5) DE SAINTE-HÉLÈNE. 269 

près d'un mois. Sur ces bàtimens était le fa* 
maux palais de bois qui avait rempli toutes 
les gazettes d'Angleterre et probablement 
celles^ de toute l'Europe. Là, étaient aussi les 
meubles magnifiques , les envois splendides que 
ces mêmes gazettes ont tant annonces. Le pa« 
lais de bois s'est trouve n'être qu'un certain 
nombre de madriers bruts, dont on ne sait que 
faire ici ; et qui demanderaient plusieurs années 
pour être employés convenablement; le reste 
s'est trouve à l'avenant. L'ostentation , la 
pompe , le luxe ont été pour l'Europe ; la vé-* 
rite et les misères pour Sainte-Hélène. 

Mardi 7. 

Iliade ; Homère. 

Le Gouverneur est venu vers les quatre 
heures , a fait le tour de l'établissement et n'a 
demandé aucun de nous. Sa mauvaise humeur 
s'accroît visiblement , ses manières deviennent 
ferottches et brutales. 

Sur les cinq beures, l'Empereur m'a fait 
demander ; le Grand-Maréchal y était depuis 
longtemps. Après son départ nous avonç causé 
littérature ; nous avons passé en reviié tous les 



L 



270 MÉMORIAL (Maî 1816) 

poëm^s ëpl^ues ancieàs et modernes. H s'est ar- 
rêté sur riliade j en a pris un Toiume et en a 
hi tont liant plusieurs chants. Cet ouvrage lui 
plâisaiit infiniment. « Il était , disait41 , ainsi que 
tf )a Genèse et la Bible , le pign^ et le gage 
te (}u temps* Homère , dans sa prod^etiony était 
« poëte , orateur , Mstorieri , législateur, g6o- 
« graphe , théologien : G*était Teneyelopédiste 
« de son époque. » 

L'Empereur estimait Homère inimitahle. Le 
père Hardouin avait osé attaquer cette antiquité 
sacfrée, et Tattribuer 4 ^^ moine du ^0^ siècle. 
C'était une imbécillité, disait Napoléon. Du 
reste, ajoutait -il,, japptais il n'avait été aussi 
frappé de ses beautés qu'en cet instant j et les 
sensations qu'il lui ftiisait éprouver, lui confir- 
maient tout à fait la justesse de l'approbation 
universelle. Ce qui le frappait surtout , obser- 
iiait-îl, c'était la grossièreté des manières , avec 
Ja peïfection des idées. On voyait les héros tuer 
leur viande, la préparer de leurs propres mains, 
et prononcer pourtant; des discours d'une rare 
éloquence et ^Mraè grande civilisation. 

.L'-Empereup m*a retemi à dîner. <c Quoique, 
« m'a^t-il dit , vous feriez pent-çtre mieux d'al- 



z' 



(Mai .816) DE SAI]yTE-HÉIJÈNE. 374 

« 1er à la table de service, vous mourrez de 
« faim avec moi, 

« Sire , ai- je répondu , il est sûr que vous 
« êtes bien mal j mais j'aimerai toujours ce mal 
« au-dessus de toutes choses. » 

Il avait souffert de la tête dans la journée. 
Nous nous en plaignions tous aussi. Je regrettais 
fort qu'il ne fût pas sorti ; il avait fait très- 
beau. 

Après son dînet il a fait enlret tout le teionde 
dans sa chambre et nous a gardes jusqu'à dix 

heures. 

« 

Mercredi 6. 

y Empereur est sorti vers cinq heures, et a 
fait un tour en calèche. Au retour, l'Empereur 
a reçu plusieurs Anglais \ il leur a fait une 
foule de questions, suivant sa coutume. Leur 
vaisseau était le Corrwall^ se rendant en Chine 
et devant repasser au mois de Janvier prochain y 
dans son retour pour l'Europe. 

Le dîner fini , l'un de nous disait à l'Empe- 
reur qu'il avait souffert vivement dans la jour- 
)aée en mettant au net sa dictée sur la bataille 
de Waterloo , voyant que les résultats n'avaient 



/ 



272 MÉMORIAL (M«i«i6) 

tenu qu*à un cheveu. L^Empereur, pour toute 
réponse j avec un accent qui venait de loin , à 
dit à mon fils : « My son (mon fils ) / c'était son 
«t expression d'habitude^ allez nous chercher 
« Iphigénie en Aulide , cela nous fera plus de 
ce bien. >> Et il nous a lu cette belle pièce , qu'on 
aime toujours d^avantage. 

Jeudi 9. 

Paroles caractéristiques de l'Eoiperenr. 

J'ai été diner à Briars avec mon fils et le gé- 
néral Gourgaud ; nous y sommes demeurés à un 
petit bal. J'y rencontrai TAmiral, et jamais je 
ne le trouvai mieux. C'était la première fois 
que je le voyais depuis l'aventure de Not^errazi 
je savais combien il devait l'avoir sur le cœur. 
Il allait retourner en Europe , et je connaissais 
lies sentimens de l'Empereur. Je fus tenté vingt 
fois d'aborder franchement le sujet, et de le rap- 
procher ainsi de Napoléon. La vérité, la justice, 
notre intérêt, le demandaient; je fus arrêté par 
de trop petites considérations , sans doute j que 
de fois je m'en suis blâmé depuis!... Mais je 
n'avais pas reçu cette mission délicate, et je 
à'osais la prendre tout-à-fait sur moi» L'Amiral 



(M.ii8,6) DE SAINTE-HELENE. 273 

pouvait lui donner de la publicité et une tour- 
nure qui eussent fort déplu à l'Empereur, et 
m'auraient expose' à des de'sagremens très-pos- 
sibles. A ce sujet je vais citer le trait suivaht; 
il caractérise trop Napoléon pour être omis. 

Il me peignait un jour tous les vices de la 
faiblesse et de la crédulité <lans le souverain; 
les intrigues qu'elles alimentaient dans le pa- 
lais, l'instabilité dont elles étaient les source^. 
Il prouvait très-bien qu'il ne pouvait échapper 
à l'adresse des courtisans ni à celle de la calom- 
nie : « Et je vais vous en donner une preuve , 
« disait-il ; vous voilà , vous , qui avez tout 
« quitté pour me suivre; vous, dont le dévôue- 
(ç ment est noble et touchant. Eh bien I que 
\ pensez-vous avoir fait?.... Qui croyez-vous 
« être?... Rien qu'un ancien noble, qu'un émi- 
^.gi'^j agent des Bourbons et d'intelligence 
« avec les Anglais; qui avez concouru à me 
« livrer à eu:j: , et ne m'avez suivi ici que pour 
« m'observer et me vendre. Votre plus grand 
f éloignemeïit contre le Gouverneur, sa plus 
<v .grande animosité contre vous, ne sont que 
« des apparences convenues pour mieux cacher 
« votre jeu. » Et coœm^ je riais de la tournure 



27 'J MÉMORIAL (Mai .«i6) 

spirituelle qu'il créait , et de la volubilité avec 
laquelle il l'exprimait : « Vous riez, a-t-il 
« repris; mais je vous assure qu'ici je n'impro- 
« vise pas y je ne suis que l'ëcho de ce qu'on a 
«t essaye' de faire parvenir jusqu'ici Et corn- 
et ment voulez^ous, continua- t-il , qu'une tête 
« sans sagacité, faible et crédule, ne soit pas 
« el>ranlee par de tels rapprochemens et de 
«^ telles combinaisons. Allez, mon cher, si je 
^ n'étais supérieur à la plupart des légitimes, 
« j'aurais pu dëjà me ptiver de vos soins ici , et 
« votre cœtir droit serait' peut-être réduit au- 
« jourd'hui à de'vorer au loin les cruels tour- 
a mens que cause l'ingratitude. » Et il finit 
disant: « Pauvre et triste humanité !... L'homme 
<c n'est pas plus i l'abri sur la pointe d'un ro- 
« cher que sous les lambris d'un palais ! Il est 
« le même partout I L'homme est toujours 
«f l'homimel... » 

Vendredi lo. 

Hoche. — - Divers généraux» 

Le temps a été affreux ; il était impossible 
de sortir. L'Empereur a été contraint de pro- 
mener dans la salle i manger j il a fait .allumer 



(!«« .9i6> DE SAINTE-HELENE. 275. 

du feu dans le saloii, et s- est mis à jouer aux 
échecs avec le Grand-Mare'chal. Après dînçi^ il 
nous a lu l'histoire de Joseph^ dap3 la Bible ^ 
et ensuite TAndromaque de Racine^ 

Pllisienrs hâtimens ç'taieut entre's la veille aii, 
soir : c'e'tait la flotte du Bengale. Lady Loudpii ^ 
femme de lord Moira, gouverneur-géoçral de 
rinde, e'tait au nombre des passagers. 

Aujourd'hui, dans le cours de la conversa- 
tion, le nom de Hoche ayant e'te' prononcent 
quelqu'un a dit qu'il e'tait bien jeune encore » 
mais qu'il donnait beaucoup d'espe'rance. « C'e§t 
ft bien mieux que cela , a repris Napoléon , dites 
« qu'il les aVait de'jà beaucoup remplies, « Ils 
s'étaient vus tous les deux^ continuait-il, et 
avaient causé deux ou trois fois. Hoche avait 
j^our lui de l'estime jusqu'à l'admiration. Na- 
poléon n'a pas fait difficulté de dire qu'il avaitj 
sur Hoche Tavantage d'une profonde instruc- 
tion et les principes d'une éducation distin- 
guée. Du reste, il établissait cette grande dif- 
férence entre eux. ft Hoche^^ disait-il, chér- 
ie chait toujours à sq faire un parti, etn'obte- 
K naît que deft créatures; moi, je m'étais créé 
% une immensité dç partisans, sans rechercher 



S76 MEMORIAL (M*ii8i6) 

« nullement la popularité. De pitis, Hoche était 
tt d'une ambition hostile , provoquante : il e'tait 
« homme à venir de Strasbourg, avec 25 mille 
fr hommes, saisir le gouvernement par force; 
ce tandis que moi, je n'avais jamais eu qu'une 
« politique patiente, conduite toujours par Tes- 
« prit du temps et les circonstances dii mo- 
« ment. » 

L'Empereur ajoutait que Hoche , plus tard , 
ou se serait range , ou se serait fait écraser par 
lui i et comme il aimait l'argent , les plaisirs , il 
ne doutait pas qu'il ne se fût range'. Moreau, 
dans cette même circonstance , observait-il, 
n'avait su faire ni l'un ni l'autre j aussi Napo- 
léon n'en faisait aucun cas, et le regardait 
comme tout à fait incapable ; n'entendant pour- 
tant pas en cela parler de son me'rite militaire.' 
« Mais c'e'tait un homme faible , disait - il , 
« mené par ses alentours , et servilement sou- 
H mis à sa femme : c'était un général de vieille 
ce monarchie. 

<c Hoche , continuait l'Empereur , périt subi- 
« tement et avec des circonstances singulières 
ce qui donnèrent lieu à beaucoup de conj^tures; 
«( et comme il existait un parti avec lequel tous 



{MiâiM) DE SAINTE-HELENE: 2tT 

«les crimes me revenaient de droit» Ton essaya 
« de répandre que je l'avais fait empoisonnera 
(t II fut un temps ou rien de mauvais ne pouvait 
« arriver que je n'en fusse l'auteur; ainsi de 
(c Paris je faisais assassiner Kléber en Egypte ; 
« à Marengo je brûlais la cervelle à Desaix ; j'e'- 
« tranglais, je coupais la gorge dans les prisons , 
« je prenais le Pape aux cheveux , et cent absur«* 
« dite's pareilles j toutefois, comme je n'y faisais 
« pas la moindre attention , la mode en était 
«passée, et je ne vois pas que ceux qui m'ont 
« succède se soient empressé de la réveiller; et 
« pourtant s'il eût existé un seul de ces crimes, 
« ils ont à leur disposition les documens, les 
* exécuteurs, les complices , etc. , etc.. 

« Toutefois, tel est l'empire des bruits, quel- 
« ques absurdes qu'ils soient, qu'il est à croire 
« que tout cela a été cru du vulgaire, et qu^une 
« bonne partie le croit pe]ut-être encore; heu- 
« reusement qu'il n'en est pas ainsi de l'his- 
« toire : elle raisonne. 

Puis revenant, « c'est une chose bien remar- 
ie quable, a-'t-il dit, que le nombre de grands 
« généraux qui ont surgi tout à coup dans 
« la révolution. Pichegru , Kléber , Masséna , 



27g MÉMORIAL («*-.*) 

f< MarCeati^ D€sai:£ , Hoche ^ etc. ; et pf esqae taxa; 
ce de simples soldats ; mais aussi y là semblent 
« s'être épuises les efforts de la nature j elle n'a 
<c plus riei^ j^oduit depuis, je yeux dire da 
(( moins d'une telle force. C'est qu'à cette 
(( époque tout fut donne au comours panm 
ce trente millions d'hommes^^ et la nature dut 
t< preiidreses droits ; tandis que plus tard on était 
it reirtré dans les hornes plus resserrées oe 1 or- 
ct dre et de la socie'té. On a été jusqu'à m'ac^u- 
« ûet de ne m'êtîe entouré, au militaire et ati 
« civil 5 ^ue de gens médiocres , pour mieux me 
«conserver la supériorité ; mâiS aujourcflitiî, 
« quW ne rouvrira sûrement pas le concours, à 
« eux de mieux choisir. On verra ce qu'ils trou- 
ce yéront. 

ce Une autre chose ^ non moins remarquable , 
ce continuait-il j c'est l'extrême jeunesse de plu- 
ie sieurs de ces généraux qui semble les montrer 
<e sortant tout faits des mains de la nature. Leur 
« caractère est à l'avenant. A l'exception de 
ce Hoche, qui donnait le seâludëilQ 4eS'ûïoeurs, 
(c lés antres ne Connaissent uniquennent que 
•( leilï affaire, la ghite et> la paiftè. YtÀli 



(M« isi^ DE SAINTE-HELENE. 279 

^ toat leur cercle de rotation f ils tiennent toat 
« à fait de Tantique, 

«c Cest Desaix , qtre les Aral)es nommcfnt le 
ff Sultan juste }ce%l Marceau, pour les obsèques 
* duquel les Autrichi^ens observent une armis- 
m tice , par la vénération qu^il kur avait ins- 
«piree; c'est le jeune Duphot, <jui était la 
« vertu même. 

« Mais on ne peut pas dirô qu'il en fut ainsi 
« de tous ceux qui étaient plus avancés en âge^ 
« c'est qu'ils tenaient du temps qui venait de 
•^ disparaître j Massena, Augereau, Brune, et 
« beau<:;oup d^autres étaient, des dépradateurs 
« intrepidesi. 

« Masséna , en outre , était d'une avarice 
« sordide , et Ton a prétendu que je lui avais 
« joué un tour pendable. Que révolté un jour 
« de ses dernières déprédations , j'avais tiré sur 
« son, banquier pour 2 ou 3 millions. Grand em- 
« barras; car enfin, mon nom était bien quelque 
« diose^ Le banquier écrivit qu'il ne pouvait 
M payer sans Tautcnrisation dô Màsséna; il lui 
« £at répondu de paye!r tout de même, que 
« Mnssena aui^it lés tribunaux pour se faire 



280 MEMORIAL (MâîiBiô) 

« rendre justice ; mais Massëna n'en fit rien St 
« paya. 

ftO y Murât, Ney, étaient communs, 

« n'avaient que de la bravoure personnelle. 

« Moncey était un honnête homme , Macdo- 
« nald avait une grande loyauté; B ••;••• est une 
ce mes erreurs. > 

« S.... avait bien aussi ses défauts et ses qna- 
« lités; toute sa campagne du midi de la 
«( France est très-belle ; et ce qii'on aura dcf la 
€f peine à croire, c'est que cet homme, dontrat*> 
<c titude et la tenue indiquent un grand carac- 
« tère, était esclave dans son ménage. Quand 
«c j'appris à Presde la défaite de Vittoria et la 
ce perte de toute l'Espagne due à ce pauvre Jo- 
ie seph , dont les plans , les mesures et les com- 
«c binaisons n'étaient pas de notre temps , mais 
« semblaient tenir bien plutôt d'un Soubise que 
« de moi , je cherchai quelqu'un propre à repa- 
ie parer tant de désastres : je jetai les yeux sur 
« S.... , qui était auprès de moi , il était 
« tout prêt, me disait-il; mais il me suppliait 
te de parler à sa femme, dont il allait avoir béan- 
te coup à souffrir; je lui dis de ine l'envoyer. 
« Elle parut avec l'attitude hostile ^ le verbe 



(Mai i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. à8i 

(c haut; me disant que son mari ne retournerait 
«f certamement pas en Espagne ; qu'il avait de'jà 
« beaucoup fait, et méritait après tout du repos, 
c Madame , lui dis-je , je ne vous ai point 
•f mandée pour subir vos algarades ; je ne suiff 
« point votre mari , moi ; et si je Fêtais ce serait 
« encore tout de même. Ce peu de paroles la 
it confondit ; elle devint souple comme un gant, 
« obséquieuse , et ne s'occupa plus que de ga- 
« gner quelques conditions : je n'y pris seule- 
« ment pas garde et me contentai de la féliciter 
K de ce qu'elle savait entendra raison. Dans les 
c grandes crises , lui dis-je , Madame , le lot des 
« femmes est d'adoucir nos traverses; retour- 
t nez à votre mari et ne le tourmentez pas* » 

Samedi ii. 

laritation ridicale de sir Hadson Lowe* 

A quatre heures j'étais che^ l'Empereur. Le 
Grand-Marechàl y est entré; il lui a donné un 
billet. L'Empereur , après l'avoir parcouru des 
yeux , l'a rendu en levant les épaules et disant : 
« C'est trop sot, point de réponse. Passez-lè 

K à Las Cases ; » 

3. 48 



^B% BfËMORIÀL (Mai laïf) 

Le cjroira-t-on? c'était un billet du Gouyer- 
nenr au Grand-Maréchal, invitant le général 
Bonaparte à venir rencontrer a dîner, à Planta- 
tion-HQUse,ladyJuOudon, femme de lord Moira. 

Je suis devenu rouge de rinconvenance.Pouvais- 
\e imaginer rien au monde de plus souveraine- 
jjQjent ridicule. Sir Hudson Lowe ne trouvait 
sans doute rien de plus simple ; et pourtant il 
a été long-temps dans les ^artiers-genéraux 
du continent; il s'est trouvé mêlé aux tran^ 
sactions diplomatiq[ues du temps I!., 

M. Skelton, sou$ - gouverneur de l'île , et sa 
femme , qui partaient pour l'Europe , sont venus 
primdre congé de l'Empereur j ils ont été retenns 
à dîner. 

Ce digne ménage , auquel , sans notre gré , à 
la vérité, nous avions enlevé Longwood, eux 
dont nons avions détruit toute l'existence en 
f^içant supprimer leur place par notre arrivée; 
ce digne ménage auquel nous avons causé de 
vrais maux personnels , est pourtant le seul de 
l'île qui ait eu pour nous des égards constans 
et des politesses non-interrompues. Aussi avons- 
nous accompagné leur départ des vœux les pins 



imim) DE SAINTE-HÉLÈNE. 283 

sincères ; notre souvenir les suivra tou}icmrs avt^c 
un ve'ritable intérêt. 

Dimanche 12. 

* 

Napoléon à llnstitut. -«- An Conseil d'Elaf* — Coda 
civil. «^ Mot pour lord Saint- Vincent» — Snr l'inté- 
rieur de l'Afrique. — - Ministère de la marine* '— 
Decrès. 

L'Empereur se promenant au jardin, et cau- 
sant sur divers objets, s'est arrêtée sur l'Institut, 
sa composition, son esprit. Lorsqu'il y parut à 
S(m retour de l'armée d'Italie, dans sa classe, 
composée d'environ cinquante membres , il pou- 
vait s'y considérer, disait-il, comme le dixième. 
Lagrange, Laplace, Monge en étaient la tète; 
Cétait un spectacle assez- remarquable , ajou- 
tait-il, et qui occupait fort les cercles, que de 
voir le jeune général de l'armée d'Italie dans 
les rang^ de rinslitut » discutant en public , 
avec ses ëoUëgues, des objetsvtrès-profonds et 
forts métaphysiques. On l'appela alors le Géor 
métn des batailles , le Méeohuâén de la vic- 
ttfiire, etc., etc. 

Napoléon^ deventil Prasnier Consul, ne causa 
pas moins de sensation au Conseil d'Etat. Il pré- 



28Jt^ MÉMORIAL (Mai 1816) 

sida constamment les se'ances de la confection 
du Code civil. « Tronchet en était rame, 
ce disait-il , et lui , Napoléon , le de'monstra- 
« teur. Tronchet ayak un esprit éminemment 
* profond et juste ; mais* il sautait pai>dessus les 
c< developpèmens , parlait fort mal , et ne savait 
« pas se deTendre. » Tout le Conseil, disait 
l'Empereur, était d'abord contre ses énonces j 
mais lui, Napoléon, dans son esprit vif et sa 
grande facilite' de saisir et de cre'er des rapports 
lumineux et nouveaux , prenait la parole , et sans 
autre connaissance de la matière que les bases 
justes fournies par Tronchet, de'veloppait ses' 
ide'es , écartait les objections et ramenait tout 
le monde. 

En effet , les procès- verbaux du Conseil d'É- 
tat nous ont transmis les improvisations du Pre- 
mier Consul, sur la plupart des articles du Code 
civil. On est frappé, à chaque ligne, de la jus- 
tesse de ses observations, de la profondeur de ses 
vties , et surtout de la libéralité de'ses sentimens. 

C'e^ ainsi qu'en dépit de diverses opposi- 
tions, on lui doit l'article que : ToutindSvUu 
né en France est Français, « En effet , disait- 
tt il , je demande quel inconvénient 'il y aunit 



f 



;(Mai ,816) DE SAINTE-HELENE. 285 

« à le reconnaître pour Français? Il ne pent y 
« avoir que de Tavantage à e1:endre les lois «ci- 
« viles françaises j ainsi , au lieu d'e'tablir qUê 
« rindividu né en Francç , d'un père étranger, 
c( n'obtiendra les droits civils que lorsqu'il 
« aura déclare' vouloir en jouir, on pourrait 
« décider qu'il n'en est privé que lorsqu'il y 
« renonce formellement. 

« Si les individus nps en France d'un père 
a étranger n'étaient pas considérés comme étant 
« de plein droit Français, alors on ne pourrait 
« soumettre à la conscription et aux autres 
« charges publiques les fils de ces étrangers 
« qui se sont mariés en France par suite des 
« événemens de la guerre. 

« Je pense qu'on ne doit envisager la ques«: 
tt tion que sous le rapport de l'intérêt de la 
« France. Si les individus nés en France n'ont 
« pas de bien , ils ont du moins l'esprit français, 
tt les habitudes françaises; ils ont rattachement 
«-que chacun a naturellement pour le pays qui 
« l'a vu naître > enfin , ils supportent les char- 
« ges publiques. » 

Le Premier Consul n'est pas moins remar- 
^able. dans la conseruatîon du droit de Fnm»; 



28^ MÉMORIAL (Mai i^is) 

^iuê aux enfans nés de Français établis en 
pays Aranger^ ({^'il fit étendre de beaucoup, 
en dépit de fortes oppositions. « lA vàivm 
m française, disait-il ,' naclion gi^ande et indus* 
<r trieuse est l'epa.ndue partout; elle Se répandra 
* encore dayaaiagô par la suite; mais les Fran. 
« çais ne Tont chez l'étranger qfLé pour y hkt 
« leur fortune. Les actes par lesquels ils parais* 
% sent se rattacher momentanément à un autre 
«e gouvernement , ne sont faits que poui? obtenir 
« une protection nécessaire k leurs pvojéts. S'il 
« est dans leur intention de rentrer en France 
m quand leur fortune sera acheva , faudra-t*il 
« les repousser? Se fussent-ils mime afGUyjésà 
c des ordres de chevalerie ^ il serait injuste de 
% les confondra avec les émigtvés (|ui ont été 
«f prendre les armes contre leur patrie. 

•c Et s'il arrivait un jour qu'une contrée ema- 
« hie par l'ennemi lui fût cédée par un traité; 
« pourrait^on avec justice dire à ceux de ses 
« habitans qui viendraient s'établir suf le teni- 
« toire de la république^ qu'ils ont perdu leur 
« qualité de Français, pour n avoir pas ^bafl- 
ct donné letir ancien pays > au moment même où 
% il a été cédé^ pacCe qu'ils amsaient prêté mo- 



(Hm i»Mi} DE SAINTE-HÉLÈNE. 387 

« mènUlne'ment isiermex^ à un nouveau soutc^ 
« rain , pour se donner le tiaps de dénaturer 
« leur fortune et de la transporter en France? i^ 
Dans une autre sâtnce sur les décè$ des mili^ 
faires, quelques difficultés s'éleyant mr ceui^ 
fliourant sur une terre étrangère, le Premier 
ConsDl reprit vivement : « Le militaire n'est 
« jamais cbez^ l'étranger, lorsqu'il est sous le. 
«drapeau; oà est le drapeau^ là est la 

• France ! * .... 

Sur le divorce, le Freimer Gïnsul est pour 
l'adoption du principe, et parlé longuement 
Air la cause d'inccmpatilnlité qu'on cherchait à 
repoQMser ; il dit : «c On prétend qu'elle est con« 
« tmire à l'intérêt des femmes, des en£ins.et à 
« l'esprit des familles; mais rien n'osit plus Con^ 

• traire à Tintérèt des époux , . lorsque leurs 
« humeurs sont incompatibles , que de les ré<^ 
*duire à raltemative ou.de vivre ensemble ou 
t de se séparer avec éclat* Rien n'est pkui eon^ 
< traire à l'esprit de famille qu'une Emilie 
«divisée^ jL^s séparations de. corps avaiait 
«sàitrefoi«9 par rappcnt à la femme , au mari ^ 
« aux enfans , à peu près le» mêmes effets que 

• le dm>sea, et pmtrtant n'étaient^elles pas 



288 lilÉMORlAL (IM1816) 

M missi muktpliees que' les divorces le sonf 
« aiij<mrd'hui ; seulement elles avaient cet in- 
« convenient de plus^ qu'une femme, effrontée 
«1 continuait dé déshonorer le nom de son mari) 
<( parce qu'elle le conservait, etc. , etc. «s.. . » 
. Plus loin> combattant la rédaction d'un article 
qui spécifie les causes pour lesquelles le divorcç 
sera admissible. «1 Mais quel malheur, dit -il, 
« ne serait-ce pas que de se voir forcé à les 
« exposer 9 et à révéler jusqu'aux détails les plus 
ft minutieux et les plus secrets de Tintérieur de 
« son ménage? 

•t D'ailleurs , ces causes , quand elles seront 
« réelles, opéreront^elles toujours le divorce? 
« La cause de l'adultère, par exemple, ne peat 
<c obtenir de succès que par des preuves ton- 

« 

tt jours très-difficiles, souvent impossibles* Ce- 
ce pendant le mari qui n'aurait pu les faire serait 
«c obligé de vivre avec une femme qu'il abhorre, 
« qu'il méprise et qui introduit dans sa £simille 
ce des enfans étrangers. Sa ressource serait de 
(t recourir à la séparation de corps f mais. elle 
ce n'empêcherait pas que son nom ne continuât à 
ce être déshonoré. » 
JVevenant à appuya de nouveau le prin- 



(Maii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. Î89 

;eip^ du divorce , et combattant certaines res- 
trictions, il dit encore, dans un. antre mor 
ment : «c Le mariage n'esJ; pas toujours, 
« <:omme on le suppose , la conqUisim de 
«L l'amour. Une jeun^ personne consent à se 
« xaarier pour se conformer à la mode , pour 
«c arriver à Tindépendance et à un établisse- 
ce ment. Elle accepte un; mari d'un âge dis-- 
« proportionne, dont l'imagination,, les goûts, 
R les habitudes ne s'accordent pas avec les 
<c siens ; la loi doit donc lui ménager une 
«f ressource pour le moment où, l'illusion 
a cessant, elle reconnaît qu'elle se trouve 
ft dans des liens mal assortis, et que sa vo- 
« lonté a été séduite» 

ce Le mariage prend sa forme des mœurs i 
ce des usages, de la religion de chaque peu- 
« pie : c'est par cette raison quai n'est pas 
ft le même partout. Il est des contrées où les 
<t femmes et les concubines vivent sous le même 
«toit; où les esclaves sont traités comme 
« les enfans : l'organisation des familles ne 
« dérive donc pas du droit naturel. Lès ma* 
« riages des Romains n'étaient pas organisés 
ft comme ceux des Français, 



y 



tdO MÉMORIAL (liai i8f6) 

« Les précautions établies par la Loi pour 

* isupéefaer qu'à 45, à 48 ansi(m iie contracte 

.« zrec légèreté uu engagement cpii s'étefid à 

m toute la vie , sont certainement sag^es^ cc- 

« pendant sont-elles sufiSsantes ? Qu'après dix 
«ans de mariage^ le divorce ne soit, plus 

c admis que pour des raisons tribs^graves » qq 

« le conçoit, mais, piÂsque les mariages cou* 

«tractéi. dans la première jeunesse sont ^ 

«c rarement l'ouvrage des époux , puisque ce 

«sont les &milles qui les forment, d'après 

« certaines idées de convenasiee , il" faut ^a , 

« si les époux reconnaissent qu'ils ne soat 

«^pas faits l'un poQtr l'autre, ils puiaseut 

« rompre une union sur laquelle il ne leur 

« a pas été permis de réfléchir. Cependant 

«cette facilité ne doit favoriser ni la l^è- 

« rété ni la passion ; qu'on l'entoure dcnc 

« de toutes les précautions, de toutes les formes 

« propres à en prévenir l'abufi : qu'cm décide, 

« par exemple, que les époux seronit entendus 

« par un conseil secret de famille , formé soii5 

« la {fr^idence du magistrat } qu'on ajoute 

ic encore^ si Von vlsut> qiub'une feopae ne 

« pourra user qu.'aue seule, fois . d^ dir^^e^i 



(Maii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE- 29i 

^ iju'oii ne lui permette 4e se reinfitri:eY qu'a- 
« preis 5 ans , afin que le projet éf'mL autre 
ic mariage iie la porte pa& à disseitdie le 
fc premier; Qu'après dix ans de aiariage^ la 
« dijssolution soit rendue très-difficile, ete. 

«Vouloir n'admettre le divorcé que pour 
« cause d'adultéré publiquement prbuTe , c'est 
•c le proscrire absolument; car d'un cQté, peu 
» d'adultère$ peuv ent être prouves j de l'au- 
à tre^ il est peu d'homme asse^ deliontes pour 
« proclamer la turpitude de leur épouse. Il 
« serait d'ailleurs scandaleux et contre l'hon-* 
« neu^ de la nation de rëvëler ce q;ui se 
« passe dans un certain nombre de ménagea; 
«t cm en conclurait, quoi qu'à tort, que ce sont 
« la les mœurs françaises. >i 

Les premiers légistes du conseil étaient pour 
que la mort civile entraînât k' dissolution 
dtt ccHatrat civil du mariage. La discussion 
fui) très-vive* Le Premier Consul, ^hins un 
beaa mouvèmeirt r s'y exposa en ees termes : 
«. IL setdât donc défendu à une femme , pro* 
ft fend^ent GQnvatiïcufe de riiin<H$exi%e' dé so^ 
«t/marl, de sume , dftns s» d^ortation , rhotaîne 
«;atti{u^ -fMi^ est' ti9 pliiâ ëtroJitélne^tL ùnit^ ; 



A 



292 MÉMORIAL ( Maî i8i6) 

M. ont si elle cédait à sa conviction, à son de- 
ce voir, elle né serait plus qu'une concubine! 
« Pourquoi ôter à ces infortunés le droit de 
fc vivre Tim auprès de l'autre, sous le titre 
ce honorable d'époux légitimes ? 

« Si la loi permet à la femme de suivre 
ç son mari, sans lui accorder le titre d'é- 
« pouse, elle permet l'adultère. 
. < La société est assez vengée par la con- 
« damnation , lorsque le coupable est priye 
« dç ses biens, séparé de ses amis, de ses 
fc habitudes; faut-il encore étendre la peine 
« jusqu'à la femme , et l'arracher avec violence 
« à une union qui identifie son existence avec 
(c celle de son époux? Elle vous dirait : Mieux 
« valait lui ôter la vie , du mioins me serait- 
« il permis de chérir sa mémoire j; mais vous 
« ordonnez qu*il vive , et vous ne voulez-pas 
« .que j'e le console ! Eh I combien d'hommes 
«c^^e.^nt Coupables qu'à caaae de leur fai- 
(«r l^çtS^e pçHir: leurs femmes l Qu'il. soit donc 
fc.p^rn^is à q^Ues qui ont cau&é leurs malheurs, 
«de les adoucir, en les: partageant. Si une 
« femme satis&it à te devoir,, vouâ estimez sa 
« ^leitu^ et çeûendam vous n^ me($ez Jau/cune 



( VA 18.6 î DE SÀINTE-HELÈNE. 29S 

« différence entre ell et rêtre infâme qui 
« se prostitue , etc.-, etc.? » On pourrait faire 
des volumes de pareilles citations. 

En* A Si 5 9 après la restauration , causant 
avec M. Bertrand de MoUeville , ancien mi- 
nistre de la marine de Louis XVI, homme 
très-capable et fort distingue' ' à plus d'un 
titre, il me disait : « Votre Buonaparte , votre 
« Napoléon était un homme bien extraordinaire, 
« il faut en convenir. Que nous étions loin de 
« le connaître, de Tautrè côté de Teau ! Nous 
« ne pouvions nous refuser à l'évidence de ses 
ce victoires et de ses invasions, il est vrai; mais 
tt Genseric , Atilla , Alaric eh avaient fait au- 
« tant. Aussi me laissait-il l'impression de la ter-^ 
ce reur bien plus que celle de Tadmiratidnc Mais 
ce depuis que je suis ici, je me suis avisé de 
ce mettre le nez dans les discussions du Code 
<c civil , et dès cet instant ce n'a plus été que 
c( de la profonde vénération. Mais où discble 
ft avait-il appris tout cela!..; Et puis voilà que 
«chaque jour je découvre quelque chose de 
c< nouveau. Ah! Monsieur, quel homme vous 
ce aviez-là! Vraiment, il faut que ce soit un 
ce prodige !,..• » 



29% BIÉMORIAL (Mai i&ie] 

Sur les 5 heures TËmperei^r a reçu le ca*^ 
pîtaine Bowen , de la fr^ate la Salcete , qui 
part demain. Il a été fort gracieux pour lui; 
et comme la couyersation a amène le nom 
de lord St. -Vincent, qu'il disait être son 
protecteur y l'Empereur lui a dit s k Vous k 
« verrex. Eh bien je roui charge de lui faire 
« mes complimens comme à un bon matelot^ 
« à un brave et digne vëtëraû. » 

Sur les 7 heures l'Empereur s'est mis au 
bain; il m'a fait yenir, et nous ayons beau-* 
coup parlé des affaires du jour, puis de lit* 
térature et enfin de géographie. U s'étonnait 
qu'on n'eût pas de notions certaines sur l'in- 
térieur de l'Afrique, Je lui disais que j'ayais 
eu ridée, il y a quelques années, de présen- 
ta à son ministre de la marine un projet 
de yoyage dans l'intérieur de TAfrique; non 
pas une excursion furtiye et ayentureuse ; 
mais une véritable expédition militaire, di- 
gne en tout du temps et du faire de rEin* 
pereur. Le ministre me rit au ne^ lors de 
ma première conversation à ce sujet; et traita 
mon idée de folie. 

J'aurais voulu , disais-je, attaquer l'Afiri* 



(IMU .8i«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 295 

que par les quatre points cardinaux^ soit 
que de ces quatre points on fût venu se 
réunir au centre ; soit que , del)arqués à l'Est 
et à rOuest , vers -son milieu , les deux par* 
tiês de l'expédition fussent venues au-devant 
l'une de l'autre ,* pour se séparer de nouveau 
et aller Tune vers le Nord , l'autre vers le 
Sud. Il est à croire y pensais-je, qu'en exi- 
geant de la Cour de Portugal tous les ren- 
setgnemens qu'elle eût pu procurer, on eût 
trouve que la communication de l'Est à l'Ouest 
existait déjà , ou que ce qui restait à faire était 
peu de chose. Avec nos idées du jour, notre 
enthousiasme, nos entreprises, nos prodiges, 
on eût facilement trouvé 5 à 600 hons soldats , 
des chirurgiens , des médecins , des botanistes , 
des chimistes, des astronomes, des natura- 
Ustes , tous de honne volonté , qui eussent indu- 
bitablement accompli quelque chose digne du 
temps. 

L'.attirail nécessaire en bêtes de somme , 
en petites nacelles de cuir pour traverser les 
rivières I en outres pour porter de l'eau à 
travers les déserts , en petite artillerie très- 



296 MÉMORIAL (wti 1816} 

maniable, etc., etc., en eût. assure une ^- 
tière et facile exe'cution. 

cr Nul doute, disait TEmpereur, que votre 
« idée ne m'eût plu. Je m'en serais saisi, je 
<i l'aurais fait passer dans les mains de quelque 
ce commission et j'aurais marche' à un re'sultat. » 
Il regrettait fort, disait-il , de n'avoir pas eu 
lui-même le temps, durant son se'jour en Egypte, 
d'accomplir quelque chose de cette espèce. Il 
avait des soldats tout propres à braver le désert. 
Il avait reçu des pre'sens de la Reine du Dar- 
four, et lui en avait envoyé'. S'il fût demeuré 
plus long-temps,. il allait pousser fort loin nos 
ve'rifications ge'ographiques dans les parties sep- 
tentrionales de l'Afrique, et cela avec la plus 
grande simplicité' d'exécution , eu plaçant seu- 
lement dans chaque caravane quelques officiers 
, intelligens , pour lesquels il se serait fait don- 
ner des otages, etc., etc. 

La conversation est passée delà à la marine 
et à son département. L'Empereur la traitée à 
fond. Il ne pouvait pas dire qu'il fût content 
de Decrês'f et Ton pouvait, pensait -il, lui 
reprocher peut-être sa constance à son égard. 
Mais le manque de sujets avaient dû le mainte- 



(iw i«ic) DE SAINTE-HELENE. f9T 

nir^.cajT nprèet tout, as^ur^iitf-U, Decrb étaitf 
çBcorê ce. qu'il avait pu j^r^u^f^r de mieux^ 
Ganteaimc notait qu'un n^telot nul ^\ s^n« 
moyens* C^fitrelU avait ete {îei'du daite sou 
esprit^ disait-il /parce qu'où, lui avait peint, sji 
feimuQ com»^ une iaisauaç d^Wairesî ce qui 
était pouc lui ^ obiservuib-ii » ;itUQ proficriptiou 
sans retour^ ilfi^^^^W était: uuhmiiuepw ^ûr^ 
sa faïuilk avait livre Ton lou. L'Exupf seus ayai| 
Qu uu mon^^ut l'idée A^Emériau ; mai^ il ne 1« 
trouva paf^ à w%t^ liauteur. Il se d^ipaudait M 
T.. 4.». n'eut pa^ réu^$i , il le çroyaitfort peu ça^ 
pable, bon administrateur pou^taud» niais il 
avait e te ti^op isâle, 4i«ait-iU dans la r^voluti^n; 
et puis c^ qui avait alcbevlS dp le perdre, c'est 
que» même fort tard« l'Ejup^i^w? lisait parjbi# 
ses. lettres secrètes, daua ki^qUfall^s \\ jfaçabipi-r 
s«ît encore; 

ir Dû reste , ol^$ervait l'Empereur ^ pfnpa^t « 
/ j'atmis liendu tous mas mipi^terc^ si i^c}h^% , 
« que )e Jm avaia luv à k portée de tout Iç 
« monde • p^ur peu qu'on possédât du dévoue-r 
« meut, du ïèlfs, de l'actijit^i du travail. l\ 
' « fallait en excepter tout au plus celui des 

« relations cxt^Mur<«, pavcç ^il %*\ 
S, .4» 



498 • ^UOKÎAh ' (Mâî-isi^ 

« soureïitf disait-il, dans celui-là, d'improyi-. 
K ser et de sëdairel Ais( vrai, conclpait41, dans 
« la marine la stérilité' e'tait. réelle* et Decrès, 
ft après tout, éfait peût*étre encore le meil- 
« leur. Il avait du commandement'; son adnû'- 
^ nistration était rigoureuse eC pure;. Il avait 
« de l'esprit , ët^beaucôup , mais seulement pour 
« sa conVeiisa^ion et sa politique personnelle. 
« II' hé créait rien, exécutait mesquinement, 
« marchait et lïe voulait pas courir. Il eât du 
(c passer la moitié' de son temps dans les ports 
« On sur les flottés d'exerchî^ j je lui en eusse 
«^ tenu compte; n^ais,. en, courtisan, il craignait 
r de s'éloigner de son portefeuille; Il me con- 
« niLissait mal ; il eût été- bien miiçux défendu 
«t. là que dans ma Cour : sonieloignement eAt 
« été son meilleui: avocat. » 

L'Empereur regrettait fort, disait-il, LaUm^ 
chè'-Tré$>ille } liilseul lui avait présenté Tidee 
d'un yrai talent \ il pensait que cet amiral eût . 
pu donner une autre impulsion, aux affaires. 
L'attaque sur l'Inde, cejle sur F Angleterre, 
eussent été du moins entreprises,, disait-il, et se 
fussent peut-être accomplies. 
' L'Empereur se blâmjait touchant les: péniches . 



(Mai r8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE, 299 

de Boulogne. Il eut mieux fait d'employer, 
disait-il , de vrais vaisseaux à Cherbourg. Tou- 
tefois VUleneui^e j avec plus de vigueur, au 
cap Finistère , eût pu rendre Tattaque pratica- 
ble. « J'avais combine' cette apparûtion de 
« Villeneuve dé très-loin, avec beaucoup d'art 
« et de calcul , en opposition à la routine de^ 
« marins qui m'entouraient. Et tout réussit „ 
«f comme je l'avais prévu, jusqu'au moment; 
K de'cisif } alors la mollesse de Villeneuve vint 
« tout perdre. Et Dieu sait, d'ailleurs, ajou- 
te tait l'Empereur , les instructions que lui 
« avait données Decrès. Dieu sait les lettres 
« particulières qu'ils se sont écrites et quç jq 
K n'ai jamais pu ëclaircir;/Car j'étais bien puisn 
« sant, bien fureteur, ^^ ^^ croyez pourtant 
« pas quei ]t vinsse à bout de vérifier tout ce 
« que, je voulais autour de moi. » 

fc Le Grand - Maréchal disait l'autre jour, 
«qu'il ét^it reconnu parmi vous autres, au 
« salon de service, que je n'e'tais plus aborda- 
« ble sitôt que j'avais reçu le ministre» de la 
« marine. Le nioyen qu'il n^en fût. pas ainsi? 
* il n'avait jamais, que de: mauvaises Apuvellcs 
« à me donne! b Moi-même j'ai jeté le ipançUe 



900 MEMORIAL ( ^*i m) 

« après la coignëe , lors du désastre deTrafalgar. 
•c Je ne pouvais pas être partout, j'avais trop 
« à faire avec les armées du Continent. 

« Long-temps j'ai rêvé une expédition déci- 
« sive sur l'Inde , maii^ j'ai été constamment 
« déjoué. J'envoyais A 6 mille soldats , tous sur 
^ des vaisseani de ligue; chaque 7tt en eut 
« porté 5 cents , ce qui eût demandé 32 vais- 

* seaux. Je leur faisais prendre de l'eau pour 
« quatre mois; on Feût renouvelée à l'île de 
« France ou dans tout autre endroit habité du 
« désert de l'Afrique, du Biésil ou de la mer 

* des Indes. On eût, an besoin, fait la con- 

* quéte de cette eau partout où on eût voulu 

« jet^T Tauci'e. Arrivé sur les lieux, les vais* 
n seaux jetaient les Soldats à terre, et repai* 
« taient aussitôt complétant leurs équipages par 
« le sacrifice de sept ou huit d'entre eux , dont 
<i k vétusté avait déjà marqué la condamnation ^ 
« si bien qu'une escadre anglaise , arrivant 
« d'Europe à la suite :de la jpotre, n'eût pin» 
^ rien trouvé. »» 

« Quant à l'armée, al>andonnée à elle-même, 
« mise aux mains d'un chef sûr et capable, elle 
« eût renouvelé les prodiges qui nous étaient 






{Mai iBt6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 304 

« familieri^, et rËuro|>e eût appris la conquête 
de rinde commet elle avait appris celle de 
' TEgypte- 9 
J'aYaÎ3 beaucoup connu Decrès; nous avions 
commence ensemble dans la marine. Il avait 
pour moi^ je le crois, toute l'amitié dont il était 
susceptible; quant à moi je lui étais tendrement 
attaché. C'était une passiou malheureuse, ré- 
pondais- je à ceux qui m'en plaisantaient ^ c^ 
qui arrivait souvent, car son impopularité était 
'extrême ; et j'ai pensé plus d'une fois qu'il s'y 
complaisait par calcuU J'étais à Sainte*Hélène ^ 
comme ailleurs , presque toujours seul à le dé- 
fendi^e. Or je disais à l'Empereur que j'avais 
beaucoup vu Decrès pendant le séjour à l'île 
d'Clbe, qu^il avait été parfois pour lui. Nous 
nous étions parlé alors à-cœu^ ouvert et j'ai 
lieu de croire que depuis il aurait eu en moi 
une confiance pleine et entière» 

<r A peine Votre Majesté rentrait aux Tuileries, 
« disais-je^que Decrès et moi nous nous sautions au 
fc cou y nous écriant : Nous le tenons i nous le 
« tenons! Ses yeux étaient remplis de larmes, je 
« lui dois ce témoignage. ITi^ens, me dit-il encore 
« tout ému y et sa femme présente, tu me prou- 



30? MÉMORIAL (Mai i8i«) 

<c ves en cet instant que j'ai eu des torts avec 
« toi, et )e t'en dois la réparation; mais tes 
« anciens titres te rapprochaient si naturelle^ 
m ment de ceux qui nous quittent aujoutd'hni, 
« que je ne doutais pas que tôt ou tard tu ne 
ce fusses très-bien auprès d'eux , si bien que ta as 
•f gêne' plus d'une fois peut-être mes expressi(ms 
ft et mes vrais sentimens. *— ^ Et vous l'aureis cru, 
« pauvre niais? s'est e'crie l'Empereur en riant 
«t aux éclats; n'e'tais-ce pas là plutôt l'admirable 
« iinesse de cour , une touche pour La Bruyère, 
«f un vrai trait d'esprit du reste; car s'il lui e'tait 
« arrive pendant mon absence de laisser e'chap- 
«c per qiielque drôlerie contre moi, vous voyez 
« que par-là il remédiait à. tout, et une fois 
« pour toutes, -»-Eh! bien, Sire, aî-je continue, 
« ce que je viens de dire peut n'être que plai- 
« sant ; mais voici ce qui est plus essentiel : ^ 

« Au plus fort de la crise de 184^, avant la' 
« prise de Paris, Decrès fut sonde' de la manière 
« la plus de'licate pour conspirer contre Votre 
« Majesté', et il s'y refusa franchement. Decrès 
« murmurait facilement et souvent; il avait une 
« certaine autorite' d'expjession et de manières} 
CI c'e'tait une acquisition à né pas dédaigner dans 



< jw i«fl) DE SAINTE-HÉLÈNE. S0$ 

« un partii II se troaya, à cestté epocpie 4iQtd()Ur 
f( leur, faire visite à uin personnage faJiùeuxf le 
<cc héros des josachinàtions du jour. Geluwci, qui 
^ s'était avance au-devaut de Itecrès , le rame- 
« nant en boitant à sa cheminée , y prit xm livre 
M disant: (c Je lisais tout à Theure quelque chose 
« ^i nie fmppait sii]^ulièrement , écoutez •: 
4t Motttesquieu^ livre tel, chapitré tel, p^ge 
« telle* Quand lé prince s^bâttilevé auniëssus 
« de toutes les lois ,■ que la tyrannie est dsvenue 
« insupportable, il ne reste plilâ aux bpprii- 
«e mes. . .\ -^ C'est àsseis, s'e'critt De<arès en lui met- 
i< tant la main sur la bouche, je n'ëcoute plus^ 
« fermei^ votre livre. » « Et Tàutre ferma trarir 
(( quillënient son livre conime si de rien n'dt^itf 
« et se mit à causer de tout autre chose. » . 

Plus tard un Marechdi, après sa fatale^ dëfec-» 
tion, effraye àè ses résultats sûr l'opinion, et 
eh^rchant vainement autour de. lui de l'apprd-^ 
baûon et de Tappui, essaya d'y intëresseï^ De^ 
crès en quelque çl^ose-, « .Je i^iie sui$ toujouriî 
« souvenu, Im disait^il» d'une d^ pos convei^a- 
r tions oéi vous nous peigniez si ënergiqu0ment 
«les maux et les embarras de 1|l patrie^ Votre 
<*' souvenir > la force de' vos argumipns, sont pour 



S9I ^ MÉKtORUH (Mi fSt^) 

t^ h%^iii6oup dans <âQ qcii m'a pbrté à j retneÂief / 
i *-^ Oui/ nmi lâier, ^mprit DeNt^rès aireé une 
k* yeprelmtidDltiiarqiiee; mais rùus étes^vtmfi dit 
^ aussi que tMs aVies saote par - dessus fe 

« £t pour upprifcièr Jnst^oieiit ces oneo 
:«*dbt%8vdisfais<^jei TËmpeilBaF ,* U faut savoir 
a^^'ellsi m'étaient raèontëés par Decrès Ini*^ 
^ mfyae^ pmdant Tafasmce dé Votre M^^t^ 
tf et lâeu assurément issais la m(âu)dre aoftpçoa 
a de yotrc retour, a 

La convernitioa arait dure près de 2 heures 
4kui le baia) l'Ëpipereu^ li'a duis qu'A àeikfv 
il m'a retenu* Nous ayons cause de l'ëcolt 
jdiilitaire de Paris, Cotiime je n'eu étais sorti 
qu'un a A ayant <{u'il j aniv&t^ les mêmes offî^ 
eâerst leèni&aiesmaître^y lès même^ camaiiades 
faotts ayalent été iooàuùniis. . Il krouiraùt ml 
ebaraiis partiitolier i. repasser , ainsi dB compsk'* 
gïile^ '€ê tènapsde too^U^ enfaBce ; nos.oocu^ 
tkms > lioÀ ^j^i^lelries , tios jejïx « ëtu»' < '- 

IDnai 'Ék^ttéi il a d^mandéma yevre deiÂa 
d^ Chaprj^gnej ièé qu'il feit bien rarement, el 
sa sobriété ^m telle ^l'il mSil de ce seuii;«en« 
peut ^oref son yi|ago et le porter à parler 



(Mai ,8,6) DE SAITïnB''HËLÈNE. 80^ 

d'avantage. On sait qu^il ne passe •goi^tt plus 
d'un quart d^heure ou d'aune demi - heure à 
table : il y àtfeiit plus de deux licui'es que nous 
y étions. Sott è'tonnenient a etë grand en appro^ 
nant de Marchand qu'il ^tait onze heures», 
m Gotnme lé temps a passé! disait*il a\^c une 
« espèce de satirfaction. Que ne puis-je àvoit 
«' Souvent de pareils ttii6fiien3 ! Moû dber \ 
« m'a^^t^il dit en me ren^foyant^ touH me quitter 
it h«areux 111 ' 



Lundi i3. 



,> 



daogepeox de inoo fils. -^' Paroles rextenjud^les» 
— Dictionnaire des Girouettes. — • Bertholet* * / 



docteur Waiden était Yetiû se jtcundre à 
leux autres dests toufrères pour ibtraer une 
eoRsultsttion pour mon fils , dont l'indispositioii 
me donnait de l'inquiétude* 

L'Empereur a bien yôulu receroir, àma tc* 
quête, cette aticieime counaissance du Nor^ 
dMtimberland ) et a causé près, de deux heures ^ 
]^ssaut faïf ilièrement en revue ks atctes de son 
iHiminittratioia qui ont accumulé' sur lui le 
plus de haine, de ti&ensoages et de calomnies^ 
Hien n'était pluft correcty plus clair ^ plus sim« 



/ 



50Q BIÉMORUL. (MtiiSii) 

fie y plos curieux , plus satisfaisant , me disait 
pli^s tard ce docteur. . 
. JL'Empereur termina par ces paroles remar^ 
cpialj^les : u Je m'inquiète peu de tous les libelles 
jK lances contre moi j. m^s actes et les eVene-^ 
M mens y repondent mieux que les plus habUet 
4c plaidoyers. Je me suis assis sur un trône vides 
« J'y suis monté vierge de tous les crimes or^ 
« dinaires aux chefs de dynasties. Qu'eii aille 
« chercher dans l'histoire , et que Ton compare! 
<( Si j'ai à caindre un reproche de la postérité 
« et de l'histoire, ce ne sera pas d'avoir été 
« tropméehant, maiar peut-être d'avoir été tro]^ 
<c bon. » ' 

Après* le dîner , l'Empereur a parcouru le 
Dictionnaire des GiraneUes, nouvellemieiit 
arrivé, dont l'idée est plaisante et l'exécution 
manquée. C'est le recueil alphabétique, des per« 
sonnefr vivantes qui avaient p%ru sur la scène 
depuis la révolution^ ,et dont les expressions^ 
les sentiiuens^ou les actes avai^ent 3Uivi la varia- 
tion du vent. Des girouiettes accompagnent leur 
noniLj.avec Textrait des dj^cours an regard- ou- 
l^s actes qui les leur avaient méritées., En l'ou-' 
vraat, l'Empereur a d^imandé fi >il s y trouvait 



/ 



(ifaiisie) DE SAINTE^HjSfcENE. SOT. 

quelque ;de bous.* Non, Sire, lui a-t-on ré- 
pondu plaisamment} il n'y a que ^ Vôtre Mar 
jestë. En effet , Napoléon y était pour avoir 
consacrfî la république et exercé la royauté. 

L'Empereur s'est mis à nous lire divers arti- 
cles. La transition d^s discours de chacun était 
vraiment curieuse. Le contraste était ; parfois 
exprimé avec tant d'impudeur et d'effrori-s 
terie que l'Emjpereur , tout en lisant , ne pou-, 
vait s'empêcher d'en rire de bon cœur^ Néan-. 
moins , au bout de quelc[uês pages il a rejeté 
le livre avec l'expression du dégoût et de la 
douleur > observant , qu'après tout , cie recueil 
était la dégradation de la société, le code de la 
turpitude, le bourbier de notre honneur. Un 
article lui a été particulièrement sensible : ce-. 
lui de Beriholet, qu'il avait tellement comblé, 
sur lequel il devait tant compter ,disait»il. 

Tout le» monde connaît ce trait charmant : 
Bertholet ayant éprouvé des pertes et se trou- 
vant gêné, l'Empereur, qui l'apprit, lui envoya 
''OO mille écus, ajoutant qu'il avait à se plain- 
dre de lui, puisqu'il avait ignoré que lui , Napo- 
léon, était toujours au service de*«es amis. Eh 
bien ! Bertholet, lors des.désasrtres, a été très- 



SOS MÉIiliORIAL (MaiiSié) 

mal .pGtir l'Empereur , qui ea fut vraim^it 
affecte dans le . t^np», rëpëtant plusieurs fois \ 
m Quoi Bertholetl Mon ami Bertbolet !.,, Ber^ 
« tholet sur lecpiel j'aurais dû tant coni!jpt«r I » 
' Au retour de l'ile d'Elbe, Bertholet sentit 
se réreiller ses sentimens pour soan bienfai* 
leur. ILse bsksarda a reparaître aux Tuile^ 
TÎes, faiisant dire paç Monge k l'Empereur que 
s'il n'en dbtenait un regard, il se tuerait à 
la porte . en sortant. Et l'Empereur ne crut 
pas ponTQ(ir lui riSuser un sourire en. passant 
devant lui. 

. L'Empereur, durant son règne, ayait re* 
pe'té sa noble et généreuse obligeance eu fa- 
reur de plusieurs gros manufacturiers > Qber-, 
lamp^ Richard Lenoir et autres. U vçji- 
lait chercher leur article , mais toutes jLes Toix 
se sont élevées pour témoigner en leur fa-i 
TCur. • ^ 

Mardi 14. 

Réception des passagers de la flotte da Bengale. 

Vers^ les % heures il nous est arrivé im 
très^grand nombre de visiteurs j c'étaient les 
passagers de la flotte des Indes ^ que l'Emp^- 



(M- .M) DE SABVTO^HÉLÈNE. ^ 

reur avait agrée dé recevoir • On comptaitr 
paniii eux aa M. Strang^^ b^ur frère de lord 
Melvily ministre de la marine ;d'Angleterr^l^ 
un M. ^rbutknol^ sir WiUumis Burottg^fUn, 
des juges delà G>ur suprême de Cùlcuta; 2 aidefr^ 
de-camp de lord Moira ; d'antres encore ^ pariai 
lesquels plusieurs femmes. Hous étions tous 
à causer dans la salle d'attente, UE^nperetir^ 
sortant de sa ckanibre pour gagner le jardin ^ 
a excité parmi nos visiteurs un empmssement 
extrême» Ils se tout préeipités aux feiàètrea^ 
pour le voir passer : cela nous rappelait tout 
à fait Plymbutli, Le Grand-Maréchal a «en- 
duit toutes ces personnes à l'Empereur^ qui 
les a teçues avec une grâce parfaite et ce 
sourire qui 'exerce tant d'empire. L'avidité^^ 
était dans les regards de touaj; l'ànotion init- 
ia figure de plusieurs. 

L'Empereur a parlé à chacun d'eux , coii-' 
naissant, suivant sa coututne, ce ^i se rat^ 
tachait à certains noms i mesure- <ju'il les en- 
tendait. *Il n Beaucoup parlé législation * et 
* justice avec le juge suprême;' eomteereé et 
administration avec lés offîcrera'dé la ^ompa*» 
gnié ; questionné les militaires sur leurs an^- 



UO- MEMORIAL (Mm i«i6) 

Heek de service et leurs blessures; dit à deux 
de ces dames des chdsèS* fort aimables sur 
leur figure et leut teint respecte, leur a- 
t^il ditVpw>fesr rigueurs :du Bengale. Puis 
s'adressàut à Vun des aides^^de-camp de lord 
Moira, il «lui a dit i|ue son Grand-Marechal 
lui avait appris que lady Loudoa était dans 
Vile, que. si elle eût été en. dedans de ses 
limites ^7 il sefùtiaitun vrai plaisir de lui faire 
sacour ; mais qu étant en dehorsdé son enceinte, 

c'était pour lui comme si elle était encore au 

/ ■ 

Bengale* 

Durant ces conversatiy)ns , dont j'ai. été Tin- 
terprète, M. Strànge^ avec qui j'avais déjàcauié 
aupaTavant , ne put s'empêcher de «'attirer à 
lui .par le pan de knon habit, pour me dire, 
avec raccent de lasurpi ise et de la satisfaction': 
« Ah 1 combien d'esprit et de grftce dans la ina- 
« nière doii); votre Empereur tient un lever, — 
<c Mon^ieur^ c'est qu'il n'est pas ,sans quelque 
ce habitude U<^^u& >> 

Nous ; les aVoUS reconduijtç à notre, salon, 
d'où, la curiosité ie$ a fait péi6tï*er jusqu'à la 
seconde pièce, Jbç salon * de l'Empereur. Sir 
Williams ?Bi;rough, qUe^on' emploi rendmar- 



(mviByn) DE SAINTE-HELENE. 344^ 

q^uant dans le gouyernement, m'a demande 'sr' 
c'e'tait la salle à manger. Je lui ai* dit qtié* 
c'e'tait le salon, et' ppnr mieux dire*, le^ tbttt.' 
H a e'te fort élôïmé. Je lui ai montré alors par* 
la fenêtre les -deux petites pièces ..qui compo- 
sent tout Finte'rieur de l'Empereur^ sa figure^ 
était peine'è, son espVit semblait faire dcs*com-' 
pararsons avccle passe, et considérant les meu- 
bles misérables et la petitesse dé respacè^ il 
m'a dit- d'un air pene'tre' : « Mais bientôt voùb? 
« serez mieux. — Comment donc, quitteriôiisrt 
« nous cette île? — ^ Non; niais il vous arrive* 
«de fprt beaux meubles , et une belle -maison/ 
« — Le vice n'est point dans les'medblés et^ 
«c dans ia maison qui sont ici ; il est dans lé roc 
* SUT lequel elle repose, dans la latitude qu'elle 
««occupe. Tant qu'on ne changera • pas cette' 
«latitude, nous ne serons jamais ^bien.^»^ / 

Je lui ai re'pëte' littëralement/oe- que l'Em- 
pereur avait dit peu de jours aiipârâvalit au 
Gouverneur, sur le même sujet. Cet 'homme 
s'est emu j et me serrant la nlaii>, m'a dit avec 
chaleur: « Mon* cher Monsieur, c'est uti trop' 
« grand homme, il a de trop grandie talens/ il 
tt s'est rendu trop redoutable, il est ^ trop à; 



342 MÊMORIAX. (ikiiaii) 
a craindre pouur, nous. — « Mais, lui ai- je ^t i 
M mon tour, pourquoi n'avoir pas tire en^eib- 
(K .i>l6 le char de front, au lieu de se tuer rcbi* 
« proquement à le tirer en sens opposé? Quelle 
a n'eût pas pu alors être sa course? » U ma 
regardé, et me serrant de nouveau la znak 
d'un air pensif , m'a dit ; n Oui , cela vaudiait 
a bien mieux sans doute; mais, . • » 

Du reste , tous étaient également frappés «or- 
tout de la liberté dés manières et du calme dé 
figure de TEmpereur. Je ne sais ce qu'ils s'at- 
tendaient à trouver. L'un d'eux me disait qu'il 
ne pouvait pas se faire une juste idée de la 
force d'ame qui avait été nécesssûre à Napoléon 
pour 4(uppar ter de pareilles secoussi^s. «< C'est 
a que personne ne connaît encore bien l'Em- 
« pereur, ai-je repris. U nous disait l'autre jour 
c qu'il avait ^'té de marbre pour tous les grands 
« événemens , qu^ils avaient glissé sur lui sans 
« mordre sur. son moral ni sur ses facultés. 9 

Après diner TEmpereur a demandé, ce qui 
lui arrive Souvent , ce <|ue nous lirions. Quel'^ 
qu'un ayant proposé de reprendra 1^ lecture de 
la veille 9 le Dictionnaire des Giroii^ttes, 1'^* 
pereur l'a repoussé oomme rendant ses nnits plus 



\ 



(M« U.6) DE SAINTE-HÉLÈNE. â>13 

pénibles. Occupons-nous plutôt aujourd'hui de 
chimères, a-t-il dit } et il a demande la JërU"* 
salem délivrée , en a parcouru tout haut plu- 
sieurs chants, plus souvent en Italien qu'en 
français. Delà il nous a lu la plus grande partie 
ée Phèdre et d'Athalie, toujours en s'extasiant 
davantage sur Racine. 

Mercredi i5. 

Egalité des peines» *— L'Empereur me eommande 
l'historique miantiensement détaille de mon Atlas. 

L^Empereur ^ dans la promenade , traitait 
divers sujets ; il est tomhé sur celui des délits 
et des peines. L'Empereur disait que les grands 
jurisconsultes , même ceux qui avaient e'té in- 
fluences par l'esprit du temps , se partageaient 
Sur le principe de l'e'galite' des peines. A la 
consécration du Code , il eût e'te' pour leur iné- 
galité , si les circonstances n'avaient force' à une 
décision contraire. Il m'a commande' de donner 
mon avis. «< J'e'tais tout-à-fait pour l'ine'galite'. 
« Nos idées demandaient une hie'rarchie dans 
« les peines analogues à celles que nous concè- 
de vions dans les crimes. L'harmonie de nos 

t sensations semblait le demander aussi. Je ne 
3. 20 



1 



t 

Z^h MÉMORIAL <Bfai 1816) 

« pouvais prendre sur moi de mettre sur la 
•c même ligne celui qui aurait e'gorge' son père 
« et celui qui n'aurait commis qu'un léger vol 
« avec effraction : pouvaient -ils être punis des 
ce lùêmes châtimens ? 

« Le coupable est celui qui m'impoi*tait le 
« moins dans la question; la peine e'tait &(m 
« affaire , il l'avait me'ritee j et puis l'humanité 
<c avait bien des moyens occultes d'arriver au 
a secours de ses souffrances physiques. C'é- 
« taient ses ide'es morales avant le crime , c'e'- 
« taient celles des spectateurs , celles de toute 
ce la société' que le législateur devait pre'tendre 
« frapper par l'inégalité des peines. C'est à 
ce tort que l'on prétendrait que la mort seule 
c< suffit et que le genre de supplice n'influe en 
•t rien sur l'esprit du criminel , ni sur la pré- 
ce méditation du crime j car s'il y avait inéga- 
ce lité , il n'y a pas de condamné qui ne fit un 
fc choix, si on Ten laissait maître; que chaque 
« membre deia société 3e consulte, il frémit à 
ce l'idée de certains supplices, lorsqu'il serait 
ce à peu près indifférent à certains genres de 
ce mort,. L'inégalité des, peines, l'appareil des 
« supplices sont donc dans la justice et dans la 



(Mai i8i6) DE SAINTE^HÉLÈNE. 315 

K politique de la civilisation. Et je ùbnçaU 
« néanmoins qu'il serait impossible aujourd'hui 
« de vaincre l'opinion sur ce point *. » 

L'Empereur était tout-à-fait de cet avis , et 
comme on avait parlé du meurtre du souverain ^ 
il disait qu'il était en effet au-dessus de tous 
les autres crimes , à cause de ses grandes consé- 
quences. « Celui qui m'aurait tué en France, 
« a-t-il dit, aurait bouleverse' l'Europe; et que 
« de fois j y ai «été exposé! etc. » 

Lady Loudon, femme de lordMoira, gouver- 
neur-général des Indes, était depuis quelques 
jours dans l'île et attirait toutes lesattention&des 
siens. C'était une grande dame, répondant peut- 
être à nos duchesses de la vieille monarchie. 
Les ofiiciers a.nglais lui prodiguaient les der« 
niers égards. L'Amiral l'avait à bord du Nor* 
thumberland, ce jour-là, et lui donnait un^ 
petite fête. Il envoya une ordonnance à. cheval 



* Et encore devraîa-je confesser qne .mon opinioa 
ponrrait bien être erronée , si, comme on me l'a démon- 
tré , le relevé des registres en France , depuis l^intror- 
doction de Tégalité des peines, comparé à celai &it 
pendant le même espace de temps, :soqs les andennes 
lois pénales , présente nu moindre nombre de crimtaeW 



346 MEMORIAL (Mai iSiS) 

me prier de lui prêter mon Atlas pour la soi- 
tée, voulant le faire considérer à lady Loudon, 
dont le mari s'y trouvait indiqué comme le 4 ^^ re- 
présentant des Plantagénet , et conséquemment 
comme le légitime du trône d'Angleterre. 

L'Amiral et moi nous étions sur le pied d'une 
complète indifférence, à peu près étrangers l'un 
à l'autre, depuis qu'il m'avait débarqué. Celait 
donc moins une bienveillance pour moi qii'un 
compliment pour l'ouvrage lui-même. On s'en 
était entretenu , la dame avait désiré le voir et 
Ton avait eu envie de le lui montrer. Toutefois 
je ne pus satisfaire ce désir ; il était dans la 
/chambre de ITEmpereur j ce fut ma réponse. 

L'Empereur rit du succès que l'Amiral avait 
voulu me ménager , et moi je plaignais fort la 
dame sur l'esp^e de divertissement qu'on avait 
voulu lui donner. Tout cela conduisit l'Empe- 
reur à s'arrêter lui-même sur l'Atlas et à rappe- 
ler une partie de ce qu^il en avait déjà dit plu- 
sieurs fois. Une revenait pas , disait-il , d'enten- 
dre , toujours et partout , parler de cet ouvrage ; 
de le voir couru des étrangers, à l'égal au moins 
des nationaux : il en avait entendu parler à 
bord du Bellerophon, à bord du Norlhumber- 



I 



(Mai 181^) DE SAINTE-HELENE. 317 

land, à File de Sainte-Hélène; partout ce. 
qu'il y avait d'instruit et de distingué le con- 
naissait ou demandait à le connaitre. c Voilà ce 
<t que j'appelle , obseryait-il gaîment , un vrai 
« triomphe et beaucoup de bruU dans la répur^ 
blique des lettres^ etc., etc. Je veux ^e 
vous me fassiez à fond l'historique de €-/ 
ouvrage, quand et comment il a été conç 
de qu'elle manière il a été exécuté; se9 reVc. 
tatsj pourquoi, dans le principe, vous Favez 
mis sous un nom emprunté; pourquoi , plus 
tard , vous ne lui avez pas substitué le véri- 
table? etc., etc., enfin y mon chei-, un vraî 
rapport i entendez* vous^monsieux le Conseiller 
d'État?» 

J'ai répondu que ce serait long; maïs que ce 
ne serait pas sans charme pour moi ; que mon 
Atlas était l'histoire d'une grande partie de ma 
vie; que je lui devais surtout le bonheur de me 
trouver ici près de lui, etc. ...7 

En effet , voici ce récit tel qu'il s'est trouvé 
rédigé peu de jours, après. Sa longueur réclame 
l'indulgence^ sans doute; mais qu'on en cherche 
l'excuse dans des détails où se G<Hnplaîsent les^ 
souvenirs de mes plus douces, de mes plus heu- 



nf 



348 MÉMORIAL (^i ,816) 

reuses années , IVpoque de ma jeunesse , celle de 
ma force et de toute ma santë, en un mot, le 
2>recieaî et court instant de la plénitude de la 
vie. On le trouvera long, je le répète; mais 
qu'on le pardonne aux jouissances qu'il me rap- 
pelle ; même en relisant plus tard je ne me sens 
pas la force d*en rien effacer. 

HISTORIQUE DE L'ATLAS- 

« Cet Atlas a ete' tout à fait le fruit du hasard 
et surtout de la nécessite', qui, comme dit le 

proverbe banaU est la mère de l'industrie 

Au moment des premiers revers de notre émi- 
gration, je fus jeté par l'ouragan politique dans 
les rues de Londres , sans connaissances , sans 
moyens, sans ressources; mais avec du courage 
et de la bonne volonté : or, avec de telles disposi- 
tions, Londres alors e'taitpour chacun un ter- 
rain assure'. 

f^ Après avoir tâte' sans succès plusieurs di- 
rections , je résolus de n'avoir recours qu'à moi- 
même, et je mede'cidai à e'crire : c'e'tait à peu 
près faire comme Figaro. Je balançai un mo- 
ment à me jeter dans les romans : les proposi- 
tions d'un libraire m'en donnèrent la pense'e ; 
mais il me demandait trop, et prétendait me 



(Maii«,6) ok SAINTE-HELENE. Z\% 

donner trop peu. Je me décidai pour l'histoire, 
qui, dans tous les cas , m'assurait un gaiifi moral 
en me procurant des connaissances positives i 
alors naquit l'idée mère de l'Atlas. historique. 
Ce fut une inspiration du Ciel, je lui dois le 
reste de ma vie. Ce ne fut d'ahord qu'une 
simple esquisse, bien éloignée de l'ouvrage 
d'aujourd'hui, une pure nomenclature. Toutes 
fois c'en fut assez pour me tirer dès l'instant 
d'embarras, et me composer même, relativement 
aux misères de l'émigration , une véritable for- 
tune. Vint la paix d'Amiens et le bienfait de 
votre amnistie , Sire. Je me trouvais assez bien 
dan$ mes affaires pour pouvoir me rendre à 
Paris, sans objet, et purement comme voyageur, 
sauis autre l?ut que de respirer l'air de la patrie 
et de visiter la capitale. Une fois là, je me sentis 
maître de mon langage } les recherches étaient 
faciles ; mes idées , mon jugement , s'étaient 
agrandis j je disposais de mon temps et de ma 
personne ; j'entrepris l'ouvrage tel qu'il est 
aujourd'hui. Je me mis à en publier régulière- 
ment quatre feuilles par trimestre. Alors vrai- 
ment l'eus, âu moral et aumatérielj, un succès 
prodigieux : intérêt, bienveillance, offres de 



âaO MÉMORIAL (Mm iai6) 

tonte espèce, argent ^ connaissances, me tomba' 
rent de tontes parts : c'est, sans contredit, 
Tepoque la pins douce de ma vie. » 

« En Angleterre, j'avais mis ma publication 
sous un nom emprunté > pour ne pas compro- 
mettre riionneur du mien : j'écrivis Le Sage, 
comme j'aurais écrit Leblanc , Legris , Lenoin 
Je ne pouvais du reste plus mal choisir, ou 
du moins en prendre un plus banal j car, à 
ipielque temps de là , une lettre m'ayant . ét^ 
mal adressée sous ce nom, elle ne me parvint 
qu'après avoir passé dans les divers rassemUe- 
mens français, par les mains de 22 prêtres qui 
^portaient ce nom; et le dernier, qui avait 
découvert apparemment qu'il ne m'appartenait 
pas, me renvoyait ma lettre, fort en colère, 
en y joignant l'avis , que quand on voulait 
changer son nom , il fallait éviter du moins de 
prendre celui des autres. 

« En France , je conservai ce même nom de 
Le Sage. Il était devenu désormais celui de T At- 
las; un nouveau nom pouvait tromper quel- 
qu'acheteur en le faisant croire à un nouvel 
ouvrage. Je n'eusse pas voulu d'ailleurs ex*» 
poser le mien au hasard d'uix succès, peut-être 



(M« 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 321 

aux affronts d'un journal, et aux éclabous- 
sures de la polémique. Quand l'ouvrage eut com- 
plètement réussi , je n'en eus pas d'avantage la 
pensée, et peut-être, par un reste de vieux 
prejuge's, que je me d^uisais mal. 

« Cette gloire litte'raire me flattait beaucoup 
sans doute j mais j'étais d'une race militaire > 
et forcé rigoureusement , me disais-je , à pour- 
suivre une autre espèce de gloire. Les circons- 
tances me le rendant impossible , je voulais 
consacrer du moins que j'en reconnaissais l'obli- 
gation. Au reste, je n'ai jamais eu lieu de me 
repentir de ce double nom ; mais au contraire 
j'ai eu souvent à m'en applaudir. Indépen- 
damment du vrai motif, il répandait un vernis 
d'aventure et de roman, qui n'a jamais rien 
eu que d'agréable , et qui était assez d'ailleurs 
dans la nature de mon caractère. Il a produit 
une foule de quiproquos et de scènes fort gais, 
qui n'étaient pas sans prix pour moi. En Angle- 
terre , par exemple , il m'est arrivé d'être ques- 
tionné, en société, de la meilleure foi du monde, 
touchant le mérite de l'ouvrage de M. Le Sage ; 
et dans une pension ^ je me suis vu dire des 
în|urcs pour m'êtrc obstiné à le dénigrer, etc. 



S22 MJÉMORIAI. (Mai 1816} 

ce Tant qu^ je me chargeai moi-même de l'ou^ 
vrage, je voulus recevoir lous ceux qui se pre'- 
sentèreut, et traiter directement avec eux. Dès- 
lors je pus faire les connaissances les plus agréa- 
bles, je n'eus. p]u$ rien à rechercher, mais bi^ 
plutôt à me défendre. En France, surtout, je 
me trouvai comble ; c'e'taient les manières , 1^ 
expressions les plus flatteuses , les plus douces, 
les plus recherchées 5 les uns parce qu*ils sa- 
vaient qui j'étais, les autres pre'cise'ment pent- 
^tre parce qu'ils l'ignoraient j tous parce que 
je demeurais en parfait équilibre avec d^cun. 
De mon côté je jouissais d'un spectacle fort 
.curieux : comme on était obligé de me donner 
son nom pour la souscription, je passais en 
revue beaucoup de personnages ^ue je me trou- 
vais connaître à merveille, et que j'observais en 
^silence. C'est là surtout que j'ai pu méditer à 
,mon aise sur la diversité des opinions , des ju- 
.gemens et des goûts parnii les hommes. La 
seule chose que Vun trouvait à redire dans l'ou- 
vrage était précisément ce que le suwant admi- 
rait le plttsj ce ç^'un /roîsî^/»^ conseillait 
comme indispensable , un quatrième le réprou- 
vait comme inadmissible^ et chacun, suivant 



{Mai laiS) DE SAINTE-HÉLÈNE. 323 

Tusage , ne mancpalt pas de présenter son opi- 
nion conune l'expression générale : c'était abso>- 
himent celle de tout Paris, celle de tout le 
monder 

« C'est là surtout qiie j'ai pu me convaincre 
du grand avantage de faire ses affaires soi^ 
même , et de tout l'empire qu'exerçait la com^ 
plaisance et les bonnes manières dans les tran* 
sactions de la vie. J'acceptais tout ce qu'on me 
proposait , j'étais aussitôt d'accord sur tout ce 
qu'on voulait, et j'en e'tais paye' au centuple. 
Tel qui était entré dans l'intention peut-être 
de ne pas prendre l'ouvrage , non-»seulemen4l 
l'emportait, noais encore me ramenait dix , vingt 
souscripteurs, il eu est qui ont été jusqu'à cent* 

« Celui-ci faisait déclarer mon ouvrage clas- 
sique au ministère de l'intérieur j celui-là le 
faisait adopter aux relations extérieures ; un 
troisième voulait me procurer la décoration de 
la légion d'honneur ; un quatrième insérait 
d'excellens articles dans les journaux. La bien-^ 
veillaiice, l'affection^ allaient chez quelques-uns 
jusqu'à Tenthousiasme. Je ne citerai ici que ce 
souscripteur de province , m' écrivant, sans me 
coniiaître , pour me supplier en grâce de mettre 



32^ MÉMORIAL C»« ^^9) 

mon portrait, à la tête de Fourrage ; s'offrant^ 
si je le permettais, de payer la moitié des frais. 
Et cet autre y propriétaire du beau château de 
Montmorency , qui chaque semaine , sous pré- 
texte de voir s'il n'y avait pas une feuille nou- 
velle, venait, disait-il, passer ses heures le& 
plus heureuses, ajoutant que s'il, me prenait 
envie.de faire payer ma conversation , comme 
mes feuilles , il ne tenait qu'à moi de le "ruiner- 
Je sus depuis que c'e'tait un homme extrême- 
ment bizarre, vrai caractère de Labruycre^ 
tout-à-fait à la Jean-Jacques. Il épuisa long- 
temps auprès de moi, fort délicatement, les 
offres de toute espèce, même des inductioas 
paternelles* « M. Le Sage , m'a-t-il dit plus 
« d'une fois, vous devriez vous marier, vou5 
« feriez le bonheur d'une femme, et plus en- 
« core celui d'un beau-père. » Or, il n'avait 
qu'une fille et très-riche. Enfin je le perdis de 
vue , et ce ne fut que long-temps après que, 
faisant une partie de campagne avec des fem- 
mes de ma connaissance, la vue du château de 
Montmorency , dont il était propriétaire , m'en 
rappela le souvenir. Je racontai mon histoire, 
notre curiosité s'en accrut et nous donna l'enri» 



(M*» ,816) DE SAINTE-MELÈNE. 825 

de visiter Fendroit. On nous réfusa la porte; le 
maître n'y ëtait-il pas ? Aucontraire, c'e'tait parce 
qu'il s'y trouvait. Je viens de dire qu'il e'tait 
fort extraordinaire; il s' e'tait claquemure' dans 
sa demeure et s'y e'tait rendu tout à fait inabor- 
dable. J'obtins avec beaucoup de peine qu'on 
lui portât le nom de M. Le Sage; la magie du 
nom ope'ra sur-le-cliamp. L'affront fait à une 
calèche e'ie'gante , à une riche livrée , fut aussitôt 
reparé. Les portes s'ouvrirent, au grand étonne- 
ment, surtout de ceux qui les gardaient. Il y 
eut ordre à l'instant de tout montrer, de tout 
offrir. Nous avions apporte' de quoi faire uu 
petit repas champêtre ; mais il fut commande 
sur-le-champ un excellent dîner qu'il fallut 
accepter de gre' ou de force, et dans le beau 
salon en stuc. Tout cela e'tait fort de'sinte'ressé j 
car le bon vieillard e'tait retenu dans sa chambre 
par la goutte. Quand il me revit, sa joie fut 
extrême; c' e'tait pour lui le retour de l'enfant 
prodigue. Il voulut absolument voir ma compa- 
gnie et se fit traîner pour nous faire les honneurs 
du dessert. Mais ce qui nous ravissait par-dessu3 
tout , c'est qu'il ne doutait pas qu'il n'eût à faire 
à de petites bourgeoises; or, c'étaient vraiment 



S28 MÉMORIAL ( Mai m\ 

mon obscurité, je m'ctais tu entouré de la 
bienveillance de tousj ntion éléyation m'attira 
des ennemis directs , et . ce sentiment vague 
de jalousie et de malveillance qui marche sur 
les pas de la fortune. Les journaux , dans 
lesquels depuis long -temps on avait épuisé 
en quelque façon les expressions flatteuses et 
agréables en faveur de T Atlas historique , mon- 
trèrent alors quelques articles fort mauvais j 
et quand on remonta à la source, Técrivam 
avoua franchement que la différence des opi- . 
nions et de la situation politique en était U 
seule cause. 

« Il fut fait un rapport de l'Institut sur 
les ouvrages qui avaient paru depuis quel- 
ques années j l'Atlas y fut maltraité, 

ce Me trouvant un jour, par hasard et sous 
mon nom de Le Sage , avec l'auteur de ce rap- 
port, je lui témoignai ma peine. Il me con- 
fessa de bonne foi que l'ouvrage et l'auteur 
lui avaient été inconnus} que n'ayant pu faire 
tant de travail à lui seul, il T^ivait subdi- 
visé. L'article de Le Sage lui était revcQu plus 
mauvais encore qu'il n'avait paru, il l'avait 
fort adouci. >; Il m'a été aisé de voir, con; 



(Mai 1816) DE SAINTE-HELENE. »^2tt 

« tinua-t-îl , que vous avez des ennemis parmi 
« nous , et vous le devez à vos habitudes , à 
« votre situation. Vous vous êtes associé avec un 
tt M. le Comte de je ne sais qui , qui a des places 
ft à la Cour : les courtisans et les lettres ne 
« vont pas hïevL ensemble. Ces messieurs"* ne 
« sont pas des nôtres. On dit que vous met-* 
ff tez votre me'rite , et que lui fournit l'argent, 
« A quoi bon cela? Il fait sans doute des prdr 
« fits sur vous , ce M. le Comte ? Votre ou* 
ft vrage étant très-bon, votre libraire vous eût 
"«fait crédit. Du reste, je ne répète ici que 
t ce que j'ai entendu , et je vous parle dans 
« vos intérêts. Si vous désirez notre suffrage, 
a il faut vous rapprocher de nous, s'identi-* 
« fier avec nos doctrines, et laisser là les grands, 
ff Je répondis , avec le plus de ménagement 
possible, que je le remerciais, sans doute, mais 
que je ne pouvais suivre tout à fait cette mo^ 
ralej qu'il jugeait mal mon ami; que notre 
bourse, Tiotre existence étaient communes; 
notre union, notre intimité indissolubles; que 
nous nous étions promis de ne jamais nous 
séparer, de vivre et de mourir ensemble, et 
qu'il serait bien diflicile de nous y faire man- 



330 MEMORIAL ( Mai 1816 ) 

quer 1 c'était une yraie scène de eomëdie. A 
quelques temps de là je dînais chez un Prince; 
j'étais à ses côtes et tout chamarre. Inaper- 
çus mon membre de l'Institut au nombre des 
convives. L'étonnement et l'inquiétude étaient 
dans ses yeux} je lui adressai plusieurs foiêi 
la parole; il se penchait vers ses voisins, leur 
parlait tout bas; il prenait des renseignemens. 
Après le dîner il me joignit; et, prenant la 
chose avec beaucoup d'esprit, me pria^ disait- 
il, de le tirer d^embarras; qu'il se rappelait 
bieit d'avoir eu l'honneur de me voir chez 
lui ; mais qu'il ne comprenait pas le mauvais 
tour que je lui avais joue', ni la mystification 
complète à laquelle je m'étais plu. « Aucune, 
ic lui dis- je; tout ce que vous avez vu , tout 
« ce que je vous ai dit est re'el, seulement vous 
« vîtes alors M. Le Sage qui met sa science , et 
it vous voyez aujourd'hui M. le Comte, qui 
« fournit les fonds : voilà comme on fait les 
« histoires et comment se font les rapports. 

K Ce fut aussi quelque méprise de la sorte et 
tout aussi ridicule qui valut à M. Le Sage, dan» 
le fameux Nain Jaune , les honneurs de la gi- 
rouette , coioiiie géne'alogiste de l'ordre , sous 



(iw isifi) DE SAINTE-HÉLÈNE;, SBA 

le nom^ assez plaisant, du reste, de paruulus 
sapiens (Petit Le Sage). Cette fayeur, ai-je 
appris plus tard, était fondée sur la suppres-- 
sion qui avait ete faite, sous le Roi, de la 
généalogie de Votre Majesté, que j'éts^is sup-» 
posé faire descendre d'Ascagne et d'Enée. Il 
serait difficile de comprendre ce qu'on ayaili 
Toulu dire , n y ayant jamais eu rien dans 
r Atlas qui pût mettre, en quoi que ce ffit, 
de ptès ou de loin, sur pareille voie. Au de- 
meurant, dans ces diverses circonstances où TAt? 
las et son auteur se trouvèrent attaqués /une 
foule de partisans zélés et fervens vinrent, me 
demander sHl me serait agréable qu'ils le dé^ 
fendiss^ent. Je les suppliai instamment de n'en 
rien faire } il me semblait dangereux pour 
mon repos d'occuper le public de la sorte. 
Je riais moi-même des tours joués à M. Le 
Sage; mais il m'eût été pénible de les voir 
remonter peut-être par-là jusqu'à son homo- 
nyme* 

« Si l'Atlas du reste eut un succès si général 
et si étendu, c'est qu'il devait en être ainsi j 
cet ouvrage étant en effet de tout âge, de 
tous les pays, de tous les temps ^ de toutes les 



332 MÉMORIAL ( M.i i$dj 

opinions, d€ tmiles les classes , de toiites les 
instnietioni; C'était Tindicateur âe celui qui 
voulait apprendre-; les ressotiyenirs de telui qui 
avait su; lé guide pour Tecolier j le développe- 
ment pour le maître : il reunissait la chronolo- 
gie, l'histoire , la géographie y la politique y 
etc. y etc. 

« Quand on le comprend bieû et qu'on sait 
s'en servit , il est vrai de dire qu'il composé a 
lui seul une vraie bibliothèque : e'est le f^de 
Mecum du commençant , celui du maître, ce- 
lui du savant, celui de l'homme du lâonde. 

« Aussi eut-il un immense àébit\ et jamais 
Ouvrage littéraire, je crois, ne produisit autant. 
A son apparution, on eut k inscrire jusqu'à 
2 et 3 cents louis de souscription dans un jour. 
Tant que je suis demeurer chargé personnelle- 
ment de cet objet, j'ai dû compter les recettes 
pour un revenu de soixante à quatre-vingt mille 
francs att moins. Il m'avait créé une véritable 
fortune j je n'en ai pas d'autre; la révolution 
m'avait enlevé mon patrimoine , dont je n'avais 
pas dA m* occuper depuis , puisqu'il m'avait 
fallu faire serment d'y renoncer, pour pouvoir 
mettre le pied sur le territoire. 



(Mai î|ie) DE SAINTE-HELENE. 8S5 

. « Mon ourragé m'ayaît fait , dans^ la librairie , 
une réputation équivalente, au besoin, à un véri- 
table fonds. Des libraires sont yehus plus d'une 
Ibis m'offrir 2 cents, 9 trois cents louis pour 
approuver seiilement et né faire (jue mettre 
mon nom au ba$ d'ouvrage tout faits. Ils me 
quittaient bien étonnés de mon refus. J'appris 
parrlà que c'était l'habitude de la capitale, 
parmi les imprimeurs de livres. Dn auteur de 
célébrité peut en faire trafic y c'est une por- 
tion de sa fortune ; il l'a place à gros intérêts , 
sans aucune mise dehors j elle devient un afrti- 
ele essentiel de son budjet de recette. 

<( Il s'est déjà publié, en plusieurs éditions, de 
8 àiOmille exemplaires de l'Atlas, qui ont mis 
m circulation au-delà de 8 à^ 900 mille francs , 
peut-être plus d'un million, desquels SOO mille 
&ancs ont été réalisés quitte de frais, et sont en 
mes maius : ils composent ma fortune nette, ne 
possédant rien qui ne me soif venu de l'Atlas , 
et ne soit couché sur ses registres. ^50 mille 
francs demeuraient encore à mon départ en 
créances arriérées, bonnes ou mauvaises i ainsi 
que plus de 200 mille francs en valeur de 
livres choisis , qbtenue par des échanges , et 



33» MÉMORIAL {Maii8i«) 

qui , morcelëe par assortimens de mille ccus , et 
expédies aux pays lointains ^ me promettait avec 
le temps des rentrée» certaines. Malheureuse- 
ment au jour d'Ixui de tout ce brillant produit, 
je ne puis, je ne dois plus compter que sur ce 
que je tiens déjàj le reste est trop hasardé 
pour ne pas le considérer comme perdu. Per- 
sonne n'est au courant de mes affaires; je n'ai 
pas eu le temps d'en charger quelqu'un, les 
détails en sont trop nombreux , trop épars , 
trop diversifiés, pour en donner le fil d'ici. 
Les dettes arriérées vieillissent j les créanciers 
meurent, se déplacent et disparaissent j et pour 
les livres , il seront égarés , gaspillés , gâtés et 
perdus* 

« Quoi qu'il en soit, cet ouvrage avait été 
sur lé point de me faire une fortune bien autre- 
ment brillante encore. La tracasserie la plus in- 
juste m'en priva : les détails sont assez curieux 
pour que je les mentionne à Votre Majesté* 

<c Au commencement de 48^3, deux négo- 
cians, qui avaient découvert que j'étais l'auteur 
de l'Atlas historique de Le Sage , pénétrèrent 
»hez moi et me proposèrent, si je voulais leur 
en donner poui» deux millions, de m'en payer 



^ 



(Mai 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 885 

aussitôt le vingt pour cent, argçnt comptaut, 
et de me les transporter gratis à Londres , où 
ils seraient encore ma proprie'té et demeure- 
raient à ma disposition. J'ouvris de grands yeux, 
je ne pouvais comprendre, je craignais qu'on 
ne voulût me mystifier. Eux , de leur côté , cher- 
chaient à m'expliquer, et me disaient que c'é- 
tait la marche et le taux actuel des licences^ 
auxquelles ils voyaient hien que j'étais étran- 
ger. Toutefois il me resta assez de cette con- 
versation pour que je pusse m'éclairer entiè- 
ment ailleurs. En effet, j'appris que les bâii- 
mens de licence , pour aller à Londres chercher 
des denrées coloniales, ne pouvaient partir , de 
France sans une exportation égale en valeur 
nominale à l'importation qu'ils projetaient. Le^ 
livres étaient compris dans les objets d'expor- 
tation permise , et les négocians en.cherchaiei^t 
d'un transport léger et d'un pri\X très^haut , qui 
à peu de frais pussent leur donner, des^drpits 
à une importation considérable. 0;r, mon ou- 
j^rage semblait être précisément: calcul^ pour 
cette opération. Cependant avaht de Ventre- 
prendre, je fus auprès du dirpcteurr-générail des 
douanes et du président du comité d'exppita- 



n 



3M : MÊMORIAt '(>W ift*) 

tion, m'assurer que j'avais bien compris et que 
j'etai? en toute règle. Sur leur affirmatioui je 
me mis aussitôt au travail. J'accomplis une des 
belles opérations qui se puisse iniaginer; le 
temps pressait; on me prescrivait un term^ 
très-court. Une trentaine de planc}i.es in-folio 
furent distribuées au trente plus grandes pres-^ 
ses de Paris j et travaillèrent dès ce moment 
sans relâchef tout le papier vélin, d'une certaine 
forme, fut arrêté et s'accrut successivement de 
prix chaque jour, jusqu'au ^elk de 400 pour 
400, Ce fut un véritable mouvement dans 
toute l'imprimerie de la capitale , au point 
d'en inquiéter la police , jusqu'à ce qu'elle eût 
découvert et compris ce que ce pouvait être. 
J'employai à l'intant^^ directement ou indirec- 
tement, de 3 ^ ^ cents ouvriers. Au bout de 
vingt et un jours, je devais avoir mes 2 
millions d'Atlas, et recevoir mes UCO mille 
fi-ancs d'argent comptant. J'étais le seul dans le 
monde qui ei\t pu faire cette opération : un ha- 
sard unique faisait que j'avais imaginé dans le 
temps de garder mes planches toutes compo- 
sées , en faisant la très-grande dépense des ca- 
ractères. Je recueillais donc en ce moment le 



CMaîiSiô) DE SAINTE-HÉLÈNE; Sât 

fmit d'une industrie et d'une mise dé hovs de 
^€ ans.<]'e'tait un Vrai quine à Ja loterie ; la tête 
mû tourtiait d'une telle circonstance; mais je 
bâtissais sur le sable, et je devais expier cruelle- 
ment ces premiers instans d'illusion. 

« Le cynique M. de P .^ directeur-genëral 

de la librairie, mon camarade au Conseil d'Etat, 
s acharna à me nuiref , sans que j'en pusse deyi* 
ner la cause, Tout en m'assurant qu'il ne m'é- 
tait nullement défavorable, qu'il aiderait plutôt 
son collègue , il ne cessa d'écrire sous main et 
de pousser en avant, contre moi , les expeits li- 
braires, qu'il avait trouve' le moyen de faire 
nommer pour ces opérations. Je n'en pouvais 
douter, on me communiquait de confiance dans 
les bureaux ses lettres secrètes j et la délicatesse 
m'interdisait encore la satisfaction de pouvoir 
lui reprocher son indignité,- 

K II me fit objecter d'abord que mes feuilles 
ne pouvaient être admises, parce que la loi n'ad- 
mettait que les livres. Je demandai à cela si la 
loi n'admettait pas les ouvrages en feuilles j et, 
sur Taffirmalive , j'observai que mes feuilhs 
étaient un livre qui attendait sa reliure. Alors 
M. de P.. prononça que lafavcur accordée 



838 MEMORIAL ( Mai 1816 ) 

par l'Empereur, concernait les libraires et non 
pas les auteurs* Le ministre de Tinterieuri 
rhonnête M. de Montaliçet^ se révolta contre 
cette partialité', et fit taire M. de P.... .....Alors 

celui-ci prétendit qu'on avait de beaucoup accru 
le prix de mes feuilles. On lui prouva, par plus 
de deux cents annonces dans les journaux, 
depuis dix ans , qu'il avait été constamment le 
même. Alors il se» rabattit sur le prix intrin- 
sèque , et voulut prouver que ce que je vendais 
cent sous ne m'en coûtait que cinq ou six , et 
créa encore d'autyes difficultés aussi ridicules. 
Cependant le temps courait , les vaisseaux se 
remplissaient, les avantages offerts par les ar- 
mateurs diminuaient^ les évaluations arbitraires 
des comités arrivèrent, et moi, qui avais con- 
tinué mes opérations au milieja des difficultés, 
je dus me regarder comme très-heureux, à tra- 
vers mille inquiétudes , mille contrariétés, mille 
vrais chagrins, de ne pas me trouver ruiné, de 
retirer mes frais, qui avaient été au-delà de 80 
mille francs. » 

«r Mais c'est à peine croyable, disait l'Empe- 
« reur, comment cela a-t-il pu se passer ainsi? 
« Votre opération eût été dans mes goûts ; elle 



( Mai iôi6 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 839 

* vous eût avancé dans mon esprit, elle m'eût 
« plu; l'activitë, l'organisation de vos détails 
« m'eussent frappée Rien , d'ailleurs , ne me 
« faisait plus de plaisir que de faire gagner lé- 
« gitimement de l'argent à ceux qui étaient 
« autour de moi. Que n'êtes-vous venu me trou- 

« ver^que ne m'avez-vous amené P ,vous 

«eussiez vu comme je l'eusse mené. — Sire, 
« ai-je répondu , j'étais bien loin dé le voir 
n ainsi , les momens étaient, critiques , votre 
•f temps était précieux ; comment aurais-je pu 
« prétendre à me faire écouter , à me faire cotn- 
« prendre de Votre Majesté, dans une affaire 
« aussi compliquée et aussi délicate ? Comment 
« lui expliquer que cet ouvrage , qui n'était pas 
«sous mon nom, était le mien? Comment oser 
fc vous présenter quelqu'un si voisin de Votre 
« Majesté, mêlé avec des licences, des vingt 
« pour cent, des millions de librairie? Je me 
cf sentais si peu connu de Votre Majesté, que je 
« frémissais au contraire qu'il vous en arrivât 
<( quelque chose. Aussi je me donnai beaucoup 
•r de mouvement; mais je fis le moins de bruit 
K possible , et je me résignai à tout souffrir. 
« Vous eûtes grand tort, disait l'Ëmperéur , 



Sm MÉMORIAL ( H» 1816) 

« TOUS avez été très^maladroit ayec moi, et peut- 
tc être arec P....M..*, je ne saurais expliquer 
ic autrement un. acharnement §i peu natu-^ 
« rel, etc., etc. • 

Jeudi i6. 

tVisite da Gonvernear* — • Conrers^Uon chaude ayec 

l'Ëmperear* 

La brèche était décidée entre nous et le Gou^ 
vetneur,. depuis ce que Ton m*a vu appeler 
plus haut sa première méchanceté, sa première 
injure et sa première brutalité. L'eloig,nemeQt, 
la mésintelligence et Taigreur mutuelle allaient 
toujours croissant } nous étions fort mal dis- 
posés les uns et les autres. 

Il s'est présenté sur les trois heures j suivi de 
son secrétaire militaire ; il désirait voir l'Empe* ' 
reur pour lui parler d'affaires. L'Empereur se 
portait assez mal ; il n'était point habillé ; toute- 
fois il m'a dit qu'il le recevrait sa toilette faite. 
En effet 9 peu d'instans après il est passé dans son 
salon y et j'ai introduit sir Hudson Lowe. 

Demeuré dans le salon d'attente avec le 
secrétaire militaire , j'ai pu entendre y par le son 
de la voix de l'Emperiéttr, qu'il s'animait, et^ 



(ttit t8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE; 31H 

que la scène était cikaude. L'audience a été fort 
longue et très- orageuse. Le. Gouverneur congé-* 
die 7 j'ai couru au jardin , où ^Empereur me 
faisait demander. Depuis deux jours il n'était 
pas bien : ceci a achevé de le bouleverser» 
«e Eh bien I m'a-t - il dit en m'ai^ercevant , la 
« crise a été forte, je me suis fâché, mon cher \ 
« on m'a envoyé plus qu'un geôlier I Sir Lowe 
« est un bourreau ! Quoiqu'il en soit , je l'ai 
^ reçu aujourd'hui avec ma figure d'ouragan )» 
tt la tête penchée et l'oreille en avant. Nous 
« nous sommés considérés comme deux béliers 
« qui allaient s'encorner; et mon émotion doit 
« avoir été bien forte j car j'ai seiiti la vibration 
« de mon mollet gauche. C'est un grand signe 
ff chez moi , et cela ne m'était pas arrivé depuis 
« long-temps. » 

Le Gouverneur avait abordé l'Empereur avec 
embarras et en phrases coupées. Il était arrivé 
des pièces de bois, disait-il ...... Les journaux 

devaient le lui avoir appris , à lui Napoléon...** 
C'était une babitatioi(i pour lui.... Il serait bien 

aise^de savoir ce qu'il en pensait..^.,», etc. , etc. 
A quoi l'Empereur a répondu par Iç silence et 
fm geste tvj^ - significatif. Puis passant rapide- 



8Ji2 MÉMORIAL (Mai iSi6) 

ment à d'autres objets , il lui a dit avec chaleur 
qu'il ne lui demandait rien, qu'il n'en voulait 
rien, que seulement il le priait de le laisser 
tranquille; que tout en se plaignant de l'Ami* 
rai, il lui avait constamment reconnu un cœur; 
qu'au milieu^e ses contrariétés, il l'avait pour- 
tant reçu toujours en parfaite confiance ; qu'il 
n'en était plus de même aujourd'hui; que depuis 
un mois qu'il était en d'autres mains , il avait 
été plus agacé que durant les six autres mois 
qu'il avait été daTts l'ile. 

Le Gouverneur ayant répondu qu'il n'était 
pas venu pour recevoir des leçons. « Ce n'est 
(c pourtant pas faute que vous en ajqz besoin, 
<c a repris l'Empereur. Vous avez dit, Mon- 
K sieur, que. vos instructions étaient bien plus 
« terribles que celles de l'Amiral. Sont-elles 
«c de me faire mourir par Iç fer ou par le poi- 
« . son ? Je m'attends à tout de la part de vos 
« ministres; mç. voilà, exécutez votre victime l 
<t J'ignore comment vous vous^y prendrez pour 
<c le poison; mais quantàm'iimiibler par le fer/ 
« vous en avez déjà trouvé le moyen. S'il vous 
m arrive , ainsi que vous m'en avez fait mena- 
m cc>, de violer moû intérieur^ je. vous préviens 



(Mai 1816 j DE SAINTE-HÉLÈNE. 33^3 

«e que le brave fiS^ n'y entrera que sur mon 
te cadavre. 

« En apprenant votre arrive'e, je me félici* 
ft tais de trouver un ge'ne'ral de terre , * qui , 
«c ayant e'té sur le continent et dans les grandes 
« affaires , aurait su employer des mesures con- 
« yenables vis-à-vis de îaoij je me trompais 
« grossièrement, » Le Gouverneur ayant dit 
qu'il était militaire dans l'intérêt et lesformes de 
sa nation. L'Empereur a repris : « Votre na- 
« tion, votre gouvernement, vous même, serex 
« couverts d'opprobre à mon sujet j vos enfans 
a le partageront; ainsi le voudra la poste'* 
•e rite'. Fut-il jamais de barbarie plus raiffmee 
K que la vôtre ,♦ Monsieur , lorsqu'il y a peu de 
w jours vous m'avez invite' à votre table sous 
« la qualification de général Bonaparte^ pour 
«c me rendre la rise'e ou l'amusement de vos 
« convives? Auriez-vous mesure' votre consi- 
« dération au titre qu'il vous plaisait de 
te me donner ? Je ne suis point pour vous le 
« général Bonaparte; il ne vous appartient pas 
ce non plus qu'a personne sur la terre, de m'ô-» 
ic ter les qualifications qui sont les miennes. Si 
« lady Loudon eût été dans mon enceinte ^ 



n 



8»» MÉMORIAL (Mai im) 

m j'eusse été la voir sans douté , parce que je 
« ne compte point avec une femme; mais j'eusse 
« cm l'honorer beaucoup. Vou^ avez offert, 
« m'a-t-on dit, des officiers de votre ëtat-ma- 
« jor , pour m'accompagner dans l'île , au lieu 
« du simple officier établi dans Longwood. 
« Monsieur, quand des soldats ont reçu le bap- 
cc tême du feu dans les batailles , ils sont tous 
« les mêmes à mes yeux; leur couleur nest 
ce point ici ce qui m'importune; mais Tobli- 
« gation de les voir , quand ce serait une re- 
« connaissance tacite du point que je conteste. 
« Je ne suis point prisonnier de guerre; je ne 
« dois donc point me soumettre aux règles qui 
« en sont la suite. Je ne suis dans vos mains 
« que par le plus horrible abus de confiance , 
« etc. , etc. » 

J-ie Gouverneur, au moment de sortir, ajant 
demandé à l'Empereur de lui présenter son 
secrétaire militaire; l'Empereur a répondu que 
c'était fort inutile, que si cet officier avait 
l'ame délicaîe, il devait s'en soucier fort peu; 
que pour lui il le sentait de la sorte. Qu'il 
ne pouvait d'ailleurs exister aucun rapport 
de société entre les geôliers et les prisonniers; 



(Mai 1&16) DE SAINTE-HÉLÈNE. U$ 

que c'était donc parfaitement inutile* U .a^ co^ 
gédié le Gpuvernçur. « : , 

Le Grand-Mareclial ^est venu :nqa8 }oindi*f(| 
il arrivait dç chez lui, ou le Gouverneur : ptai| 
descendu avant ^t après s^: visite à rSippe* 
reur. If a rendu un compte détaille de. cet 

deux visites. r 

• . ^ . , . , ... 

En repassant , le Çrouyerneur avait montré 
une extrême mauvaise kumeui* ^ et s'était plaint 
fortement de celle de TEinper^^ur. Ne^ Veu 
fiant point a son propre esprit , 11, avait ça 
recours à celui de l'abbé de Fa'CMlt , idçnt Tou- 
vragé nous, était psésçnt .à 4ousf 4jit ce momçpiÇ^ 
II; avait dit :.«:Q»^ Pfs^yoJéo^ ne s'était pa& 
CG^t^nté de 's<? qré^r un^iFi^^c^. isiiagifiaire,^ 
uniB Espagne i«fi2(ginaiçfB ,j u«<^ ?plf gf^o; Wgih 
nairej mais qu'il :yqitlaifc.«wpo^fi,Sç. créer ^uw^ç? 
Ste^Hélènc imfigi^aire^ ».JEjt IfEmn^rçfirn'a 
pu s'empêcher d'en rire. / . ; . . 

Nous avons alors fait /notre tpi^r de calècbe. 
Au retour, TEmperpur s'est ; mis au bain.. U 
m'a fait appeler j a dit qu'il ne dînerait qu'à, 
Ujeuf heures, et m'a retenu.. j|l est beaucoup 
revenu sur la scène du jour , $UÇ; les abomina* 

blés traitemens dont il çst l'objet, sur la Ixa'^e 

3: 22- ■"■. ■ 



àttèdè 4ui l^s tfoMitihiidè^ là brUtaUte qui l6é 
exécute. Et après queiqûies ihi^tàlis de silence 
ÏEft âk iùMiikvknij il Iti est ëdiappë ce qu'il 
^e dit SdûTènt c « Mdn cher, Hs tnfe tueront 
•ic ici! e'cSt eertàiùl. ( quelle horrible prophè- 
te tle h....,) » ' 

Il m'a renvoyé' à dix heures et demie. 

^Vendredi 17. 

J'ai été fl>« malade toute la^huitj TEm- 
pëtéii^ à déjeâné d^m le )Urdift; il m'y a fait 
a^jpelélrj il étéik Itii-mènie trktè et abattu; 
il fté 5ë pbrfeit pas bi^ii d?u tout. Après le 
dëjeuiibr uoû^' ^ità^ prôai^ié long-temps dans 
le jardin; il ilè d^s^t'mdt. La chaleur Ta forée 
dte Teht^r téri ii«è' héaté. Il regrettait vire- 
MM de h'atdit peint d'ctobrag^. 

VWiJ quatre h^fes il a ètitt^yé saVôir si 
j'e'tais toujours malade j il Irevtenait tie la priôn 
mehfàAte éli èâlèthfe, 6ù je n'avais pu le sui- 
^*e. J*âi ptt)Aené avec ix\ï et le érrattd-Maté- 
ëhàl jùîjqu'à cmq héitres et demie. 11 conti- 
ùualt d'être triste, indiff^ènt , distrait; il a 
fait raconter à Bertrand son stÇjonf à Gons- 
tantinoplc eu 4t9ô, son voyage â Athènes et 



(tidi t%îi) DE SAINTE-HÉLÈNE. S»T 

son retoul" au travers de'TAilbmie. U «ëtait 
beancimp qiielstîon de Sélîm XXI^ ^ sl^s amé^ 
UDrations , ^ù %aroa de Tott , ^te^ > <etGk Tout 
eela était idrt burieûx^ malUèiureiiselnêDt je 
me tï!Ouve «daiiB imcm nàamiscrit que de ^«m«^ 
fies iftdicaiteirs ^e tna m^moia^e m i8aurai% 
m'aidw .à idé^lopper aajotti?d'hiîi. ^ 

.Après dînèr l'ËqapcBreur^ ipii avait à ^potiift 
mapgé., a essayé de nous lire dans .Amlohikr^ 
si# lu sentie de l'acàd^aid. Sob ^^eeUt et 
toate isa pedPS^mi^e n avaient 14 ù force .ni .la 
feu ordiaaire^ Gimtre sa coutume il ft ftfii 
sans analjrse^ sans observatiLjw. Il s'!e9t relire 
auaaîtot quîe le tsliapître a été feemlioe* , 

Samedi i8. 

I 

* 

M*"* la maréchale iLeCàvre* 

sL'finj^ereur a t^ontisiiie d'étre< souffrant An 
tetcmr d'une promteaiade en caifèchte , il Vést 
aJB au bàinf il m'y a appeler U y est de^ 
veuLU gai } nouis savons cause a^ec ^lajplos g^atfde 
Vibktté j«»|n'àiiuiî;: kto t'es et ' demie. H f a ; voulu 
dtaer dans eoUfcàbinet, «t JMi'ia tetenu^iLé ]«ili^ 
le tête^-à-tète 9 Telegance du serrîsee;, ia pii)<* 
pitfté de la UUie >i^ licniaîtnt;. disais - je , 



1 



à»8 MÉMORIAL . (Maî.sis) 

ridée d'uac politc ^ bonne fortune; il en a ri. 
Il m'a beaùceiip questionné et fait causer sur 
Londres, mon émigration, nos Princes, rÉvê- 
que d'Amrasj il revenait lui-même sur les 
priflcipales -époques de son consulat ^ il en 
donnait des détails et des anecdotes bien cv- 
lieuses ; de. là nous sommes passés à l'aRcienûe 
GoQiT; Â la nouvelle ) etciv etc. Beaucoup de ' 
ces choses ^ne-seraitent que' des répétitions; je 
eirois'les avoir cléjà mentionnées ailleurs. D'au- 
Itei^'qttii^^bnt quUndiqttées danà mon ina- 
nuscrit^ demeurent désormais perdues. 

Voici seulement ce que je transcris comme 
nouveau. Je nie suis/trçuvé égayer l'Empereur 
avec les anecdotes et^ les coqs-à-Fâne prêtes 
gratuitement, nul doute, à M™« la maréchale 
Lefèvre, qui, pendant long- temps, a joui du 
privilège. de. faire lès gorges chaudes dé *nos 
salons et même des Tuileries. «^ Je m'en étais 
a domié, diJsais-je, Ijout comme* un autre^ jus- 
« qu'à ce qu'iin jour je. me l'interdis à jamais 
9 en apprenant un Irait d^èliJe qui prouvait Te- 
fc lévation :dt!t^es sentitaiçiKS'âdtantr^que la honte 
ic de son cteur. . "'♦ ''•'•"''!"/! ,• *ij .;"i . 

•t M**** Lefèvre , femme d'uu/soldat aux gardes» 



(Mm .8.»(|-) DE SAINTE-HÉLiïffi;. 3tt9 

« et p^r cpnséijuentd'un etat^V^v^^^DAntii, cour. 
« rait elle-même gaîmeivt , et: yolaptieiis ^. au^ 
a devant de ces sou venirs , et mémQ4^ ses oçcu-, 
« pations manuelles de cette epoqpuî. - EUe , et 
« sou mari se trouvaient dans c^ temps avpit. 
« donne des soins domesticjues à lou: capitaine. 
«( (le mar<j<iis de Val^idy) , parrain de leur en-^, 
ce faut et fameux, dans la de'fection des gardes > 
« non moins fameux encore dans, son .fanatisme, 
« de republique et de liberté , qui ne lé privsiiti 
^ pourtant pas de certains sentimens généreux i, 
« car, membre de. la convention/ il a përi pour, 
« s'être oppose' à* l'exécution de Loui$ XVI „ 
« qualifiant hautemeQt cet acte de . véritable^ 
« meurtre , ajoutant , de la meilleure foi da 
« monde 9 qu'il était déjà, assez malheureuiL d'àr^ 
« voir été Roi, pour qu'on songeât à lui infliger 
« d'autre cbâtiment. 

« La veuve de ce député, au retour de son 
« émigration, reçut tout aussitôt les offres <et 
« les soins les plus touchans du ménage, Lefè- 
« vre , parvenu alors à un baut degré de splen- 
« deur.et de crédit. 

« Un jour M"* Lefèvre accourut chez elle ^ 
^ et dans son langage usité ; « Mais savez-vous y^ 

\ 



« lui «l(t-elte , ^e tous n*ètes pas bons , et qte 

I 

à voi» avet iitn pèu^ èe cœav entre yoas antres 
« gens ct5nmi€r il fànt. Wons, tont lêtemenf sol- 
i dat^r, nôtrti len agissons mîenx. On vient dé 
« nous aj^prendiip (jtic Iff. nn tel , nn dé nt)S 

» anciens ofliciers et le camarade dfe votre mari , 

... 

« tien* d'àrrirw dfe son ântgration:, et qn'on lé 
n htisÊd: ici monrir de Ikim; ce serait grande 
èhotïtel.... Nons craindrions , nons antres, dé 
* Pofïbnscr si nons venions à son secours; mais 
« vons, c^est antre chose y vans* ne pouvcx que 
•f itiî feirt plairir, Pbrtez-lnî donc cela de votre 
m jmrt . » Et elle ïui jeta nn ronlean de cent leurs , 
«p ou mille écus. Sire, depuis ce temps, disais* 
^ je^je n'ai plus en envie de me moq^ner de 
« M°*^ Lefêvre ; je rfai pins senti pour elle 
«' (jû'une vénération profonde ; je tn^erapressais 
« de lui donner la main aux Tuileries, et je me 
« trouvais fier de la promener dans vos salons , 
« en dépit de tous lés quolibets que j^entendais 
^ bourdonner autour de moi. » 

Nous âvoï» parcouru alors un grand nombra 
de rapports de bienveillances exercées par tes 
nouveaux parvenus en feveur des anctiens ruine's, 
et cité beauco^up de traits à Tavenantj entre 



(liai i8i4) DE SAEïTErHiUiÈNE. ^ 

autre la, galanterie irecWrchéfi , pwt-4tr$, .4» 
celui qui, 4e simple soldat p^yenu .^^ gmdc 
de maréchal cm 4e ha^t gf ner^l , )e ne n^ f au-^ 

^ex^ plus, se jprpcuF? ^^ j^url^ snUsfaçtiQii ^ 
4ws sa ^pleBdwr nouY^Ue, 4e réunir en dîne»* 
de famille son ancien eolonelf H quatre ou cinq^ 
ofi^Giefs 4n ré^ivmnti qu'il Imta, revêtu de $on. 
^^ijLqf]0^i^ priîftitif^. et n^emplojîaut vis-^è-t^isi 
dVm^ q^e les in}ên^es (|u^iAcatippiiF 4«nt il ji*e%^ 
tait servi autrefois. 

«• ♦ • F - i ^ 

« Et Toilà pourtant, observait l'Empereur^ 
« la vraie manière déteindre la fureur des 
« twpç; car 4^ paFpils prQçëjiçs àqivç»^ P^-i 
« j66ssaireme&torë^degraiicbëcliangeadel>iei»- 
* veillances re'ciprotjues entre les parties oppc-» 
« sees , et il est à croire que dans les derniers 
« temps les oblige's auront oblige à leur tour^ 
« ne fut-ce que pour demeurer guîttes, » 

Ce mot de quittes me rappelle un trait carac- 
téristique dé l'Empereur; qui doit trouver ici'- 
sa place. - ^ 

Un gc'neral, dans son département, s'ëfait* 

» ' * 

rendu coupable d'excès, qui, portes devant leà- 

tribunaui: , devaient lui douter Fhonneur , pêwt-' 

être la vie. Or , jEe gién^râl avait vendu: les ph» 



958 MËMORIÀt {miM) 

grjands serri^^s à Napoléon dans lu journée de 
l>niili^ite« Il mande le gênerai , et après lui 
avoir reproché ses infamies. « Toutefois/ lui 
A dit-il, vous m'avËz obligé, je ne Tai point 
« Oublié. Je vais peut-être outrepasser les lois, 
« et mancpier à itoes devoirs. Je vous fais grâce , 
« Monsieur, allez vous-en; mais sachez qu'à 
» compter d'aujourd'hui nous sommes quittes. 
m Desoimais teuex-vous bien , j'aurai les yeux 
« 5iir VOUÉS. j> 

Dimanche 19, 

Le Gonternear de Java. -— Le docteur Warden* »-^ 
<ioaveriatton familière de VEmperear. sur sa famille* 

m 

Le docteur Warden est venu, déjeûner avec 
moi. Pendant le déjeuner est arrivé le gouver- 
neur de Java^Raffles) , avec son état-major , re- 
tournant en Europe. Il connaissait fort tous les 
Hollandais que j'avais vus en iSIOj lors de ma 
iuissiou à Amsterdam. L'Empereur m'a dit qu'il 

le recevrait pe^t-être de trois à quatre heures. 
J'ai causé plusieurs heures en attendant avec le 

docteur Warden, auquel J!ai donné des éclair- 

oisdemens sur des faits historiques concernant 



( Mai 18.6) DE SAINTE- HÉLÈNE. 3 53 

TEmperenr, et sur lesquels il me semble vou- 
loir écrire*. 

Sur les trois heures , l'Empereur a reçu dans 
lé jardin les. Anglais venant de Java. Il a fait 
en suite un tour en calèche. 

En rentrant sur les six heures, il m'a faillie 
suivre dans soîi cabinet^ il a fait appeler le 
Grand-Maréchal et sa femme ^ et s'est mis à 
causjer familièreinent jusqu'à diner, parcou- 
rant mille objets de sa famille et de son plus 
petit intérieur au temps de sa puissance. Il s'est 
arrêté surtout sur l'Impératrice Joséphine* Ils 
avaient fait ensemble , disait - il, un ménage 
tout à fait bourgeois-^ c'est à dire fort tendre 
et très-uni, n'ayant eu long-temps qu'une même 
chambre et qu'un même lit. « Circonstances 
«r très-morales, disait l'Empereur, qui influe 
« singulièrement sur un ménage , assure le 
•c crédit de la femme, la dépendance du mari, 
€c maintient l'intimité et les bonnes . moeurs^ 



''' J ai TU âTCC regret , dans ToaTrage da docteur, qu'il 
avait tout à fait néglige les observations et les redresse- 
mens que je m'étais permis; et surtout étrangement 
défiguré les communications que je m'étais plu à lui 
donner. 



351 MÉMORIAL (lUiit»} 

K On ne se pçrd point de vue , en quelque 
«c sorte , continuait-il , quand ou passe la nuit 
« ensept^hW i autremetit ou devieut bientôt 
a ^tran^ers. Aussi , tant que dura cette liftM*^ 
ce tude, aucune pensée , aucune actions n'ëchap- 
cc pait à Joséphine. Elle suiyait, saisissait, de- 
cf yinait tout; ce qui Jiarfois n'était pas sans 
« quelque gène pour moi et les affaires. Uu 
« moment d'humeur y mit fin lors du cam|^ de 
<i Boulogne. >j Certaines circonstai^oes politiques 
arrivëes de Yien^ie , la nouvelle de la coalition 
qui éclata en 4805, avaient occupé le Premier 
Consul tout le jour, et prolongèrent son travail 
fort avant dans la nuit. Revenant se coucher fort 
mal dispose , on lui fît une vëritahle seene de 
ee retard. La jalousie en était la cause ou le 
prétexte. Il se fâcha à son tour , sVvada , et 
ne voulut plus entendre à reprendre sou assu- 
jétissement. Toute la crainte de TEmpereur ^ 
disait-il , avait été que Miarier-Louise n'en eût 
exigé un pareil; car enfin ^ il l'eut bien fallu. 
C'est le véritable apanage , le vrai droit 
d*une femme, ohservait-il. 
. « Un fils dç Joséphiuç m'eijit été nécessaire^ 
fc et m! eût rendu heureux, continuait TEiape- 



{(Mm Mt) DE SAINTE-HÉLÈNE. 555; 

» reur, noti^senlementcomme résultat politique/ 
« mais encore comme douceur domestiipie. 

«r Comme résultat politique , je' êen^s encore 
« sur le trône j car les Français s'j> serai^it at- 
« taches comme au Roi de Rome, et je n^aurais 
« pas mis le pied sur l\ibyme couvert de 
m fie ar& qui m*a perdu. Et qu^on inédite après 

• sur 1% sagesse des. combinàisofis kumain^s !* 
« Qu*o» ose prononcer avant la fei sur ce qui 
« est heureux ou malheureux îcî has î 

« Comme douceur domestique , ce gage eût 
<r fait tenir Joséphine tranquille, et eÂt mis fiu 

♦ i une jalousie qui ne me laissait pas de rc- 
« pos } et celte jalousie se rattachait Bien plus 
« à la politique qu'au sentiment. Joséphine 
«f prévoyait l'avenir, et sWfrayait de sa sté- 
« rililé. Elle sentait bien qn^tn mariage n*est 

• 

ir complet et réel qu*aTec des enfans; or elle 
a s'était mariée ne pouvant plus en donner. 
« A mesure que sa fortune s*c1evait, ses in- 
« quiétudes s'accrurent; elle eïnploya <ous les 
« secours de la médecine ; elle feignit souvent 
te d'en avoir bhtenu du succès. Quand elle dut 
« enfin renoncer à tout espoir, elle mit sour 
« vont son mari sur la voie d'une grande su- 



356 MÉMORIAL (Mai iM) 

« percherie politique ; elle finit même par oser 
^ la lui proposer directement. 

«c Joséphine avait k l'excès le goût du luxe ; 
« lé* désordre , l'abandon de la dépense , na- 
ît turels aux créoles. Il était impossible de 
« jamais fixer ses comptes; elle devait tou- 
« jours : aussi c'e'tait constamment de grandes 
a querelles quand le moment de payer ses 
« dettes arrivait. On Ta vue souvent alors en- 
« voyèr chez ses marchands leur dire de n'en 
« déclarer que la moitié'. Il n'est pas jusqu'à 
« rile d'Elbe où des mémoires de Joséphine 
« ne soient venu fondre sur moi, de toutes 
« les parties de Tltalie. » 

Quelqu'un, qui avait connu l'impératrice 
Joséphine à la Martinique , a répète' à l'Empe- 
reur beaucoup de particularités de sa jeunesse 
et de sa famille. Il est très- vrai qu'on lui avait 
pre'dit plusieurs fois, dan^ son enfance, qu'elle 
porterait une couronne. Et une autre circons- 
tance , non moins remarquable ni moins bizarre, 
serait que la sainte-ampoule^ qui servait a sa-». 
crpr nos Rois, eût e'te' brisée, ainsi que quel- 
ques-uns l'ont pre' tendu, preçise'ment par son 
premier mari , le gënëial Beauharnais , qui , 



(M.Î »8,«) DE SiAINTE-HËLENE. S5T 

dans uu monieut ^e défaveur populaire , aurait 
espe're' , par cet acte , se remettre en crédit. 

On a dit , on a écrit mille bruits absurdes sur 
Je mariage de Napole'on et de Joséphine. On 
trouTcra dans les campagnes d'Italie la véritable 
et première cause de leur connaissance et de 
leur union. C'est par Eugène, encore enfant, 
qu'elle se fit. Après vendémiaire il. alla dem^Ln- 
der r^»ée de son père au général en chef de 
TaWnée de l'intérieur ( le général Bonaparte ) , 
Taide-de^oamp Lemàrrois introduisit ce jeune 
enfant, qui, en revoyant Tépée de son père, se^ 
mit à pleurer. Le général en chef fût touché de 
ce sentiment, et le combla de caresses. Sur le 
récit d'Eugène à sa mère, touchant les manières 
du jeune général, elle accourut lui faire visite. 
« On sait, disait TEmpereur, qu'elle croyait 
« aux pressehtiniens, aux sorciers j on liii avait 
« prédit dans son enfance qu'elle ferait une 
« grande fortune, qu'elle serait souveraine. On 
« connaît d'ailleurs toute sa finesse ; aussi 
« me répétait-elle souvent depuis , qu'aux 
«, premiers récits d'Eugène, le coeur lui avait 
«. bs^ttu, et qu'elle avait entrevu dès cet ins- 



6S8 MÉMORIAL (lu iM) 

ce taiït tihe luexit de :$a destinée; faceoinj^Usse- 

« ment des prédictions ^ëlc, etc. 

a Une autte tiuîittw caTactdriiHcjtie de Jdse- 
ce pliinié, continuait TEmpcreur , ftail sa conS'*' 
« tante déùégation. Dans quelque montent que 
<t ce fût, quelque question ique je lui fisse , îson 
« premier mouvemetit tEÎt^it la négîaitWc , sa 
€ première parole ntmf et ce nit^^^i^t TËuh 
û pereur > n'était pas.préoisemeiKt vùik mensonge) 
« c'était une précaution y une simplb deféBéiye; 
m et c'est ce qui nous d^istingte -éttinenmietitt 
<c disait-il) à M""* Berliraad^ de vous attitrost 
« Mesdames, ce qui a' est au fond ent^re nous 
« que différence de sexe et d'éducation : vous 
ce aimez, etronvous.apprendÀ'direizajv.NouSy 
ce au contraire, nous faisons gloire de dire que 
(c nous aimcms^ mêine quand cela .n'e$t pas. De 
tf là toute la clef de nos conduites si différentes; 
K Nous ne sommes yraiment pas, nous ne sau*. 
ce rions être de même espèce dans la vie. 

<c Lors de la terreur, 5osephine étant en 
ce prison, son mari mort sur techafaud, Eugène 
ce soli fils' avait été tnrs tliéz un menuisier , et y 
u fut Ktte'ràlètnetit eh^pprenti«àge«t eu sèrtioe, 
ee Hûttcnsc ne fut guère mieux ; iéile fflt mise, 



t 



(W i«i6;} DE SÀmTË-HËLÈNE, ^59 

-• fil )û ne ttké trompée , dhet une ouvrière en 
€ linge, à» 

Ce fut Fouche' qui le premier toucha la corde 
fatale du divorce; il fut, sans mission, conseiller 
à Joséphine de dissoudre son mariage, pour 1« 
hipen de la France* Le tnovacnt pourtant n'était 
^aà énôoré arrivé pour Napoléon. Cette démar- 
j^he causa beaucoup de chagrin et de trouble 
dans le ménage^ eUe irrita fort l'Empereur } et 
Vil h<e chaâsa pas alorâ Foiiché, à la vive solli- 
citation de Joséphine , c'^est qu'au fait il avait 
déji<s6bràtement &rrèté ce divdrce en luindoèËié, 
H qu*il né voulut pas , par ce châtiment, donner 
un contre-coup à l'opinion. 

Toutefois, ildoit à la ju^liieé dé dhre que Aès; 
qu'il le voulut, jToséphine obéit. Ce fut pour 
elle une peme moj:telle i mais elle se Mumît et 
ie bonne foi > sans vouloir iheittie à profit de* 
tracasseries inutiles qu^elle eut pu essayer de 
Ï3iire valoir "^^ Elle sç conduisit avec beaucoup 



* Je tiens de la bpache da prince PriÀat des.dëtasls 
curieux «nr le mariage.et le divorce» fiS^^ de Bca«harimis 
fut mariée an général Bonaparte, par un prêtre iaser^« 
nienté; mais qui avait îitfgtigé, par pur accident, l'auto- 
fîiatioQ obligée du curé de la paroisse. Ce défaut de for- 



"^ 



360 ME;^0HIAL c^ai 1816) 

j4e grâce et d'adresse 5 elle désira que. le Vice- 
Roi fût mis à la tête de cette affaire, et fit elle- 



malité , oa tout aotre , occupa fort depuis la cardinal 
Fescb, et soit scrupule 9 ou autrement, il fit si bien, 
qu'il viat à bout, au moment du couronnemjeot , de per- 
suader aux deux époux de se laisser marier par lui, à 
buis clos, autant que de besoin* Lors du divorce, la sëpa* 
ration civile fut prononct^e par le Sénat. Quant à la sé- 
pc^ratipn religieuse,; ofi.ue voulait, pas s'adresser au Pape, 
et on eu n'eut pas besoin^ Le cardinal Fescb ayant refait 
le mariage*, sans témoins^ l'officialité de Paris l'anooUa 
pour ce défaut , et déclara qu'il n'y avait pas ea de ma- 
riage^ A ce jugement, l^mpér^UrifOe JosépbiiiQ -fit appe* 
1er le cardinal Fescb à la Malmaison, et lui demanda 
s'il oserait attester et signer par écrit qu'elle avait été 
mariée , et bien mariée. «' Sans dbdte,' répondit le car- 
ie djnal Fesab , ^e lesoqiitifîuIrbil^rt^At'? M je v^b vous 
« en signer le témoignage. » Ce qu'il fit en effet. 

« Mais, disais-je alors au prince Primat, quel juge- 
« ment a donc porté l'officialitédè Paris ? — Celui de 
c la vérité, répondait le prince :•— Maii^que^ veut dire 
« alors la déclaration di^ cardinal Fescb? Serait-elle 
« donc fausse ? -^ Pas dans son opinion , disait-il, parce 
« qu^l a adopté les ^doctrines ul tra montai aes, par les- 
«e quelles les cardinaux prétendent avoir le droit de 
« marier sans témoins^ ce qui n'est pas reconnu en 
« France, et frappe de nullité. » 

Toutefois il semble que rimpératrîce Joséphine ne 
demanda cet écrit que pour sa pro^ire satisfaction , et 
n'en fît pas autre ment usage* / 



{Mû isiê) DE SAINTË-HELÊNE; ^ S6i 

méôi^, à cet égard , des offres de serrice à la 

maison d'Autriche* 

Joséphine eût tU Volontiers Marie-Louise) 

elle en paflait s^ôuvent et avec beaucoup d'iti* 

tërêt, ainsi que du rôi de Rome : quant à 

Marie^Louise , elle traitait à merveille Eugène 

et Hortensej maid elle tnbiitrait une gratide 

rëpugir^iice pour Joséphine, et surtout u&e 

vive jalousie» «Je Voulus la mener un jour 

tr à la Matmaison , di sait l'Empereur; mais sur 

« cette proposition , elle se mit i £>ndrè en 

tt larmes. Elle ne m^empichait pas d'y aller; 

« me disait'-elle^ se contétitatit de be vouloir 

tt pas le savoir» Touteft)!^ dès cfu'elle en sus^ 

«~ pectait Tiiiteiitiou y il «"éint pas de ruse qu'elle 

le r/empleyâl pôui* me gêttef là-dessus* Elle he 

•f me quittait plus j et comme ces visite» isem- 

«tWaient lui fkire beaucoup de peiné, je me 

« fis violence , et ne fiià presque jamais à la 

« Malmkisoîi. Quand il în'arrivaît d'y aller, 

«c'était alors d'autres larmes de ce côtë^ c'é- 

« tait des tracasseries de toute espèce^ Jose- 

tr pbiue avait toujours devant les yeux et dans 

tt ses intentions l^exemple de la femme de 

« Henri IV, qui, disait-elle ^ avait v^cu à Paris f 
3. 28 



362 MEMORIAL (Mai 1816) 

« après son . divorce , venait à la Cour , avait 
« assisté au sacre. Elle, Joséphine, était Lien 
«mieux située encore, prétendait - elle j elle 
« avait ses propres enfans , et ne pouvait plus 
fc en avoir d'autres, etc. 

Joséphine avait une connaissance accomplie 
de toutes les nuances du caractère de TËm* 
pereur et un tact admirable pour la mettre 
en prati(jtte. « Jamais il ne lui est arrivé, par 
•c exemple, disait l'Empereur , de rien deman- 
« der pour Eugène, d'avoir janiais même re- 
m mercié pour ce que je faisais pour luij 
« d'avoir même montré plus de soins ou de 
m coinplaisance lé jour des grandes faveurs, 
m tant elle avait à cœur de ise montrer pér- 
it suadée, et de me convaincre que tout cela 
•c n'était pas son affaire à ellej mais bien la 
it mienne à moi, qui pouvais et devais y re- 
V chercher des avantages. Nul doute qu'elle 
« a eu plus d'une fois la pensée que j'en vien- 
« drais un jour à l'adopter pour successeur. >» 

L'Empereur se disait convs^^incu qu'il . avait 
été ce qu'elle aimait le mieux. Et ajoutait 
en riant, qu'il ne doutait pas qu'elle n'eût 
^itté un rendez^vous d'amour pour venir au- 






(Mai îai6) DE SAINTE-HÉLÈNE, 868 

près de lui. Elle n'eût pa$ manque un Voyage, 
quelque péniîile qu'il fut, pour tout au monde. 
Ni fartigue, ni privation, ne pouvait la rebu- 
ter, elle employait Timportunite', la ruse 
même, pour le suivre. « Montais-je en vbituré 
K au iniliéu dû la nuit' pour la course la pîu^ 

* lointaine. A.nia grande surprise, j'y trouvais 
« Joséphine toute établie , bieiti qu'elle n'eût 
M pas,dû être du "voyage. Mais il vôiiè est im- 
fi possible de venir j je vais trop loin ; vous 
tf auriez trop à souffrir. — Pas le moindf e-^ 
« ment, repondait Joséphine. -« Et puis ,' il 
if faut que je parte à l'instant. — Âu^si, tne 

* voilà toute prête, ~ Mais il vous' faut un 
«grand attirail.— —Aucun, disait-elle ; et toitt 
« est pourvu. Et la plupart dû tesnps il fallait 
«bien que je cédasse. • '' 

« En somme ,' concluait rEnipe^reur , José^- 
« phinè avait donné le bonheur à son mari , 
« et s'était cpnstanîmént montrée son amie la 
« plus tendre.' Professant à tout, moment et^ en 
« toute occasion la soumission, le dévouement, 
« la complaisatice la plus absolue! Aussi^ >Iui 
* air-je toujours ^bnsefvéles plus tendres sou* 
•* venirs , «t la' plus vive reconnaissance. 



8M SIÉMORIAL iU»i t»te} 

^ « Jofcpiitne , disait enCOTe l'EmpextiiT ^ me^ 
!< tatt ces dispoBrttons et ces qualités : la soumis-^ 
m $ion , le déTonement , la complalBaixce ^ ait raog 
p de redresse politique dans son sexe, et ellebla' 
m nâit fort et grondait sourent stir ce point sa 
n fille JHortense et sa parente Stéfiianie^ qui 
9 vivaient mal avee leurs maris , moatrdnt des 
% càprites et affectant de rindepèndance. 

« JI[fVuis^ disait l'Empereur^ & ce Eujet, était 
fi un en&nt gâté par la lecture de Jèan^Jacqiies«^ 
m n n'avait pu è^ bien, avec sa f en^me qm 
». txk^^^m d».nm«. Be^akp d'«»gei>ce de 
« ^a p^rt 9 ]»ea¥k€OUp dé légèret# de la part 
if d'Hortçâasf : Voila les torts réciproques. Toute*' 
m fois iU saiâiaient eï)[ s'épousant» ils s'^aietit 
fi tmli^ l^ttu et l'autre; ^ a ta^ariage, au mte^ 
fc était le résultat des intri|[ti6S de Joséphine ^ 
m ^ y trouvait Èbn 'compte. J'aurais votùlu au 
« ^çopitfftire Inléteildrcl da^s d autres fa^uillês, et 
fK l'à^a \m moocnœt jeté les yeux '$ik une 
« ) nièce de M. de Tadlejrsted ^ devl^nue dépuis^ 
tf M>>^ Juste die NoàUles. » 

On avait fidit éourii ies lirpîts lei^ plus ridi*- 
€ules sur lès Tâppotts de lui ^ Napoléon, avec 
Hor^nsef on at«ît voulu qfxè son aîné fi&t d« 



(tfas Ui6) DE SAITfTE-HÉUBNE. 86i 

Itti. Mais depardlles liaisons n'ëtaient, disait-il, 
fit dans #0(5 idées, ni dans ses tecÊuisV^t pour 
peu qu'ioi^ eonnût celles dès Tuileries^ ûbsent 
bien y obseirait-^il , qu'il eut pu s'âdrcisser à 
beaucoup d'autres, ayant d'en être rediiit à' un 
choix, aussi peu naturel^ aussi îevolfaixt. a Louis 
« savait bien apprëeier la natUM de ees bmits, 
« dfsait i^Empereiir; mais ocm amour propre^ 
« s^ biaarrerie ^ n'en étaient p4s moixis cboquéa , 
« ei il les «xettait sourient eu aVanC 4st]inme 
« prétextes. 

« Toutefois Hortenfûy cantinnaii FEmpe-- 
« renr, Hortense si bcmne, si gén^euse, si 
M dévouée, n'çst pas sana avoir eu quelques 
«c torts avee son mari -, j^en dois convenir , en 
« 4^^!^^ ^^ toute Faffeetion que je lui porte et 
W dt) véritable attacbeoiant que je sais qu'elle 
M a pour moi. Quelque bizarre^ quelque insup^ 
«t pOrtsible que fût Xouis,^ il l'aimait, et, en 
« pareil cas, avec d'aussi grands iiiteVéts, toute 

« femme doit toujours être maîtresse de se 
.ff Vainere, avoir l'adresse d'aimer à son tour. 

#c $i elle eût su se contraindre , elle se serait 

« épargné le cbagrin de ses derniers .prêtes; 

« elle efLieti une. vie phiis heureuse;; elle eût 



^66 MEMORIAL (MrfiBitfr 

<c. suivi son.mari en Hollande. Louis n'eut point: 
M fui d* Amsterdam 9 je ne me userais pas vut 
K contraint, de réunir son royaume , ce. cpii a 
m contribué à me perdre en Europe, et bien 
« des choses se seraient passées . différemment. 

ce La princesse de Sade, a<*t*il dit, s'est 
ti montrée plus habile. Sitôt qu'elle a vu le 
K divorce de Joséphine, elle a. connu sa posi- 
« tion, »elle s'est rapprochée de son marijiils 
«„ ont. formé depuis le mariage le plus^heu- 
« reux. 

«c Pauline était trop prodigue, : elle avait 
•c trop d'abandon, elle, devrait être immensé- 
«c .ment riche par tout ce que JQ lui ai donne' j 
w. mais elle donnait tout à son tour, et 3a mère, 
«c la sermonnait souvent à cet. égard , lui prê- 
te disant qu'elle pourrait mourir, à l'hôpital; 
« . ïûaxs Madame elle-même était, aus^i par trop 
•c parcimonieuse : c'en, était .ridicule;' j*ai. ëte' 
« jusqu'à lui offrir des sommes foi't considéra- 
* blés par mois si elle voulait les distribuer. 
€< Elle voulait bien les recevoir; mais poui:vu, 
« disait-^elle , qu'elle fut maîtresse de les gar- 
^ <ler. Dans le fond tout cela n'était qu'excès 
« de prévoyancede sa part; toute sa peur était 



(Mkî ,ei6) DE SAINTE-HÉLÈNE, 367 

« de se trouver un jour sans rien. Elle avait 
« connu le besoin , et ces terribles momens ne 
« lui sortaient pas de la pensée. Il est juste de 
«c dire d'ailleurs qu'elle donnait beaucoup à 
c< ses enfans en secret; c'est une si bonne 
•c mère !•..• 

« Du reste, cette même femme à laquelle on 
« eût si difficilement arracbé un ecu, disait 
•c l'Empereur , m'eût tout donné pour mcm 
« retour de l'île d'Elbe; et après Waterloo elle 
« m'eût remis entre les mains tout ce qu'elle 
« possédait pour aider à rétablir mes affaires; 
« elle me l'a offert; elle se fût condamnée au 
« pain noir sans murmure *• C'est que chez 



'^ Qae l'Emperenr connaissaît bien sa mère ! A mon 
retour en Earope , j'ai tu se yërlfier à la lettre ce quHl 
en dit ici , et j'en ai joni ayec délices* 

A peine ens-je fait connaître à Madame Mëre la situai 
tion de TEmperenr » et ma f ésolation de me consacrer 
uniquement à y apporter quelque adoucissement , que 
sa réponse y par le retour du courrier , fut que toute 
sa fortune était à la disppsitl9n de son. fils, qu'elle se 
réduirait à une simple serrante, s'il le fallait, m'auto- 
risant , bien que je n'en fusse pas connu personnellementt^ 
à tirer, dès l'instant même 9 telle somme que je croirais 
nécessaire au bien-être de l'Empereur^ Le cardinal 



m «l|et le gKwâ riMBport^^ enoare ntt la^petit : 
« b ft«te% la noblç amhilion XDaîchaient ches 
m. elle âvpttt ravarîpe. ^ >» 

St iei i^Empereùr a <d)serTë qu'à l'heuro 
même <|u'il Qtait , il airait encore présent à k 
mémoire des leçons de fierté qu'il en avait reçuesi 
4an9 f^Qn eblance) et ^u'eUes araieiM; agi mr lui 
tfmt^ 1?L vie. Mad^fftt) Mère avait une ajD^erfort^ 
et trempée auxplitô grands eyeniemensj elle 
avait «prouvé cinq à six révolutions^ elle avait 

eu trois fois sa i^iaisou hnx\m ^ p^ l^ factions > 
en Coi$Q« 

« Jfosçph ne m'a guère aidé ; mais c'est up 
fc £6rtl;)Qn homme; sa femme , la Rçinf: JulUj^ 
« est la meilleure créature qui ait existé. Jo- 
« sepli et moi nous nous sommes toujours fort 

Fesch joignait ses -èfifret d'une trianiSré font dnssi tottt 
eHante; éfc^est ibî le cas ie ftiire connâalre que tous les^ 
tnembreis de la famHie de l'Emp^renr s'empre^èrent de 
Ijftnorgner le même zële , la même tendreissré , le même 
d^ônement* Tant qne ma santé me permit dfe corres^ 
poudre hfcc enx, î\il rerça une foule de léttfe^dotft 
l'ensemble formerait lé recueil le pins fonchààt. El!e$ 
tionorcnt leur ceenr, et eussent pn être une dônce coq;? 
«olatîon poup'ITtmpeîretiri'sî tes restrîèlSôiiV jatigtàfses 
lîi'ei^sMnt permis de le$ fairié paryisnir jus<}^'à lui* ' 



(IW im DE SAINTE.HELÈNE. 8a9 

« aimjés et fort accordes; il m'aime «ucèrement, 
4c Je ne doute, pg^ qnil &e fîl tout au m^mde 
M pour moi ; mais toutes ses ^palitéa' tictment 
« umqueiaettt de rhoimneprire : il est ëmiikenir 
« mettt doux et boa; il à dé l'esprit et de l'ÎJis^ 
fc truction; il est ainiable. Dan^ les hautes 

« fonctions que je lui avais corifiées, il a fait ce 

0f (pi il a pu j ses intentions étaient bcmnès; 

91 aussi la principale faute n'est pas à lui ; mais 

« bien plutôt à inoî , qui Tarais jetë lïors de sa 

•r sphère ; et dans des circonstances bien gran-^ 

« des , la tâche s'est trouvée hors de proportioil 

« avec ses forces. » 

». 

« Za Reine de Naplçs s*è'taît beaueoup for^ 

« me'e dans les eVenemens , disait TEmpereur, 

^ « n y avait chez elle de l'e'toffe , beaucoup de 

ft caractère et une ambition de'sordonne'e 

i[c Elle devait Bat^relleme^t soufirir en cet ins^ 
« tant, disait-il, d'autant plus qixon pou/vait 
«c dire qu^elte e'tait née Reine. Elle, n'avait pas 
r comm^ ueus> observait l'Empcjreur, eonnu le 
« simple partioolter. Eile^ Pauline^ Jefôma 
« étaient encore des enfans^ que jetais le pre« 
ff miejr hcrome de France; aus^i ne se sont- ils 



370 MEMORIAL . CM«i i«i6) 

« jamais cru d'autre état que celui dont ils ont 
« joui au temps de ma puissance. 

« Jérôme était un prodigue dont les déborde- 
te mens avaient été criansj il les avait poussés 
« jusqu'au hideux du libertinage. Son excuse 
« peut-être pouvait se trouver dans son âge et 
ic dans ce dont il s'était entouré. Au retour de 
« l'île d'Elbe , il semblait d'ailleurs avoir beau- 
«c coup gagné et donner de grandes espérances; 
« et puis il existait un beau témoignage en sa 
« faveur , c'est l'amour qu'il avait inspiré à sa 
« femme j la conduite de celle-ci > lorsqu'après 
« ma chute , son père , ce terrible Roi de Wur- 
4c temberg/si despotique , si dur, a voulu la 
« faire divorcer, est admirable. Cette princesse 
« s'est inscrite dès-lors de ses propres mains 
« dans l'histoire, etc. , etc. » 

A notre grand regret on est venu annoncer le 
dîner. L'Empereur a continué d'être fort cau- 
sant toute la soirée, parcourant comme en fa- 
mille une foule d'objets divers , principalement 
la conduite d'un grand nombre de personnages 
pendant son absence et lors de son retour. Il ne 
s'est retiré qu'à minuit, et en terminant par ces 
paroles : « Qu'est en ce moment la France? 



(Mai ,8i5) DE SAINTEnHÉLÈNE, S74 

« Paris? et que sera-t^il de nous d'aujourd'hui 
« à un an.««,..^ 

Lundi 20. 

L'Empereur endormi* — - Morale. 

J'e'cris à M. Balcombe , <jui mWait prévenu 
être cliarg(^ de nous fournir nos besoins aux 
frais du gouvernement anglais, qu'ayant les 
moyens de m'en passer, j'avais re'solu de ne 
profiter nullement de cet avantage , et que je le 
priais de s'autoriser auprès du Gouverneur à 
recevoir de moi une nouvelle traite sur l'An- 
gleterre , ce dont nous ne pouvions user sans sa 
permission spe'ciale. Je voulais demeurer libre 
de reconnaissance , et qu'elle ne pût me g^êner 
en rien dans le juste et triste droit des repro- 
ches et des imprécations. 

L'Empereur est monté en calèche de fort 
bonne heure. Au retour, vers 3 heures, il m'a fait 
le suivre dans sa chambse. « Je suis triste , en- 
«t nuyé, souffrant, m'a-t-il dit, asseyez-vous 
te danSce fauteuil, tenez-moi compagnie. » Il 
s'est e'tendu sut son canapé et a fermé les yeux ; 
il s'est endormi, et moi je le veillais !... Sa tète 



$19 MénaaiAi. iMm) 

était d^tiTerto; fétâUà deu jms de kti^je 
comtemplais son front; ce front. où je lisais 
Marengo, Austerlitz et cent autres actes im- 
mortels. Quelles étaient en ce moment mes 
idées, m» «o»iiJBatîont l ^Qu'cm k». Juge si l'on 
peut; potir moi , je ne saurais le rendre !...•• 

L'Empereur , au bout de trois (juarts d'heure^ 
s'est levé', a fait (juelques tours dans sa cliàm* 
bre , puis il lui^ a pris fantaisie d'aller visiter 
toutes les nôtres. En enumërant en détail les 
inconvéniens de la mienne, îl en riait d'indi- 
gnation, et a dit en sortant : « Non, je ne crois 
« pas qu'il y ait de chre'tien plus ïnal abrite' que 
« cela. » 

Après le dîner, l'Empereur a essaye de par- 
courir le Carapanserait de Sarrazin. Il en a 
effleuré^lusieurs contes sans s'y arrêter. Après, 
quelques pages de l'un deux il a dit r « La mo- 
« raie va être sans doute que les }iotnme$ ne 
ic changent jamais. Ce qui n'est pas vrai j ils 
« changent en mal et *même en bien. Il en est 
« ainsi d'une foule d'autres toafximes consacrées 
« par les auteurs^ toutes également fausses : 
*t Les hommes sont ingrats , disent-ils j non , il 
« n'est pas vrai que les hommes soient aussi in- 



CM* iM) DE SABTTE-HéLÉNË. 3TS 

M gf ats ^u'ofi le 4i*} et si l'on ^ ri isoavent à 
« «en j^laiiadre*^ c'est fu^ 4'ordinaire le b^n&i^ 
iK tear ex^e encore plus ^u'il ne doune^ 

«c On vous dit enwre que ; quand <>n icon^f 
u nattle caraotèrc d!ufi homme, <^7% u la clef 
^ desa candidte /c'est &ut : tel fait une mau^ 
«(vyaise action, qui €st fcmâèrement lioia^pêt^ 
« homme j tel fait uij^e xaëcliancet^ sans étr^ 
ji laeF^ant; CW que presque jamais rhointne 
«c n'agit par l'acte natuifel de son earactèi^ | 
«< mais par une passion secrète du moment, 
« réfugiée, caclie'e* daM l€s derniers replis du 
«L çœw:, Ajatfe erreur, quand on ,yoxi& dit -qiif 
A le visqge est le miroir de Vame^ I^f vrai est 
« que l'homme est très-difficile à connaître, et 
« que, pour ne païf se tromper, il faut tie le ju- 
te ger que sur ses actions jet encore, faudrait- 
«" il *que ce fût sur celles dii imoment, et seu- 
^K lement pour ce moment. 

« Au fait, les hommes ont leurs vertus' ti 
« letirs ticés , leur héroïsme et leur perVersiw \ 
it les homtnes ne sont ni gén^i^ïement bons ni 
<t i^nëfaktnént i^ativais; mais ils possèdent -et 
Sk exercent tout^ee qtfil y a de bon «t dé niaw- 

m Vais >di hàB} vt^ilâf lé principe : ensuite lé fta^- 

/ 



z' 



3TH MÉMORIAL {M«i i«i6) 

€c turel, rëducatiouy les accidens font les appli- 
ft cations. Hors de cela tout est système , tout 
« est erreur j tel a e'te' mon guide, et il m*a réùsd 
a assez géne'ralement» Toutefois je me suis trom- 
•c -péenASikj en croyant que la France , à la vue 
« de ses dangers , allait ne faire qu'un avec moi; 
te mais je ne m'y suis plus trompe en 4 8-1 5, au 
« retour de Waterloo, jd , - 

L'Empereur ne se sentait pas Lien, il s*esl 
retire' de fort bonne heure. 

Mardi 21. 

Le Gcayeraeiir arrêtant loi-même un domefitlq^e* -^ 
Lecture de la fiible. — Lirre sai^. 

L'Empereur a continué d'être souffrant. Nous 
n'en n'avons pas moins été' en calèche comme de 
coutume. Au retour, nous avons trouvé que le 
Gouverneur était venu pendant notre absence, 
et qu'il avait arrêté lui-même un de nos domes- 
tiques, dernièrement au service du Sous-Geu- 
verneur Skelfon, et depuis peu de jours à celui 
du général Montholon. En l'apjrenant, TErope- 
ïeur a dit : «c Quelle turpitude! c'est. ignojble ! 
« un Gouverneur !.,.,. Un liieuteoarit-giénéral 



■ A,^ 



X • . 5>. . 



(Mai i8t6) DE SAINTE-HELÈNE. sVs 

« anglais, arrêter lui-même un domestiq[ue} 
•f Vraiment c'est par trop dégoûtant ! » 

Le Grand-Marëchal est venu nous joindre , 
nous annonçant l'arrivée d'un vaisseau magasin , 
parti d'Angleterre le 8 mars. 

Après le dîner, l'Empereur a demandé. « Que 
« lirons-nous ce soir? » On s'est accorde' pour la 
Bible. K, C'est assurément bien édifiant, disait 
«f l'Empereur , on ne 1% devinerait point en 
•t Europe. » Et il nous a lu le livre de Judith , 
observant à presque chaque lieu , chaque ville , 
ou village qu'il nommait. « J'ai campé làj j'ai 
•c enfevé ce poste d^'assaut j j'ai donné bataille 
« dans. celui-là , etc., etc. » 

Mercredi 22. 

Qipriees de l'aatoritë. — La princesse Stéphanie de 

Sade, etc* 

Dans la journée, il a été beaucoup question 
des matelots anglais du Northumberland , 
qu'on nous avait donnés comme domestiques, et 
qu'il s'agissait de nous retirer en cet instant. Ils 
étaientpourtant avec nous en vertu d'un con- 
trat réciproque qui liait les deux partis pour 
un an. Mais nous sommes en dehors du droit 



376 MEMOAUt (tâà iM) 

commun. Lé Gourexteeur disait que l'Amiral 
les demaoidait absolumfeiit; l'Amiral disait qti'il 
les laisserait, si le Gouyerneur le voulait. On 
nous Connaît des scMats tn Change > inais on 
nous les a pris^ rendus^ repris et rendus de hou^ 
yeaii , sans que nous puissions deviner ce qu^on 
voulait^ 

Me tr^vantchez l'Empereur, et en attendant 
son diner , la conversation est towhéi^ sur Tëta- 
!blissement de madame Campain » les personnes 
qui y ont été élevée»^ les fortunes que l'Empe^ 
reur a Êiites à plusieurs d'entre elles; et il s'eiit 
arrêté particulièrement sur Stdphani^dà Beau- 
Harnais y devenue Princesse de ^ade^ qu'il a 
dit affectionner beaucoup; et il est entre' dans 
un grand nombre de de'tails à son sujet. 

La !Pîinces5e Stéphanie ddBadeavaitt)erdti saf 
mère,n'e'tant encore qu'un enfant, et fut laissée 
par elle auic soins d'une Anglaise , son ande in« 
time i celle^i ^ fort riche et sans eiodans » 1 avait 
en quelqtie sorte adoptée i et avait confié son 
éducation à d'ancieimes religieuses, dans le midi 
de la France •> à Montauban, je crois. 

.Napoléo|p, encore Premier Ccmsul , entendit 
un jour Joséphine , dont elle était la parente f 



^Hu <t*6) DE SAINTE-HÉLÉNE. $7? 

mentionner cette circonstance. ccCommeiit pou»' 
M vez-vqus, s'e'eria-t-il, permettre une pareiH^e 
« diose ? Quelqu'un de votre nom à là charge 
jR d'une étrangère 9 d'une Anglaise en cet instant 
tt.notare ennemie, ne craignez-vous pas que votre 
« mémoire en souffre un jour ?» Et aussitôt un 
courrier fut expédie pour ramener la jeune en« 
fa^nt aux Tuileries , mais les religieuses ne vou^ 
lurent point s'en dessaisir. Napoléon , heurte, 
prit les informations et autorisations nec^ssàiresj, 
et bientôt il fut expe'die' un second CQiiii:rier au 
Préfet du lieu, avec ordre de se saisir à Tins* 
(ant mêine de la jeune Be$iuharnais, au noni d^ 
la loi. 

Or, telles étaient, par les circonstances^ du 
temps, certaines éducations et les opinions 
qu elles cherchaient à créer , qn:e la jeune Sté- 
phanie ne se vit pas réclamée sans douleur^ et 
qu'elle ne vit pas sans effroi celui qui se disait 
son allié , et voulaitétre son bien faiteur. Elle fut 
plsicée chez madame Gampan, à Saint-^Germain; 
on lui prodigua toutes sortes de jnaitres et ell^. 
n'dn sortit que pour .jeter un grand éclat par i»a 
beauté , ses grâces, son e^rit et ses véitus; 

L'Empereur l'adopta pour fille ,; et ia maria aul 
3, ^ ^' ^^ 



87S MÉMORIAL (iiu i^) 

pria^ héréditaire de Bade. Le mariage , durant 
cpelques années, fut loin 4*étre heureux; mais 
ayec le temps les prérentions disparurent , les 
époux se réunirent et ils n'ont plus eu> dès cet 
instant , qu'à regretter le bonheur dont ils s'cf^ 
taient prirés. 

La Princesse de Bade , aux conférences d'Er^ 
furt, aTait été fort distinguée par l'Empereor 
Alexandre , son beau- frère , qui ^ui prodiguait 
de véritables attentions. On le savait, et pour y 
obvier, les gens dirigeant la haute politique, 
lors de nos désastres de 4 84 3 , craignant l'enr 
trevue d'Alexandre avec la Princesse de Bade , 
à Manheim, cherchèrent à détruire à temps son 
influence par des rapports mensongers et des 
propos inventés qui lui aliénèrent l'esprit de 
ce monarque. Aussi lors de Tanivée d'Alexan* 
dre à Manhetm, dans sa marche triomphale vers 
Paris, la Princesse Stéphanie fut loin d'en être 
bien traitée : elle put s'en trouver blessée dans 
ses séintimens ; mais sa fierté demeura tout en* 
tière, et alors commença pour son mari une vé« 
ritable gloire de caractère. Les personnages les 
plus augustes le circonvinrent d».toutes parts et 
l'importunèrent long-temps pour qu'il répudiât 



(miM) DE SAINTE-HELENE. 379 

la femme cju'il avait reçue de Napolëon; mais 
il s'y refusa constamment )^ répondant, avec iine 
noble fierté, qu'il ne commettrait jamais une 
bassesse qui i^epugnait autant à sa tendresse qu'à\* 
son lionneur. Ce Prince ge'héreux, auquel nous 
n'avions pas rendu assez de justice à Paris , a 
succombeVdepuis sous une maladie longue et' 
douloureuse , et la princesse lui a prodigué jus- 
qu'au dénier moment , de ses propres mains i les * 
sçins les plus minutieux et ks plus toucKans , 
qui lui ont mérité la plus vive affection de ses^ 
proches et de ses peuples. 

Elle avait embelli l'exercice de la souverai-' 
neté. Elle a honoré son caractère de femme et 
de fille i elle a professé dans tous les temps la 
plus haute vénération et la plus vive reconnais-^ 
sance pour celui qui, au sommet d'un pouvoir 
sans bornes, l'avait bénévolement adoptée pour 
Elle. 

Jeudi 23* 

Maximes de lIEmpereur. — Scène de Portalis au Côa^ 
fieil d'Etat) elc.^—Accidens de l'Empereur à St-CIoiid> 
à Auxonae,à lHlarlj* 

L'Empereur m'a fait venir sur les deux heures 
dans sa chambre; il me trouvait l'air malade; 



380 MEMORIAL (HbttMj 

il Titait lui-même.^ il avait mal dormi. Il a fait 

sa toilette , me disant qiie cela le remettrait. 

Delà nous sommes passes au jai*din. La conver* 

sation Ta. conduit à dire que nos moeurs vou* 

laient que le souverain ne parût que comme un 

bienfait; les actes de rigueur devaient passer 

par les autres; la clémence devait lui demeurer: 

c'était son premier domaine. A Paris on lui 

avait reproche parfois , disait-il , certaines con-' 

versations, des paroles qu'il n'aurait pas dû, il 

est vrai , exprimer liii-méme« Cependant , ajou*- 

tait-il » sa situation personnelle y son extrême 

activité', la plupart de ses actes, qui yenaieut 

tons réellement de lui, auraient dû lui faire 

passer > disait-il, bien des choses. Du reste, il 

rendait justice au tact extrêmement fin de la 

capitale; nulle part sans doute, observait-il, il 

ne se trouvait autant d'esprit ni plus de goût 

qu'à Paris. Il se reprochait la scène de ^ortalis 

au Conseil d'Etat. Moi, qui l'avais présente, 

je lui disais l'avoir trouvée , en quelque sorte , 

paternelle. * « Il y avait pourtant quelque chose 

« de trop, a-t-il repris. J'eusse dû m'arrêter 



* Vojrei Yolnme i > page 349. 



ti«.*i(r) DE SAINTE^HÉLENE. aBM 

«avant de. lui commander àé S9t\^t\ ^^'^kne 
<f eût dû finir, puisqu'il ne se Justifiaif >paâ, jpar 
« un simple i^esl bon. Il n^eùt du Irpùvér le 
.te. châtiment que chez lui.- Le souverain à ton- 
« jours .tprt de parler* en- colère .Peut-^tre etailS* 

tt je excusable dansmoii céii^eiï, j y étais eu 1^ 

• ...» ^ 

« mille; ou bien peut-être encore, ihôh: cher » 
« après tout, cela d€fmeùrè*ï41 un vràJtort de 
<c ma part : on a sei^ d<^fâut^, ta nature a ses 

* . • 

•c droits. » • '' 

Il se reprochait au^si, disail^il, la scène faite 

à M. de G. •..,., aux Tuileries, daiis une de ses 

grandes audiences du dinàânche, én^prësencte 

de toute la Coui*^ « Mais ïk- côritihuait-il, fe 

«fus vraiment pousse à boiitv J'ëclatai contre 

« mon gre'. Je venais de lui ^(^ner une lëgioti 

.« de la capitale, qu'il s'agissait de défendre. 

« J'ai appi*is plus tard qu'il se réjouis^it de 

«c nos désastres^ et les appelait; mais je n'en 

« savais rien encore: Nous allions avoir Fen- 

« nemi sur lies lûcas; ce M*. dé G.;..,, m^'ëcrît 

«froidement, que sa santé ne lui permet .pas 

«ce Service; et il ose sq mpntrer : frais Jet 

« dispos, soos: mes yeux , en ciûdajtisan vj'eii fi($ 

« indigné. Toutefois je me .contins et lô passai^ 



«88 MÉMORIAL c»u^i€f) 

<« tnai9 il trouva lé secret de se replacer encore 
« trois on qfftatre fois, avec empressement, sur 

; « mes pa;s. Je n'y pus plus tenir et la bombe 
fc éclata* Gomment , Monsieur. • , 

. Je passe le teste qui est a^ez long. 

41 Ce qui m'affligea le plun dans tout cela^ 
. « discUt rÇippereur en finissant , c'était la situa- 
c.tion du Als:^ .mc»i chambdlan > dont j'étais 
ic loin d'avoir à me plaindre. » 

De4ày l'Empereut en est isvenu au faubourg 

^Saint-Germain et m'a qciestionne'.$ur bi^uconp 

de familles et beaucoup d'individus* Le hasard 

.a amené le nom de M^»» de S £Ue avait été 

constamment 9 disai$-je> d'un attachement ex- 

Irême pour l'Empéîéur, et on devait le lui faire 

expier cruellement , sans doute , eh cet instant. 

^'Empereur ne soupçonnait pas toute l'étendue 

et la vérité de son cèle et de son ssittàchement, 

. ^ • . " 

Toutefois , il avait été fort touché dans le temps 

rde la générosité avec laquelle elle s'étart dé- 
vouée à demeurer auprès de l'Impérato-ice José- 
phine. Il avait à sê reptocher de n'avoir rien 
fait pour elle. Il fallait qu'elle e4t été triàlheu- 

TÊuse dans le choix des moments où elle avait 



CM« iM) DE SAINTE-HELENE. 3»» 

demandé la nomination de son mari au Sénats 
J'ayais été dès mon enfance ttksr lié avec 
M™® de S....^i ellç avait dç la cojiSance eu 
moi 3 j'ai Raconté à TEmperei^r Fanecdote de sa 
nomination de dame du Palais. Son mari la con- 
duisit un matin à rimpératricô Joséphine, qui 
1^ remercia de bonne foi d'avoir demandé 
d'entrer à son service , et lui dit qu'elle l'ac- 
ceptait. Ce fut un coup de foudre pour M"*" de 

S ) qui était bien éloignée d'y avoir songé , 

etqui^ dans sa timidité naturelle, garda le 
silence. J'étais loin, sans doute^ alors d'approu- 
ver ou de conseiller un tel emploi , toutefois je 
lui rcQdis un vrai service en retenant une lettre 
de refus qu'elle m'avait confiée à Tinsu des siens, 
€t qui eût pu devenir funeste aux intrigues de 
ceux qui avaient mené toute cette affaire. 

L'Empereur demandant d'où avait pu venir 
sa grande répugnance, je répondais que c'était 
par sa connaissance et ses rapports directs avec 
nos princes. « Elle avait raison , disait-il , com-^ 
ic méni s^ou mari pou vait^-il la placer ainsi dans une 
ce fausse position ?«*^ C'^t cconme dans mes nc^ 
m. minations de GbambeUans } l'un d'eux me fit 
«(prier de trouve^ bon qu'il refusât, ayaiit ébi f 



■ 



ii% MÉMORIAL (miAtey 

n disait*il , premier gentilhomme de la Chambre 
« de Louis XVI et de Louis XVIII. Je fus le 
« premier à m'ecrier : Gomment vent^on que èela 
« fftt possible?... Il a raison. C'était un manque 
« de goût dans ceux qui mè le proposaient ; 
fc mais moi , qu*aTais-je à y faire ? Pouvais-je 
« deviner de pareils détails ? mes grandes affai?- 
ir reis me permettaient-^Ues d'j décendre? 
« Quoi qu'il en soit> continuait FEmpereur, 

1» si M"* de S eût su s y prendre, elle efftt 

ce obtenu de moi ce qu'elle eût demandé. J'a« 
«t vais de l'estime pour elle. Mais elle n'a, 
« montré de l'intérêt et ne s'est employée que 

« pour des personnes qui n'ont pas été très- 
« reconnaissantes. Entre autres , pour quelqu'un 
« qui, pair du Roi, eût voulu l'être encore 
« de moi. A mon retour, sa fille étant venue 
« m'assurer que si je voulais lui accorder cette 
« faveur, il en profiterait avec empriessement. et 
If se conduirait avec zèle , ne connaisss^i^t , di^ 
.« sait'il 9 d'autre parti que celui de la^xiation, 
« ce qui du reste était très-bien , etc. , etc« » 

Sur les quatre heures , l'Empereur est nioiité 
en calèche; dorant notre côursç accoutumée 



/ 



tMâî iM) DE SAINTE-HÉLÈNE. 3»5 

il a parle de plusieurs accideus fort graves qui 
avaient menacé sa vie.. 

A Saint^Cloud, il avait voulu une fois mener 
sa calèche à six clievaux et à grand'-guides, 
.l'aide*de*-camp Cafarelly, ayant gauchement 
traverse les chevaux, les fit emporter. L'Emr 
pereur ne put prendre le tour nécessaire, la 
calèche dfut avec toute la &)rce d'une vélocité 
extrême , frapper contre la grille j l'Empereur 
se trouva violemment jeté à 8 du - 4 pieds en 
travers sur le ventre. Il a été mort, dii^it-il, 
8 ou 4 secondes : il avait senti lé moment où 
il avait cessé d'exister ce qu'il appelait le mo^ 
ment de la négative. Le premier qui se jetant 
à bas de son cheval, vint à le toucher le res- 
suscita , le rappela soudainement à la vie par le 
; simple contact comme dans le cauchemar, où 
Ton se trouve délivré, disait -il, dès qu'on a 
pu proférer un cri. 

Une autre fois, disait-il encore, il avait été 
noyé assez long - temps. C'était en 4 786, à 
Auxonne, sa garnison ; étant à n^er, et seul il 
avait perdii connaissance , coulé ,' obéi au cou- 
rant; il avait setiti fort bien la vie lui échap- 
per ; il avait même entendu^ sur les bords, des 



\ 



386 MEMORIAL (VmIiM) 

camarades annoncer qu'il ëtait noyé, et dire 
qu'ils couraient chercher des bateaux pour re- 
prendre son corps. Dans cet état un choc le 
rendit à la vie. C'était un banc de sable contre 
lequel frappa sa poitrine; sa tête se trouvant 
merveilleusement hors de l'eau , il en sortit lui- 
même^ yomit beaucoup y rejoignit ses vêtemeiis 
et avait atteint son logis, qu'on cherehait en- 
core son corps. 

Une autre fois à Marly, à la chasse du san- 
glier, tout l'équipage étant en fuite, en véri- 
table déroute d'armée ^ disait l'Empereur ; il 
tint boïi avec Soult et Berthier contre trois 
énormes sangliers qui les chargeaient à bout 
portant, «c Nous les tuâmes roides tons les trois 
« disait-il, mais je fus touché par le mien, et 
«c j'ai failli en perdre le doigt que voilà* » En 
«ffet, la dernière phalange de l'avant dernier 
doigt de la main gauche portait une forte bles- 
sure. « Mais le risible , disait l'Empereur était 
« de voir la multitude des hommçs entourés de 
ce tous leurs dûens, se cachant derrière les trois 
« héros j et criant à tue tête : à r Empereur , 
-« saurez t Empereur y à V Empereur!! Mais 
« pourtant personne u'avaiïçant, etc. > etc. 



(itoi me) DE SAINTE-HÉLÈNE. 387 

Vendredi H- 

Politiqae. 

L'Eoapereur n'est sorti que pour monter en 
calèche- Notre promenade a e'té de près d'une 
lieiire et demie , nous allions lentement et noits 
avons redoublé notre tour. L'Empereur était 
sur la politique j la lecture des derniers jour- 
xiauxj arrivés depuis trois jours, en a fourni 
le; sujet. 

En FrçKice l'émigration des patriotes était 
rapide , et l'on semblait vouloir la favoriser en 
ne confisquant pas les biens, etc. , etc. ..•••• 

«#Â ##• • • # % 9#V 99 •#9#ft#9> •#•#•9 •VAtfS 

L'Empereur croyait voir dans les débats du 
parlement d' Angleterre l'arrière-pensée du par- 
tage de- la France , il , en était navré. « Tout 
«cœur vraiment français, dîsait-il, doit être 
<t au désespoir j une immense majorité sur le sol 
-«( 4e la piEitrie doit ressentir les angoisses de la 
« pli^s vive douleur; Ah! $'€Sst41 écrié-, que ne 
« suîs-je dans une sphère en dehors de ce globe I 
« Que n'ai- je le pied sur un sol évidemment 
« libre et indépendant, où Fon ne pourrait 
^ soupçonner aucune influeiK^e d'autrui ! Que 



3«» MÉMORIAL (M.îigi6| 

« j'ëtonuerais le monde ! J'adresserais une pro- 
«f clamation aux Français j je leur crierais : Vous 
il allez finir si vous ne vous reunissez. L'odieux, 
« Tinsolent étranger va vous morceler, vous 
« anéantir. Relevez-vous Français, faites masse à 
« tout prix y ralliez-vous s'il le faut^ même aus 
« Bourbons,... car l'existence de la patrie, son 
« salut avant tout!.. » 

Toutefois il pensait que la Russie devait 
combattre ce partage j elle devait avoir à crain- 
dre par-là l'accroissement et l'agglomération de 
l'Allemagne contre elle. L'un de nous ayant 
observé que l'Autriche devait s'y opposer aussi , 
dans la <!rainte'de n'avoir plus un soutien néce»- 
sair« contre les entreprises de la Russie, et 
ayant de plus mentionné qu'elle pourrait vou- 
loir être utile au Roi de Rome et s'en servir, 
l'Empereur a répliqué : « Oui , dofmtne d'ins- 
K trument de menace , peut-être ; mais jamais 
« comme un objet de bienveillance : il doit leur 
if être trop redoutable. Le Roi de Rome serait 
itr rhomme des peuples , il sera celui de l'Italie'; 
« aussi la politique autrichienne le tuera, peut- 
« être pas sous son grand-père , qui est un hon- 
« nête honune, mais qui n e vivra pas toujours . Ou 



/^ 



(Mai ,8.6) DE SAINTE-HELÈNE. 3&9 

« bien encore , si les mœurs de nos jours n'ad- 
« mettent pas un tel attentat , alors ils essaye- 
or ront d'abrutir ses facultés , ils rheT)êteronlj et 
« si enfin il échappait à l'assassinat physique et 
« à l'assassinat moral , si sa mère et la nature ye- 
« naient à le sauver de tous ces dangers , alors ! . . •' 
« Alors!... a-t-il répe'te' plusieurs fois, comme 
« en cherchant. Alors... Comme alors. «. Car, qui 
« peut assigner les destinées d'aucun ici bas ! » 
L'Etopereur est retourne' de-là à l'Angleterre,' 
concluant qu'elle seule e'tait véritablement in- 
téressée à la destruction de la France. Et dans 
l'abondance, la mobilité de son esprit, il s'est 
mis à parcourir les divers plans qu'elle pouvait 
suivre. Elle ne devait pas trop accroître la Bel- 
' gique, disait-il, autrement Anvers lui devien- 
drait formidable comme sous la France j elle 
devait laisser les Bourbons dans le centre avec 
huit ou dix millions d'habitans seulement, et 
les environner de Princes, Ducs ou Rois de 
Normandie , Bretagne , Aquitaine et Provence j 
de telle sorte, que Cherbourg, Brest, la Ga* 
ronne et la Méditerranée se trotiyassent dans 
des mains différentes. C'était, disait-il, faire 
rétrograder la monarchie française de plusieurs 



390 MÉMORIAL (M«f iSt^j 

siècles 7 faire recommencer les premiers Capéts 
et ménager aux Bourbons quelques centaines 
d'années de nouveaux efforts pénibles et labo- 
rieux. « Mais heureusement, pour en arriver là, 
« observait TEmpereiur , l'Angleterre devait 
ce avoir à surmonter des obstacles invincibles : 
« l'uniformité de la division territoriale en dé- 
<c partemens, la similitude du langage, Tiden- 
« tité de mœurs, l'universalité du Code, la 
« généralité de mes lycées, et la gloire, la splen- 
« deur que j'ai léguées. Voilà autant de nœuds 
ce indissolubles, d'institutions vraiment natio-* 
« nales. Avec cela on ne morcelle pas , on ne 
ce dissout pas un grand peuple, ou il se renou- 
ât velle et ressuscite toujours. C'est le géant de 
« l'Arioste que Ton voit courir après chacun de 
<c ses membres abattus , sa tête même i la repla-» 
« cer et combattre de nouveau. — Ah, Sire, a 
tt dit alors quelqu'un , la vertu et la puissance 
« du géant tenaient à un seul cheveu arraché , 
ce et si le cheveu vital de la France devait être 
ce Napoléon ! — Non , a repris assez brusquement 
ce l'Empereur, ce ne saurait être, mon souvenir 
ce et mes idées survivraient encore* » Et puis 
reprenant , il a dit : ce Avec ma Fraiice , au con- 



(Mai 1816), DE SAINTE-HELENE. 294 

« traire, T Angleterre deyait natureUement finir 
« par n'en être plus qu'un appendice. La nature 
« l'avait faite une de nos lies aussi bien que 
« celles d'Oleron ou de la Corse. A quoi tien- 
« nent les destinées des Empires , disait-il ! Que 
« nos révolutions sont petites et Insignifiantes 
« dans l'organisation de l'univers ! Si au lieu 
•c de l'expe'dition d'Egypte, j'eusse fait celle 
« d'Irlande j si de légers derangemens n'avaient 
ce mis obstacle à mon entreprise de Boulogne ^ 
« que pouvait être l'Angleterre aujourd'hui? 
« Que serait le Continent? le monde politique? 
« etc., etc^ » 

Samedi 26. 

Brutos de Voltaire* 

Après le dîner l'Empereur a lu Œdipe, qu'il 
a extrêmement vanté; puis Brutus ^ dont il a 
fait une analyse très-remarquable. Voltaire , 
disait - il , n'avait point entendu ici le vrai sen- 
timent. Les Romains e'taient guide's par l'amour 
de la patrie comme nous le sommes par l'hon- 
neur. Or , Voltaire ne peignait pas le vrai 
sublime de Brutus , sacrifiant ses enfans y malgré 
ses angoisses paternelles ^ au salut de la patrie ; 



392 MÉMORIAL (Mai i*i6> 

il en avait fait un monstre d'orgueil , immolant 
ses enfans à sa situation présente , à son nom , à 
sa célébrité'. Tout le nœud de la pièce, conti- 
nuait-il, e'tait conçu à Favenant. TuUie e'tait 
une forcenée qui mettait le marché à la main 
pour son lit^ et non une femme tendre dont la 
séduction et l'influence dangereuse pouvaient 
entraîner au crime, etc. , etc. 

Dimanche 26. 

Etablissement français sar le fleuve Saiat-Lanrent. — 
L'Empereur eût pn gagner l'Ai^ërîqae. — - Camotaa 
moment de l'abdication. 

m 

L'Empereur m'a fait appeler vers les deux 
heures. Il n'était pas bien y il était fatigué 
souffrant. Nous avons parcouru quelques jour- 
naux. 

Ces journaux nous disaient que son frère 
Joseph avait acheté de grandes propriétés au- 
Nord de l'état deNew-Yorck, sur le fleuve 
Saint'Laurent, et qu'un grand nombre de Fran- 
çais se groupaient autour de lui^ de manière 
à fonder bientôt un établissement. Qn observait 
que le choix du lieu semblait- être fait dans les 
intérêts des . litats-Unis , et - en ^ opposition i la 



A 



(Mai 18^6) DE SAINTE-HÉLÈNE. «98 

politique : de rAîigle^erf e j c%t , • d^^is le Susjl ,4 
la Louisiane par exempl^ilesrefugifîs i>'*w^i4BA 
fia avoir d'airtileslTuejs etr.d a^itre avefti? qflç le 
repos et la pri>s|>di-i*éflomestiljR^ità5a4feqil^'â^ 
lieux 6û flii les:plaçait^iil:elidLt évidej^^ qwr!Us 
dèvaieiit deTtmir: bieiitpt lïii attrait »atjWel pi?us 
la populationdaCaixada^d^&ançaise^'^t fpriip^ 

par la suite une .forte ;bamài:e^ !du. i^oièisté i jfti^ 
P9int Jbostilë. ccmli^' les Anglais, qui: evi bpq1{ 
encore' les dbmiiiateursV L'Eihperêar dleait^cjiie 
cet ëtabli^sémçlit devait doftipter eu |^tt^'d4 
temps une réunion d'horrraiês • trèà-fofrls dîÀïi 
tous les genres i'Silsréiaâpli'ssâîënt leiitdevofr; 
ajoutait-il, il sortirait de là d'exèfellèns écrits j 
des i-efùtâtiôns victorieuses ' dii^ système qui 
rlomplie àùiourd'huî en "Europe; rEmpereur 
avait déjà eu.^â nie'd'ïlbe quelque idée 

semblable. 

De-la il est passe a jecapituler tout ce qu'il 

avait donne' aux .membres de sa famille: les 

• «>« »• (.' ■' -y-^». -•-■•. 

somipesr qu'ils pouvaient avpiï reçu eillie^; elles 
devaient ^tre tr^-.conside'rableSi Lui ç^ùl> ob- 
servait-il , n'avait rien ^ s'il se. troçfyait, avec le 

Jenîips, ppssedqr quelque çl^se :eu Europe , il. ne 

. • 25 



89« MÉMORIAL (m«i8i6> 

le'tléyrait qu'à la prévoyance et à la combi- 
naison de quelques amis. 

' Si l'Empereur eût gagné FAmérique, il 
comptait j disailr^il , appeler à lui tous ses pro- 
ches j il supposait qu'ils eussent pu réaliser au 
mbiûs HO millions. Ce jptoint serait devenu le 
Àoyau d'un rassemblement national , d^une 
patrie nouvelle. Avant un an y les événemens de 
la France , ceux de TEuf ope auraient groupé 
autour de lui cent millions, et soixsmte mille 
individus, la plupart de ceux-ci ayant propriétés, 
talens et instruction, L'Empereur disait qu'il 
aurait aimé à réaliser ce rêve, c'eût été une 
gloire nouvelle, 

ft L' Amériqiie p continuait-il , était notre vé- 
ft ritable asile, sous tous les rapports. C'est un 
« immense continent^d'une liberté toute'particu* 
« lière. Si vous avez de la mélancolie, vous pouvez 
« monter en voiture , courir mille lieiies et jouir 
« constamment du plaisir d'un simple vpya- 
ce geurj vous y êtes l'égal de tout le monde j 
« vous vous perdez à votre gré dans la foule 
« sans inconvéniens , avec vos mœurs , votre 
« langage, votre religion, etc., etc. » 

L'Empereur disait qu'il ne pouvait désormais 



(Mat 1816) DE SAïNTE-HÉLÈNE, 895 

se trouver simple particulier sur le continent 
de l'Europe , son nom y e'tait trop populaire j il 
tenait trop désormais par quelque côte à chaque 
peuple; il e'tait devenu de tous les pays. 

« Pour vous, m'a-t-il dit en riant, votrç lot 
« naturel e'tait les pays de FOrenoque ou ceux 
ce du Mexique : les souvenirs du bon Las Casas 
« n'y sont point efface'sj vous y auriez eu ce que 
« vous eussiez voulu. Il est de la sorte des des- 
«c tinations toutes marquées. Gre'goire y par 
«c exemple , n'a qu'à aller à Haïti , on Ty fera 
« Pape. » 

Au moment de la seconde abdication de l'Em*- 
pereur, un Américain à Paris lui écrivait r 
« Tant que vous avez été à la tête d'une nation , 
« tout prodige de votre part était possiMe ^ 
n toutes les espérances pouvaient être conçues* 
« mais aujourd'hui rien ne vous est plus possible 
« en Europe. Fuyez, gagnez les Etats-Unis, je 
«( connais le cœur des chefs , et les dispositions 
« de la multitude ; vous trouverez là une patrie 
«et de véritables consolations* » L'Empereur ne 
le voulut pas. Il pouvait sans nul doute, à la 
Ëiveur de la célérité ou du déguisement, gagner 
Brest, Nantes, Bordeaux, Toulon, et probable- 



896 MÉxMORIAL (Mai i8i«) 

ment atteindre l'Amëriqne; mais il ne pensait 
pa5 <pie sa^ dignité lui permit le déguisement ni 
la fmte \ il se ci^oyait tenu à montrer à tonte 
. FEuropc son entière confiante au peuple fran- 
çais, et l'extrême affection de celui-ci à sa per- 
sonne, en traversant son territoire dans une 
telle crises en simple particulier et sans escorte. 
En^n y et c'est par-dessus tout, ce qui le dirigeait 
en cet instant critique, il espérait qu'à la vue 
du danger , les yeux se dessilleraient , qu'on 
reyiendrail à lui, et qu'il pourrait sauver la 
patrie : c'est ce qui lui fit alonger le temps le 
plus, qu'il pût à la Malmaison ; c'est ce qui le 
fit retarder beaucoup encore à Rochefort, S'il 
est à Sainte-Hélène , c'est à ce sentiment qu'il 
le doitj jamais il ne put se séparer de cette 
pensée. Plus tard , quand il n'y eut plus d'autre 
ressource que d'accepter l'hiospitalité du Bellé- 
rephon , peut-être ce ne fut pas sans une espèce 
de secrète satisfaction intérieure qu'il s'y voyait 
irrésistiblement amené par la jforce des choses: 
être en Angleterre, c'était ne pas s'être éloigné 
de la France, Il savait bien qu'il n'y serait pas 
libre; mais il espérait être entendu; et alors 
que de chances s'ouvraient à la nouvelle dircc- 



(Mai iSi«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 397 

tion qu'il pourrait imprimer! « Les ministriBS 
r( anglais , ennemis de leur patrie ou vendus à 
« Te'tranger, disait-il , ont trouve'.m^ seule per- 
« sonne encore trop redoutable; ils on,t pens^' 
ce que .ma seule opinion dans Londres eut et« 
€< plus que l'opposition toute entière j qu*il le:ur 
« eût fallu changer de système ou quitter leurs 
« places j et pour conserver leurs places, ils Ont 
« lâchement sacrifie' les vrais intérêts de lefur 
c( pays; le triomphe, la gloire de âes lois, la 
« paix du monde j le bonlieur de l'Europe, la 
« prospe'rite' , les bene'dictions de l'avenir. » 
. Le soir , l'Empereur, dans le cours de la eon-r 
yersation, s'est trouve' revenir de nouveau sur 
Waterloo, sur ses anxie'te's , ses indécisions avant 
de prendre un parti décisif touchant sou abdir 
cation. Je passe une foule de détails, pour ne 
pas me répéter, je n'en garde que ce qui suit : » 
Son discours à ses ministres, en agitant l'aby 
dication, fut la prophétie littérale de qe que 
nous avons vu depuis. Carnot fut le seul qui 
sembla le comprendre: il combattit cette abdi-- 
cation, qui, selon lui, était le coup de toort de 
la patirie; il voulait qu'on se défendît, jusqu'à 
extinction, en désespérés j il fut le seul de fcou 



/^ 



308 MÉMORIAL (Iffai letS) 

airisj tout le reste opina pour l'abdication ; elle 
fut résolue ; et alors Carnot s'appuyant la tête 
de ses deux mains, se mit à fondre en larmes. 

* 

Dans un autre endroit l'Empereur disait: 
te Je ne suis pas un Dieu, je ne pouvais pas 
•c faire tout à moi seulj je né pouvais sauver la 
« nation qu'avec elle-même; j'étais bien sûr que 
« le peuple avait ce sentiment; aussi souffre-t- 
ft il aujourd'hui sans l'avoir mérité j c'est la 
te tourbe des intrigans; ce sont les gens à titres, 
K à emplois, qui ont été les vrais coupables; 
te Ce qui les a séduits, ce qui m'a perdu, c'est 
•c la douceur du système de ^ 84 ^ , la bénignité 
« de la restauration; ils ont cru à sa répétition. 
M Le changement de prince était devenu pour 
« eux une mauvaise jplaisanterie. Il n'y en a pas 
«t un qui n'ait cru demeurer tout ce qu'il était 
te en me voyant remplacé par Louis XVIII , ou 
ce par tout autre. Dans cette grande affaire, ces 
« hommes malhabiles, avides , égoïstes ne 
tt voyaient qu'une compétition dont ils s'im- 
« portaient peu, et ne songeaient qu'à leurs 
tt intérêts individuels, lorsqu'il s'agissait d'une 
« guerre de principes à mort qui devait les 
«^dévorer tous ; et puis, pourquoi le dissimuler? 



(Mai 18x6) DE SABSTE-HÊLÈNE. 399 

« conyenons-en , j*avais élevé ^ et il s'est trouvé 

« da&s mon entourage J(^^r£r^ can /x> Et se 

tournant vers moi ^ il a ajouté : « Et ceci encore 
« n'est pas pour votre faubourg Saint-Grermain. 
« Son affaire est une autre question , ceux-là ne 
« sont pas sans pouvoir fournir quelcpi'espèce 
« d'excuse. Lors du premier renversement en 
« ^ 84 W^ , les grands traîtres ne sont pas partis de 
ir là; je n'eus pas trop à m'en [plaindre j et à 
tt mon retour ils ne me devaient plus rienj j'a- 
« vais abdiqué , le Roi était revenu ; ils étaient 
« retournés à leurs premières affections : ils 
« avaient recommencé un nouveau bail, etc« ^ 

Lundi ay. 

Etat de Ilndostrie en France. -*« Sor les physionomies. 

L'Empereur est sorti vers les deux heureSjp 
le temps était fort beau. La. saison est sensible- 
ment différente de celle que nous avions en arri'* 
vaut i elle est infiniment plus fraîche. L'Empe- 
reur néannfmins était souffrant, semblait fort 
ennuyé. Il a marché vers Textrémité du bois 
en attendant que la calèche vint nous prendre. 
iPïous avons fait notre tour ordinaire. 

La conversation est tombée sur l'état de rin-* 



Jf§0 atÉMORIAL f»aiMrtj$) 

dustritea' Fja»cd, ^Empereur Tavait porlçoi, 
disait-il, à un degve Uicoûnu jusqu'à l^i; et on nfi 
le croyait pas. en Europe , même en Fjrance. Lçf 
«l;tanger$ en ont e te grandement surpris à l^ur 
arrivée. L'abbé dé Mont^squiou» dirait- il, ne 
revenait pas. d-en avoir les preuves humains 
lors de 3on ministèriS de l'intérieur. 

L'Empereur était le premier en Finance qui 
eût dit : D'abpiid, l'agriculture, puis l'industrie, 
c'èst-àrdire ' les manufactures ; enfin ; le com' 
mefce, qui !ne doit être que la surabondance 
des: deux: premiers.' C'e'tait encore: lui qai avait 
défini et iiniis .en pratique j d'une n^anière claire 
et suivie, les intérêts des manufacturiers et des 
ne'gocians. C'e'tait lui à qui on devait la con- 
quête du sucre, de Firidigo' et' du Coton. H avait 
proposé 4 million pour celui qui /trouverait i 
£lèr le lin conime le coton, et il ne doutait 
pas que ce résultat n'eût^été obtenu et que la 
fatalité des circonstances' avait seule empêché 
de cohsàdrer cette magnifiijue d^buverte, etc. y 

Les ennemis de ^otré propre bieki y la vieille 
sTristocratie, disaifc^il, s' étaient rperdue en mau^ 
valses plaisanteiries, en frivoles caricatures sur 



(Maiiiiô) DE SAINTE-HÉLÈNE. io4 

tous ces objets > mais les Anglais ^ qtii sentaient 
lé coup,: n*en riaient point ■, et en demeurent 
pucore af£ec!te's àujounl^uiv : . . :.\ i 
; Qttçlque temps évânt de dîner, L'Empereur 
m'ia fait yenirdanis sa chambre- il e'tait fort' souf- 
fipaiitv il essayait dé caHser; il n'en avait pas 
Ig foï^ce; il. attribuait sa situation à de mau^ 
T^is \Ein jiouvellement arrive'. Et à propos de 
tin, il racontait que Côrvisatt, Bertholet et 
QUt're$, cbimistes et inëdecins lui avaient sou»- 
vent recommande' et re'pe'te', à lui qui e'tait.si 

9 

(éminemment expose', que si jaunis en buvant J 

il lui arrivait de trouver le moindre itnauyais 

goitt à dû vin V il devait le recracher à XHnstant. 

De -là, la cpnrVersatiqn l!a conduit! s'eton* 

ner du. caractère dé quelqu'un dont les Straitâ 

e'taient un vrai contraste. « ' Celai prouve ^ disait- 

« il, qu'on tté doit pas prendre les hommes a 

ce leur visage j on ne les connaît bien qu'à l'es- 

« sâi. -Que de figures j'ai eu à juger dans ma 

«t vie ! que d'expe'riences j'ai eu à faire ! que 

fi de de'nonciàtions, que de rapports j'ai €ritén- 

« dus ! Aussi m'e'tais-je fait la loi constante de 

« ne me laisser influencer jamais par les traits 

« ni par les paroles. Ne'anmoins , il faut conve-. 



nÔSt MÉMORIAL ( Mai 1816 ) 

K nîr que les traits fournissent parfois de bi* 
« zarresrapprochemens ! Par exemple, en consi- 
« derant notre Monseigneur ( le Gouverneur ) 
ic qui ne trouve du chat-tigre dans ses traits? 
€c Auti'e exemple : J'avais quelqu'un en service 
«( intime auprès de moi ; je l'aimais beaucoup^ 
« et j'ai été obligé de le chasser parce que je l'ai 
« pris plusieurs fois la main dans le sac et 
« qu'il volait trop impudemment : eh bien ! 
« qu'on le regarde , on lui trouvera un œU de 
^ pie » 

; Quelqu'un lui cita à se sujet Mirabeau qui , 
en parlant du visage de Pastoret^ disait : « H y 
« ^ du tigre et du veaUy mais le veau domine. » 
Ce qui l'a beaucoup fi^it rire , parce que cela , 
a-t-il dit , était exactement vrai. 

L'Empereur a voulu dîner seul dans sa cham- 
bre. Il m'a fait revenir sur les dix heures ; il était 
mieux, il a parcouru plusieurs des livres dont son 
canapé était couvert. Il a entamé l'Alexandre 
de Racine , qu'il a en grand dégoût , et a pris 
l'Andromaque, qui est une.de ses passions. 



(Mai t«,«) DE SAINTE-HÉLÈNE: h{iS 

Mardi 28. 

/ L'Empereur devant le camp anglais. 

L'Empereur est sorti sur les deux heures. Le 
temps était fort doux et fort agréable. Nous 
avons été' en calèche près d^nne heure. Il avait 
d'abord été question d'aller à cheval; l'Empe- 
reur en sent le besoin pour sa santé; mais il 
semble y porter un dégoût extrême. Il ne sau- 
rait, dit-il, tourner sur lui-même de la sorte. 
Dans nos limites il se croit dans un manège , 
il en a des nausées. Cependant, au retour nous 
sommes venus à bout de l'y déterminer. Il nous 
avait tous auprès de lui ; nous avons gagné la 
crête du prolongement de la montagne des 
Chèvres <jui sépare l'horizon de la ville d'avec 
celui de Longwood. Nous sommes revenus 
en passant sur le front du camp : c'était la 
seconde fois depuis notre séjour à Longwood. 
Tous les soldats , quelles que fussent leurs occu- 
pations, ont tout quitté, et sont accourus spon- 
tanément pour former la haie. « Quel soldat 

« européen , disait l'Empereur à ce sujet , n'est 
« pas ému à mon approche ! » Et c'est parce 

qu'il le savait, qu il évitait soigneusement ici de 
passer élevant' le camp anglais , dans la crainte 



^ 



»0» MÉMORIAL (MaiiaiS) 

qu'on ne l'accusât iie Vouloir exciter ce senti- 
ment. Cette petite course et U £abtigtjue qu'elle 
a causée a été agréable à tout le monde « JSous 
étions de retour à cinq heures. L'Empereur 
trouvait la journée bien longue : depuis quel- 
que temps il ne. dicte plus. Il a aperçu des 
espèces de quilles façonnées par les gens pour 
leur usage; il les a fait apporter et nous avons 
fait une partie. J'y ai perdu contre l'Empereur 
un napoléon et demi , qu'il m'a bien fait payer, 
pour les jeter au valet de pied qui nous servait 
la boule. 

Mercredi 29. 

La Corse et le pays natal. —P?iroles de Paplî. — Magna- 
nimité de Madame mère. — Lacieu destiné à la Corse. 
— Conr du Gonsal. — M"** de Chevrense. — Lettre 
de Madame mère. 

Depuis long-tanps l'Empereur se promet; 
cliaque soirée, à notre sollicitation, de monter 
à «cheval le lendemain de bon matin j mais au 
moment d'exécuter ce projet, il ne s'en trouve 
plus le courage^ Aujourd'hui il était donc au 
jardin dès huit heures et demie j il m'y a fait 
appeler, h», conversation est tombée 5ur la 



j 



(Mw :ito6) DE SAINTE-HÉI.ÈNE. HO» 

Ccnrse, et y est demeurée plus d'une liêure, «La' 
te patrie ' est toujours dière , disait-il , Sainte- 
«Hélène même pourrait l'être à e^ prix, v La 
Corse* avait donc mille charmes ^ il éxt détaillait 
les grands traits-; ki coupe hardie dé sa struc- 
ture physique. Il disait que les insulaires ont 
toujours quelque chose d'original par leur iso- 
lement qui les préserve des irruptions , et du 
mélange perpétuel qu'éprouve le Continent J 
que les habitans des montaghes ont une énergie 
de caractère et une trempe d'ame qui leur est 
toute particnliète. Il s*arrêtait sur les charùies 
de la terre natale: tout y était meilleur, disait- 
il ; il n'était pàS jusqu'à l'odeur du soi inênfe , 
elle lui eût suffi pour le deviner les ^eux^ 
fei^mésj il ne l'avait retrouvée nulle part, IF 
s'y voyait' dans ses premières aniiééS , a^ ses pre- 
mières amours; il s'y trouvait dans Sâ jeunesse, 
au milieu des précipices ,' franchissant les som- 
mets élevés, les valees profondes, les gorgés 
étroites ; recevant les honneurs et les plaisirs 
de Thospitalité; parcourant la ligne des parens 
dont les querelles et les vengeances s'étendaient 
jiTsqu'au septième degré. Une fille,' disait-il, 
voyait entrer dans la valeur de sa dot le homliré 



»06 MÉMORIAL (Mai xSifl) 

de ses cousins. Il se rappelait avec orgueil que 
n'ayant que vingt ans , il avait fait partie d'une 
grande excursion de Pàoli , à Porte di Nuovo. 
Son cortège e'tait nombreux ; plus de 5 cents 
des siens l'accompagnaient à cbeval. Napoléon 
marchait à ses côtes. Paoli lui expliquait , che- 
min faisant , les positions , les lieux de résis- 
tance ou de triomphe de la guerre de la liberté. 
Il lui de'taillait cette lutte glorieuse j et sur les 
observations , le caractère et l'opinion qu'il 
avait pris de son jeune compagnon, il lui dit : 
<c O Nc^oléon l tu n^as rien de moderne l tu 
cç appartiens tout àfaU à Plutarque. » 

Quand Paoli voulut livrer son île aux An-^ 
glais ^ la famille Bonaparte demeura chaude à 
la têtie du parti français, et eut le fatal [honneur 
de voir intimer contre elle une marche des 
habitans de Tile , c'est-à-dire d'être attaquée 
par la levée en masse. 12 ou 15 mille paysans 
fondirent des montagnes sur Ajaccio, la maison 
fut pille'e ou brûlée, les vignes perdues, les 
troupeaux détruits. Madame, entourée d'un 
petit nombre de fidèles, fut réduite à errer 
quelques temps sur la côte, et dût gagner la 
France, Toutefois Paoli, à qui cette famille 



CMaî »Si6) DE SAINTE-HÉLÈNE. *07 

avait ete si attachée^ et cpii lui-même avait tou- 
jours professé une* consideratiou ' particulière 
pour Madame ^ Paoli avait essayé la persuasion 
avant d'employer la force. « Renoncez à votre 
« opposition, lui avait-il fait dire, elle perdra 
« vous , les vôtres , votre fortune j lès maux 
«c seront incalculables, rien ne pourra les repa- 
ie rçr. »En effet, l'Empereur disait <jue sans les 
chances que lui a procurées la révolution , sa 
famille ne s'en serait jamais relevée. Madame 
répondit en héroïne , comme eût fait Çornélie , 
cpi'elle ne connaissait pas deux lois ; qu'elle , 
ses enfans , sa famille ne connaissaiient que 
celles du devoir et de l'honneur. Si le vieil ar- 
chidiacre Lucien eût vécu , disait TEmpereur , 
son cœur eût saigné à l'idée du péril de ses 
moutons , de ses chèvres et de ses bœufs , et sa 
prudence n'eût pas manqué de conjurier l'orage. 

Madame, victime de son patriotisme et de 
son dévouement à la France , crut être accueil- 
liiB à Marseille en émigrée de distinction^ elle 
s'y trouva perdue , à peine en sûreté , et fut 
fort déconcertée de ne trouver le patriotisme 
que dans les rues> et tout-à-fait dans la boue. 

Napoléon, dans sa jeunesse , avait écrit une 



KOH . MÉMORIAL . (Hafc lè.e) 

hiàtôire de la Corse, qu'il Adressa à ]:'aM9eRaynal^ 
éè qui liii tulttt (Juelqties lettres et des distinc- 
tions flatteuses de b parï de cet e'crivain , alors 
Photrinie à la mode. Cette histoire s'est perdue.' 
^ L'Empereur nous disait cjue lor^ de la guerre 
de Corse , aucun dés Français qui étaient venus 
dans Vile ïi*eii sortait tiède sur le caractère de 
ces moijtagna,rds; les. uns ten étaient pleins d'en- 
thousiasme, les autres ne youlaient y voir quç 
des brigands. . 

A Paris, on avait dit au Sénat que la France 
avait été' çherche;r un maître chez un pçuple 
dont les Homains.ne voulaient pas pour esclave^ 
« Ce sénateur a pjui vouloir m'inj^ieai, disait 
« rEja^pQreur,^mai$ ilpsiyàit làun-gr^nd com- 
« plinieïit aux Gorise^, Il disait Tsai i jamais les 
« Romains n ache£aie«i^ d'escl^i?^/ corses j ils 
« $ayaiei\t :<pb^Q9; n'caa;BOuyaitricatt ti?:«E; il e'tait 
c( inipas^ihlé. dç^ l^s.plier à' L'esclavasge. » 

Lors de la gufiére d^ 'la libeaite; en Coirsc, 
quelqu'un pi'oposaiè singulier iplaoi de; couper 
ou dia })rûler tpus)ies»châtfligniers5dt€rat:le frtoit 
faisait la, 'iu)ttmtomtdi;gfmdntagnardsl^ a Y ans 
« lej fpiwterM i îdisaittiivià descendre dsçis- la 



{ M^t »M) DÉ SAfNTE-HÉLËNË. ftfl» 

« plaine tous demander la paix et dm padm m 
Heureusement, disait l'Empereur, cpie c'était d£î 
«es plans inexecutaUes , qui ne sont qtielcjiie 
chose que sur le papier. Par un sentiment couh 
traire , Napoléon , dans ses premières annéer, 
déclamait constamment contre les^ chèvres, qtû 
sont nombreuses dans l'ile , et causent de graii<^ 
diftgâts aux arbres. Il voulait qu'on les extii^t 
entièrement. Il avait, à ce sujet, des prisses tet^ 
ribles avec le vieil archidiacre , sou oncle f qui 
en possédait de nombreux troupeaux, et les dé* 
fendait en patriarche. Dans sa fureur il ;repro-» 
chait à son neveu d'être im not^ateur^ «t accix^ 
sait les idées philosophiques du péril de sey 
chèvres. 

Paoli mourut fort vieux à Londres; il vit 
Napoléon Premier Consul et Empereur, et Id 
chagrin de celui-ci est de ne pas l'avoir rappelée 
t C'eût été une grande jouissance pour moi, ui» 
•c vrai trophée , disait* il ^ mais entraîne par )efl[ 
(T grandes affaires^ j'avais rarement le temp^ dç 
<( me livrer à mes sentimens pèrsoni^ls. ^ '^ 

; Au retour: de l'Empereur, en i8^ 5^ Joseph V 
 Famy^e die Lucien à Paris, ^dnseiUa à l'Ëm^ 

percur de l'enfoyer gouverneur ^ g^tfral «ni 

3. 2« 



M% MÉMORIAL (MûiSifr) 

Corse : cela ayait même e'té résolu j Timpor- 
tance et la précipitation des eVenemens l'ont 
empêché. S'il en avait été ainsi, disait FEmpe- 
reur, il y fut demeuré le maître^ cela eût offert 
de grandes ressources à nos patriotes persécutés. 
A cpmbien de malheureux la Corse n'eût-elle 
pas servi d'asile ! Du reste , il répétait qu'il 
avait peut-être fait une faute, en abdiquant, de 
ae pas s'être résçrvé la souveraineté de la Corse ^ 
avec quelques millions de la liste civile j de 
n'avoir pas. emporté ce qu'il avait de précieux , 
et gagné Toulon, d'où rien n'eût pu gêner son 
passage} qu'alors il.se fût tr9uvé chez lui j la 
population eût été sa famille; il eû^ disposé de 
tous les bras, de tous les cœurs. Trente. mille^ 
cinquante mille alliés n'auraient pu le soumet- 
tre. Ai^cun d'eux n'en eût voulu prendre la 
charge j mais c'.est cette position heureuse même 
qui la retenu. Il n'avait pas voulu qu'on eût 
pu dire que dans le naufrage du peuple fran- 
çais, qui lui était visible , lui seul avait eu l'art 
de gagnj&r le port. 

, On lui bbsjçrvait alors qu'il avait couru dans 
le monde. qu'il eût été le toaître en i844d'^v6ir> 
k Corse au lieu dç l'île d'Elbe*. «Sans doutai 



(Mai i8i6) DÉ SAINTE-HÉLÈVE. %Ù 

« di^it TEmpereur, et q[uand on saura bien 1^ 
« affaires de Fontainebleau , on sera bieïi sur- 
* pris !... J'eusse pu alors me reserver ce que 
« j'eusse voulu ; rhumeur du moment me de'- 
« cida pour Tîle d'Elbe. Toutefois si j'avais eu 
« la Corse, il est à croire que le retour de 48i 5 
« n'eût pas été tente'. A l'île d'Elbe même, ce 
«n*est qu'en gouvernant mal, qu'en n'accom- 
« plissant paîi vis-à-vis de moi les engagement 
« stipules qu'on a prononce' mon retour. * 

Nous avons alors rappelé' à l'Empereur sa 
îpremière intention de monter à cheval j il nous 
à dit qu'il aimait "mieux causer et marcher. Il 
a demanda son de'jeûnër , à la suite duquel nous 
sommes demeure's long-temps à parler sur l'an- 
cienne Cour, la noblesse qui la composait, ses 
pre'tentions , les carrosses du Roi , etc., etc., et 
tout cela se comparait à mesure avec ce qu'avait 
crée l'Empereur. 

De-là il est remonte' à Tepoque de son cpnsu- 
lat et aux grandes difficultés qu'avait pre'sen- 
te'es l'espèce de Cour qu'il s'agissait alors de 
composer. Le Premier Consul , en arrivant aux 
Tuileries, suece'dait à des orages, des temps, 
àés mœurs qu'il ftait rc'solu de faire oublier^ 



h\% MlSMORIAL {UÛM6} 

|fat8 il arait toujoiiiv el» aux arméek j il arrii* 
Tait d'Egypte ^ il arait quitté H France jeunr 
et sans expérience. Il ne eœinaisfiait personne ^ 
et c'est ce qui lui tan» d'abord un grand éta^ 
barras. Lebrun]fut pour lui, dans ces premierg 
Q!K>mens, une espèce de tuteur fort précieux, 
lies banquiers ou faiseurs d'affaires étaient alorf 
ceux qui donnaieiit le ton ; a peiiie le Gcmsut 
était ^ommé, que plusieurs s'empressèrent d'ofr 
frir des p^èts considérabks. Ce dévoùment ne 
semblait que généreux, mais il renfermait d'ar- 
rières, espérances. G^étaient en général des geut 
mal famés j ils furent refusés. Le Premier CoidsilI 
avait une répugnance naturelle contre les fai-t 
seurs d'affaires j il s'était fait un devoir, disait-* 
il, de montrer d'autres principes que ceux dç 
Scherer, de Barras et du Directoire. Il voulait 
çue kl probité devînt le premier ressort et Iç 
caractère de son nouveau gouvernement. Le 
Consul se vit aussi presque aussitôt entouré de 
femmes de fournisseurs j elles étaient toutes 
çbarmantes et_de la dernière élégance : ces deux 
circonstances semblaient être de rigueur parmi 
tous les faiseurs d'affaires, et entrer pour beau*» 
coup dans leurs spéculations* Mais la sévère 



iW iM ) DE SAINTE-Hl^MNE. ^f | 

l^ebrufi était là pour qdairer son jefine TUâér 

flaque. Il fut résolu de ne pas les adi^ettre daii§ 

la société des Tuileries. Toutefois op xÇé^it 

pas saas emb^ras pour la composer : ôa ne ycar 

}^it pas de noblies > pour W pas effaroucher le$ 

l^pinioBS politiques} on i^e youlait pas de fair 

^urS 4'i^ffaires, afin de releT$r les mœurs nou- 

YçjUes; il U13 restiUt donc p^ grand^ chose, ai^sj 

fut-ce d'abord pendant quelque temps un^ é$«' 

pèce de l$uitenie magique fort mêlée et t:rès- 

cbmgeante. Cepeadaut cette réunion eut bientôt 

^a eouleur , son toii , son mérite. 

■ " ' '* 

A Moscow le Vice-Roi trouva uxie corres- 

pondance de la Princesse DoIgproAyski ^ qui 
avait habité Paris à cette époque. Elle parlait 
fort bien des Tuileries dans ses lettres. Elle di- 
sait que ce n'était p^s précisément une Cour, 
mais que ce n'était pas non plus un camp ; que 
c'était une autorité , une teiiue toute nouvelle*} 
que le Premier Consul n'avait pas le cliapeati 
^ous le bras ni Tépée d'acier, il est vraij maîlsi 
^ue ce n'était pas non plus un homme à sabre', 
etc., etc. c( Et , continuait l'Empereur, voilà 
« pourtant ce que sont les hommes et les rap*- 
'u ports; c'est sur: de pareilles cxpressithS, mais 



M n^ MEMORIAL ( m» 1816 } 

tt mal présentées, que la Princesse Dolgorowski 
« a dù^tre fort mal traitée par moi. Je dois lui 
« avoir donne Tordre dans le temps de quitter 
ce la France; nous la supposions mauvaise, et 
« nous étions, comme onlevoUy dans Terreur. 

tE La maîtresse de M. de T «.. , d(nit il 

M n'avait point encore fait sa femme ^ madame 
« G • • . . , a beaucoup contribué à nous aliter 
« les Russes. ^ 

L'Empereut observait qu'au retour de Tîle 
d'I&lb^) il aurait éprouvé moins d'embarras 
pour composer sa société. « Elle était même 
•c toute trouvée^ disait-il, dans ce que j'appelais 
ir mes veui^es : la duchesse d'Istrie, M"* Duroc, 
le M""*" Régnier, Legrand, et toutes les autres 
•t veuves de mes premiers généraux. Je disais 
« aux princesses qui me demandaient comment 
« recomposer leur Cour, de suivre mon exemple. 
« Rien n'était plus naturel ^ plus beau, plus 
èr moral. Elles étaient encore jeunes, et pourtant 
« déjà formées au monde; dans le nombre il 
« s^en trouvait même de charmantes et de fort 
« aimables : la plupart auront été ruinées > plu- 
ie sieurs , ditH:>n , se remarient et changent de 



(M«^i8t6) DE SAINTE-ÏIÉLÈNE. U^ 

« jiôm *, de sbrte que de tant de fortunes et de' 
« tant d'eleVation fondées par moi , tout, ju$-' 
K qu'aux noms même disparaîtront peut^étrt. 
« S'il en était ainsi, ne donneront-^ils pas Tocca- 
« sion de dire qu'il fallait après tout jù'il y eût 
« un vice radical dans les choix que j'avais faits r 
ce ce serait du reste tant pis pour eux ; ils ne 
« feront là que ménager un triomphe et des^ 
« insolences à la vieille aristocratie. >« 

Nous sommes revenus à lui rappeler la course' 
à cheval j nous y tenions, parce que nous savions^ 
que sa santë en dépend ; mais il n'y a pas eu 
moyen. « Nous sommes bien ici, a-t-il dit, 
ce bâtissons-y trois tentes , etc. , etc. » Et la cau- 
serie a continué sûr le faubourg Si. - Germain,* 
l'hôtel de Luynes qu'il en disait (la Me'tropole; 
et il a raconté l'exil de M*"* de Chevreuse. Il 
l'avait menacée maintes fois , et pour des torts 
réels, pour de véritables insolences, assurait-il. 
Un jour poussé à bout il lui avait dit : « Ma- 
te dame , dans vos maximes et dans vos doctrines 



'^ On avait dit à TEmperenr qae trois ou quatre «le 
ets veaves les plus distingnëes Tenaient de $9 r«inft~ 
Ti«r* Ce qoi s'est trooTë faux* 



!> • 



\ 



Mé MÉMORIAL (Uti ai^) 

«;. féodales t TOUS vous prétendes les seigiiiéur& 
« de TûS terres; eli bien: J moi , d'après vos prin« 
« iïipes , je me dis le seigneur de la France ^ et 
« Paris est mon village. Or, je n'y souffre per- 
ce sonne ^i veuille m'y déplaire. Je vous juge 
« par vos propres lois ; sortez-en, et n'y rentrez 
;<(. jamais» ^ L'Empereur, en l'exilant, s'était 
pro^is d'être inflexible pour son retour, parce 
qu'il avait beaucoup supporté avant de punir^ 
et qu'il fallait, disait-il, un exemple sévère qui 
épargnât le besoin de répéter sur d'autres» C'é^ 
tait là un de ses grands principes. 

Je disais à l'Empereur que j'avais été beau- 
coup à Thôtel de Luynes , que j'avais beaucoup 
connu M"* de Ghevreuse et sa belle -mère, 
à laquelle je demeurais toujours fort atta-> 
ché. Celle-ci avait fait preuve d'une rare et 
constante affection pour sa belle-fille, ayant 
voulu partager son exil , et l'ayant suivie dans 
tous ses voyages. Dans ma mission en Illirie , je 
les rencontrai de nuit dans une auberge au pied 
du Simplon, et ce leur fut une véritable joie, 
une bonne fortune inattendue que de pouvoir se 
procurer au milieu du désert les plus petits 
détails de Paris et de la Cour : c^étail l'av^idiW 



tiuî.i8*6]i DE SAINTE.HÉ|.ENE> iïfT 

de Fou(}uet aux récits de Lauzun ; cat TeloigHe- 
xoent de la capitale était devenu pour elles une 
véritable morty.et elles en étaient au désespoir. 

Enfin 5 j'observais à l'Empereur que j'avais vu 
rhotel de Luynes pendant long-temps sinon 
conquis 9 du moins calmé, et peut-être moin^ 
qu'indiffér^id. Les désastres inattendus avaient 
tout réveillé, 

, Quant à M"** de Chevreuse , jolie , spirituelle, 
aimable, presque un peu pbis que bizarre, elle 
avait été sans doute poussée par l'appât de la 
célébrité, et l'essaim de ses courtisans ou de 
ses adorateurs > dont quelques-uns étaient pèù 
dignes d'elle. « J'entends, reprit l'Empereur, 
«elle espérait recommencer la Fronde j mais 
€i moi je n'étais pas un Roi mineur. » 

Le brick le Musquito, parti d'Angleterre le 
23 mars, est arrivé avec les journaux des Débats 
jusqu'au 5 mars et ceux de Londres jusqu'au 21 ^ 
Rentrant dans son cabinet , l'Empereur m'a dit 
de le suivre. Il y a lu les journaux des De'bats. 
Pendant cette lecture, il m'est arrivé du Grand- 
Maréchal une lettre venant de l'Europe pour 
l'Empereur. Je la lui ai renûse ; il l'a lue une 
fois , a soupiré. Il l'a relue encore , décUix ée et 



JH8 MÉMORIAL (Maî 1816) 

jetée sous la table; elle e'tait arrivée ouverte!.... 
Zl s'est remis à sa lecture des journaux y puis s'in- 
terrompant toutà coup au bout de quelques minu- 
tes, il m'a dit: « C'est delà pauvre Madame ; elle 

« se porte bien, et veut venir me joindre ! » 

et il s'est remis à lire. Ces nouvelles, les pre- 
mières qui fussent parvenues à l'Empereur sur 
sa famille , étaient de la main du cardinal Fescb, 
et l'Empereur se montrait visiblement blesse de 
les avoir reçues ouvertes. 

Jeudi 3o 

Moreau. •— Georges. — PIchegra. •— Opinion^da camp 

et 

de Boulogne , de Paris. 

L'Empereur est sorti sur les deux heures; 
Nous nous trouvions tous autoui: ide lui ; il est 
revenu sur les journaux des Débats, sur les 
statues que les papiers annonçaient devoir être 
eleve'es à Moreau et à Pichegru, « A Moreau, 
« disait-il, dont la conspiration dé 4803 est 
«f aujourd'hui si bien prouve'e; à Moreau, qui, 
«^en 48i3,est mort sous la bannière russe! A 
« Pichegru , coupable d'un des plus grands 
cf crimes que l'on connaisse; un général qui 
«s'est fait battre exprès, qui a fait tuer ses 



lM«i8t6) DE SAiNTE-HELÈNE. ïllé 

K Soldats, de connivence avec l'ennemi! Et 
« après tout , contieuait-il , comme l'histoire 
« n'est guère que ce que repètent les hommes , 
' «c à force de répéter que ce sont de grands hom« 
« mes qui ont bien mérité de leur pays , ils 
«f finiront par passer pour tels, et leurs ad ver- 
te saires ne seront plus que des misérables: » 

On lui observait qu'il ne pouvait en être 
ainsi que dans les temps de ténèbres et d'igno- 
rance ; qu'aujourd'hui la quantité d'actes et de 
xnonun^pns publics , l'impression y la gravure et 
l'universalité des lumières feraient toujours 
ressortir la vérité pour ceux qui voudraient la 
connaître, que chaque parti aurait ses histo- 
riens, à l'aide . desquels l'homme sage pourrait 
toujours porter un jugement impartial. 

L'Empereur alors a repris toute l'affaire de 
Moreau, Georges et Pichegru, dont j'ai déjà 
parlé, et dont j'ai promis plus tard les détails; 
il a dit aujourd'hui que celui qui confessa les 
premières indications , désigna, sans pouvoir la 
nommer, une personne à laquelle Georges et 
les autres chefs ne parlaient que chapeau bas , 
avec beaucoup d'égards et de respect. On pré- 
suma d'abord que ce devait être le duc de Berri. 



I^SO MÉMORIAL ( w iSi») 

Un inttant on pensa que cela aTait pu être l'apr 
parition momentanée du duc d'Engliien* Charles 
d'Hosier, Tun des conspirateurs ^ <pie la mélanr 
colie saisit dans sa prison, déchira le Toile, sans 
intention. Il se pendit peu de jours après son 
arrestation ; on accourut au bruit , on le déliv 
yra, mais la nature avait repris ses droits: gis^ 
sant sur son grabat , et dans la crise qu'il venait 
d'éprouver, il repétait des imprécations contre 
Moreau , Taccusait d'avoir appelé traîtreusement 
un bon nombre d'honnêtes gens , de leur avoir 
promis une grande assistance, et de n'avoir per» 
sonne; il nommait aussi Georges et Pichegru, 
Ce furent les premiers soupçons (ju'on eut contre 
Moreau , les premiers indices contre Pichegru ; 
on n'avait pensé jusque là ni à l'un ni à l'autre. 
Ce fut alors que Real , qui était accouru à cette 
espèce de confession de mort de d'Hosiekr', 
proposa au Consul d'arrêter Moreau. 
. « La crise était des plus forte$ , disait rEm-»- 
#t pereur; l'opinion publique fermentait^ on 
« calomniait la sincérité du gouvernement sur 
«i la conspiration dont il parlait, sur les cons*- 
m pirateurs qu'il dénonçait. Ils étaient au nwn- 
« bre d'environ quarante que le gouvernement 



liM$iiM) DE SAINTB-HÉLÉNE. :»«4 

<c affirmait être dans Paris. On en publia les 
fc noms, et le Premier Consul mit son honneur 
fc à s'en saisir. Il manda Bessières» et commande 
« que sa garde entourât Paris et gardât se$ 
« murailles. Pendant six semaines personne ne 
te sortit plus de Paris sans des motifs précis et 
« autorisés. Tous les esprits étaient sombres; 
• mais cbaque matin le Moniteur annonçait 
fc la capture d'un , deux ou trois des individus 
tr mentionnés. L'opinion tourna, elle me revint^ 
« et l'indignation croissait à mesure qu'on sair 
<c sissait des conspirateurs. Il n'en échappa paj; 
jc un^seul y ils furent tous arrêtes, n 

Les papiers du temps disent cominent le fut 
peorges , qui ne succomba qu'après avoir tu4 
deux hommes. Il paraît qu'il avait été Irshi 
par son camarade, qui conduisait le cabriolet 
où ils étaient ensemble l'un et l'autre* 

Quant à Pichegru , il fut victime de la plu$ 
infâme trahison. « C'est vraiment , disait l'Em- 
« pereur, la dégradation de l'humanité ; il fu^C 
« vendu par son ami intime. Cet homme , disait 
« l'Empereur, que je ne veux pas nommer, 
« tant son acte est hideux et dégoûtant. > Et ic^ 
«OU9 lui apprîmes qu€ ce nom était dans le 



W2 MEMORIAL (M.î 1816) 

Moniteur, ce qui l'e'tonna. « Cet homme , 
« continua-t-il, ancien militaire , et qui depuis ' 
^ a fait le négoce à Lyon , vint offrir de le 
« livrer pour cent mille e'cus. Il raconta qu'ils 
« avaient soupe la veille ensemble , et que Pi- 
i< chegru , se lisant chaque matin dans le Mo- 
fc niteur, et sentant approcher sa destinée , M 
« avait dit : Mais si moi et quelques géne'raut 
« nous allions re'solûment nous présenter au 
« front des troupes, ne les enlèverions-nous 
fc pas?— Non, lui dit son ami, vous ne vous 
« doutez pas de la France ; vous n'auriez pas 
« un seul soldat. Et il disait vrai, La unît 
9 venue, Tinfidèle ami conduisit les agens de 
« police à la porte de Pichegru , leur détailla 
« les formies de la chambre , ses moyens de dé- 
« fense. Pichegru avait des pistolets sur sa 
«c table de nuit, la lumière était allumée, il 
ff dormait ; on ouvrit doucement la porte avec 
•< de fausses clefs que l'ami avait fait faire ex- 
•c près. On renversa la table de nuit, là lumière 
« s'éteignit, et Ton se colleta avec Picliegru, 
« réveillé en sursaut. Il était très-fort^ il fallut 
<c le lier et le transporter nu^ Il rugissait 
ic comme un taureau. » 



(Mai »8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. »28 

Le Premier Consul, arrivant au gouverne- 
ment, avait eu à cœur d'appaiser les depar- 
temens de TOuest. Il avait fait venir la plu- 
part des chefs; il en avait emu plusieurs ^ et 
avait, dit-il, fait verser des larmes à quelques- 
uns au nom de la patrie et de la gloire. Georges 
eut son tourj l'Empereur dit qu'iltâta toutes 
ses fibres, parcourut toutes les cordes^ ce fut 
*n vain , le clavier fut épuise' sans produire 
aucune vibration. Il le trouva constamment 
insensible à tout noble sentiment et froidement 
avide du pouvoir: il en demeurait toujours à 
vouloir commander ses cantons. Le Premier 
Consul, après avoir épuise' toute conciliation, 
prit le langage du premier magistrat. Il le 
congédia en lui recommandant d'aller vivre 
chez lui tranquille et soumis, de ne pas se' 
méprendre surtout à la Aature de la démarche 
qu'il venait de faire en cet instant, de ne pas 
attribuer à faiblesse ce.qui n'était que le résultat 
de sa modération «t de sa grande force; qu'il 
se dît bien «t répétât à tous les siens que tant 
que le Premier Consul tiendrait les rênes de 
l'ail torité, il n'y aurait ni chance ni sahit pour 
quiconque oserait conspirer". Georges s'en fut; 



I 
I 



i. 



«2» MÉMORIAL' («ai »8f6) 

et la suite a prouré que ce n'était pas sans ayoir 
puise dans cette confeTencé quelqu^estime pour 
celui qu'il ne cessa de vouloir détruire. 

Moreau était le point d'attraction et de rallie^ 
ment qui avait attiré la nuée de conspirateurs 
qui vint de Londres fondre sur Paris. Il paraît 
queLajoUais, son aide-de-camp, les avait trompés 
en leur parlant au n(»n de Moreau , et en leur 
disant que ce générai était sûr de toute la 
France, et pouvait disposer de tojute Farmée, 
Moreau ne cessa de leur dire a leur arrivée qu'il 
n'avait personne, pas même ses aldes-^de-camp^ 
mais que s'ils tuaient le Premier Consul ^ il 
aurait tout le monde. 

Moreau , livré à lui-même , était un fort hou 
homme , qu'il eût été facile de conduii-e : c'est 
ce qui explique ses irrégularités. Il sortait du 
palais tout enchanté, il y revenait plein de fiel 
et d'amertume : c'est qu'il avait vu sa helle-mère 
et sa femme. Le Premier Consul, qui eût été 
bien aise de le rallier à lui, se raccommoda une 
fois à fond; cela ne dura que k jours. Le Consul 
jura alors de n'y plus revenir. En effet, depuison 
essaya mainte fois de les rapprocher j Napoléon 
ne le voulut plus. Il prédit que Moreau ferait 



(Mai i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. »«5 

des fautes , qu'il se perdrait i et certes II ne le 
pouvait d'une manière plus avantageuse an 
Premier ConsuL 

A Wittemberg, quelques jours avant la ba- 
taille de Leipsick, on intercepta des chariots et 
des effets dans lesquels étaient les papiers de 
Moreau qu'on renvoyait à sa veuve en Angle- 
terre, L'une de ces lettres e'tait de M** Mo^ 
reau elle-même , qui avait écrit à son mari de 
laisser là ses hésitations, son insignifiance ha- 
bituelle, et de savoir prendre hardiment un 
parti ; de faire triompher le légitime^ celui des 
Bourbons. Moreau répondait à cela, peu de 
purs avapt sa mort , qu'elle le laissât tranquille 
avec ses chimères» « Me voilà bien rapproche 
« de la France, lui mandait-il, bien à même 
« de prendre de bonnes informations. . • Eh bien , 
« on m'a fait donner dans un ve'ri table guêpier. « 
L'Empereur fut au moment de faire impri- 
mer ces papiers dans le Moniteur; mais il exis- 
tait encore en France quelques personne aveu- 
glement tenaces sur l'opinion qu'elles avaient 
toujours conservée de Moreau , s'obstinant à le 
, regarder comme une victime de la tyrannie. La 

contre-rëvolutionn' avait pas encore permis qu'on 
3. 27 



ft26 , MÉMORIAL (Mai iSi^y 

vint se vanter de ces actes désavoues jusque là, 
et en réclamer la récompense. La circonstance 
d'inimitié personnelle arrêta l'Empereur. Il ne 
trouva pas qu'il fût bien de la réveiller à son 
avantage, et de flétrir un homme qu'un boulet 
venait de frapper sur le champ de bataille. 

Le grand procès de Moreau et de Pichegru 
fut fort long , et agita grandement Tesprit pu- 
blic. Ce qui vint ajouter à l'éclat de cette affaire 
et à la crise, fut de se trouver compliquer avec 
l'affaire du duc d'Enghien , qui vint à la tra- 
verse, ce Les hommes d'État, disait l'Empereur, 
« m'ont reproché une grande faute dans ce 
ic procès, et l'ont comparée à celle de Louis XVI 
Il dans l'affaire du collier , qu'il mit entre les 
« mains du Parlement , au lieu de la faire juger 
ce par une commission. Selon ces honunes d'E- 
« tat , j'aurais dû me contenter de livrer les cou- 
i< pables à une commission militaire ; c'eût été 
Cl terminé en deux fois vingt*quatre heures j je 
« le pout^aiSj c'était légal, et l'on ne m'en eût 
« pas voulu d'avantage; je ne me serais pas ex* 
« posé aux chances que je courus. Mais je me 
tr sentais un pouvoir tellement indéterminé; 
« j'étais en même temps si fort en justice, que 



(Miai8t«) DE SAINTE-HELENE; *2Y 

«je voulus que le monde entier demeurât til- 
« moin.' Aussi, les ambassadeurs, lei ageâif de 
« toutes les puissances a^istèrent^ils ' atix^ àé^ 

K bats !» . '. .^ ijri:v"). 

L'un de nous alors observa à rEiïi;përeUr (Jtte 
le parti (Ju'il avait pris se trouvait bieii' heu- 
reux aujourd'hui, et pour rhislofere , etpo'tirsoh 
caractère. Il existait par là trois voluihes de 
J)ièces authentiques du J)rbclfèS;. ' ^ * 

• 

Un de nous , qui servait alorà à V^tiàéëâh 
Boulogne , disait qtte toiis cèÈ eVènémiehsT*, 
même celui du duc d'Enghîen/y avaient; J>àr& 
simples j qu'ils y avaient-eté tous attôptek'; è\ 
que sa surprise avait ëtë gran4é , revenant quel* 
ques mois après à Paris , d y trouver Texaspëi- 
t-ation qu'ils y avaient créée. 

L'Empereur convenait qu'elle ayait ëte' ex-^ 
tremè , surtout celle causée ^âr la mdrï <Ju due 
d'Enghien,'sur laquelle inéme éricoife aujour- 
d'hui eii Europe, on semblait/ <iisait-U, juger 
aveuglement et avec passion. Il enumemt de 
nouveau sbh droit et ses taisons^ il a. fait pasr 
ser en revue les nombreuses tentatives prati-^ 
qùëés sûr sa personne. Il obsefvait que pourtant 
il devait à la justice de dire qu'il n^avaît Jamais 



ft28 MEMORIAL (Mti 1816) 

trpulre Louis XVIII dans une conspiration di- 
Acte contre sa TÎe, ce qui avait ëtë, l'on pou- 
t^t^dire, permaxœnt ailleurs. Il n'ayait jamais 
connu de ce prince que des plans systématiques, 
^es opérations idéales , etc. , etc.... 

.à. 

. :: ^[ Si Je £âsse deuieure en 4845^ a-t-il conti- 
>^ n^^ey fallaîd produire au grand jour queV- 
r ques^uns des derniers attentats. L'affaire 
u Maubreuil surtout eût été solennellement 
» instruite par la^ pteniière Cour -de l'Empire , 
•r ,pt.rEurope eut jrémi d'horreur en voyant 
« jusqu'où pouvait remonter la honte de Ta»- 
A sassioat et di^ guet*à-peps. ^ 

■■'. Vendredis.. 

l^olitiqaei —Angleterre.,— Lettres retenues par le Goa-< 
vernear. -«Paroles caractëristiqaes. 

^ A cmq heures, j*ai étp joindre l'Empereur 
dans le jardin; nous y étions tous réunis. Il 
était sur la politique ; il peignait la triste si- 
tuation de l'Angleterre , au milieu de ses triom^ 
phes; le gouffre de sa dette, la folie, le besoin^ 
llmpossihilité pour elle d'être un pouvoir con- 
tinental, les dangers de^a constitution, les vé- 
ritables embarras des ministres ; la juste clameur 



> 



(Mai 18.6) DE SAÏNTE-HÉLÈNE. im 

de tous. L'Angleterre mec ses 4 50 ou 200. mille 
hommes, faisait autant d'efforts ^e lui, Empe* 
reur, en avait jamais fait au temps de sa grande > 
puissance et peut-être davantage. Jamais il, n'a- 
vait eu plus de 500 mille Français au complets . 
Les traces de son système continental étaient 
suivies désormais par toutes les puissances du. 
Continent : elles le seraient plus à mesurer 
qu'elles s'assiéraient davantage. Il u'I^esitait; 
pas à dire, et il le prouvait, que maigre l^^.i 
eVenemens du jour , l'Angleterre eut gagné à 
demeurer fidèle au traité d'Amiens ; ^u.e. VEu-/ 
rope entière y eût gagné j que lui spul, N^pOri 
léon, et sa gloire y eussent per^u. Et que c'é-; 
tait l'Angleterre pourtant , et nçn pas lui» qui i 
l'avait rompu. , .. > 

Il n'était plus qu'un système pour l'Auglpnr 
terre y continuait-il , celui de revenir à sa co^ii^t 
titution f a'abandonner le système militaire^' 
de ne plus se mêler du Continent que paT;. 
Tinfluence de la mer, sur laquelle elle régnait, 
seule désormais. Si elle prenait toute. auAre 
marche , on pouvait lui prédire de grands fuaU. 
heurs , et elle la prendrait înévitableptent cettev 
marche, parce que toute son aristocratie le 



MO MEMORIAL (Mai 1816) 

Toudrait ainsi 9 et que l'ineptie , l'orgueil ou la 
Tënalitede[son ministère pre'sent le feraient per- 
sister dans sa marche actuelle. 
* La conversation finie , l'Empereur est rentré 
dans son cabinet et m'a dit de le suivre. Il m^a 
parlé d'une lettre qui , m'ayant été envoyée 
d'Angleterre par la poste ordinaire , aurait été 
retenue par le Gouverneur , pour ne lui avoir 
pas été adressée officiellement. On en disait 
autant d'une lettre pour le Grand-Maréchal J 
L'Empereujr observait que s'il en était ainsi , il 
y aurait quelque chose de barbare et d'inhu-' 
maiii dans la conduite du Gouverneur y de les 
avoir renvoyées sans nous en avoir parlé, sans 
noi^s donner la consolation d'apprendre de qui 
elles étaient ..•• Un défaut de forme , disait-il , 
peut Se réparer aisément dans l'île ; il ne sau- 
rait en être de même à 2 mille lieues de dis-î 
tance de nous. A ce sujet j'ai raconté à l'Empe- 
t^VLv qu'il m'était arrivé, du reste, quelque 
chose d'à peu près pareil , il y avait 8 à 40 
jburs. « Une personne allant en Enrope m'avait 
« persécuté J)ôur m'être utile. Je m'étais rendu, 
n Je l'avais chargée d'un vieux soulier, comme 
n modèle, et d'une piontrè à me faire changer , 



(Maîi8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. Wi 

« puisqu ici on ne saurait les raccommoder. Le 
« Gouverneur avait de'fendu ces commissions , 
« parce qu'elles ne lui avaient pas ëte' adressées 
«c-à lui - même. Je n'en ai rien dit à per- 
ce sonne , Sire , parce que mon principe est de 
ce dévorer une injure que je ne puis pas faire 
^ réparer j mais je trouverai le moment d'en 
ce faire connaître mon opinion au Gouverneur, 
«t En attendant , ni lui , ni mon commission- 
« naire n'ont eu la satisfaction de m' arracher 
ft ni un mot, ni une ligne , bien que le dernier 
•f soit revenu plusieurs fois à la charge. » 

r 

Après le dîner , l'Empereur , causant sur notre 
situation et la conduite du Gouverneur , qui est 
venu aujourd'hui faire rapidement le tour de nos 
murailles, revenait sur la dernière entrevue qu'ils 
avaient eue ensemble, et disait des choses prë-* 
cieuses à ce sujet. « Je l'ai fort maltraite' sans 
« doute , disait-il , et rien que ma situation pre- 
« sente ne saurait me justifier; mais la mau- 
« vaise humeur m'est permise : j'en rougirais 
« dans toute autre situation^ Si c'eût e'të aux 
« Tuileries, je me croirais en conscience oblige 
« à des réparations. Jamais, au temps de ma 
« puissance , je ne maltraitai quelqu'un qu'il 



Îi32 MÉM. DE S«*-HÉi;. CMaî i8i6) 

« n'y eût de ma part (juclque mot qui raccom- 
m modâtle tout j mais ici, il n'y en a eu aucun, 
« et je n'en avais pas Fenvie. Toutefois , il y a 
«c été peu sensible; sa délicatesse n'en a pas 
« semblé blesse'e. J'aurais aime', pour son bon- 
« neur , par exemple , à lui voir témoigner de 
« la colère, ou repousser la porte avec violence 
« en sortant. J'eusse été certain du moins qu'il 
« y avait en lui du ressort et de l'élasticité; 
« mais je n'y ai rien trouvé. » 

La conversation a continué sur la politique; 
elle était animée, vive, courante et d'un tel 
intérêt que j'ai pu oublier quelques instans le 
coin du monde où je me trouvais ; j'aurais pu 
me croire encore aux Tuileries ou dans la rue 
de Bourgogne. 



Fm DU TliOJStKmS VOLUME. 



TABLE MAISONNÉE 

DES MATIÈRES 

GOKTElfUES DANS LE TROISIÈME VOLUME. 



ff, B. Les chiffires sont 1(» Dunéros des pages. Ce signe (<*} indique qtie 
les sujets se snÎTent ; et ee signe ( — ) qne le sujet qui suit est différent do 
c<liii qai précède* 



AmiQXTB. Projet d^expédîtîon 
pour explorer son inlérienr , 

«94- 

ANGLETERRE. Bapproche- 

mens de sa réTolulîon aTec celle 
de France, aj^* L^Empereur 
disait qu^aTecsa France,!' Angle- 
terre devait finir par n'en êlre 
plos qu'an appendice. - La na- 
ture Pavait faîte une de nos lies, 
339. Eût gagné & êlre fidèle au 
traité d** Amiens. - N'était plus 
qu'un système pour elle 9 celui 
de rcTenir à sa constitution , ou 
s'exposait auljremeni à de grands 
malheurs, 4^8. 

AncoLB. ( Bataille i*) Cha- 
pitre de la campagne d'Italie 
dicté par l'Empereur, 181. 

Asker-Kan. ( ambassadeur, 
dé Verse à Paris ). Détails. - 
Anecdotes, i34* 

Atlas historique , etc. , de 
Le Sage. - Son historique de- 
mandé par l'Empereur, 5 17* 

Autriche. ( Puissance d* ) 
L'*£mpereur disait avoir £aît 
une grande faute de ne l'avoir 
pas morcelée en plusieurs cou- 



I Tonnes. - Insinuations d'un 
prince de cette maison. - Le 
mariage de Marie-Louise a 
perdu Napoléon , i3o« 

Bade. ( Stéphanie de Beau» 
harnais , princesse de ) Lors du 
divorce de Joséphine, s'est rap- 
prochée de son mari , et n*ont 
plus fait qu'*un ménage des plus 
heureux, 366. Son enfance. • 
Circonstances de son élévation. 
- Son beau caractère 576. 

Bertholet ( Comte , Pair. ) 
Trait charmant de l'Empereur 
envers lui. - Sa Conduite en 
1 8 1 4 et au retour de Tile d'Elbe, 
307. 

Bertrand de Mollevillb 
( M. Bx " Ministre de Louis 
XF"! ). Son opinion sur Kapo- 
léon, 398. 

Bonaparte (Z^af£/V/j, mère de 
PEmpereur ). Paroles de TEm- 
pereur, 366. Donnait beaucoup 
h ses enfans en secret. > Ei^t 
tout donné à son fils pour le re- 
tour de l'Ile d'EJbe et apr^s 
Waterloo.-Sa fierté. -Sa noble 
ambition. - Avait nne aine forte 



434 



TABLE 



et trempée aux grands tYéne- 
mcQS, 567. Sa maison à Ajaccio 
brûlée. - Réduite a errer sur la 
£Ôie aTani de gagoer la France, 
•'Sa réponse magnanime à Paoli) 
406. 
Ca7Aiiil|«i ( yicô' Amiral ). 

CAMBÀcéRis(Z)z^ de Parme). 
L'£mpereur le disait Phomme 
des abus , avec on goût décidé 
pour Tancien régime , 4^. 

CARNoT.Gombatiit la seconde 
abdication. - Quand elle fat 
résolue se mit à fondre en larmes 

3$7- 

G^ROLIBE 60KA PARTE ^Rçifie 
de JYaples). L^Ëmpereur disait 
qu'il y avait chez elle de Pétoffe, 
beaucoup de caractère et ane 
ambition désordonnée , 369* 

Castiglione ( Batailiedc), 
Chapitre de la campagne dlta- 
lie dicté par T^Ëmpereur, i5i, 

CÉRACHi ( Sculpteur). Avait 
projeté de poignarder le Premier 
Consul quand il poserait. -Dé- 
tails du complot, 20. 

Chevreuse ( D/Jfadame de). 
Son exil amené par son opinion. 
•• Avait rêvé de recommencer la 

Fronde, disait Na[>oléon^4^^* 

CocKBURN [Amiral^ , Présente 
sirHudson Lowe, son succès - 
senr. - Mortification , 68. Griefs 
des captifs contre lui, 71* S^en 
louent comme geôlier. - S*en 
plaignent comme hÔLe, 71 , 

Code civil. Grande part ï]uV 
prend Napoléon. • Ses diverses 



împrOTisatiODS au Conieil d'É- 
tat , a84. 

Corse ( 12e (ie ). Sa descrip- 
tion par PËmpereur. - Amour 
de KapoléoQ pour le pays na- 
tal. - L'eût deviné, disait-il , 
au seul odorat, 4^^* 

DECRia ( Duoy Ministre de la 
marine ). Constance de l'Empe- 
reur à son égard. C^est quHl 
était, disait-il, ce qn^il avait pu 
trouver de mieux, 296. Ses sen- 
timcns en i8i4* " Anecdotes, 
3oi. 

Desaix ( Général }• Nommé 
par les Egyptiens et les Aiabes 
le Sultan juste, 97g. 

DicTioNET Aire des Girouet- 
tes'. Selon TEmpereur : la d^ 
gradation de notre société , le 
code de la turpitude , }e bour- 
bier de notre honneur, 3o6« 

DoLGOROVSKi ( Princesse ) . 
Maltraitée à toit par le Premier 
Consul^ 4^3* 

Emeriau {^ Comte y yice^ 
Amiral). L^Empereur Tcût fait 
ministre, s'il Peut trouvé à U 
hauteur du poste, 297. 

Émigrés. Le Premier Consul 
avait eu l'idée d'une masse .ou 
syndicat de leurs biens reslaas 
pour leur être distribués pro* 
portionnellement^ 258. 

Espagne. L'Empereur disait 
que cette guerre Tavail per^lu. 
- Charles IV. demandait que 
rEmpereur adoptât . une llHe 
quelconque , et en (].( une priu- 
cesse des Asturics, 267. 



RAISONNÉE. 



435 



EtraiNB BbàurAlUKAts. L^Em- 
percur dit lui avoir donné plus 
de 4o millions. - Pensait avoir 
de grands comptes à régler 
•Tec lui, 97. — Dans les mi- 
eères de la révolution en ap- 
prentissage chez un menuisier , 
558 

Fanatiqub db ScH(BNBRTJN, 
Met Napoléon en grand péril. 
«* Son sang froid. - Sa férooilé, 

Favbovkg Saiict-Germaih. 
li^ Empereur pas trop dcfa'vora- 
ble, observait que les grands 
traîtres n^éiaient point partis 
de là , 399. 

FoucHÉ ( Duc tPOtrante ). 
Ses intrigues en 181 5, causes 
cle la seconde abdi<iation.- Avait 
toujours son vilain pied sali 
dans les souliers de tout le 
monde, disait TEmpereur , aS. 
Le Talleyrand des clubs, 5a. 
£&t été fidèle , si TEmpercur 
eût élé victorieux , 53. Reçoit 
dans les cent jours un agent se- 
cret de M. de Métier nich. - 
L'Empereur le découvre. - Son 
apostrophe, 54- — Conseille, 
sans mission, à Joséphine de 
dissoudre son mariage, SSg. 

Fraucb. Rapprochement de 
sa révolution avec celle d^An- 
gleterre, ^48. L^Empercur croit 
voir dans les débats du parle- 
ment d»Aiigleterre , Tarrlére 
pensée du partage de la France, 
r Ses réflexions , 587 

ÇtAntaume ( f^ice-jimiral ). 



Matelot nul et sans moyens^, 
disait TEmpereur , 397. 

GborgeCadoîtsal. Avait été 
ion prés de Napoléon , lors de< 
son complot, 19. — Détails sur la 
conspiration ,419* Son arresta- 
tion, 491. Sous le consulat Na- 
poléon le fît venir et le trouva 
constamment insensible 6 tous 
sentimens , généreux et froide- 
ment avide depouvoir , ^^"S. 

Grégoire ( Abhé), N^a qu'à 
aller & Hayti, selon TEmpereur, 
on Vy fera Pape , 596. 

GRiTRT. Obtient de TEm- 
pereur , après de langues sollici- 
tations que Ton joue Richard 
Cœnr-de-Lion. - Réflexions , 
io5. 

H.ocR'E (^Général), Portrait. 
•- D^une ambition hostile , ayS. 
Sa mort , ^76. 

. HORTBNSE BeàUHÀRNAIS , 

i^Reine de Hollande ). Dans if s 
misères de la révolution , en 
apprentissage ches une Ungèrc, 
etc. , 558-365. 

HuDSON LowE ( Goupeméug 
de Ste, -Hélène, ) Son arrivée 
à Sle.-Hélène , 58. Sa première 
visite. - N'est point reçu, 60, 
Exige des captifs des déclara- 
tions individuelles d'unir leur 
sort à celai de Napoléon, 6i. - 
81. Son introduction auprès 
de l'Empereur , 68. Son fi-r 
gnalement , 73. Insinuations 
équivoques , 107. Avait clé 
chef de haute-police , ngent 
s^ctif d'espionnage et d'cxpLaU" 



436 



TABLE 



chag« CQ Italie» 108. Sa pre- 
miére ni^chauoeU» 109. Fail 
«omparalure devant lui totw les 
clomcstiques de TEmpereor «^ 
Sa première insulte, 11 3. Sa 
première barbarie, 11 5. Goa- 
i^ersaiioa ▼ive avec TEmpe* 
rear , i45. Vent faire accepter 
fon médecin à rEmpereor, qui 
le refuse, 149. Défiance de 
rEmperénr, i5o« Veotétteas* 
snré chaque jour, par témoi- 
gnage évident , de Texistence de 
TEmpereur , si55* Prédiction 
gnr sa mémoire , 243- Ar« 
réte Ini-méme an de nos do* 
mestiqiies. - Paroles de TEo^ 
pereur h ce sujet ^ 374* Fait 
retirer et rendre plusieurs fois 
des matelots qo^on avait d<»i- 
nés aux captifs pour les servir, 
576. 

HvoeaN Lowb ( 2/cm^). Son 
portrait, 106. 

HoM^KE. Po5te ,' orateur , 
historien , législateur , géogra- 
phe, théologien, disait Napo- 
léon 9 qui le pensait inimitable , 
370. 

Ii^DEs. Projet de TEmpe- 
rcur pour une expédition dans 
celte partie du monde, 3oo. 

Jj&nOMB BOWAFA&TE ( jân^, 
eien Roi de Westphaîie ). Paro- 
les de i*Empcreur. - Au retour 
de rilc d'Elbe , avait beaucoi^p 
fvgué. > Noble et belle con- 
duite de sa femme, princesse 
de Wurtemberg ^ 570. 



Josératvx ( Impénuricê» ) 
L*£mperenr disait avoir fait 
avec elle an ménage tout à 
fait boiirgeois, 353. Un fils 
d''elle eût rendu Napoléon fort 
heureux, 354* Elle propose k 
Napoléon one grande super- 
cherie politique, 555. Avait A 
Texcés le goût du luxe, 356. On 
loi avait prédit dans son eo«- 
fance quelle porterait une cou» 
ronne. - Anecdote sur son pre. 
raier mari et la saiute-ampôule, 
556. - Son mariage avec Napo» 
léon, 357. — Se soumit de 
bonne foi an diyorce, malgré 
la peine mortelle qn^elle eu 
éprouvait, SS^. - Parlait sou- 
vent et avec amitié de Marie* 
Louise et du roi de Rome» 

- Aurait voulu venir & la Cour, 

361. - Savait mettre à profit la 
connaissance parfaite qu^elle 
avait du caractère de Napoléon, 
063. L'Empereur persuadé qu^il 
était ce qu'elle aimait le mieux, 

362. mie lui avait donné le 
bonheur.- Salait constamment 
montrée son amie la plus vraie. 

- Il disait lui avoir conservé les 
plus tendres souvenirs et la 
plus vive reconnaisaaDce, 363« 
Mettait la soumission ^ le dé- 
vouement , la complaisance, an 
rang de Tadresse politique dans 
son. sexe, 368. Blâmait et gron- 
dait sur oe point sa fille Hor- 
tense et sa parente Stéphanie, 
564. 



RAISOJSNEE. 



437 



rftft«). Anecdote sor -sa re* 
lâche h Canton, 346. 

liAs Gabes (lé comte de)» 
DécUraiioD exigée du Gouver- 
neur, 81. L'Empereur lui de- 
mande rhistoriqae de son At- 
las, 317* L'Empereur lui disait 
qu^en cas d'expatriation, son 
lot naturel était les \my8 de 
rOréooque et du Mexique, où 
les sourenirs du bon Las Casas 
notaient point effacés, 395. 

Latouchb-TrIcville {Ami- 
rmiy Fort regretté de Napo- 
léon ; lut présentait Tidée d^un 
Tral talent, agS. 

Latodr-FoissAc {Général), 
L^Empereur disait que Pacte 
cl||j Consuls qui Pavait frappé 
était indubitablement tyran- 
nique, illégal; mais qu^il avait 
été indispensable, iia. 

LiBsauir {Due de Plaifonce). 
L^Emperenr le dit Phomme 
des idéalités , 45* Napoléon se 
plaisait k reconnaître qu^l lui 
avait servi de guide h son avè- 
nement au pouvoir, ^12, 

LsFÈT&B {Madame la ma- 
réchale, ducheise de DanUick), 
Les mauvaises plaisanteries 
dont elle était Pobjet tombent 
devant Pélévation de ses sen- 
timens et la bonté de son coeur, 

347- 
Lovis Bonaparte {ancien 

roi do Hollande ). L^Emperenr 

le. disait un enfant gâté par la 

lecture de Jean- Jacques. -Son 

mariage élait le résaltat des 



intrigues de Joséphine j io4« 
L^Emperenr aurait voulu le 
marier h une nièce de H. de 
Talleyrand , 364. 

LvciBN Bonaparte {Archi* 
diacre SAjaccio, grand'Oncle de 
Napoléon )» Sa colère contre 
son neveu Napoléon. - Accusq. 
les idées nouvelles du péril de 
ses chèvres , 409. 

Lucien Bonaparte. Destiné, 
en 18 15, au gouvernement gé- 
néral de la Corse, 409. 

Macdonald {Maréchal^ duo 
de Tarente )• L^Empereur men- 
tionne sa loyauté, ado. 

Mahomet. Idées de PEmpe- 
renr ; il doutait de tout ce qu'on 
lui attribuait, io3. 

VUiXiGEKV {Général), Vénéra- 
tion qu'il a inspirée à l'enn^ni. 
-Les Autrichiens observent une 
armistice pour et$ obsèques, 

«79. 
, Marbt {Dmao de Bastano), 

L'Empereur persuadé de son 

yéritable attachement, 44* 

Masséna {Maréchal)» Anec- 
dote, 279, 

Metternich {Minisire d* Au 
triche ) . Opinion de PEmpereur, 

44. 

IVIxssiBssi ( F'iee 'Amiral), 
L*empereur le croyait peu sftr .Sa 
famille avait livré Toulon^ S97. 

Mongbt ( Maréchal), L^Em- 
perenr mentionnait son bonne-, 
teté, aSo. 

MoRALJl, Dissertations de 
l^mpereurf or différentes maxi* 



438 



TABLÉ 



mc«. - Disait que les hommes ne 
sont point si ingrats qu'on le pré- 
tend. -Combattait qne les hom- 
mes ne changent point. •»• IViail 
qne les yeux fussent le miroir 
de l'amc. - Exception , etc. 3^. 
MoREAU ( Générai) Portrait 
par Napoléon, -Le disait un gé- 
néral de monarchie, 2^6. Impli- 
qué dans la conspiration de Pi- 
ohegru. - Gouverne par^ sa 
femme et sa belle-mére. - Lettré 
caractéristique à sa femme in* 
terccptée. - Première idée de 
Napoléon est de la rendre pu- 
blique; il en est détourné par 
grandeur d^ame, 4M* 

Nàïoléoit, Description dé 
son appartement h Longwood,^. 
Détails mintaieux de sa toilette, 
ï2. Son costume à Sainte, *• Hé- 
lène, i5, — Se regardait à la 
tête de* «ffaîres, comme an mi- 
lieu des balailles dont les cons- 
pirations étaient les boulets. - 
S'aban'doBnait à son étoile, ly,- 
comptait 3o et quelques conspi- 
rationa à t»iccs authentiques. - 
En cachait autant qu^il pouvait, 
18. Complot de Georges, 19. De 
Céracbi, 20. Attentat du fana- 
tique de Scbœabrun, 22, — Par» 
tïs à prendre après Waterloo, 
SL^. Pensait qu'il eût sau>é la 
patrie, si le corps législatif eût 
voulu y concourir, 25. Avait 
été surnommé le 100 ntille hom- 
mes , 35. — N'avait ni préjugés 
ni passion. - Sa raison dictait 
toujours ses jngemens. - Gar- 
dait en lui-même les impresâions 



de la peine qu^On Ibî éaosàit , et 
les émotions de bienveillance et 
de sensibilité qu'on lui faisait 
éprouver, 37. -*- Dit que s'UeuÉ 
gagné TAmérique, eût de là 
protégé la France contre les 
réacteurs, 41 • Ses paroles suf 
les idées libérales et leur mar-> 
chë irrésistible, ^i. Dit qu'il 
avait refermé Tôutre des vents 
déchirée depuis pat. les baïon- 
nettes des réacteurs, S8. — Re- 
fuse la première visite de sir 
Hudson Lowe, 60. Remontrant' 
ces paternelles ,64» — DèsFon- 
tainebleau , avait ptevu soil 
retour en France , 66, — ■ Cop-« 
vention des souverains relative 
à sa éaptivîté, 76. Ne tojait q\i, 
deux grandes chances pour sor- 
tir de Sainte-Hélène, 70. — Dî' 
sait que dans 10 ans l'Europe 
serait toute cosaque ou tout en 
république, Bo. — Belle conver-» 
sâtion avec le colonel "Wilst, 
84. — Demandait au prîiice Ré- 
getit la liberté ou uû boutreatf, 
91. ^- porte feuille perdu à"Wa* 
terloo, 93. Au retour de MosCo\f 
est sur lé point d'être arrêté etf 
Silésîe, 95. Son compte de toi- 
lette à Sainte-Hélène bese mon- 
tait qu'à 4 ^«'P^l^^^s par mois, 
96. Songe à prendre sur Eugène 
un crédit annuel de 6 miUé 
napoléons. - Lui avait donné 
plas de 40 millions, 97. Sorf 
ameublement rue de là Victoire, 
98. Donne le prix du trÔne et 
des nmeublémens impériaux. '^ 
Détails , etc. , 98. Son faire 



RAISONNÉE; 

dans son admîoîstratîon dômes- 



ih 



tique ,99. — Disait que les 
hommes qui ont changé Inni- 
vers n*y sont jamais parvenons 
en gagnant des chefs; mais en 
remuant des masses. * C'était 
la marche do génie , io3« En ra- 
menant à la ciTilisation a rame* 
né au l»on goûi, io5. ^— Richard 
CJœur-de-lion ^ io5. — Ses pro- 
clamations en Italie, 109. Kit 
de celles qu^il avait faites en 



timens trop bourgeois sar l^ant» 
ticle des âlliances.-Son mariage 
l'avait perdu, i5i. — -Kéclusioa 
pour maladie, iSa. Disaill'mdé- 
pendance de la patrie êire aussi 
comme Thonneur unetle escar- 
pé» et sans bords, 144. Disait 
que pour avoir possédé qq trône 
et distribué des couronnes . il 
n'avait point oublié sa condi- 
tion première, 147. Ne deman-- 
dait point une maison et des 



Egypte, 110. Disait avoir été Meubles ; mais un bourreau et 
obligé de parler légèrement lui- un linceuil, 14S. Disait qu'il fau- 
même de la religion , pour pou- 



voir amener les soldats français 
h. en entendre parler , iio. Ne 
s'est jamais habillé en Musul- 
man. - N'est entré dans une 
mosquée que comme vainqueur, 
110. Disait que l'Empire d'O- 
rient et la sujétion de toute 
l'Asie eussent bien Talu un tur- 
ban et des pantalons, m.—- 
Recommande aux captifs près 
de lui d'être /rér*^, 116. — Dé- 
tails sur la guerre de Russie j 
Zife4> Parallèle de ses succès en 
Allemagne, avec ceux de«alUés 
cOntreJa France, ia8. Ses con- 
ditions après la victoire, & Aus- 
teilitz, à léna, à Wagram, 139. 
Ambitionnait d'arbitrer un jour 
la grande cause des peuples et 
des Rois, i5o. A fait la grande 
fautB à Wagram de n'avoir pas 
partagé l'Autriche en plusieurs 
royauines. - A reçu à cet égard 
des sollicitations d*nn des At- 
fthiducs, iSo* Se sentait des sen- 



dra bien qu'un historien fran- 
çais, s'il a du ccBur, lui restitue 
quelque chose. - Dit avoir ré* 
compensé tous les mérites et 
reculé les limites de la gfoir'e. 
Analyse toute son histoire en peu 
de lignes 9 aSg. Dit que le Mo - 
niteur demeureraiti sa justifica- 
tion; 243. Ses internions sur les 
émigrés , 358. — Circonstances 
heureuses qui ont concouru k 
amener sa prodigieuse carrière, 
262.' Le grand nombre de ses 
frères lui a été très-utile. - Son 
mariage avec madame de Beau- 
harnais, Ta mis en point de 
contact avec toute la noblesse, 
a65. Son origine étrangère l'a 
fait regarder comme un com- 
patriote par les Italiens , lors du 
mariage de la princesse Pauline 
et du couronnement par le 
Pape, a64* Le nom de Napo- 
léon, peu connu, poétique, est 
venu ajouter encore quelque 
chose k la grande circon$tanc« 



44o 



TABLE 



9Q5. — > AosterlUi ébranla la 
-vieille amtocratie. - Tilsit la 
ftubjogua. - Que n'est-U légi- 
time? disait- elle, a66. " Ne 
peut même, à Sainte -Hél éne , 
échapper aux suggestions du de- 
hors, 273. — Appelé à rins- 
litut le géomètre des batailles, 
le mécanicien de la victoire, 
a83. Avait présidé constam- 
ment au Conseil d*£tat, les 
•éaoces du Code Civil.- Grande 
partqu^il y prend. - Ses bril- 
lantes improvisation^! 283*—*- 
Son opinion sur la marine et 
les amiraux , «96. Avait rendu 
tous ses ministères faciles, ^97. 
-~ Se dit arrivé au trône vierge 
de tout crime. - N^aura pas à 
çraiadre de la postérité le re- 
proche d''avoir été trop mé- 
chant; mais peut-être trop bon, 
3o6. — Reçoit les passagers de 
la flotte du Bengale, 3o8. — 
Ditqu^on lui a ekivoyé à Sainte- 
Hélène, plus quun geôlier. - 
Conversation vive avec le 
gouverneur, 341* -^ Bruits 
ridicules sur lui et la Heine 
Hortease, §64* Ses paroles 
SUT les membres de sa fa- 
mille, 36o. — Dissertation sur 
des maximes de morale, 37a» 
Son jugement sur les hommes , 
373. Ses remarques sur la Bi- 
ble, 374* — Disait que la clé- 
mence était le premier donuine 
du sonveraia. QuUl ne devait 
parât Mre que comme un bien- 
fait, 38o.Se reprochait la Rcéne 



de PoruHs an conseil d^État. - 
Celle de M. G.... aux Tuile- 
ries , 38o. Questions sur le fau- 
bourg Saint-Germain. -Sur ma- 
dame de S...... 383. "— Dan- 
ger qu^il court h Saint-CIoud 
en menant une calèche , 385. A 
Auxonne en se baignant, 386. 
à Marly , à la chasse du san* 
glier , 586 —^ Si au lieu de Tex- 
pédition d^Égypte il eât fait 
celle d'Irlande on si de légers 
dérangemens n^eussent mis obs- 
tacle à son entreprise de Bou- 
logne , que serait aujourd'hui 
l'Angleterre, le Continent, le 
monde politique ? 391. — S^il 
se trouvait quelque chose en 
Europe , il le devait à la pré- 
voyance de quelques amis , 
393. S^il eût gagné l'Améri- 
que, comptait appeler à ial 
tous ses proches. - Ce fût de- 
venu le noyau d'un rassemble- 
ment national, 394* L^a évé- 
nemens de l'£^rope auraient 
groupé autour de lui 100 mil- 
lions et 60 mille individus , 
394* Disait ne pouvoir se trou- 
ver simple particulier sur le 
continent de l'Europe. -Était de- 
venu de tous les pays, 594* £ût 
pu gagner i'Amérique.-Ke pen- 
sait pas que sa dignité lui per* 
mit ie déguisement et Ja fàite^ 
395. Croyait , en s^éloignant 
lentement, devoir donner une 
grande' marque de confiance 
au peuple français. - Ne dé- 
sespérait pas de lui ètr« utile 



RAISONNÉE. 



«Doore* ^ S^il «st à Saint- 
HélènÇy c'est à oe seatiment 
qu^il le doit, 396. Ne pouvait 
•aav«r la nation qu^aTcc elle- 
même, 598? Avait porté Pin-, 
dustrie en Ffance , à on degré 
inconnu, r Était le premiev 
en France qui eût dit d^abord 
ragriculMire, puis VW^^^b^^c» 
enfin le commerce. - On lui 
doit la conquête du auorç , de 
Pindigo. - A^^i^ proposé un 
million pour celui qui eût 
trouvé à filer le lin comme le 
colon , 4^^* "~ Tous ses mëde^ 
cins le prémunissent contre le 
poison, 4<'i. — Sur la Corse et 
le pays natal. - Détails , 4^* 
Paoli le dit un homme de Plu- 
larque , 4^* Dans sa jeunesse 
avait écrit une histoire de 
Corse , qui se trouve perdue , 
407. — • A Fontainebleau eût pu 
9e réserver ce qu'il eût voulu ; 
rhumcur du moment le décida 
pour rile d'Elbe, 4ii. Se dit 
upe parcelle de rocher lancée 
dans Tespace. - N'*avoir pas 
regretté la perte do trône. - 
Sous son consulat ne veut pas 
admettre les faiseurs d'affaires 
dans la société dep Tuileries. - 
Difficulté pour la composer. 



4ti. Trouvait moins d*embar« tait pas 9a translation enFran- 



ras & son retoor de Tlle d'Elbe , 
la disait toute c omposée de ce 
qu'il appelait ses veuves : marér 
chale Duroc, duchesse distrie, 
etc. , e(p. , 4i4* Conspiration 
de George, 4? 9* 

3. 



If ARBONVB ( Le] comte de ). 
I/£mpercur disait qu'il était 
le seul qui eut mérité le titre 
d'ambassadeur. Napoléon Tan 
mait beaucoup et le regretta 
vivement , 95. Par une biiar- 
rerie ringulière, ses.talens ont 
contribué à la perte de Napo^ 
léon,-95. 

O'msàra ( Médecin deVBm^ 
pereurà Samte-Hélène'),'Exç\\'' • 
cation qui lui est demandée pat. 
l'Empereur. - Sa réponse fran-^ 
obe et droite, a55. 

Paoli. Paroles sur Napoléon, 
4o6« Sa mort. - Regrets de Na- 
poléon de ne Tavoir pas fait 
rentrer en France, 409. 

Paeis. L^Empereur disait que 
nulle part on ne trouvait plue 
de goût ni aotant d'esprit, 58o. 

Pjbiiixs ( Inégalitée des )^ 
Sujet débattu, 3i3. 

Pease. L'Empereur avait 
voulu la faire servir à înquiér 
ter la Kussie, i33. - Asker-r 
Kan. - Son ambassade à Paris, t 
Détails, 154. Anecdotes i38. 

PicBSOEU ( Général ). Son 
arrestation -. Infamie de celui 
qui le livre, 4a 1. 

Pi£ VU. Avait du penchant 
pour Napoléon j ne loi impu- 



ce. • Paroles de loi à Lucien , 
lors du retour de File d*£lbe, 
a65. 

Physiunomie. Paroles de 
l'empereur sur divers.-Le chat- 
tigre. - L^foeil de pie, etc. 4^1. 

28 



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